Archives mensuelles : octobre 2009

Cet autre 14 juillet 2009 (merci à Raton Laveur)

Sans l’un des lecteurs réguliers de ce blog – Raton Laveur-, je n’aurais jamais découvert une dépêche de l’AFP datée du 14 juillet passé. Souvenez-vous – cela ne coûte rien – qu’en 1789, une poignée de grands délirants, dont certains étaient sûrement ivres de mauvais vin, s’attaquèrent à une prison parisienne. La suite est assez connue, qui donna naissance au mythe de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Bien entendu, ce n’était pas sérieux. Enfin, voyons : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits ».

Il n’empêche. La blague étant savoureuse, elle fit rire des générations entières, dont certaines, l’arme au poing, la prirent pourtant au pied de la lettre. Venons-en aux faits d’aujourd’hui. Il existe sur le net un site dédié au landgrabbing, que je vous invite à visiter au plus vite (ici). Il vient d’être créé par une ONG parmi les plus intelligentes au monde, Grain (ici, en français), et vous serez probablement parmi les premiers à y jeter un œil en France.

Le landgrabbing est un crime moderne contre l’humanité souffrante. Il s’agit de l’accaparement des terres dans les pays du Sud par des sociétés transnationales du Nord, des pays émergents – la Chine -, des pétromonarchies sans terre comme le Qatar ou l’Arabie Saoudite. Ces très braves gens achètent des terres arables par millions d’hectares. Pour spéculer. Pour assurer leur consommation – de viande, surtout – à long terme. Par détermination stratégique, chez ceux qui ont compris que l’avenir appartient aux terres agricoles.

Bref. Un crime épouvantable de plus, qui se marie avec celui des biocarburants. Admirablement, je dois le dire. Je vous laisse lire la dépêche AFP avec laquelle j’ai commencé ce billet. Elle est datée,  je radote affreusement, du 14 juillet, qui laissa des souvenirs et d’infinis regrets. Lisez.

DELTA DE LA RIVIERE TANA (Kenya) « Nous pouvons être expulsés à n’importe quel moment. Ils vont devoir assécher la zone et tout ce qu’il nous restera sera la pauvreté ». Bernard Onyongo, pêcheur de 65 ans, voit son mode de vie menacé par la ruée sur les terres arables africaines. Confrontés à un projet agricole qatari et trois autres de bio-carburants sur des dizaines de milliers d’hectares, Bernard et 20 000 villageois du delta de la rivière Tana, au nord-est du Kenya, ont fait ces derniers mois l’amère découverte d’un phénomène mondial, le “land grabbing” ou accaparement de terres.

Une ressource vitale et abondante, l’eau, a modelé dans cette région du nord-est du Kenya un paradis terrestre, exemple rare d’harmonie entre l’activité humaine – pêche, agriculture, élevage – et une faune sauvage foisonnante d’hippopotames, crocodiles et autres oiseaux. Ce fragile équilibre est menacé de mort par plusieurs projets du gouvernement kényan et de compagnies étrangères qui veulent y cultiver de la canne à sucre et du jatropha pour produire des bio-carburants. Le plus avancé est mis en oeuvre par la principale compagnie sucrière kényane, la Mumias Sugar Compagny (MSC), en collaboration avec l’agence gouvernementale de gestion du site.

De même, un protocole d’accord passé fin 2008 entre le Kenya et le Qatar, confirmé à l’AFP par une source à la présidence kényane, prévoit l’allocation au Qatar d’environ 40 000 hectares pour des fins agricoles en échange de la construction d’un port moderne sur l’île voisine de Lamu. Si les communautés locales affirment ne pas être opposées par principe à ces projets susceptibles de générer des revenus, elles rejettent catégoriquement celui de la MSC, qui entraînerait selon elles le déplacement de 22 000 villageois et l’assèchement des terres humides. En dépit du soutien d’ONG kényanes, elles ont perdu leur première bataille : la Haute cour de Malindi (est) a rejeté leur plainte courant juin, permettant de fait la reprise du projet gelé depuis fin 2008.

