Archives mensuelles : novembre 2012

François de Rugy le supplétif d’Ayrault (à Notre-Dame-des-Landes)

Je disais il y a peu ici, à propos bien sûr de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes : « Dans cette hypothèse […] nous allons voir apparaître d’autres contre-feux, d’autres propos manipulateurs, d’autres pseudo-héros fatigués de la bagarre, appelant au calme et à la concertation ». Eh bien, cela n’a pas tardé, comme on va le voir si l’on est patient.

Je ne connais pas François de Rugy, et sans souhaiter vexer quiconque, il ne me presse pas de le rencontrer. Ce monsieur est jeune encore – il est né en 1973 – et il est déjà un solide apparatchik de la politique. Dès 1991, il rejoint Brice Lalonde dans la goûteuse comédie appelée Génération Écologie, largement téléguidée, comme tant d’autres petites aventures de l’époque, par Mitterrand lui-même. En 1997, sans doute pour une excellente raison, il entre aux Verts au moment où le PS s’empare de Matignon – Jospin – et distribue quelques miettes de pouvoir au parti de Dominique Voynet.

Dès 2001, il est conseiller municipal de Nantes, sous une mandature Ayrault – le Premier ministre n’a lâché son poste de maire de Nantes, gagné en 1989, qu’en mai 2012, au bout de 23 ans – et devient maire-adjoint chargé des transports et l’un des vice-présidents de la communauté urbaine Nantes-Métropole. Autorisons-nous un premier éclat de rire libérateur. De Rugy, écologiste officiel, a mené au nom de la ville de Nantes la politique des transports. Autrement dit, fatalement approuvé les orientations de Jean-Marc Ayrault dans ce domaine qui inclut, aux dernières nouvelles, le transport aérien, donc Notre-Dame-des-Landes.

En 2007, il est l’un des députés élus sous l’étiquette Verts, et il sera réélu en 2012. J’ajoute qu’il n’est nullement secret que de Rugy se voyait déjà ministre de Hollande. On peut lire dans Presse Océan du 28 mars 2012 ceci : « Lors d’un déjeuner avec des journalistes, le député Vert de Loire-Atlantique a estimé “qu’un certain nombre d’entre nous [ndlr les députés Verts] doivent être prêts à relever le défi : nous sommes quelques uns à […] pouvoir [devenir ministres]” a-t-il précisé soulignant qu’il connaissait bien François Hollande pour avoir siégé avec lui pendant cinq ans à la commission des Finances de l’Assemblée Nationale et qu’il l’avait soutenu dans les primaires socialistes ».

On se doute peut-être qu’un homme doté de telles ambitions n’est pas à l’aise avec la pègre anarchiste qui campe dans les arbres de Notre-Dame-des-Landes. Une phrase circule, qu’on retrouve jusque sur la page Wikipédia consacrée à François de Rugy (ici), et qui lui est attribuée. Je dois dire que je n’ai pas retrouvé la source, ce qui est fâcheux. Mais si François de Rugy ne l’a pas prononcée, il se fera un plaisir, je pense, de rectifier, ce que je ne manquerai pas de faire à mon tour. Cette phrase, la voici : « Les squats de maisons à NDDL ne servent pas la lutte des vrais opposants au projet d’aéroport que sont les agriculteurs, la population et les politiques ». Je dois dire que la phrase est pour le moins vraisemblable.

En tout cas, François de Rugy semble bien décidé à défendre son plan de carrière. Un ami – F.L, merci – me transmet un échange sur les listes internes d’Europe Écologie-Les Verts. Voici l’intervention de François de Rugy, qui signe en toute modestie, comme le défunt Franklin Delano Roosevelt, FDR. Vous n’êtes pas obligé de me croire, mais mon petit doigt me dit que FDR se verrait bien président. On en reparlera sans doute.

