Dans le Gaza d’avant, tombeau à ciel ouvert

Ce qui suit ne parle pas de la guerre en cours

On lit souvent que la bande Gaza est une prison à ciel ouvert. Mais ce n’est pas vrai. On ne s’échappe pas de cette minuscule bande de terre. L’immense majorité des Gazaouis vivent un confinement qui dure pour certains depuis des dizaines d’années. On naît et on meurt là. Ce n’est donc pas une prison, mais un tombeau. À ciel ouvert. Bien avant la guerre en cours, la vie réelle y était devenue impossible. 5800 habitants au km2 en moyenne, mais plus de 20 000 dans les zones urbaines. Et une recherche permanente de nourriture ou de médicaments.

Et d’eau. Le problème n’est pas nouveau, mais il s’aggrave d’année en année, et paraît désormais insoluble. La ressource essentielle vient de la nappe souterraine, un aquifère qui longe la Méditerranée. 94% des Gazaouis en dépendent pour leurs besoins quotidiens Surexploitée, la nappe se vide trois fois plus vite qu’elle ne se recharge grâce aux faibles pluies d’une région aride. Par un phénomène bien connu d’intrusion, la mer toute proche s’infiltre à travers des sols poreux et transforme l’aquifère en un réservoir saumâtre, gravement pollué, en outre, par les eaux usées, les pesticides, les microplastiques. 97% de son eau est désormais impropre à la consommation humaine.

En théorie, car beaucoup n’ont pas le choix. Une fois par semaine, par exemple, la famille de Noura – son mari, leurs six enfants – reçoit de l’eau et en remplit aussitôt une citerne de 500 litres. L’eau du robinet est tellement salée qu’elle ne peut être bue, et ne peut servir qu’au ménage et à la lessive (1). Les canalisations, les appareils ménagers qui en utilisent sont irrémédiablement corrodés. La pollution par le sel a bien entendu de graves répercussions sur une production agricole en chute libre : certaines des cultures jadis prospères, comme le concombre et la pastèque ont en effet besoin de grandes quantités d’eau douce.

Le business de l’eau potable est donc florissant, mais beaucoup de Gazaouis n’ont pas de quoi en acheter. Les autres consacrent jusqu’au tiers de leur revenu à l’achat d’eau. Une étude sérieuse estime que plus d’un quart des maladies, dans la bande de Gaza, sont causées par l’eau. À ce qui ressemble vaguement à de l’eau. En 2017, l’UNICEF interrogeait une mère de famille, So’ad (2) : « Ici, tout le monde dépend des fosses d’aisance qu’ils vident dans la région. Il y a maintenant une grande et profonde mare d’eaux usées à côté de notre maison. C’est dangereux pour les enfants et l’odeur est épouvantable. En hiver, les eaux usées inondent la rue et pénètrent dans notre maison ». Et l’UNICEF ajoutait : « L’incidence de la diarrhée chez les enfants de moins de trois ans a doublé. Tous les enfants de la bande de Gaza sont exposés aux maladies d’origine hydrique ».

La mer ? À l’été 2017, un gosse de cinq ans, Mohammed Salim Al-Sayis meurt d’être allé se baigner non loin d’un collecteur d’égout se jetant directement en mer. 108 000 m3 d’eaux non traitées – ou si peu – se déversent chaque jour dans la Méditerranée. Et des milliers de pêcheurs – selon les sources, de 2000 à 4000 – se font concurrence à l’intérieur de la zone autorisée par Israël, ramenant des poissons de plus en plus rares, farcis de métaux lourds et de microplastiques.

C’est que la bande de Gaza produit autour de 2000 tonnes de déchets chaque jour et que les trois grandes décharges : Sofa, dans le Sud, Deir al-Balah et Johr al-Deek, dans l’Est, sont saturées depuis au moins dix ans. Des dizaines d’autres – 80, 100, 150 ? -, sauvages, ne sont pas sécurisées et laissent passer dans le sol de grandes quantités de ce « jus » de décharge ultratoxique qu’on appelle le lixiviat (3). Désespoir ? Des Palestiniens de Gaza, soutenus par des aides internationales, ont redonné vie – très fragile – à si petit fleuve qui traverse le territoire, le Wadi Gaza (4). De juin 2022 à mai 2023, 35 000 tonnes de déchets ont été retirées de ses rives et de son lit. Désespoir ? Elle passe sous un pont détruit par l’aviation israélienne, dont les débris du tablier n’ont pas encore été dégagés. En 2014.

(1)https://www.icrc.org/fr/document/gaza-la-crise-de-leau-image-par-image

(2)https://www.unicef.org/stories/gaza-children-face-acute-water-sanitation-crisis

(3)https://ps.boell.org/en/2019/08/05/reality-waste-management-gaza-risks-challenges

(4)https://www.lemonde.fr/international/article/2023/10/07/en-palestine-la-fragile-renaissance-du-wadi-gaza_6192961_3210.html?random=463049065

Mais d’où viennent ces foutues punaises de lit ?

Vous le savez aussi bien que moi : les r’voilà. Elles, les punaises de lit. J’en ai connu chez moi quand j’étais môme, dans ma banlieue. Ainsi que des poux. Ainsi que des puces qui allaient se planquer au matin dans les plinthes après nous avoir dévorés pendant la nuit. Je n’ose repenser aux produits hautement toxiques que nous utilisons gaillardement. Le DDT n’était pas le pire.

Bon. Les punaises. Elles sont sur Terre depuis environ 100 millions d’années. Bien plus que nous. Et elles ont donc pu côtoyer fort longtemps les dinosaures, qu’elles ont dû emmerder, malgré leur taille ridicule, comprise entre 5 et 8 mm. Ce sont des voleurs de sang, ainsi qu’on sait. La nuit, en bande, elles sortent de leur planque, et viennent nous boulotter. Une ponction à travers la peau – compter au moins 10 minutes de succion – suivie d’une longue digestion. Qui peut être démesurément étendue, puisqu’une punaise peut survivre à un jeûne de…20 mois. 20 !

