Archives de catégorie : Santé

Chimie, pesticides, air, pollutions en tous genres

Ceux qui ont voulu tuer Seralini

Attention, brûlure à l’âme. Pour bien lire L’Affaire Roundup à la lumière des Monsanto Papers (par Gilles-Éric Seralini, avec Jérôme Douzelet, Actes Sud), il faut raconter en préambule une histoire qui se perd désormais dans les brumes. Le 19 décembre 2012, le biologiste Seralini publie une étude dans une revue scientifique de bonne tenue, Food and Chemical Toxicology (FCT) . Comme il est de règle, l’article a été relu par des pairs avant publication. D’emblée, c’est la tornade, une tornade en vérité voulue par Seralini, qui a accepté l’aide et les conditions d’une boîte de com pour transformer l’événement en bombe médiatique. C’est que des rats de laboratoire nourris avec un maïs transgénique et/ou du Roundup (dont le constituant principal est le glyphosate) ont développé d’affreuses tumeurs. Les photos l’attestant font le tour du monde.

Une partie des chercheurs, en France et ailleurs, vont contester le travail de Seralini. Cela n’a rien d’anormal, car s’il dit vrai, l’édifice mondial des OGM – et peut-être celui des pesticides – est tout entier menacé. Mais un autre phénomène s’est déclenché, sans que personne ne le comprenne sur l’instant. Après des mois d’une polémique planétaire sans précédent, la revue FCT décide en novembre 2013 de « rétracter » ce qu’elle avait publié. C’est-à-dire la retirer de ses sommaires. L’étude ne figurerait pas même dans les archives. Une telle décision n’a jamais été prise qu’en cas de fraude ou d’erreurs involontaires. Or il n’y a pas fraude. Ni d’erreurs involontaires.

En janvier 2014, dans un édito, le rédacteur-en-chef de FCT, Wallace Hayes, fournit une explication ridicule : l’étude aurait été effacée parce que non concluante. À ce compte-là, la moitié des études au moins, et peut-être bien davantage, auraient depuis beau temps disparu. L’explication de cette étrangeté radicale sera apportée sur un plateau grâce aux Monsanto Papers. En deux mots, une décision judiciaire contraint Monsanto, en 2017, à rendre publics des montagnes de documents internes, sous la forme de courriels, de comptes rendus de réunions, de rapport, de correspondances.

Ce que l’on voit apparaître est sordide. Hayes est lié secrètement par un contrat de consultant avec Monsanto. Mais bien au-delà, il se confirme ce que beaucoup pressentaient depuis longtemps : Monsanto ment, truque, entretient un cabinet noir auteur des coups les plus tordus. Dont la destruction systématique de la réputation des scientifiques jugés dangereux pour ses intérêts. Dont Seralini ? Dont Seralini surtout, car le Roundup est le produit-phare de Monsanto.

Venons-en au livre. Le biologiste, s’appuyant sur les Monsanto Papers – vu leur nombre, ils n’ont pas tous été dépiautés -, démontre sans peine qu’il est ciblé par cette structure sans foi ni loi depuis au moins 2005. Il insiste sur un point qui reste très méconnu : le vrai grand danger du Roundup, ce n’est pas le glyphosate, mais ce qu’on appelle tantôt surfactants, tantôt adjuvants, tantôt formulants, que l’on ajoute à la matière active de départ. L’ensemble serait incomparablement plus toxique que le glyphosate lui-même.

Le tout – les dates, les noms, les faits – donne la nausée, car il n’y a aucun doute que l’on a voulu assassiner moralement, psychologiquement, professionnellement Seralini. Il est évident que Monsanto était prêt à tout pour ruiner la réputation de Seralini. À tout ? Seralini évoque une infection terrible et fulgurante qui le cloue sur un lit d’hôpital anglais, entre la vie et la mort, à un moment très important de sa défense. Le plus fou sans doute, le plus terrible pour Monsanto en tout cas, c’est que l’on suit Seralini quand il se demande « Hasard ou parapluie bulgare ? ». Se peut-il ? Je ne sais pas.