Les habitants du delta ne sont pas les seuls concernés par ces projets: la rivière Tana et un réseau complexe de petits lacs attirent des dizaines de milliers de têtes de bétail du grand nord-est Kényan à la saison sèche. « Depuis de nombreuses années, le delta est utilisé par les pastoralistes pour les pâturages, surtout en saison sèche. Si vous enlevez le delta (…), leur mode de vie disparaîtra », résume Hadley Becha, président d’une ONG environnementaliste, la East African Wildlife Society. « Le bétail n’aura d’autre endroit (de pâturage) qu’une fine bande entre la rivière et le projet. (…) Les crocodiles vont se retrouver concentrés dans la rivière, une situation dangereuse pour les troupeaux et les humains », s’alarme Maulidi Kumbi Diwayu, responsable associatif local.

Au coeur de ce litige figure la question, centrale au Kenya, de la propriété foncière: l’ultra-majorité des populations locales Orma ou Pokomo n’a pas de titre de propriété et l’Agence (gouvernementale) pour le développement des rivières Tana et Athi affirme être le vrai propriétaire foncier. Rares sont ceux – à l’image du chef de village de Didewaride, le septuagénaire Worede Dela Godana Jara – à pouvoir exhiber un titre de propriété délivré en 1923 à son aïeul par l’administration coloniale britannique… Reste un mince espoir pour les communautés locales: leur site pourrait être prochainement classé au sein de la Convention internationale « Ramsar » sur les zones humides qui, sans exclure les projets agricoles, prévoit une gestion durable des ressources naturelles.

(©AFP / 14 juillet 2009 09h34)

4 je kontre et les biocarburants (des paysans haïtiens nous appellent)

Que vous dire d’un tel pays ? Hispaniola – nom hideux donné par le colonisateur – est une île caraïbe séparée en deux. À l’est, la République dominicaine, où les petits-bourgeois de chez nous viennent se bronzer le cul pour trois euros. C’est la partie « blanche » et métisse de l’île, où sévit un racisme inconcevable contre les Haïtiens qui passent l’improbable frontière coupant Hispaniola en deux. Car Haïti est l’autre bord, côté ouest, de loin le plus pauvre, où des Noirs désespérés tentent de survivre sur une terre dévastée. Une absence de terre et d’arbres, dévastée par une crise écologique dont nul ne voit l’issue.

Attention les yeux ! Ce qui suit est ordinaire : trois Haïtiens ont été retrouvés brûlés et décapités au fond d’un four à charbon de bois, côté dominicain. Pas en 1824, non. Il y a moins d’une semaine. Il est bien rare qu’on retrouve jamais le nom des victimes de ces massacres. Mais comme il y a un rescapé, très gravement blessé, je peux au moins vous donner son identité : Mesilis Desil. Pourquoi avoir tué les autres ? On suppose qu’ils venaient de couper un peu de bois pour en faire un charbon. Voilà bien des informations du monde réel que l’on chercherait en vain dans la presse de nos vertueux pays du Nord, n’est-ce pas ?

Si j’évoque ce fait presque banal, c’est pour la raison que je pense à Haïti. Mais oui, on a le droit. Le 16 octobre dernier, jour mondial de l’Alimentation, des organisations paysannes haïtiennes sont venues déposer à Port-au-Prince, la capitale, « 31 198 signatures, contre le projet d’implantation de la plante jatropha sur les plantations paysannes nationales (ici) ». Pour l’occasion, un collectif a été créé, qui s’appelle 4 je kontre. Ce mot kreyòl, du créole haïtien, signifie la puissance de deux paires d’yeux – 4 – qui convergent. Et en effet, même si les paysans sont tenus pour moins que fétus de paille, ils gardent des yeux pour voir et comprendre. Que disent-ils donc ? Qu’ils ne veulent pas qu’on plante du jatropha destiné aux biocarburants chez eux. Nulle part.

Je rappelle que des merdeux du Nord vantent le Jatropha comme une plante miraculeuse, se contentant de sols arides, mais permettant de superbes cultures destinées à la fabrication de carburants automobiles. Ils tiennent là un argument de propagande, de même nature que ces biocarburants de deuxième génération, qui ne verront peut-être jamais le jour. Ceux de Haïti savent à quoi s’en tenir. Voici leurs propres mots, en kreyòl : « Ti moso tè peyi d Ayiti, zansèt nou yo te kite pou nou an, dwe pwodui manje natif natal pou nouri popilasyon an ! ». Ce qui veut dire que les terres léguées par les ancêtres doivent servir à l’agriculture vivrière, pour nourrir la population locale. Et ils ajoutent: « Pwodiksyon agwokabiran Non ! Aba pwodiksyon gaz pou tank machin lòt bò dlo ! ». Ce qui signifie qu’ils sont contre la production de biocarburants (agwokabiran), ces biocarburants destinés aux bagnoles des pays du Nord, les nôtres.

