Ce qui se joue au Brésil nous concerne tous, vous vous en doutez. Parce que ce pays est une immensité grande comme 16 fois la France. Parce qu’il est très riche, malgré l’atroce misère de tant des siens. Parce qu’il abrite la plus grande part de la forêt amazonienne, attaquée de toutes parts par le développement, nom policé de la destruction généralisée.
Or le Brésil est dirigé par une gauche proche, mutatis mutandis, des social-démocraties d’Europe. Lula, fondateur du Parti des travailleurs (ici, en portugais), a fait suivre à son mouvement, depuis qu’il a été élu en 2002, le même chemin que celui du parti socialiste français du temps de Mitterrand. Il prétendait changer le monde, mais c’est le monde qui l’aura plié à ses lois, jusqu’à la caricature.
Car Lula est une caricature, hélas. Quatre exemples l’illustrent aisément. Le premier concerne le nouveau plan de défense brésilien. On n’en connaît pas tous les détails, mais la France de Sarkozy a gagné au Brésil des marchés inespérés. Les trois grands corps de l’armée de Brasilia – la marine, l’aviation, l’armée de terre – « nous » achèteront des équipements pour un montant inconnu, mais qui pourrait dépasser les dix milliards d’euros. Un pays du Sud, inflexible avec ses paysans sans terre, s’apprête à engraisser nos industries de la mort. La France vendra à Lula, dans les prochaines années, des sous-marins, des hélicoptères, probablement des avions Rafale.
Deuxième exemple : les biocarburants. Je n’y reviens pas longuement, car j’en ai tant parlé que j’en ai la voix enrouée. Si vous voulez savoir jusqu’où s’abaisse Lula en ce domaine, je vous laisse une adresse, en français (ici). Les exportations de biocarburants tirés de la canne à sucre et du soja transgénique sont devenues au Brésil une cause nationale sacrée. On comprend que Lula soit dans le pur et simple déni quant aux conséquences écologiques et humaines de ce déferlement. Car à la vérité, moralement comme politiquement, sa position est indéfendable. Je vous ai parlé il y a très peu d’un rapport sans appel des Amis de la terre (ici, en anglais). Lula est un triste menteur.
Troisième exemple : le Brésil veut bâtir 60 centrales nucléaires au cours des cinquante prochaines années (ici). Le petit monsieur qui est là-bas ministre des Mines et de l’Énergie, Edson Lobao, l’a annoncé à la télévision au moment où il visitait le chantier de la centrale Angra III, lancée avant le nouveau plan énergétique géant. Menue question que je vous pose : où iront les montagnes de déchets nucléaires inévitablement produits ? Je suggère avec respect à M. Lobao l’Amazonie, qui est grande, qui est vide, qui ne sert à rien. Autre interrogation secondaire : est-il raisonnable de consacrer des centaines de milliards de dollars à cette belle aventure dans un pays incapable de réussir une véritable réforme agraire ? Incapable de sauver ce joyau amazonien qui appartient à tous les peuples de la terre et à leur avenir ? Angra III, hors corruption, devrait coûter à elle seule 3,7 milliards de dollars.
Le dernier exemple concerne le pétrole, qu’il ne faudrait pas oublier. À la fin de 2007, le Brésil a annoncé la découverte de somptueux gisements au large de ses côtes, sous une couche de sel. Il est désormais possible que le Brésil devienne à terme un grand producteur, et l’Iran vient d’ailleurs de lui proposer d’entrer dans l’OPEP, qui réunit les principaux exportateurs.
Lula est donc comme ces lamentables politiciens que nous connaissons tous. Son rêve de bas étage consiste à changer le destin du pays qui l’a élu. De le faire entrer dans le club des cinq ou six pays les plus puissants de la planète. Et d’entrer du même coup dans les livres d’histoire. Sans se demander s’il y aura encore, à l’avenir, des livres d’histoire. Sans se demander s’il y aura encore une histoire.
Vous m’excuserez je l’espère, mais comme dirait l’autre, la bandaison, papa, ça n’se commande pas. Lula bande à l’idée de doter son pays de sous-marins nucléaires et d’avions de chasse. Lula est un con. Je sais qu’il s’agit d’une injure à chef de l’État, mais je ne sais pas quoi dire d’autre. Au passage, cette affreuse régression rappelle une évidence : l’écologie est une rupture mentale, un cadre neuf de la pensée, une culture différente, au sens fort de l’anthropologie. Un paradigme qui oblige à se séparer des peaux anciennes que nous aimions tant.
L’écologie, celle qui est la mienne, renvoie dos à dos les frères siamois de notre histoire politique. D’une part le capitalisme, ce système régnant d’un bout à l’autre de la planète, et qui l’épuise un peu plus chaque jour. D’autre part tous ces socialismes – stalinisme compris – qui ont prétendu le combattre sans jamais mettre en cause l’essentiel. C’est-à-dire l’économie, l’objet, la production matérielle sans autre but qu’elle-même et les profits qui l’accompagnent.
Quand vous entendrez parler tout à l’heure de Hollande, Royal, Buffet ou même Besancenot, pensez une seconde à Lula. Car ils appartiennent à la même famille.