Deux choses pour finir. Un, je n’ai aucune lumière sur l’étude de 2012, et mon soutien à Seralini ne porte pas sur cette question. Deux, et j’en suis bien désolé, je dois dire que ce livre si nécessaire souffre de sa confusion. Il eût sans doute fallu un travail d’édition plus exigeant et c’est tout de même bien dommage.

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Cette PAC aussi verte que l’herbe des cimetières

Est-ce que cela finira un jour ? Non. Le 23 octobre, le Parlement européen a voté le texte d’une nouvelle Politique agricole commune (PAC), qui s’étendra jusqu’en 2027. La somme mobilisée représente au total 387 milliards d’euros, dont 58,12 milliards pour la seule année 2020, soit 34,5% du budget général de l’Union européenne. Énorme ? On est d’accord.

Non, Charlie n’a pas lu les centaines de pages du document, rédigées dans une langue que seuls ses rédacteurs connaissent. En tout cas, le ministre français de l’Agriculture, Julien Denormandie, applaudit le vote et parle d’une « PAC plus verte, et surtout plus juste ». Nos amis du mouvement « Pour une autre PAC » (pouruneautrepac.eu) parlent à propos du texte voté d’un « absurde fourre-tout », mêlant une poignée d’amendements apparemment positifs et un texte profus qui les noie et les contredit. On maintient le cap d’une agriculture industrielle, favorable aux grandes surfaces et à l’exportation, qui se contrefout des équilibres naturels.

Rappelons où en est l’agriculture française. 200 fermes disparaissent chaque semaine, le tiers des paysans en activité vont prendre leur retraite dans les toutes prochaines années, un quart sont sous le seuil de pauvreté. Les insectes et les oiseaux disparaissent à des rythmes jamais observés, principalement à cause des pesticides, dont la consommation a augmenté d’au moins 20% dans le même temps qu’on prétendait en diminuer l’usage. L’élevage concentrationnaire transforme des millions d’animaux en bagnards.

Compte-tenu du rapport de forces en Europe, cela n’est pas près de changer. Ne serait-il pas temps de penser à d’autres stratégies ? Qui suit, fût- ce loin, ce dossier constate combien les mots eux-mêmes sont piégés. Les opposants français à cette politique – comme les valeureux de la Confédération paysanne – ne cessent de parler depuis plus de vingt ans de la nécessité d’une PAC plus « verte », mot fétiche facilement détourné par tous les Denormandie européens. Rien n’est simple, mais n’est-il pas temps d’un débat sur le débat ?

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En Suisse, les pesticides se baladent librement

Les Suisses seront-ils moins cons que nous ? En 2021, grâce à une mobilisation sur le terrain à la manière des Coquelicots de chez nous, on votera. Des activistes tranquilles ont en effet déposé une Initiative – terme consacré –, appuyée par 140 000 signataires. Elle réclame qu’on ajoute à la Constitution des phrases comme : « L’utilisation de tout pesticide de synthèse dans la production agricole, la transformation des produits agricoles et l’entretien du territoire est interdite ».

L’Office de la nature et de l’environnement du canton des Grisons, tout ce qu’il y a d’officiel, vient de publier un rapport expliquant (1) : « i prodotti fitosanitari impiegati in Alto Adige oltrepassano effettivamente il confine e arrivano fino a Valchava ». Les pesticides qui sont épandus dans le Haut-Adige passent bel et bien la frontière suisse et arrivent à Valchava, hameau suisse des Grisons. Or Valchava se trouve à 1440 mètres d’altitude – bonjour l’air pur -, mais surtout à 14 km de la frontière italienne. Conclusion : « vi è una grande necessità di agire ». Ben oui, il y a grande nécessité d’agir.