Le Jatropha, que ces gueux appellent gwo metsiyen, entraîne fatalement, selon eux, destruction du milieu naturel, hausse du prix de la terre, et donc augmentation du prix des aliments, sans compter l’expulsion des paysans les plus vulnérables. On cultive déjà du jatropha dans le nord, le nord-est et le nord-ouest d’Haïti, sur des terres considérées là-bas comme « riches ». Susceptibles en tout cas de nourrir des paysans pauvres qui claquent du bec. L’université néerlandaise de Twente (ici) a montré qu’un litre d’éthanol (biocarburant) tiré de la betterave consomme 1 388 litres d’eau. Pour produire la même quantité de biocarburant, le jatropha en épuise 19 924 litres. Quatorze fois plus ! Si l’on ajoute à ce bilan lamentable que les rendements de jatropha quadruplent grâce à l’irrigation – ces crapules vont-elles se gêner ? -, que reste-t-il de la fable criminelle selon laquelle cette plante se contente de sols pauvres et en tout cas arides ? Rien. Rien. Foutus salauds.

Je ne suis pas en train de me jouer un mauvais film Nord-Sud, non pas. Il existe en Floride, au pays de la coke, des yachts, et des fêtes galantes, une société (ici) qui s’appelle Haitian American Agro Industries, Inc. Si vous allez sur leur site, vous verrez comme avancent leurs beaux projets. Il y a, il y aura de plus en plus de jatropha en Haïti, tandis que toujours plus d’esclaves de ce pays mourront sous les coups des maîtres dominicains, de l’autre côte de la frontière. Ou bien sous l’implacable soleil qui fait si bien pousser les biocarburants. Je hais ce monde.

PS : Ça fait chier, oui j’écris bien chier, ça fait chier d’écrire des textes qui ne servent à rien, ou si peu. En octobre 2007, il y a donc deux ans, je publiai chez Fayard un pamphlet contre les biocarburants (La Faim, la bagnole, le blé et nous). Je me cite, pardonnez : « Au fait, le saviez-vous ? La Jatropha est une plante exceptionnelle pour fabriquer des biocarburants, et je gage qu’on ne tardera pas à en reparler. Dans le genre, une mention spéciale pour Jatropha phyllacantha, plante du Brésil. On l’appelle aussi favela, comme les gentillets bidonvilles de là-bas. Drôle, non ? ».

Il y a deux ans, si vous saviez les quolibets que j’ai reçus ! Et les regards apitoyés de ceux, confrères journalistes en tête, qui ne se privaient pas de considérer mon texte comme un brûlot, indigne du noble mot d’information. Où êtes-vous aujourd’hui, tristes salopards ? 

 

J’ai du bol (Michel Pascal m’envoie ses textes)

Quel veinard je suis ! Alors que le texte n’est pas encore sorti dans le numéro de novembre-décembre de la revue Pour la science, je peux déjà le lire en exclusivité planétaire. Il s’agit d’un article appelé Dans les îles, éradiquer pour protéger ? Il faut dire que je connais l’un de ses auteurs, Michel Pascal, l’un de nos grands biologistes, chercheur en écologie à l’Inra de Rennes. C’est un homme fort plaisant, je vous l’affirme, bien que son surnom de Ratator puisse étonner, avant de déranger un peu.

Au cours de missions menées sur l’île de Beniguet, dans l’archipel de Molène – cet endroit est d’une beauté qui défie par avance toute description -, il y avait un type qui fournissait l’équipe présente en bars, poissons d’une saveur grandiose. Et ce gars avait gagné dans l’opération le surnom de Barator. Du coup, les salariés de l’Office national de la chasse (ONC) présents sur Beniguet jugèrent bon d’appeler Pascal Ratator, sobriquet qui lui est resté. Mais pourquoi diable Ratator ? Parce que Pascal, entre autres savoirs très particuliers, débarrasse les îles des rats que les hommes y ont laissés au fil de leurs innombrables aventures.