—–Message d’origine—–
De : construire-debats@googlegroups.com
[mailto:construire-debats@googlegroups.com] De la part de François DE RUGY
Envoyé : lundi 26 novembre 2012 18:05
À : Liste de discussion CETT
Objet : [Construire-debats] Tr: NDDL : ça avance… à tous petits pas…

Pour info
—- Envoyé avec BlackBerry® d’Orange —-

—–Original Message—–
From: « François DE RUGY » <[…]>
Date: Mon, 26 Nov 2012 16:55:23
To: Liste de discussion Pdl-échanges<pdl-echanges@listes.eelv.fr>
Reply-To: […]
Subject: NDDL : début de négociation… à tous petits pas…

Bonsoir,
Ci-dessous une dépêche de l’Agence France Presse qui semble indiquer que les opérations de police pourraient s’arrêter dans la lignée des communiqués d’ouverture et d’apaisement sortis samedi par le gouvernement. Cela reste évidemment à confirmer et cela se fait à tous petits pas, personne ne voulant perdre la face, ce qui est malheureusement logique. Une conférence de presse d’EELV est prévue ce mardi au niveau national : l’occasion d’enfoncer le clou ! On entr’aperçoit le bout du tunnel…
FDR

ND-des-Landes: l’Etat prêt à stopper les opérations de gendarmerie sous conditions

26/11/2012 17h11 – AÉROPORT-TRANPORT-ENVIRONNEMENT-GOUVERNEMENT-TRANSPORTS –
Monde (FRS) – AFP

NOTRE-DAME-DES-LANDES (France / Loire-Atlantique), 26 nov 2012 (AFP) – L’Etat est prêt à stopper les opérations de gendarmerie sur le site du futur aéroport controversé de Notre-Dame-des-Landes en échange d’un gel de toutes les nouvelles constructions illégales, a-t-on appris lundi auprès de la préfecture.

L’Etat propose « d’engager une discussion sur les bases suivantes », a indiqué la préfecture de Loire-Atlantique dans un communiqué : en échange du « gel de toutes les nouvelles constructions illégales sur la ZAD » (zone d’aménagement
différée réservée à l’aéroport), « la contrepartie serait de stopper les interventions de la gendarmerie sur site ».

axt-am/bar/df

© 1994-2012 Agence France-Presse

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Mon commentaire sera bref : François de Rugy sert les intérêts de ses amis socialistes au pouvoir. Il susurre, il suppute, il rêvasse que tout va s’arranger, ce qui l’arrangerait tant. Il me fait penser – il sera content, car on parle là d’un vrai président – à Giscard, annonçant à la France, les yeux dans les yeux, que la crise économique est finie. En 1974, en 1975, en 1976, en 1977, en 1978, en 1979, en 1980. Pour 1981, il était excusé.

Le dialogue au milieu des grenades (à Notre-Dame-des-Landes)

Bon, je ne suis pas devin, et d’ailleurs, cela ne me tenterait pas. Dans ces conditions, que penser de cette « Commission du dialogue » annoncée hier par le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault ? Je ne suis pas devin, mais j’ai un avis. Dans le meilleur des cas, cette commission signifie qu’il y a au moins deux lignes au gouvernement. Celle d’Ayrault, purement misérable, qui pense régler la question de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes avec une série d’affrontements bien médiatisés, de manière à passer du vrai sujet à un autre, qui serait : êtes-vous pour la chienlit ? On connaît, pauvre petit bonhomme, on connaît par cœur. C’est l’habituelle attitude de tous les gouvernements dépassés. Et le tien l’est, aucun doute.

L’autre ligne pourrait être celle de Hollande, qui n’est tout de même pas con à ce point. Il a lu deux ou trois livres, il sait un tout petit peu son Histoire, et il se méfie. On sait quand commence un mouvement authentique, mais nul ne sait comment l’arrêter. Ni même si c’est possible. Hollande, qui est aussi politicien qu’Ayrault, mais un poil moins borné, aurait décidé une mesure conservatoire. Gagner du temps, six mois en l’occurrence, permettrait peut-être d’y voir un peu plus clair, et de décider en dehors des fumées lacrymogènes. Notez que ce n’est qu’hypothétique, et qu’à coup certain, Hollande est pour cette saloperie d’aéroport.