Elles ont été sinon éradiquées, du moins contenues, pendant des décennies après la guerre, « grâce » à la meurtrière chimie de synthèse. Dans les pays riches, les seuls qui comptent à nos yeux égotistes. Et puis elles sont revenues. À partir des années 90. Dans un pays comme l’Australie, sur la période 1999-2006, l’augmentation constatée de leur présence est évaluée à 4500 %.

C’est chiant. Très. On estime que 11 % des foyers, en France, ont été infectés au cours des cinq années passées. Tous ne s’en sont pas débarrassés, et ceux qui y sont parvenus ont dû débourser beaucoup d’argent. Ne demandez par à un Bangladais ou à un paysan malien de faire pareil.

En France, nous avons d’impeccables vigies, comme la députée mélenchoniste Mathilde Panot. Il y a peu de temps, elle a défié à l’Assemblée la Première ministre Élisabeth Borne, dénonçant un monumental scandale de santé publique. Sur un ton aussi triomphal qu’indigné, ici, elle réclamait un plan d’État. Est-elle crédible pour autant ? Faut-il suivre son appel à la croisade ? Polope, comme on disait chez moi dans mon jeune temps.

Les mélenchonistes sont dans la criaillerie et la posture politicienne. Je sais que les électeurs de Mélenchon qui me lisent trouveront cela injuste. J’en suis désolé, mais cela ne retiendra pas ma plume. Car cette nouvelle invasion des punaises serait l’occasion d’une excellente pédagogie sur l’état du monde. Mais il est vrai que la funeste comédie que l’on nous sert chaque matin est strictement franco-française. Franchouillarde. Mathilde Panot elle aussi ? Elle aussi.

Que révèle le retour en force des punaises ? Au moins trois choses presque évidentes. Un, le commerce mondial est une grande folie planétaire. Depuis 1945, il a augmenté deux fois plus vite que le PIB. En moyenne. Selon l’Insee, de 1980 à 2021, le volume du commerce mondial a été multiplié par 7,4, tandis que le volume du PIB mondial a été multiplié par 3,9. Imaginez seulement le bal tragique des bateaux de containers et les milliers d’avions qui atterrissent chaque semaine quelque part. Les punaises se baladent, elles aussi.

Le deuxième phénomène est lié. Il s’agit du tourisme de masse. Selon l’Organisation mondiale du tourisme, 700 millions de touristes ont voyagé à l’étranger entre janvier et juillet 2023. Imagine-t-on ? Non, nul ne peut imaginer de tels déversements de pathogènes et parasites de toute sorte à chaque seconde qui passe et dans le moindre recoin du monde.

La troisième raison de la réapparition, c’est bien sûr la résistance bien connue aux pesticides, en l’occurrence les insecticides. La chimie de synthèse, qui ravage le monde depuis un peu moins d’un siècle, sélectionne. C’est évident. Dans un premier temps, un insecticide va tuer les insectes et d’autres cibles non prévues au programme. Mais les survivants de la tuerie seront les plus résistants. Et, faisant souche, donneront naissance à une progéniture qui se moquera bien des fumigations.

Et voilà pourquoi les punaises de lit se rient de nos folies, et prospèrent, et prospèreront. De vrais écologistes « profiteraient » de l’occasion pour faire une nouvelle fois la démonstration que ce monde nous conduit au gouffre. Mais les politiciens de toute tendance préfèrent les parades médiatiques. Así es la vida.

Vive le pape ! À bas tous les autres

Je suis un mécréant définitif. Pas baptisé. Profondément ignorant de l’histoire du christianisme. Je ne sais à peu près rien de la Bible, des Évangiles, des Apôtres. Et pourtant. Et pourtant.

J’ai travaillé pendant une vingtaine d’années pour le groupe de presse catholique Bayard, et dans ce cadre, j’ai signé des chroniques pendant dix ans dans le quotidien La Croix. Il me semblait, mais j’ai eu tort, que l’Église catholique pourrait devenir ce que j’appelais en mon for intérieur, un « accélérateur de conscience ». Je pensais, et je pense toujours qu’il faut unir toutes les forces disponibles pour faire face à la terrifiante crise écologique en cours.

J’ai rencontré, grâce au magazine Terre Sauvage, pour lequel je travaillais aussi, le prêtre catholique Dominique Lang. Et je l’ai aimé, par-delà nos si grandes différences. J’ai ensuite imaginé, créé et dirigé une très belle revue dont je reste fier : Les cahiers de Saint-Lambert. Pourquoi Saint-Lambert ? Parce que les Assomptionnistes, ordre auquel appartenait Dominique, venaient de s’installer au monastère de Saint-Lambert-des-Bois, dans la Vallée de Chevreuse. Moi, j’imaginais autour de ce lieu deux vastes initiatives. D’abord une restauration écologique exemplaire des 30 hectares entourant les bâtiments. Ensuite, la création d’un territoire de discussion planétaire, à la manière de la communauté italienne de Sant’Egidio, qui accueille l’espace d’une trêve des ennemis apparemment définitifs, comme par exemple les Palestiniens et les Israéliens. À Saint-Lambert, nous aurions parlé, bien sûr, des innombrables conflits écologiques du monde.

Si vous avez jeté un œil sur le PDF des Cahiers, plus haut, vous avez vu que Dominique était le directeur, et moi le rédacteur-en-chef. Olivier Duron apportait son grand talent graphique. Nous étions trois, sans local, sans budget, payés avec des cacahuètes. Mais la revue était éditée par Bayard. Du moins, je pensais qu’elle l’était. Elle était soutenue pour de vrai par Didier Robiliard, l’un des directeurs de Bayard, qui garde mon estime intacte. Mais elle était sabotée par le grand patron, le journaliste très connu dans les milieux de la presse, Bruno Frappat.