Ce n’est pas un travail joyeux. Et tel est pourtant le sujet de l’article à paraître dans Pour la science. Mais d’abord, faisons le savant. Il y aurait 180 000 îles sur la planète, desquelles on exclut l’Australie, si vaste qu’elle est un continent. La plupart sont petites, voire minuscules, mais si l’on additionne la totalité de leur littoral, on obtient l’extravagante longueur de 1,1 million de km, soit deux fois celle des continents. Les îles n’occupent que 6,6 % des terres émergées, mais les deux tiers de la zone de contact fabuleuse entre terre et mer. Voilà qui change la perspective, non ?

Si. Je réponds de moi-même si. Au cours des cinq siècles passés, nous avons introduit sans y penser, et entre autres, Rattus rattus et Rattus norvegicus dans 82 % des archipels de la planète. Le premier, c’est le rat noir, qu’on trouve par exemple dans les arbres de Port-Cros. On ne présente plus le second, qui n’est autre que le surmulot, autrement dit le rat d’égout. Je n’évoque les rats que pour me faire comprendre sur l’instant. Bien entendu, nous avons aussi emporté dans nos bagages des animaux comme le chat – les îles Crozet en sont pleines -, le chien, la petite mangouste indienne.

Les déséquilibres qui ont suivi sont-ils réversibles ? Parfois, mais rarement, oui. Sur des îles de taille modeste, on peut éradiquer – c’est le mot, désolé pour nous tous -une population animale importée par les activités humaines. Une telle préoccupation est très récente : en France, la première opération attestée date de 1951, à l’île Rouzic. Rouzic fait partie de l’archipel des Sep-Îles, au large de Perros-Guirec. Au mitan du siècle passé, le rat surmulot, qui surabondait, menaçait de mort les colonies d’oiseaux marins. Sans rien dire à personne, des scientifiques glissèrent à des scouts – aux innocents les mains pleines – des appâts empoisonnés à la strychnine. Et ainsi disparut le surmulot de Rouzic.

Qui va faire un tour là-bas au printemps – j’y suis allée trois fois, ce me semble – est stupéfait de voir l’île comme enneigée de flocons blancs. De près, c’est encore plus renversant, car 19 000 couples de fous de Bassan y nichent, bon an mal an. Sans les scouts, sans la strychnine, le spectacle serait sans aucun doute différent. Où veux-je en venir ? J’aimerais bien le savoir. Oh oui, j’aimerais ! Ce que je peux confesser sans trop de peine, c’est que je souhaiterais voir la roue tourner sur son axe, en marche arrière ! Oui, je le confesse : en arrière. Et que les destructions opérées par notre espèce insouciante et imbécile soient tour après tour effacées.

Mais ce n’est que fantasme, je le sais. En attendant, il faut vivre avec ce qu’on nous offre. En donnant quand c’est possible un coup de pouce au destin ? C’est la question de ce jour, amis de Planète sans visa. Quelle que soit la réponse, on ne gagne rien. Rien d’autre qu’un moment passé ensemble, à réfléchir aux blessures que nous laissons derrière nous. Ce qui n’est, après tout, pas si mal.

PS :  Je me dois de signaler cet excellent livre paru aux éditions Belin, Invasions biologiques et extinctions (11 000 ans d’histoire des vertébrés en France). Ses auteurs ? Outre Michel Pascal, Olivier Lorvelec et Jean-Denis Vigne. C’est une somme, et elle passionnante. Je regrette juste, comme si souvent, le prix de 34 euros, qui en fera fuir plus d’un.

Réponse complète d’un qui chie dans les copeaux

Mon papier d’hier consacré à l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes et au maire de Nantes, Jean-Marc Ayrault, m’a valu ce matin un commentaire que je qualifierai de courroucé. Il émane d’un monsieur Michel Fontaine, dont j’ignore tout. Mon petit doigt me dit qu’il ne déteste pas monsieur Ayrault. Je laisse le commentaire à sa place, mais le mets également ici, en article, car j’ai finalement décidé d’y répondre après qu’un ami de passage eut estimé que cela pourrait valoir la peine. Je ne sais pas trop, vous jugerez. Or donc, la lettre 1 est celle de cet excellent monsieur Fontaine. La lettre 2, si brève, est une moquerie de votre serviteur. La lettre 3 est une moquerie, plus longue, et toujours du même. Bien à vous.