Rappelons pour rire ce qui s’est passé en France. Le 11 mai 2019, le maire de Langouët Daniel Cueff prend un arrêté qui interdit l’usage des pesticides à moins de 150 mètres de bâtiments. Retoqué bien sûr, l’arrêté permet en tout cas de poser la question de l’empoisonnement de tous, paysans compris. Le gouvernement, éternellement à la botte, interdit désormais l’épandage de pesticides à moins de cinq mètres – dix au mieux – des habitations.

(1) gr.ch/IT/media/Comunicati/MMStaka/2020/Seiten/2020092901.aspx

Mange ta soupe chimique

Publié par Charlie

D’abord un coup de chapeau au mouvement des coquelicots, dont je suis le président. Autopromotion. Le 18 avril dernier huit de mes petits camarades et moi-même signions une tribune sur Le Monde pour signaler des liens probables entre épandage de pesticides et coronavirus (1). Ce n’était pas un délire, et d’ailleurs, le texte s’appuyait sur des études sérieuses, chinoise, italienne, américaine. Cela n’a pas empêché les amoureux de la vérité – notamment les défenseurs de l’agro-industrie – de nous accuser de désinformation massive.

Un article paru sur le site américain The Intercept (2) revient en force sur la question, en apportant de nouvelles informations. Début en fanfare : « Près de six mois après le début de la pandémie de coronavirus, il est déjà clair que la pollution est responsable d’une partie des centaines de milliers de décès de Covid-19 dans le monde. Les scientifiques tentent maintenant de déterminer exactement comment les produits chimiques industriels rendent les gens plus sensibles au coronavirus ».

Voyons de plus près avec deux études non encore parues au moment de ces lignes. La première, attendue le 20 juillet (3), se penche sur des données chinoises, et conclut entre autres qu’il y a « une relation significative entre la pollution de l’air et l’infection au COVID-19 », et qu’il existe des « associations positives » entre la présence de particules fines et divers autres polluants dans l’air des villes et des cas confirmés de COVID-19. Je note qu’une partie des particules de pesticides sont récupérées par le vent et s’agrègent aux nuages de particules fines.

La seconde étude paraîtra, elle, en août dans Environmental Research (2) et repose sur des données officielles de Californie. À nouveau, elle démontre une « corrélation significative » entre pollution par les particules fines, d’autres polluants de l’air et coronavirus. Un autre travail montre même une augmentation de 8% de la mortalité du coronavirus à chaque augmentation de polluants de 1 microgramme par mètre cube d’air.

L’article interroge également de grandes pointures scientifiques. Linda Birnbaum, par exemple, est l’ancienne patronne du très imposant National Institute for Environmental Health Sciences. Selon elle, d’autres polluants que ceux de l’air rendent plus vulnérables face au covid-19, comme les phtalates, le bisphénol A, et ces damnés produits perfluorés (PFAS), famille chimique présente dans les textiles, les ustensiles de cuisine, les tapis, moquettes, vernis, peintures, etc. Les PFAS sont connus pour causer des maladies du rein ou encore élever le niveau de cholestérol dans le sang, ce qui augmente le risque d’un « mauvais » coronavirus.

Bien entendu, tout est entortillé. La soupe chimique dans laquelle nous baignons, jusque dans l’air, jusque dans l’eau, même de pluie, affaiblit les réponses immunitaires du corps face à la maladie. Et certains des composés chimiques peuvent provoquer ou activer des maladies comme l’asthme, le diabète, l’hypertension, l’obésité qui à leur tour rendront le coronavirus plus menaçant.

De son côté enfin, Philipe Grandjean. Ce scientifique danois de 70 ans est l’un des meilleurs spécialistes au monde des liens entre santé publique et pollution chimique. En particulier ceux existant entre les métaux lourds, certains pesticides, le toluène, les PCB, les PFAS et la détérioration évidente de l’équilibre neurologique des enfants. Il travaille notamment à l’école de santé publique rattachée à l’université américaine de Harvard.