Obsédé comme j’étais déjà par la crise écologique, et comme j’étais officiellement conseiller éditorial de Bayard, j’ai tenté de convaincre Frappat. Ô combien ! Il est vrai que nous avions eu des démêlés sérieux et drôlatiques que je ne peux raconter ici – cela nous éloignerait -, mais je pensais qu’il comprendrait. Nous déjeunions de temps en temps ensemble, et j’y allais de mes inlassables coups de scie. Un jour, au cours d’un repas, il me lâcha une phrase mémorable pour moi : « Je vois bien qu’il s’agit de sauver la Créature [l’homme] et la Création [la nature] ».

Cela me convenait, et à la suite, je ne cessai de lui rappeler ces mots. Je le croyais acquis. Il ne l’était pas. Je crois qu’il se méfiait. Je crois qu’il me voyait comme un trublion ou pis. Je ne sais pas grand-chose. Mais je m’engueulai – une fois de plus – avec lui le jour où je vis qu’il avait bataillé et obtenu – il était le chef – que le logo de Bayard ne figure pas sur la couverture des Cahiers. La revue ne méritait pas l’imprimatur. C’était pleinement ridicule, car Didier Robiliard la finançait, certes avec trois bouts de ficelle. La revue était publiée par Bayard, mais chut ! il ne fallait pas le montrer.

Je crois pouvoir écrire qu’elle fut un succès. Avec des moyens dérisoires, elle obtint vite autour de 2000 abonnés, et avec un investissement raisonnable – ridicule pour Bayard -, je gage qu’elle aurait atteint rapidement son point d’équilibre. Mais Frappat préféra sa mort. Inutile de dire que j’ai repensé à clairvoyance lorsqu’en 2015, le pape François eut publié Laudato Si. Une merveilleuse Encyclique, quatre ans après le sabotage des Cahiers de Saint-Lambert.

Le bilan que je tire de ces événements est clair : l’Église catholique ne bouge pas, ce qui interroge en profondeur sur ce qu’elle est. Elle ne défend aucunement la Création, pourtant censée avoir été créée par Dieu. Quand j’ai lancé le mouvement des Coquelicots, en 2018, je suis allé voir l’évêque de Troyes, Marc Stenger, pour lui demander de signer L’appel à l’interdiction des pesticides, que j’avais rédigé. Et il accepta ! Stenger était connu comme le plus ouvert des prélats à ces questions. Mais il refusa de s’engager plus avant au motif, spécieux selon moi, qu’il lui fallait ménager ses ouailles.

Tel n’est pas le cas du pape François. Je vous invite à lire un texte tout récent qu’il a consacré à la crise climatique, Laudate Deum. Lisez ! C’est le point de vue d’un homme lucide. Lisez : « Je considère qu’il est impératif d’insister sur le fait que chercher seulement un remède technique à chaque problème environnemental qui surgit, c’est isoler des choses qui sont entrelacées dans la réalité, et c’est se cacher les vraies et plus profondes questions du système mondial…Nous courons le risque de rester enfermés dans la logique du colmatage, du bricolage, du raboutage au fil de fer, alors qu’un processus de détérioration que nous continuons à alimenter se déroule par-dessous. Supposer que tout problème futur pourra être résolu par de nouvelles interventions techniques est un pragmatisme homicide ».

Lisez : « Finissons-en une bonne fois avec les moqueries irresponsables qui présentent ce sujet comme étant uniquement environnemental, “vert”, romantique, souvent ridiculisé par des intérêts économiques. Acceptons enfin qu’il s’agit d’un problème humain et social aux multiples aspects. C’est pourquoi le soutien de tous est nécessaire ».

Mais lisez aussi : « Je suis obligé d’apporter ces précisions, qui peuvent sembler évidentes, à cause de certaines opinions méprisantes et déraisonnables que je rencontre même au sein de l’Église catholique ». Ce pape-là est seul, face à une institution immobile, et même hostile. J’ai bien fait d’être un mécréant.

L’affaire des métabolites

Le fort long texte qui suit ne sera pas lu par tout le monde, j’en ai conscience. Mais enfin, si je ressors de mes archives ce long exposé écrit en janvier et février 2020, c’est parce que les faits lui donnent une couleur très particulière. Je l’ai écrit pour aider à une mobilisation sur l’eau du mouvement des Coquelicots, que j’avais créé en septembre 2018. Comme l’indique son introduction, c’était un texte de travail à compléter, à améliorer.

Mais tel qu’il est, il reste un document très important sur la question de l’eau dite potable. Je lis cette semaine dans Le Canard Enchaîné où en sont rendues les Agences régionales de santé (ARS), censées nous garantir une eau du robinet de qualité. S’adressant aux cadres de son administration, Didier Jaffre, directeur de l’ARS d’Occitanie, leur dit : « Très clairement, nous allons devoir changer d’approche et de discours ; il y a des PFAS [polluants dits éternels] et des métabolites partout. Et, plus on va en chercher, plus on va en trouver ». En conséquence, l’eau « ne doit plus être consommée mais seulement utilisée pour tout le reste. Il faut donc privilégier l’eau en bouteille. »

Oui, c’est totalement cinglé. Mais officiel. Il y a quelques jours, l’agglomération de La Rochelle décidait de fermer plusieurs captages d’eau, car il s’y trouvait bien trop de chlorothalonil R471811, métabolite du chlorotalonil, pesticide interdit depuis plus de trois ans. Si l’on prenait ce grand drame au sérieux, il faudrait pratiquement interdire de boire de l’eau du robinet, ce qu’on ne fera évidemment pas.

Le texte ci-dessous a beaucoup circulé – je l’ai su – à l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) et dans les ARS. Je crois pouvoir écrire qu’il y a fait flipper ses lecteurs, et il y a de quoi. Croyez-moi ou non, mais la situation est hors de contrôle.