Lettre 1 : De Michel Fontaine à Fabrice Nicolino

Votre “papier” est bourré d’inepties, de contre vérités, de désinformation, de mauvaise foi et de méconnaissance flagrante… Sans parler de la ligne jaune de la diffamation qui est à deux doigts d’être franchie. C’est là votre habitude, prêcheurs de décroissance, défenseurs du repli sur soi et de l’autosuffisance (et de la suffisance, vous en avez à revendre!).

1.vous parlez d’un deuxième aéroport. C’est faux. C’est un déménagement, point.

2. vous parlez de 2000 hectares. C’est n’importe quoi. Ce sont 1000 hectares qui ont été acquis depuis 35 ans pour le projet d’aéroport, 1000 hectares qui sont à mettre en perspective avec les 900 hectares d’espaces naturels à protéger acquis par le département.

3. “bocage d’une qualité exceptionnelle” : laissez-moi rire! Le choix du site de Notre-Dame des Landes a été très largement fait à cause de son faible potentiel agricole. Le terrain est caractérisé par l’acidité des sols et leur pauvreté minérale, la basse végétation composée de bruyères et d’ajoncs…

4.”Ce territoire semi-naturel abrite de vrais paysans, de vrais oiseaux – dont la chevêche d’Athéna, l’engoulevent, le busard Saint-Martin -, de vrais mammifères, d’authentiques insectes, tels le pique-prune et le lucane cerf-volant” dites-vous. Et le lac de Grand-Lieu, dont vous ne connaissez probablement pas l’existence, en bout de piste de l’aéroport actuel, survolé par 23000 avions chaque année, vous y pensez? Est-ce à moi de vous informer que ce lac est présent depuis l’ère quaternaire, classé Natura 2000, réserve régionale ET réserve nationale, et que son survol quotidien relève proprement du scandale?

5.Les attaques personnelles: doit-on rappeler que ce projet a été initié et est porté par l’Etat, et pas Jean-Marc Ayrault, au demeurant excellent maire de Nantes (au passage, vous feriez bien de vous informer: groupe socialiste et groupe radical et citoyen, c’est… le même)? Que la gauche comme la droite, l’Etat, le conseil général, le conseil régional, le soutiennent? et que cela fait 35 ans, 35 ANS que les terrains sont réservés à cette fin?

6. Les fameux “pilotes anonymes”: et la déontologie journalistique là-dedans? sont -ils si ignorants qu’ils doivent se cacher dernière l’anonymat? car leur “témoignage” est, lui aussi, bourré d’erreurs tellement énormes qu’on peut aller jusqu’à douter de leur existence! exemple: Il n’y aura pas 2 pistes à Notre-Dame des Landes pour des raisons de trafic, mais pour ne pas survoler de bourgs. Car oui, figurez-vous que l’aéroport de Nantes actuel est dangereux. 13000 avions survolent chaque année le centre-ville à très basse altitude, une minute seulement avant de toucher la piste. Il y a un gratte-ciel, la Tour Bretagne, dans l’alignement exact de la piste. A une minute de la piste. Et cela empêche, contrairement à ce que disent les “pilotes”, l’installation d’un ILS. Il y a quelques années, un avion s’est perdu, et a rasé des immeubles. Il avait confondu la piste avec l’Erdre, rivière qui traverse la ville!

7. Pour finir, Nantes n’est pas “chef-lieu de la Loire-Atlantique”. C’est la 6ème ville de France. Une des villes les plus attractives et dont la population explose. La préfecture de la région Pays de la Loire et, avec le duo qui est en train de se mettre en place avec Rennes, l’indéniable, irréfutable moteur du Grand Ouest .

Non monsieur, tout le monde ne souhaite pas revenir aux peintures rupestres, chier dans des copeaux et ne pas voir plus loin que le fond de son potager. Oui monsieur, le déménagement de cet aéroport dangereux et inadapté est une bonne chose, pourvu que des garanties environnementales soient données pour le nouveau. Et c’est justement le cas!