Eh bien, Grandjean est lancé dans une enquête scientifique qu’on essaiera de suivre. Il récolte des échantillons de sang de personnes hospitalisées pour cause de coronavirus, et entend les comparer avec ceux de malades du même virus, qui n’ont pas été hospitalisés. Le tout à la recherche de concentration de PFAS dans le sang des contaminés, de manière à voir si cette famille chimique joue un rôle dans l’aggravation de la maladie.

Rien n’est totalement sûr, certes, sauf une chose : nous sommes les cobayes (plus ou moins) volontaires d’une expérimentation planétaire.

(1) lemonde.fr/idees/article/2020/04/18/coronavirus-un-moratoire-sur-les-epandages-de-pesticides-pres-des-habitations-est-une-necessite-sanitaire-et-morale_6036986_3232.html

(2) https://theintercept.com/2020/06/26/coronavirus-toxic-chemicals-pfas-bpa/

(3) sciencedirect.com/science/article/pii/S004896972032221X

(4) sciencedirect.com/science/article/pii/S0013935120305454

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L’horrible tentation éco-fasciste

Et donc, un bon article de réflexion, ce qui n’est pas si fréquent (1). Son auteur, Pierre Madelin aborde des questions que l’on n’aborde à peu près nulle part, et qui ouvrent toutes sur un avenir commun très menaçant. Dites-moi, que va-t-il se passer avec les réfugiés et migrants, dont le nombre – 272 millions en 2019 – explose sans cesse ? Comment cette multiplication se conjugue-t-elle avec la crise écologique planétaire ?

Je précise que Madelin écrit en tant que marxiste – distingué -, ce que je ne suis pas. Selon lui, et je partage, il existe désormais au Nord une tentation éco-fasciste très redoutable. Brenton Tarrant, qui a tué 51 personnes dans des mosquées en Nouvelle-Zélande : « Je me considère comme un éco-fasciste (…) [L’immigration et le réchauffement climatique] sont deux faces du même problème (…) Il faut tuer les envahisseurs, tuer la surpopulation, et ainsi sauver l’environnement. »

Impossible d’ouvrir toutes les portes entrebâillées. J’en reste donc à l’irruption possible et probable d’un éco-fascisme en France. L’automatisation – je dirais plutôt la numérisation – détruit toujours plus d’emplois, créant ainsi des armées de plus en plus nombreuses d’inutiles. Dans ces conditions, l’éco-fascisme serait une réponse cohérente à la double menace – ressentie – de l’immigration sur place d’une part et des perspectives de migrations massives d’autre part.

Le discours d’extrême-droite pourrait bien porter « une politique désireuse de préserver les conditions de la vie sur Terre, mais au profit exclusif d’une minorité ». Cette « épuration socio-écologique » pourrait aisément se présenter sous la forme de l’ethno-différentialisme cher à Alain de Benoist, qui célèbre l’altérité des autres cultures pour mieux célébrer notre supposée Identité. Le but, glaçant, serait de « limiter la population par des méthodes autoritaires pour que [des groupes privilégiés], définis suivant des critères ethno-raciaux toujours plus exclusifs, puissent continuer à s’approprier la nature comme bon leur semble ».

(1) terrestres.org/2020/06/26/la-tentation-eco-fasciste-migrations-et-ecologie/

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EDF en pleine épectase nucléaire

Le nucléaire. L’incroyable gabegie d’une industrie qui promettait la Lune. Ne parlons pas aujourd’hui d’Areva, devenu Orano, qui après avoir arraché 4,5 milliards d’euros à l’État, traîne une dette de 3 milliards, et se voit menacé d’une amende de 24 milliards d’euros aux États-Unis.