Je le disais plus haut : « dans le meilleur des cas ». Car dans le pire, nous assistons à une petite manœuvre visant à dérouter, diviser et finalement démobiliser notre mouvement. En effet, rien n’a bougé sur le fond. Mais on assiste déjà à une recomposition dans le camp certes fort hétérogène des opposants. Le parti dit écologiste a aussitôt offert un satisfecit au gouvernement des matraqueurs, osant même cette longue phrase d’anthologie : « EELV se félicite des signes favorables que le gouvernement a envoyé samedi sur le dossier de Notre-Dame-des-Landes. L’annonce par le Premier ministre de la création d’une commission du dialogue dès la semaine prochaine, répondant à la proposition d’EELV de mise en place d’une médiation, est en ce sens une excellente nouvelle ».

Je dois dire qu’ayant lu cette foutaise, j’y ai vu une calamiteuse tentative de prendre ses désirs pour des réalités. Et à ce stade, le désir à peine dissimulé des écolos de service semble bien être : passons aux choses sérieuses, préparons les prochaines élections, défendons nos postes. Dans cette hypothèse, que je tiens pour l’heure comme la plus vraisemblable, nous allons voir apparaître d’autres contre-feux, d’autres propos manipulateurs, d’autres pseudo-héros fatigués de la bagarre, appelant au calme et à la concertation. Pour ce qui me concerne, je ne pense qu’une chose : on ne lâche rien. Et l’on n’accorde aucune confiance aux socialistes.

Opération militaire à Notre-Dame-des-Landes (suite)

Les soudards sont à l’œuvre. Les militaires détruisent le pays de Notre-Dame-des-Landes comme s’ils étaient face à un ennemi. Je viens d’avoir au téléphone l’une des résistantes les plus courageuses du lieu, Marie Jarnoux, qui habite sur place. Elle tient, ils tiennent grâce à tous ceux qui se sont précipités sur place. Mais c’est dur. Dieu que c’est dur. À l’heure où j’écris, vers 17 heures, les bois du bocage sont remplis de manifestants venus soutenir les refusants. Les routes qui viennent de Nantes sont pleines de voitures et de tracteurs. Les Ayrault et les Valls sont loin d’avoir gagné. La bagarre ne fait que commencer. Et la solidarité doit enfler et déferler sur les intrus. Libérez le bocage !

Opération militaire à Notre-Dame-des-Landes

Ce matin du 23 novembre, alors qu’il n’est pas huit heures, j’apprends que des centaines de flics et de militaires sont mobilisés pour chasser les refusants de Notre-Dame-des-Landes. Je ne trouve pas de mot pour désigner Hollande, Ayrault, Désir et tous autres. Ces politiciens de quartier profitent du merdier dans lequel patauge la droite pour régler leur propre addition. Avançant à l’abri du rideau de fumée, ils viennent de découvrir une fenêtre de tir, et foncent. Ils sont lamentables. Je les exècre. Vienne le temps où nous serons assez forts pour faire payer aux socialauds cette insondable lâcheté.

Brennilis, une centrale nucléaire pour l’éternité

Ce texte a été publié le 7 novembre 2012 dans Charlie-Hebdo

Ce devait être la vitrine du démantèlement des centrales nucléaires. C’est devenu une gabegie. Un foutoir dont les travaux ont commencé en 1985. Dernier gag : EDF ne sait plus où mettre les déchets, et ne peut donc plus démonter le réacteur.

Ils vont finir par avoir la médaille. Dernier exploit en date de la nucléocratie méritante : Brennilis, une centrale nucléaire dont le démantèlement a commencé en 1985. Le bled d’à côté – 450 habitants – se trouve dans les Monts d’Arrée, au cœur de la Bretagne. Sur la carte postale, on peut voir une petite rivière – l’Elez -, deux affluents – le Roudoudour et le Roudouhir -, un marais – le Yeun Elez -, et le lac de Saint-Michel. Le tout fut très beau jusqu’en 1962, car c’est alors que le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) y commence la construction d’une centrale 100% française.