 

Lettre 2. De Fabrice Nicolino à Michel Fontaine

Cher monsieur Fontaine,

Vous êtes presque aussi drôle que monsieur Ayrault. Presque. Ne me dites pas que vous faites un concours, surtout ! Bonne journée,

Fabrice Nicolino

Lettre 3 : de Fabrice Nicolino à monsieur Fontaine

Cher monsieur Fontaine (bis),

Un ami de passage chez moi me recommande de vous répondre en détail, et je me laisse tenter. Allons-y donc !

1/ Vous faites très fort ! Construire un deuxième aéroport ex nihilo ne serait pas construire un deuxième aéroport, au motif que l’on abandonnerait – éventuellement – le premier. Je ne vous présente pas Ferdinand Lop, je pense que c’est inutile.

2/ L’emprise du projet est de 1650 hectares, compte non tenu de divers aménagements, notamment routiers. Dans ces conditions, ai-je eu à ce point tort de parler de 2 000 hectares quand vous-même, par extraordinaire, en restez à 1 000 ? Une expérience ancienne m’a conduit, allez savoir pourquoi, à constater que les aménageurs, une fois en place, ont une tendance irrépressible à s’étaler. Mais les vôtres doivent être différents.

3/ Votre ignorance en matière de biologie entrouvre des portes sur l’inconnu. La vie dans sa diversité restera, croyez-moi, indifférente à vos savoureuses considérations sur l’acidité supposée des sols. Et je vous invite charitablement à vous informer sur ce qu’est un bocage préservé. Il n’en reste que peu de cette taille dans la partie Ouest de la France. Est-ce bien de ma faute ?

4/ Quel magnifique argument ! Si je vous ai bien compris, parce que Grand-Lieu, lac auquel j’ai consacré de nombreux articles, est survolé par quantité d’avions, il faudrait en faire autant à Notre-Dame-des-Landes ? Vous pensez bien que je vais de ce pas noter cela dans mon carnet à citations.

5/ N’y touchez pas, il est à moi ! Eh, je vous laisse volontiers votre député-maire, savez-vous ? On n’aurait plus le droit d’attaquer des hommes politiques qui nous plongent dans le délire prévisible du chaos écologique ? Mais vous rêvez éveillé, savez-vous ? Toute l’histoire du mouvement démocratique réel est faite d’attaques contre les responsables politiques, et vous voudriez les arrêter ? Bon courage, monsieur Maginot ! Si monsieur Ayrault se juge diffamé, qu’il m’attaque en justice, cela ne me pose aucun problème. Soyez certain qu’en ce cas, le spectacle sera magnifique, et comptera de nombreux personnages, dont certains inattendus.

Par ailleurs, voyez que ma mauvaise foi n’est pas totale. Je vous donne raison. Comme si souvent, et c’est un tort, je suis allé trop vite. La vérité est que votre monsieur Ayrault a été président du groupe socialiste à l’Assemblée de 1997 à 2007, puis président d’un groupe plus vaste incluant notamment les radicaux. Quel homme !

6/Ah ! battez-vous avec eux, pas avec moi. Incapable que vous êtes de discuter les évidences proférées par ces pilotes, vous préférez croire à leur inexistence. Vous savez quoi ? Je pense qu’un complot se trame contre votre ami Ayrault, qui inclut Ouest-France, brûlot bien connu et agitateur de l’anti-France. Portez plainte ! Portez plainte !

7/ Emporté par votre élan patriotique, voilà-t-y-pas que Nantes ne serait plus chef-lieu de la Loire Atlantique. On voit bien comme ce terme vous chagrine, vous qui rêvez développement, Europe, infrastructures, explosion et moteur(s). Eh bien, redescendez une seconde parmi nous. Chef-lieu de la Loire Atlantique, mais oui.