Cette fois, évoquons la faillite EDF, groupe national, officiellement endetté à hauteur de 40 milliards d’euros. La folie du groupe s’expose ces temps-ci en Angleterre, où avance le chantier EDF de deux EPR à Hinkley Point. Nos grands ingénieurs se congratulent en ce moment de la pose d’une dalle en béton de 49 000 tonnes. L’ouverture, déjà retardée, devrait avoir lieu en 2025, avec un devis de 11 milliards d’euros au départ, qui a plus que doublé à 23,5 milliards.

Certes, EDF a réussi à obtenir un prix garanti élevé de l’électricité pendant 35 ans, mais du côté anglais, il n’est pas question d’un autre cadeau. Et c’est là que les choses se compliquent. Contrainte à la fuite en avant par sa technologie EPR, EDF a déjà proposé un nouveau chantier EPR aux Anglais, celui de Sizewell, dans l’Est. À nouveau, il s’agit de deux réacteurs EPR, et à nouveau, la note est délirante : 22 milliards d’euros, alors qu’aucun coup de pelle n’a encore été donné. La cerise s’appelle CGN, partenaire chinois d’EDF. Le coronavirus et des menaces américaines – CGN se livrerait à l’espionnage industriel – poussent Londres à écarter les Chinois, ce qui risque de placer EDF dans une position impossible et de faire capoter tout le projet. Le nucléaire, cette bénédiction.

Que penser de Didier Raoult ?

Vous suivez sans doute comme moi les aventures burlesques du professeur marseillais Didier Raoult. Lui prétend avoir trouvé la pierre philosophale. L’hydroxychloroquine, éventuellement en association avec un antibiotique, serait en mesure de guérir massivement des atteintes par le coronavirus. Beaucoup de médecins et chercheurs constatent que certaines règles de base de la publication scientifique n’ont pas été respectées. Parmi eux, fût-ce à voix basse, quelques-uns mettent en cause une personnalité violemment extravertie.

Les soutiens politiques de Raoult se situent le plus souvent chez des hommes et femmes de droite ou d’extrême-droite, mais un Julien Dray – problème mineur : est-il de gauche ? – le défend également. Pour finir, d’innombrables conspirationnistes, sur le net, profitent de l’occasion pour marteler qu’on nous cache tout, et même que les juifs seraient derrière une entreprise de démolition de la miraculeuse découverte, qui ne leur rapporterait pas assez. Pauvres salauds.

Que penser donc de cette histoire ? Je ne saurais dire, évidemment, si l’hydroxychloroquine est un bon médicament contre la pandémie. Peut-être. Peut-être pas. L’évidence, c’est qu’on ne dispose pas de preuve scientifique pour le moment. Mais cela reste possible, et en ce cas, comme tout le monde, j’applaudirai l’usage massif d’un médicament si bon marché. Mais en toute hypothèse, cela ne règle aucunement la question de la place de Didier Raoult dans le panorama général.

Il se trouve que cet homme a été chroniqueur pour l’hebdomadaire Le Point jusque fin 2018 me semble-t-il. Et qu’il y a balancé des tombereaux de graves conneries climatosceptiques. Suivez avec moi quelques menus exemples : « Le réchauffement climatique est incertain et la responsabilité de l’homme discutable » (2014), « Après une poussée thermique notable dans les années 1990, la Terre a globalement arrêté de se réchauffer depuis 1998. » (2014), « Question réchauffement climatique, la seule certitude des scientifiques est qu’il est impossible de prévoir la température qu’il fera sur la Terre dans dix, vingt ou trente ans ». (2014), « Cela laisse penser que les changements observés pendant le XXe siècle ne sont pas reliés à des activités humaines mais probablement dus à des variations liées au hasard ». (2014), « La planète ne se réchauffe plus depuis 1998. Jusqu’à cette date, le réchauffement brutal était lié à un phénomène météorologique : El Niño ». (2013), « Pour la première fois, on a vu des académiciens demander à une ministre – Valérie Pécresse – de condamner les propos hérétiques d’un géologue académicien – Claude Allègre – qui avait osé proposer une hypothèse alternative. Ce type de procès tient plus de l’approche religieuse que de la science ». (2013)

On l’aura compris, Raoult aura chaussé les lourds croquenots d’Allègre, vingt ans après lui. Car souvenons-nous qu’Allègre a enfilé les mêmes perles dans ses chroniques du…Point autour de l’année 1996. J’en sais quelque chose, car sauf erreur, j’ai été l’un des tout premiers – le premier ? – à ferrailler publiquement avec lui, lorsqu’il était si puissant. Raoult sur les traces d’Allègre, donc.

