Archives mensuelles : octobre 2009

La grenouille à croc du Mékong (et monsieur Henri Proglio)

Je vous signalais en juillet une campagne mondiale contre six projets de barrages – criminels, forcément criminels – sur le Mékong, fleuve qui abreuve directement des dizaines de millions d’hommes et un nombre incalculable d’animaux et de plantes (ici). Le Mékong et ses environs sont l’une des dernières vraies grandes merveilles du monde. Il existe encore, entre Cambodge, Laos et Vietnam, des forêts tropicales intactes, qui cachent bien des mystères.

La preuve immédiate par le Programme du Grand Mékong, une aventure scientifique lancée par le WWF. Au cours de l’an passé, pas moins de 163 espèces nouvelles ont été découvertes par les équipes de Stuart Chapman, le directeur du programme (ici). Je dois dire que c’est à peine croyable. Parmi les 100 plantes, 28 poissons, 18 reptiles, 14 amphibiens, deux mammifères et une espèce d’oiseau trouvés dans cette wilderness tropicale, une mention pour une grenouille à croc, qui attend ses proies dans la boue. Ce que mange Limnonectes megastomias ? Éventuellement des oiseaux, et beaucoup d’insectes.

Parmi les autres splendeurs, les chercheurs ont pu nommer un gecko doté d’une peau de léopard qui semble tout droit venu d’une autre planète que la nôtre. L’oiseau, quant à lui, s’appelle Nonggang babbler (Stachyris nonggangensis) et il marche le plus souvent, ne s’envolant que lorsqu’il est réellement effrayé. Tout cela s’appelle, aux dernières nouvelles, la vie. Les chercheurs du Greater Mekong Program s’inquiètent déjà des effets du dérèglement climatique sur toutes ces nouvelles espèces. Ils ont sans doute raison, mais si on commençait par donner un coup de pied au cul à tous ceux qui défendent ici, dans les bureaux d’études et d’ingénierie, les désastreux programmes de destruction du Mékong ? Vous voulez un nom ? EDF, qui adore faire – et ne jamais défaire – des barrages. Oui, je sais, Sarkozy vient de donner les clés de ce géant à Henri Proglio, qui dirigeait auparavant cet autre géant – de l’eau – qu’est Veolia, nouveau nom charmant de la Générale des Eaux, beaucoup, mais beaucoup moins présentable.

La morale ? Y en a pas. La morale, c’est d’en trouver une, tournée vers l’action immédiate. Car les espèces qui disparaissent dans le trou noir creusé par les ingénieurs ne reviendront pas. Jamais.

Ma pomme sur Rue89

Je sais et je ne recommencerai pas. Ce n’est pas bien de parasiter Planète sans visa avec des nouvelles de mon livre, mais je vous laisse l’adresse d’un article du site Internet Rue89, où je suis – mon livre, pas moi – tout à mon avantage. Ce n’est pas tous les jours dimanche : http://www.rue89.com/2009/10/01/bidoche-les-ravages-de-lindustrialisation-de-la-viande

Par ailleurs, et tant que j’y suis, n’oubliez tout de même pas l’adresse du site dédié à mon bouquin Bidoche : http://bidoche.wordpress.com/ . Voilà.

Ces eucalyptus qui ressemblent aux pins du Morvan (apologue)

L’industrie contre la vie. L’industrie contre la nature. L’industrie contre les hommes. Voici un exemple de plus, d’une limpidité telle qu’elle n’échappera – je l’espère – à personne. Au Kenya, comme dans tant d’autres pays malmenés par la destruction à travers l’économie, le gouvernement a lancé il y a des dizaines d’années une politique imbécile de plantation massive d’eucalyptus. Je n’ai rien, a priori, contre ces arbres. En Australie et en Tasmanie, où ils sont nés, où ils se sont développés sans nous pendant des centaines de milliers d’années, ils peuvent être magnifiques, inoubliables.

Mais l’esprit de conquête, d’aventure et de lucre les a transportés en seulement deux siècles d’un bout à l’autre de la terre. Quel est le pays du monde qui n’a pas sa plantation d’eucalyptus ? Les plus modernes sont transgéniques, et servent de matière première aux biocarburants, je veux dire aux nécrocarburants. Revenons au Kenya, où les sécheresses se multiplient. Depuis une dizaine d’années, la catastrophe se rapproche (ici). Mais qui se souciait de l’eau en 1970 ?

Des subventions ont donc été accordées – et du fric très probablement détourné – pour que les rives des fleuves et rivières soient couvertes de grands eucalyptus. Comme certains pins chez nous, ces arbres poussent vite et donnent du bois en quantité. Mais, comme nos peupliers, ils pompent de manière démentielle dans les rivières et les nappes. Sur fond de sécheresse biblique, le gouvernement kenyan vient donc d’ordonner de couper les eucalyptus du centre Kenya qui se trouvent près de sources d’eau (ici). Wangari Maathai, prix Nobel de la paix, est entrée dans le débat, estimant que ces arbres qui menacent la biodiversité ont été plantés au Kenya « pour des raisons commerciales ». Dis-moi, ma chère Lulu d’Autun, cela ne te rappelle rien ? Morvan-Kenya, n’est-ce pas le même combat ?

Allez, je me sauve, on m’attend pour France-Culture.