Enfin, ô étrangeté radicale, vous l’homme pondéré, vous vous mettez à vitupérer et à insulter tel un Nicolino. Ne pensez-vous pas à la peine que vous faites aux écologistes dans mon genre et à leur famille ? Les peintures rupestres, passe encore ! Je vous félicite même pour ne pas avoir utilisé cette image galvaudée de la bougie. L’important n’est-il pas que nous soyons relégués dans les cavernes, en compagnie des bêtes sauvages avec lesquelles nous copulons dans l’ivresse ? Chier ? Vous avez dit chier ? Autrement dit, vous avez le droit d’être grossier pour la raison éclatante que vous incarnez tout à la fois la gauche et le progrès humain. Et je devrais m’excuser, moi, de m’être moqué publiquement de votre héros ? Eh bien, cher monsieur Fontaine, je crois bien que vous allez devoir attendre un moment. Les chiottes sont au fond de la cour. Bien à vous,

Fabrice Nicolino

Jean-Marc Ayrault chef d’escadrille (l’aéroport de Nantes)

N’insultons pas, n’insultons pas, n’insultons pas. Vous m’excuserez sans doute, mais il me faut parfois reprendre ma respiration. Je n’insulterai donc pas monsieur Jean-Marc Ayrault, député-maire de Nantes, et socialiste pardi. Et je ne ferai aucune allusion à cette blague de deuxième zone selon laquelle si tous les cons volaient, il ferait nuit. Et non plus à cette autre qui prétend que dans le cas où les…disons les imbéciles s’amuseraient à survoler les cieux, certains d’entre eux seraient fatalement chefs d’escadrille.

Ces plaisantes précautions étant prises, passons aux choses sérieuses. À Nantes et dans toute sa région, une coalition d’élus de gauche et de droite exige désormais un second aéroport pour le chef-lieu de la Loire Atlantique. Prévu autour de Notre-Dame-des-Landes, ce nouvel aéroport engloutirait 2 000 hectares d’un bocage d’une qualité exceptionnelle dans l’ouest de la France. Ce territoire semi-naturel abrite de vrais paysans, de vrais oiseaux – dont la chevêche d’Athéna, l’engoulevent, le busard Saint-Martin -, de vrais mammifères, d’authentiques insectes, tels le pique-prune et le lucane cerf-volant.

Donc – mon énervement revient à vive allure -, des soudards veulent à nouveau détruire. Leurs raisons avouées sont si grotesques qu’elles sont ridiculisées même par des pilotes professionnels. Dans le quotidien Ouest-France du 6 octobre (ici), deux d’entre eux se moquent ouvertement des politiques – Ayrault en tête – qui veulent ce foutu aéroport. Attention aux éclaboussures, car elles ne doivent pas sentir la rose. Question : « Que pensent les pilotes du projet d’aéroport à deux pistes parallèles envisagé à Notre-Dame-des-Landes, au nord de Nantes ? ».

Réponse : « Ça ricane. On se moque des hommes politiques décidés à construire un projet pharaonique, un grand aéroport de l’Ouest à quatre millions de passagers, dans un contexte où, au mieux, hors crise, le trafic en Europe ne progresse que de 1 %. Contrairement à l’Asie, qui fait des scores à 5 % et plus ». Attendez la suite : « À Londres-Gatwick, le dixième aéroport du monde, qui accueille 34 millions de voyageurs, il n’y a qu’une piste, comme à Nantes, où on n’en a que 2,7 millions. Et ne parlons pas de Genève, où l’on n’a qu’une piste et du relief autour ». Une dernière, pour la route, avant que vous ne lisiez le tout, comme je vous y invite : « Deux pistes, c’est du délire ! Le trafic ne le justifie pas. Il y a plein d’endroits où les pistes moisissent. À Bordeaux, on n’utilise plus la deuxième piste. À Metz-Nancy, on a une piste magnifique créée il y a quinze ans, mais personne n’y va ».

Bon, bon, bon. Je dois ajouter que les deux pilotes ont choisi l’anonymat. Ouest-France étant un journal très respectueux des lois et des hiérarchies, je ne doute pas une seconde des propos tenus et de la qualité de pilotes de ceux qui les ont prononcés. Mais alors, dites, nous en sommes donc là ? Des professionnels, sachant de quoi ils parlent, se cachent pour parler d’un projet lamentable qui pourrait engloutir des milliers d’hectares de nature et des milliards d’euros d’argent public ? Nous en serions là ? Possible. Probable.

