Je vous signalais en juillet une campagne mondiale contre six projets de barrages – criminels, forcément criminels – sur le Mékong, fleuve qui abreuve directement des dizaines de millions d’hommes et un nombre incalculable d’animaux et de plantes (ici). Le Mékong et ses environs sont l’une des dernières vraies grandes merveilles du monde. Il existe encore, entre Cambodge, Laos et Vietnam, des forêts tropicales intactes, qui cachent bien des mystères.
La preuve immédiate par le Programme du Grand Mékong, une aventure scientifique lancée par le WWF. Au cours de l’an passé, pas moins de 163 espèces nouvelles ont été découvertes par les équipes de Stuart Chapman, le directeur du programme (ici). Je dois dire que c’est à peine croyable. Parmi les 100 plantes, 28 poissons, 18 reptiles, 14 amphibiens, deux mammifères et une espèce d’oiseau trouvés dans cette wilderness tropicale, une mention pour une grenouille à croc, qui attend ses proies dans la boue. Ce que mange Limnonectes megastomias ? Éventuellement des oiseaux, et beaucoup d’insectes.
Parmi les autres splendeurs, les chercheurs ont pu nommer un gecko doté d’une peau de léopard qui semble tout droit venu d’une autre planète que la nôtre. L’oiseau, quant à lui, s’appelle Nonggang babbler (Stachyris nonggangensis) et il marche le plus souvent, ne s’envolant que lorsqu’il est réellement effrayé. Tout cela s’appelle, aux dernières nouvelles, la vie. Les chercheurs du Greater Mekong Program s’inquiètent déjà des effets du dérèglement climatique sur toutes ces nouvelles espèces. Ils ont sans doute raison, mais si on commençait par donner un coup de pied au cul à tous ceux qui défendent ici, dans les bureaux d’études et d’ingénierie, les désastreux programmes de destruction du Mékong ? Vous voulez un nom ? EDF, qui adore faire – et ne jamais défaire – des barrages. Oui, je sais, Sarkozy vient de donner les clés de ce géant à Henri Proglio, qui dirigeait auparavant cet autre géant – de l’eau – qu’est Veolia, nouveau nom charmant de la Générale des Eaux, beaucoup, mais beaucoup moins présentable.
La morale ? Y en a pas. La morale, c’est d’en trouver une, tournée vers l’action immédiate. Car les espèces qui disparaissent dans le trou noir creusé par les ingénieurs ne reviendront pas. Jamais.