Ici commence mon texte pour le mouvement des Coquelicots, écrit en janvier et février 2020

Ce texte est un document de travail pour ceux qui veulent savoir ce qu’on ne raconte pas ailleurs. Ce n’est pas un article de presse, et il est affublé, en bleu, d’adresses Internet qui permettent d’aller aux sources en même temps qu’on lit le propos général. Il est fatalement complexe, mais après divers arrangements, il peut être lu sans trop de difficulté par quiconque s’intéresse de près à la question de l’eau en France. Son public prioritaire est le mouvement des Coquelicots et l’ensemble de ses groupes locaux.

1/Une définition

Les pesticides produisent des métabolites, car au contact des milieux et conditions qu’ils rencontrent, ils se dégradent en composés différents au plan chimique, parfois plusieurs fois au cours leur cycle de vie avant minéralisation, qui marque la fin du produit. Citons, parmi d’autres, le sol ou plutôt les sols, l’eau, les plantes bien sûr, mais aussi le jabot d’une abeille, le gésier d’un oiseau, l’estomac d’un mammifère, le tube digestif d’un lombric. La température extérieure, le soleil, les précipitations jouent également un rôle. Le tout rend l’analyse fine de ces phénomènes très compliquée, car comment reproduire en laboratoire une telle masse de données, perpétuellement en mouvement ?

Par exemple, dans les sols (https://www.inspq.qc.ca/eau-potable/atrazine), l’atrazine est « dégradée par action microbienne aérobie et par hydrolyse, en ses résidus principaux, soit en ordre décroissant la diéthyl-atrazine (DEA), la déisopropyl-atrazine (DIA), la diaminochloro-atrazine (DACA), ainsi que l’hydroxy-atrazine (HA). Dans l’eau, l’atrazine est hydrolysée et biodégradée en ces mêmes métabolites ».

On lira avec grande attention le document de l’OMS en anglais (https://www.who.int/water_sanitation_health/dwq/chemicals/antrazine.pdf), qui aborde la question redoutable de la présence de métabolites de l’atrazine dans l’eau potable. En France, l’atrazine a été interdite en 2003, mais demeure le pesticide le plus retrouvé dans les rivières, ce qui donne une petite idée de la situation réelle.

Citons également le glyphosate, dont l’un des métabolites bien connus est l’AMPA.

2/Ce que dit la loi

Attention, labyrinthe garanti. De nombreux textes se superposent d’un bout à l’autre de l’Europe, preuve certaine d’un grand embrouillamini. Il est fondamental de considérer et de s’appuyer sur la directive européenne du 3 novembre 1998, intégrée depuis au droit français (https://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CONSLEG:1998L0083:20090807:FR:PDF). Cette loi française interdit, sauf dérogation encadrée, de distribuer de l’eau potable qui dépasserait 0,1 microgramme pour un pesticide donné, et 0,5 microgramme pour la totalité des pesticides retrouvés. À ce stade, et c’est également essentiel, les pesticides sont considérés à l’égal de leurs métabolites. Si on retrouve 0,1 microgramme d’atrazine et 0,1 microgramme de diéthyl-atrazine, cela ne fait pas 0,1, mais 0,2. À la limite, si l’on ne trouve aucun pesticide de départ, mais plusieurs de leurs métabolites qui dépassent ensemble 0,5 microgrammes, cela rend l’eau impropre à la consommation.

La loi est différente pour les eaux brutes, celles qui permettent la « fabrication » d’eau potable (http://www.eau-et-rivieres.asso.fr/media/user/File/PDF/Pesticides/2013-10-Note_pesticides.pdf). La limite est alors fixée à 2 microgrammes au litre par pesticide et 5 microgrammes au total pour tous ceux retrouvés (https://www.data.gouv.fr/fr/datasets/qualite-des-cours-deau-vis-a-vis-des-pesticides-sur-le-territoire-des-sage-bretons-respect-des-limites-reglementaires-sanitaires-fixees-pour-lalimentation-en-eau-potable). Au-delà, sauf dérogation, on n’a pas le droit d’utiliser ces eaux trop polluées.

3/Comment on essaie de tourner la loi

Cette situation n’était pas tenable, car des centaines de pesticides différents (leurs matières actives) sont couramment utilisés, produisant fatalement des milliers de métabolites. Combien ? Nul ne le sait. Aucune autorité d’aucune sorte n’a jamais produit d’information précise sur cette question pourtant décisive. N’importe : la directive européenne citée plus haut est un verrou que différents acteurs – chacun dans leur propre rôle – ont un intérêt majeur à faire sauter.

A/L’industrie

Pour l’industrie agrochimique – notamment le quatuor Bayer-Monsanto-BASF-Syngenta -, l’affaire est de nature stratégique. L’extrême pollution par les pesticides des eaux distribuées menace l’édifice entier. Il ne faut pas prendre à la légère les capacités d’anticipation d’équipes rodées, qui disposent de moyens matériels illimités ou presque, prêtes à défendre pied à pied toute molécule, qui représente parfois des centaines de millions d’euros d’investissement.

Un document important existe (https://www.generations-futures.fr/wp-content/uploads/2018/02/homologation_industrie_ecrit_ses_regles_050218_finale.pdf), rédigé par le très fiable Pesticide Action Network (PAN). Son titre : Homologation des pesticides, l’industrie écrit ses propres règles.

Tout commence en 2003 par un document-guide de la Commission européenne (https://ec.europa.eu/food/sites/food/files/plant/docs/pesticides_ppp_app-proc_guide_fate_metabolites-groundwtr.pdf) sur la présence de métabolites dans l’eau de boisson. Il est hautement probable – mais il n’y a pas de preuve – que ce texte est une première réponse au casse-tête des métabolites. Il crée une distinction entre métabolites pertinents et métabolites non-pertinents, mais sur une base fragile, car dépourvue de toute précision scientifique, ce qui est plutôt extravagant dans une affaire aussi technique. Selon ce texte, « un métabolite pertinent est un métabolite pour lequel il existe des raisons de supposer qu’il possède des propriétés intrinsèques comparables » à la molécule de départ « en termes d’activité biologique ciblée ». Aucun chiffre, aucune référence, juste un assemblage de mots.