Je passe sur les plus de 3000 publications scientifiques qu’il a au moins cosignées dans sa carrière. Le fait est l’objet d’une polémique, car beaucoup se demandent par quel miracle un homme aurait pu à lui seul participer à autant d’études. Je rappelle qu’il est courant qu’un chercheur se maintienne au-dessous de cinquante articles parus dans la littérature scientifique en une vie de laboratoire. Mais je passe, car de cela, je me fous. Grand bien fasse à son ego.

Le climatoscepticisme, lui, ne passe pas. C’est un crime. Le héros de Raoult, Allègre, a été convaincu de pure et simple tricherie dans son dernier livre paru en 2014, L’Imposture climatique, utilisant par exemple une courbe directement truquée, ainsi que l’a démontré Sylvestre Huet dans L’Imposteur, c’est lui. Ce n’est pas indifférent, car Allègre, tout comme Raoult est un microbiologiste indiscutable, fut avant ses folies médiatico-climatiques un géochimiste reconnu mondialement, récipiendaire en 1986 du grand prix Crafoord. Où l’on voit que l’on peut être un vrai scientifique d’un côté, et une pauvre personne de l’autre.

Revenons à Raoult. Il est manifeste que l’homme tient de l’histrion et que son hypernarcissisme le conduit à privilégier l’épate et le contre-courant. Il veut être seul. Il veut clamer, briller, épater et confondre les nains qui l’entourent fatalement. C’est un genre. D’ailleurs, jusqu’à fin février, il prétendait publiquement que le coronavirus n’était à peu près rien du tout : « Il y a trois Chinois qui meurent, et ça fait une alerte mondiale ». Une belle conscience en action, n’est-ce pas ?

Et pourtant. Et pourtant, pourquoi être embarrassé ? Dans l’affaire de l’hydroxychloroquine, il a peut-être raison. Il arrive même à de fichus imbéciles d’avoir raison, et Raoult, quoi qu’il en soit de ses limites, n’est pas un idiot. Seulement, pas question d’oublier le reste. Un microbiologiste qui ose radicalement contester le travail des milliers de chercheurs associés au GIEC, vrais spécialistes dans leurs domaines respectifs, usant de son pouvoir médiatique pour influencer la décision publique, cela ne peut inspirer que du dégoût. Alors, Raoult est dégoûtant ? Il l’est.

Faut-il arrêter les épandages de pesticides ?

Ce qui suit est, à nouveau, un communiqué du mouvement des Coquelicots, dont je suis le président.

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Redisons-le encore une fois. Le mouvement des coquelicots n’a jamais attaqué et n’attaquera jamais les paysans. Nous refusons, radicalement, une pratique agricole détestable, qui empoisonne par les pesticides tous les êtres vivants, dont nous, toutes les formes vivantes. Mais nous voulons ardemment de nombreux paysans dans les campagnes. Sans la présence de millions d’entre eux en France, redevenus agronomes, attentifs à la terre, attentionnés, la France ne fera pas face aux terribles menaces de l’avenir, dont le dérèglement climatique.

Cette position de principe nous permet de parler sans crainte de ce qui se passe aujourd’hui. Une grande opération de com est en cours, à l’initiative de la FNSEA. Elle consiste à présenter l’agriculture industrielle comme la sauveuse de la société française, en s’appuyant sur l’éternelle courroie de transmission qu’est le ministère de l’agriculture. L’épidémie de coronavirus est utilisée pour effacer des dizaines d’années de critiques fondées d’un modèle qui a, au passage, fait disparaître la paysannerie, peu à peu transformée en machine de guerre exportatrice au service de quelques-uns.