Brennilis est une modeste gagneuse : entre 1967 et 1985, elle produit 6,235 TWh (milliards de kWh), à comparer aux 10 TWh crachés chaque année par une centrale comme la bonne vieille Fessenheim. Après dix-huit ans de déambulateur et de pas de sénateur, on arrête tout en 1985, car les meilleures expériences ont une fin. Il ne reste plus qu’à démanteler, ce qui ne saurait être que plaisanterie pour nos grandioses atomistes associés. Seulement, ça merdoie. La commission Peon, qui a lancé tout notre programme électronucléaire, avait prévu un coût de démantèlement de 19,4 millions d’euros. La cour des Comptes, dans un rapport de 2005, l’établissait à 480 millions, soit la bagatelle de 25 fois plus. Et c’est loin d’être fini.

De 1985 à ces derniers jours, sans jamais se presser, nos excellents amis déchargent le combustible, vidangent les circuits, décontaminent et démontent les bâtiments. Sauf le réacteur, que l’on confine en attendant les beaux jours. Pendant des années, ces messieurs de l’atome promettent un « retour à l’herbe » en lieu et place de la centrale. Comme par un coup de baguette magique, il ne restera rien de cette si belle aventure. Le préfet du Finistère – entre 1992 et 1996 – Christian Frémont déclare en 1995 : « EDF, le CEA, les grandes entreprises et l’ensemble des intervenants ont déclaré leur intention de faire de cette opération une vitrine. Il faudra y veiller ». Tu parles, Charles ! Frémont quitte son poste et vole vers des postes plus prestigieux : il sera directeur de cabinet de Borloo au ministère de l’Écologie, puis directeur de cabinet de Sarkozy entre 2008 et sa si malheureuse défaite de 2012.

Brennilis, pendant ce temps, rouille sur pied. Et fuit. Une étude de la Crii-Rad établit en 2007 que la centrale, qui n’a plus l’autorisation d’émettre quelque rejet radioactif que ce soit, continue à le faire. Il y a du tritium dans l’air et en certains points, des concentrations de 3 000 becquerels par kilo de césium 137, alors qu’on ne devrait pas en trouver plus de 50. Cette même année 2007, on apprend que le réacteur, une fois démantelé, ira croupir dans l’Ain (au Bugey), où doit l’accueillir une usine construite par EDF, au doux nom d’Iceda (Installation de conditionnement et d’entreposage de déchets activés).

Quand ? Mañana por la mañana, demain ou un autre jour. En 2007 toujours, le Conseil d’État annule un décret autorisant le démantèlement total pour « insuffisance d’information de la population ». Pour une vitrine, ça la fiche bien. Commentaire inspiré de Bertrand Dubuis, responsable EDF de Brennilis, dans la foulée (Le Télégramme, 10 octobre 2007) : « Nous préparons actuellement un nouveau dossier. Nous le déposerons au mois de juin prochain en espérant pouvoir reprendre le chantier mi-2009 et réaliser le démantèlement total à l’horizon 2020 ».

Mais le mieux était encore à venir, et Charlie vous remercie d’avoir attendu si longtemps. Le 22 octobre 2012, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) envoie balader EDF, proprio de Brennilis, et lui refuse de procéder à un démantèlement complet. Tout est une fois de plus bloqué, et pour des années. La farce est particulièrement goûteuse, car l’explication l’est. Brennilis ne peut être démantelée, car ses déchets doivent aller dans l’Ain. Or, crotte de bique, le tribunal administratif de Lyon a annulé le permis de construire de l’usine Iceda, mettant tout le projet à terre.

Résumons pour les malentendants : le réacteur de Brennilis devait être envoyé dans l’Ain, et stocké dans une usine EDF spécialement conçue. Mais l’usine étant dans le lac, Brennilis est contrainte de conserver son réacteur jusqu’à des jours meilleurs, qui risquent de se compter en décennies. La nouvelle promesse des nucléocrates : la fin du démantèlement en 2025. On les croit sur parole.