En bonne logique bureaucratique, un métabolite non-pertinent ne remplit pas ces critères. Le texte introduit au passage un concept très important qui s’appelle threshold of toxicological concern (TTC), ou seuil de préoccupation toxicologique. Dans les si nombreux cas où l’on ne sait rien des risques écotoxicologiques d’une molécule, on se réfèrera à ce seuil, en dessous duquel il n’y aurait pas de risque pour la santé humaine. Attention ! c’est là que commence le grand débat, car ce texte oppose sans le dire la limite de la directive européenne – donc de la loi française – et les chiffres bien différents de la TTC.

C’est d’autant plus significatif que cette approche est celle de la Food and Drug Administration (FDA), administration américaine chargée de l’analyse des denrées alimentaires et des médicaments. Surtout, elle est défendue depuis le tout début du siècle par le plus puissant lobby agroalimentaire et agrochimique de la planète, l’International Life Sciences Institut (ILSI), financé entre autres par Bayer, BASF et Syngenta.

Citons, dès 2000, une étude (https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0278691599001209) parue dans une revue présentée par Stéphane Horel (Lobbytomie, 2018, page 109) comme étant au service de l’industrie. Et même, si l’on remonte à 1990 et aux vraisemblables origines, cette autre étude publiée par la revue Regulatory Toxicology and Pharmacology (https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/027323009090030F), elle aussi aux mains des lobbies industriels.

La suite est sans surprise. Passage par l’Agence européenne de sécurité des aliments (EFSA), elle-même farcie de conflits d’intérêts (https://www.francetvinfo.fr/sante/medicament/efsa-la-moitie-des-scientifiques-seraient-en-situation-de-conflit-dinterets_2239415.html) et intervention d’experts passés par l’ILSI, qui entérinent l’existence pourtant non démontrée des métabolites non-pertinents.

Le résultat probant de cette histoire est qu’un article écrit par et pour l’agrochimie (https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/26192637) sert de base dans l’Union européenne aux discussions techniques. Certains États « en pointe » ont déjà classé comme non-pertinents des dizaines de métabolites, mais fait notable et pour tout dire extraordinaire, le Danemark s’oppose frontalement à ce classement (https://mst.dk/media/148466/framework_assessment_pesticides_version_1-6_may_-2018.pdf).

Faisons la pause. L’industrie a compris bien avant nous que les métabolites représentaient un grave danger pour elle. Elle s’est donné les moyens, loin en amont, d’influencer les autorités publiques, et elle y est parvenue.

3/L’ANSES et la Direction générale de la Santé (DGS)

Écartons de suite toute idée de complot et précisons qu’aucune -presque aucune – information fiable n’établit des liens directs entre les agences et autorités publique d’une part, et l’industrie d’autre part. Chacune des parties a ses propres arguments et priorités en ce qui concerne les métabolites.

Ainsi, nos autorités ont pour obsession de continuer à délivrer une eau jugée par elles sans risque. Le problème, on va le voir, est qu’elles ne le peuvent plus, sauf à changer subrepticement les règles du jeu pour les métabolites.

A/L’entrée en scène du défunt Conseil supérieur d’hygiène publique de France (CSHPF)

Qu’est donc ce Conseil ? Une structure publique dépendant de la Direction générale de la Santé, née en 1848 et dissoute en 2006. Le CSHPF est seulement consultatif et ses conseils au gouvernement sont d’ordre technique (https://www.hcsp.fr/Explore.cgi/Telecharger?NomFichier=ad020909.pdf). On est donc loin d’une instance scientifique. Or le 7 juillet 1998, le CSHPF rend un avis surprenant (https://www.hcsp.fr/Explore.cgi/avisrapports3?clef=144, puis rechercher “modalités de gestion des situations de non conformité des eaux de consommation”).

Il estime en effet que « la valeur réglementaire de 0,1 μg/l, applicable à chaque substance, n’est pas suffisante pourévaluer et gérer une situation de non-conformité des eaux distribuées vis-à-vis des produitsphytosanitaires ». Et propose l’introduction d’une autre notion, la « valeur sanitaire maximale » ou Vmax. Aussitôt, la Direction générale de la Santé (DGS) préconise d’utiliser la Vmax (http://circulaires.legifrance.gouv.fr/pdf/2011/01/cir_32338.pdf et aussi http://www.cclin-arlin.fr/nosopdf/doc04/0013779.pdf, ce qui change tout. En effet, le CHSPF indique des valeurs qu’il assure venir de l’OMS, très au-dessus des valeurs de la loi. Ainsi, l’alachlore, herbicide composant le Lasso – responsable de la contamination du paysan Paul François – se voit attribuer une valeur-guide de 20 microgrammes par litre, soit 200 fois la norme européenne et française. L’alachore, soit dit en passant, a été depuis interdit en France.

D’où viennent les valeurs attribuées à l’OMS ? Dans l’édition 1996 de ses Directives de qualité pour l’eau de boisson (https://apps.who.int/iris/bitstream/handle/10665/37523/9242544604-fre.pdf?sequence=1), l’OMS cite bien une valeur-guide de 20 microgrammes d’alachlore par litre (page 96 sur 216), mais sauf erreur dans un autre contexte, celui de « risque additionnel de cancer sur la vie entière ». L’OMS souligne au passage les risques cancérogènes du produit, avérés déjà sur le rat. Et donne à un autre pesticide, composant de l’Agent orange épandu au Vietnam, le 2,4-D, une valeur maximale de 30 microgrammes par litre. 300 fois la norme légale. Et 9 microgrammes, soit 90 fois la norme. Ce qui donne une idée des erreurs passées.