Nous apprenons en cette fin mars 2020 que de nombreux confinés découvrent ce que sont les épandages de pesticides. Enfermés avec leurs gosses, il leur faut supporter à quelques mètres de leurs fenêtres la vaporisation de produits souvent très toxiques. On se protège donc d’un virus en rapprochant ses cibles d’un poison? C’est irresponsable.

Une étude scientifique toute récente, que certains contestent, établit des liens puissants entre la pollution de l’air et la circulation du coronavirus. Les particules fines pourraient servir d’accélérateur de la contamination. Au-delà, rappelons que la pollution de l’air tue chaque année dans l’Union européenne 659.000 personnes qui ne demandaient qu’à vivre. Et nul doute que cette pollution affaiblit les corps et en créant des pathologies respiratoires et cardiaques, prédispose ses victimes à des formes plus graves d’infection par le coronavirus. L’affaissement constaté de la circulation automobile et des activités industrielles est, de ce point de vue, une excellente nouvelle, ou pourrait l’être.

Mais les constatations d’organismes officiels comme Airparif sont extrêmement préoccupantes. Dans bien des villes, la qualité de l’air ne s’améliore pas ou peu, et parfois même se dégrade en ce qui concerne les particules fines de l’air. Une question légitime se pose: les épandages d’engrais et de pesticides, qui redémarrent partout en France, peuvent-ils être une source de pollution de l’air, et jouer en ce cas un rôle néfaste dans la propagation du virus?

Un groupe de scientifiques de Strasbourg s’interroge publiquement: «Tous les ans, à la même période, les épandages agricoles sont responsables de pics de pollution printaniers durant les mois de mars à mai. Ces particules printanières sont, de par leur composition, moins toxiques que des particules de combustion issues par exemple du trafic routier néanmoins elles vont également servir de vecteur de transmission au virus. Ces particules peuvent voyager sur plusieurs kilomètres et donc transporter également le virus sur de longues distances!». En conséquence, ils appellent les préfets «à prendre des mesures urgentes visant à limiter drastiquement les émissions liées aux épandages agricoles».

La FNSEA, par la voix de sa section départementale du Finistère a déjà répondu non. Selon elle, il serait «difficilement acceptable, au vu (…) du contexte particulier Covid 19, que les agriculteurs plébiscités par l’ensemble de la population pour assurer leur approvisionnement alimentaire, soient ainsi montrés du doigt et empêchés de réaliser les travaux agricoles nécessaires à leur acte de production».

Une manière comme une autre de détourner l’opinion d’une évidence: les pratiques agricoles industrielles sont massivement refusées par la société. Ce n’est pas en niant les faits que l’on pourra lutter efficacement contre le coronavirus. Face au drame actuel, nul n’est intouchable. Nous avons le droit et le devoir de continuer à parler haut et clair. Bien sûr, il faut préparer les récoltes et nourrir le pays. Mais on peut le faire sans se mettre la tête dans le sable. Oui, il va falloir changer. Ensemble.

Quelques mots sur Christian Troadec, maire de Carhaix

Tout d’abord, un immense merci à Alban, qui est parvenu à terrasser les intrus qui s’étaient infiltrés jusqu’ici.

Je vous mets ci-dessous le reportage fait en Bretagne pour Charlie. Il s’agit d’une virée à Carhaix, où règne le maire Christian Troadec, régionaliste bon teint, ci-devant chef des Bonnets Rouges. Vous verrez comment il a donné les clés de sa ville à une usine chinoise effarante, qui fabrique du lait en poudre destiné au marché chinois. Lisez, et je crois que vous m’en direz des nouvelles. Sur ce, compte tenu de la touffeur autour de moi, salut !

Le reportage sur Carhaix et Troadec est ici