Et nos élus ? Oui, il convient, en bon démocrate que je suis, de donner la parole à Jean-Marc Ayrault, apparatchik et cumulard incomparable. Jadis professeur d’allemand, Ayrault est à la fois maire de Nantes – près de 300 000 habitants -, député, président de Nantes Métropole – 24 communes et 580 000 habitants -, président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, président du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche de cette même Assemblée. Ce monsieur est un génie méconnu, un magicien digne du grand Houdini, un être venu d’ailleurs, capable de distendre les frontières du temps.

(Ci-contre, Harry Houdini en 1899. Toute ressemblance avec Jean-Marc Ayrault serait l’effet de quelque facétie de très mauvais goût. Par chance pour vous, je n’en suis pas encore là.)

Alors, que nous dit ce cher monsieur Ayrault ? Interrogé par l’inévitable Ouest-France, not’ bon maire déclare : « J’attends de l’État qu’il fasse les bons arbitrages, et de François Fillon qu’il ne laisse pas tomber l’Ouest ». Je contextualise, comme il faut dire quand on veut paraître sérieux : il n’y a pas de blé pour faire cette si belle installation, et l’État a intérêt à banquer. Mais vite ! Car Fillon n’est pas immortel, du moins en tant que Premier ministre. Or il a longtemps été président du Conseil régional des Pays de la Loire, région où se trouve Nantes, et cela crée des liens, par-delà les dérisoires oppositions politiques.

Admirez le ton d’Ayrault ! Il ne faut pas laisser tomber l’Ouest. Si pas d’aéroport, plus d’Ouest. Que claquent les dents des grabataires, s’ils en ont encore ! Plus d’Ouest ! Parce que l’État, ce vilain, ne voudrait pas payer. Pour être bien sûr qu’on a tous compris, Ayrault ajoute, sublime : « Aujourd’hui, alors que l’effet TGV s’estompe, l’avenir se joue sur quelques dossiers stratégiques pour lesquels nous devons être intransigeants et combatifs ».  Oh, mais c’est merveille. L’effet TGV s’estomperait ! Il faudrait donc faire plus, dépenser plus, aller plus vite et plus loin jusqu’au fin fond de la crise écologique planétaire. Vous savez quoi ? J’admire les visionnaires. Je me figure Ayrault avec un beau képi à jugulaire, tapi dans une casemate de la ligne Maginot, tandis que les blindés allemands de Guderian passent tranquillement à travers les Ardennes. Ô mânes de Gamelin! Ô grand général français de la débâcle de mai-juin 40, tu n’es pas mort pour rien. La descendance est là.

Et bien là. Dans la foulée du chef, 18 élus de la région sont montés au front, sous la mitraille. Lisez, je vous prie, c’est grand-guignol (ici). Ayrault à nouveau, qui souhaite « remettre un peu de rationalité dans un débat qui déclenche beaucoup de passion et de désinformation… On veut faire peur, mais le transfert de cette plateforme, l’une des six plus importantes de France, est indispensable…». IN-DIS-PENSA-BLE, père Ubu, j’allais justement le dire. Charles Gautier, maire de Saint-Herblain : « L’événement le plus important depuis cinq ans dans la métropole nantaise a été la conférence Nantes-Rennes… Et dans ce rapprochement, l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes est une pièce maîtresse du dispositif ».

Pièce maîtresse, dispositif : vous voyez bien que ces gens sont des militaires en mission commando. Sachez qu’en conséquence, il n’y aura pas de prisonniers. Et la victoire sera donc complète, ou la déroute totale. Je constate, non sans un sourire en coin, que cette grande offensive industrialiste et dévastatrice est pour l’heure menée par des élus de gauche. La gauche, les amis ! La gauche ! Le progrès, il n’y a que cela de vrai.

PS : Quel est le moteur, à explosion bien sûr, d’un Ayrault ? Oui, quel peut bien être ce moteur-là ? À part le bien public, évidemment. Alors ? Hum, pour être sincère, je ne suis sûr de rien. Et si c’était seulement le plaisir si répandu de déposer sa crotte là où tout le monde pourra la voir ? Et si c’était seulement le bonheur de se dire : moi, moi, moi ? Mais j’oubliais le fabuleux destin de l’Ouest, où ai-je la tête ?