On peut admettre que l’OMS, voici 25 ans, ne disposait pas des connaissances d’aujourd’hui. Est-ce la seule raison ? Un personnage essentiel permet d’interroger la pertinence de cette approche très favorable aux intérêts industriels : le toxicologue René Truhaut. Grand maître de la surveillance des pesticides en France pendant des décennies, Truhaut a « inventé » dans des conditions très discutables la Dose journalière admissible (DJA), fondement de toutes les lois de protection contre les pesticides (In Un empoisonnement universel, LLL, 2014). Et cela dans le cadre d’un comité conjoint FAO-OMS. Dans les années Cinquante du siècle passé, il était l’une des deux ou trois références mondiales dans ce domaine. Attention ! Il ne s’agit pas dire que René Truhaut était corrompu, car il ne l’était sûrement pas. Mais il a couvert de sa haute autorité l’intervention de désinformateurs professionnels comme Marcel Valtat (In Le crime est presque parfait, LLL, 2019) et l’incroyable scandale du chlordécone. Et il régné, là aussi pendant des décennies, sur le Conseil supérieur d’hygiène publique de France (CSHPF). Le monde est très petit.

Un autre personnage attire l’attention : André Aurengo. Il fut le dernier président du CSHPF, et lui aussi très favorable aux intérêts industriels, notamment dans le domaine nucléaire (https://www.acro.eu.org/Archives/cp050506.html). Il fut membre du conseil d’administration d’EDF et du conseil scientifique de Bouygues Telecom et de l’Association française des opérateurs mobiles.

B/ La DGS et l’ANSES s’engouffrent

Mais revenons à nos moutons. Le CSHPF propose sur un coin de table, en 1998, de bouleverser les normes sur la présence de pesticides dans l’eau potable. La Direction générale de la santé (DGS, donc le ministère de la Santé) s’empare de cette providence. Il faut dire que la situation est grave.

En 2000, des analyses menées en Bretagne montrent que « le nombre de molécules décelées dans les eaux de surface est de plus en plus élevé ». Le Sénat (https://www.senat.fr/rap/l02-215-2/l02-215-242.html) constate que « sur les 65 matières actives recherchées, 23 ont été détectées à des concentrations supérieures à 0,1 ug/litre ». Rappelons que ug est égal à microgramme.

Au plan national, l’Institut français de l’environnement (IFEN, disparu) croise les données de 440 000 prélèvements réalisés en 1999 et 2000. On trouve des pesticides – 142 différents ont été recensés – dans 90% des prélèvements sur des cours d’eau. Et dans 58% des nappes souterraines (https://maire-info.com/eau-et-assainissement/qualite-des-eaux-de-rivieres-les-pesticides-sont-presents-sur-90-des-points-surveilles-en-riviere-et-sur-58-des-points-en-eaux-souterraines-s%27inquiete-article-2745).

En 2007, 91% des (prélèvements en) rivières contiennent des pesticides. Et 59% des nappes. En 2011, 93% des points étudiés sur les rivières. En 2012, petite baisse pour les cours d’eau – 89% – mais forte hausse pour les nappes, avec 71%. En 2013, 92%, et bien sûr, rien n’a changé depuis.

C’est dans ce contexte explosif qu’il faut situer l’affaire d’Étais-la-Sauvin, dans l’Yonne. Depuis la fin 2016, les 840 habitants n’ont plus d’eau robinet, car la pollution par les pesticides y est insupportable (https://france3-regions.francetvinfo.fr/bourgogne-franche-comte/bourgogne-yonne-est-departement-plus-touche-pollutions-eau-aux-pesticides-1771693.html). Pendant plus de deux ans, à partir de 2016, la mairie a dû distribuer 25 000 bouteilles d’eau par mois. Et une vingtaine de communes du département ont dû faire face à des restrictions ou des interdictions de consommer l’eau jadis potable. Les métabolites sont au premier plan des inquiétudes (https://france3-regions.francetvinfo.fr/bourgogne-franche-comte/yonne/auxerre/communaute-auxerrois-s-inquiete-pesticides-eau-1456107.html).

Bien qu’aucun lien – autre que temporel – ne puisse être évoqué, la Direction générale de la Santé (DGS) saisit le 9 décembre 2015 l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES). Elle demande à l’agence une méthode permettant de distinguer les pesticides pertinents (voir plus haut) et ceux qui ne le sont pas dans le domaine des « eaux destinées à la consommation humaine » ou EDCH. Il s’agit explicitement « de répondre aux enjeux de gestion locale des non-conformités lorsque des métabolites de pesticides sont retrouvés dans les EDCH à des concentrations supérieures à la limite de qualité ». 8 métabolites doivent être considérés : l’alachlore ESA, l’alachlore OXA, le métolachlore ESA, le métolachlore OXA, l’acétochlore ESA, l’acétochlore OXA, le métazachlore ESA et le métazachlore OXA. L’ANSES rend un avis le 30 janvier 2019 (https://www.anses.fr/fr/system/files/EAUX2015SA0252.pdf) qui classe comme pertinents 3 métabolites et non-pertinents les 5 autres.

L’ANSES écrit qu’elle « a choisi, à des fins de simplification dans un objectif d’aide à la gestion, de proposer une valeur seuil unique pour les métabolites jugés non pertinents dans les EDCH ». Cette valeur unique est « basée sur la démarche TTC, elle a été fixée à 0,9 μg.l ». Cette citation est très importante, car elle multiplie par 9 le niveau acceptable dans l’eau potable des métabolites jugés non-pertinents. En s’appuyant sur la démarche toxicologique propulsée par l’industrie pour ses propres besoins, le TTC (voir plus haut).

Dans un communiqué conjoint, Générations Futures et Alerte des médecins sur les pesticides (https://www.alerte-medecins-pesticides.fr/wp-content/uploads/2019/05/2019-05-07-17h15___CP060519_metabolite_eauFinal.pdf) estiment : « Accepter ce changement serait une régression et permettrait de tolérer une pollution des ressources en eau toujours plus importante. Plus grave encore : l’expertise de l’Anses reconnait que “concernant le potentiel de perturbation endocrinienne et les cas de transformation en un produit dangereux pour la santé humaine au sein des filières de traitement EDCH, les données relatives aux métabolites sont insuffisantes”. De même, l’Anses reconnait que « ces travaux écartent… la problématique des effets des mélanges de pesticides et/ou métabolites ».

Par ailleurs, le quotidien Le Monde (https://www.lemonde.fr/planete/article/2019/05/07/face-aux-contaminations-les-regles-d-evaluation-de-la-qualite-de-l-eau-pourraient-evoluer_5459464_3244.html) écrit le 7 mai 2019 : « On sait désormais que cette réglementation n’a pas suffi. Résultat : les contaminations sont telles que certaines agences régionales de santé ne savent plus quefaire d’eaux brutes affichant régulièrement des taux trop élevés de métabolites de pesticides. D’où l’idée qu’il faudraiten maintenir certains (nommés « pertinents » dans le rapport) sous le seuil de 0,1μg/L et de permettre à d’autres (les « non-pertinents ») d’atteindre 0,9 μg/L ».

À ce moment du feuilleton, une question-clé se pose : ce rapport n’est-il pas un ballon d’essai, destiné à tester la réaction de la société ? Rien ne semble plus empêcher les autorités publiques de déclasser à terme des centaines, voire des milliers de métabolites en divisant par 9 leur limite de présence dans ces fameuses « Eaux destinées à la consommation humaine ». Une manière certaine de casser le thermomètre pour ne plus avoir à constater – et combattre – la fièvre.

L’industrie agrochimique semble en tout cas avoir bien anticipé l’opération. L’Union des industries de la protection des plantes (UIPP) regroupe l’essentiel des transnationales opérant en France, dont Bayer, BASF ou Syngenta. Dans un document éclairant (http://www.gfpesticides.org/bdd_fichiers/319c10ba4b34b568dbf56258f5f4463e9b5dab3183f.pdf) en date du 1er juin 2018 – un an avant la publication du rapport de l’ANSES -, l’UIPP insiste sur deux points. Un, il faut utiliser la méthodologie TTC (voir plus haut). Et deux, il convient de distinguer les métabolites pertinents de ceux qui ne le sont pas. Ces derniers se verraient attribuer une valeur maximale de 0,9 microgramme par litre d’eau. Exactement ce qu’on retrouvera dans le rapport de l’ANSES.

4/Que disent les études sur les métabolites ?

Le maître-mot officiel est celui d’ignorance. Un document officiel – émanant tout à la fois du BRGM, de l’IFREMER, de l’INERIS et du laboratoire national de métrologie et d’essais – rapporte cette impressionnante série de questions (https://www.aquaref.fr/system/files/Aquaref_2017_F1a_VF2_complet.pdf) impressionnante. La voici :

« En effet, si le statut des molécules mères (substances actives) est clair au niveau national et leur monitoring réalisé avec des performances analytiques compatibles avec les exigences réglementaires, des questions apparaissent quant au suivi de leurs métabolites :

# dispose-t-on d’une liste régulièrement actualisée des métabolites de pesticides ?

# quels métabolites sont susceptibles de migrer vers les eaux souterraines ?

# quelles sont les valeurs seuils de référence ?

# quelles sont les capacités analytiques actuelles des laboratoires français?

# quels développements analytiques pourraient être entrepris pour pallier aux manques identifiés ? »

On ne sait donc pas grand-chose, et le document cité enfonce le clou : « Enfin, constatant que de nombreux métabolites ne sont pas analysés, (…) il s’agit de vérifier que l’étalon analytique existe bien (…) Ainsi, l’absence constatée d’étalons analytiques pour de nombreuses substances (262 molécules sans étalon analytique sur 407 métabolites considérés) s’avère comme un verrou analytique pour de nombreux paramètres qui seraient considérés comme à suivre dans le cadre d’une surveillance nationale ».

Traduction immédiate : les étalons analytiques sont la référence chimique d’une molécule, que seul son fabricant peut délivrer. Ces étalons sont indispensables pour mesurer les pics de présence d’un métabolite dans des examens en chromatographie. Sans étalon, aucune recherche n’est possible. Le laboratoire est aveugle. 262 molécules étudiées sur 407 n’en ont pas.

Notons ensemble quelques conclusions :

« Brièvement, il peut être retenu de cette étude, que l’évolution constante des demandes d’autorisation, avec parfois des demandes de compléments, ainsi que le délai entre l’évaluation de l’EFSA et la conclusion émise par la Commission Européenne, rendent difficile l’obtention d’une liste de métabolites de pesticides susceptibles de migrer vers les eaux souterraines. La connaissance de leur statut (pertinent ou non pertinent au regard du règlement européen 1107/2009) est parfois délicate ».

« D’un point de vue analytique, le travail engagé montre que peu de substances ont un code CAS et encore moins un code SANDRE laissant supposer que la surveillance des eaux souterraines au niveau national est loin d’inclure l’ensemble des métabolites inventoriés ici ».

Non seulement on est ignorant, mais le peu qu’on sait est très inquiétant. Ainsi et pour commencer, Laurence Amalric, du BRGM, écrit (http://sigessn.brgm.fr/IMG/pdf/analyses_pesticides_brgm.pdf) : « Les métabolites. Ces produits résultent de phénomènes naturels de transformation des produits parents, incluant les processus de biodégradation, d’hydrolyse, de photolyse. Ils participent au devenir des pesticides dans l’environnement et proviennent de transformations telles que l’hydroxylation, la déalkylation, l’élimination de groupements carbonyle, l’hydrolyse de la fonction urée ou des acides phénoxyalcanoiques, l’oxydation… Leur toxicité est mal connue, les substances-étalons ne sont pas toujours disponibles, leur plus petite taille et leur polarité plus élevée rendent leur analyse plus difficile et leur élimination dans les filières de potabilisation des eaux plus délicate ».

Ensuite, et pour continuer, un auteur américain, Raymond A.Cloyd, entomologiste et spécialiste de l’horticulture à la Kansas University, établit que des métabolites de pesticides aussi connus que l’imidaclopride ont des métabolites plus toxiques qu’eux-mêmes (https://bookstore.ksre.ksu.edu/pubs/MF3070.pdf).

Ensuite et enfin, des chercheurs de l’INRA, menés par Laure Mamy, écrivent dans une étude (https://www6.inrae.fr/ciag/content/download/3499/35173/file/10-Mamy.pdf: « Les DT50 des métabolites sont bien supérieures à celles desherbicides (20 à 100 fois plus élevées), en conséquence, ces métabolites présentent des risques pourl’environnement plus importants que les herbicides ».

Traduction : la DT 50 est ce qu’on appelle la demi-vie de l’activité chimique des pesticides. Au-delà de cette DT, il ne reste plus que 50% de produit actif. Or, disent Mamy et ses collègues, des métabolites peuvent avoir un temps d’action dans les sols, l’eau, les animaux, les plantes bien supérieur à celui des pesticides d’où ils viennent.

Dans le détail (tableau 3, page 8 sur 23), on a la surprise de découvrir l’existence d’un métabolite non-identifié provenant du métazachlore. Et ce métabolite a une DT50 de 218 jours dans le calcaire, de 309 jours dans l’argileux et de 326 jours dans le limoneux. Le métazachlore d’origine, lui, a respectivement une DT50 de 1,9 jour, 2,7 jours et 3,5 jours. Inutile de dire que cela bouleverse les données du problème. Insistons : un métabolite inconnu, pouvant avoir une toxicité plus élevée que sa molécule mère, ne perd la moitié de son potentiel chimique qu’au bout de 218 à 326 jours.

5/L’exemple de la nappe de Massérac

La nappe phréatique de Massérac se situe entre Loire-Atlantique et Îlle-et-Vilaine. Elle sert notamment à alimenter en eau 20 000 habitants de la région dite Guéméné-Penfao, sur les communes d’Avessac, Conquereuil, Derval, Guémené-Penfao, Marsac-sur-Don, Massérac, Pierric, Saint-Nicolas-de-Redon. Cette nappe alluviale passe sous la Vilaine. Aucun traitement des pesticides – pas même une filtration – n’existe avant distribution par le Syndicat intercommunal d’alimentation en eau potable (SIAEP).

Entre le 1er janvier 2016 et le 31 août 2109, de multiples analyses démontrent une pollution grave par les pesticides, qui dépasse au robinet les valeurs déjà évoquées de 0,1 microgramme par litre par pesticide et de 0,5 microgramme pour l’ensemble des pesticides présents. Notons que le métabolite métolachlore ESA atteint dans certaines analyses 5 fois la valeur de 0,1 microgramme, et que l’ANSES, dans son rapport déjà cité, retient comme pertinent ce métabolite. En clair, il devrait être traité comme un pesticide.

Autour de Massérac existe un collectif pesticides relié au mouvement des Coquelicots. On peut trouver sur le Net quantité de documents se rapportant à la situation locale (https://www.collectifsanspesticides.fr) qui donnent une idée de l’intensité de la bagarre en cours, qu’on ne peut que résumer à grands traits.

La situation oblige légalement les autorités à lancer un programme d’action, et à informer la population qu’elle boit une eau contaminée. Mais rien n’a été fait. Pis : au cours d’une enquête publique sur une extension de ferme porcine à Guéméné-Penfao, les élus des communes d’Avessac, Conquereuil et Guéméné-Penfao ont donné un avis positif à cette demande. Or le commissaire-enquêteur avait démontré que cette extension augmenterait encore la dégradation de l’eau de la nappe.

Le collectif, qui a beaucoup travaillé, a pu montrer que 232 pesticides différents sont utilisés dans le bassin versant de la nappe, qui génèrent environ 1000 métabolites. Or l’Agence régionale de santé (ARS) de Loire-Atlantique, en charge des analyses, ne recherche qu’une dizaine de ces métabolites. Sur la base de 1000, 10 représentent 1%. 99% sont ignorés.

Après de nombreuses rencontres avec le président du SIAEP, le collectif a réclamé et réclame la distribution d’une eau enfin conforme aux limites de qualité. Et en attendant et entre autres, la distribution pour tous d’une eau de source en bouteilles, l’information constante de la population et des restrictions éventuelles de l’usage de l’eau, la prise en compte de la totalité des pesticides et de leurs métabolites, la fermeture du puits n°2 compte-tenu de son extrême pollution. Conclusion du collectif : « L’eau « potable » est distribuée encore aujourd’hui en toute illégalité au vu des résultats d’analyses depuis 3 ans et 1/2 ». Soit aujourd’hui 4 ans.

L’explication, toujours selon le collectif, est celle-ci, en trois points :

1/ « un environnement où les lobbies des syndicats agricoles, des coopératives et industries agricoles sont en permanence dans le bureau des autorités ».

2/ « une réglementation complexe et confuse »

3/ « une omerta et une opacité des services compétents (élus, autorités, administrations ».

Est-ce tout ? Presque. Le 17 octobre 2019, le collectif est reçu à Nantes par la direction de l’Agence régionale de santé (ARS), responsable in fine de la qualité des eaux distribuées. Après un long dialogue de sourds, et au nom du principe de précaution, le collectif « demande la fermeture de l’usine de Massérac en attendant le mise ne place de la filière de traitement et de l’arrêté inter- préfectoral d’interdiction de l’utilisation de pesticides sur tous les bassins versants ». Le directeur de l’ARS évoque « sa crainte de devoir être contraint de fermer tous les captages ». On en est là : faire respecter la loi française de limites de pesticides dans l’eau potable obligerait à fermer les puits de captage de Massérac, et avec eux, en France, des milliers et probablement bien plus d’autres forages destinés aux eaux de boisson.

Car surtout, se pas s’imaginer que Massérac soit l’exception. Par exemple, l’ARS Morbihan ne recherche en tout que 4 métabolites, tous venus des triazines. Les autres n’existent pas. Dans les Landes, la pollution par les métabolites explose les normes (http://www.amisdelaterre40.fr/spip/spip.php?article613). On y constate aussi une drôle d’histoire de conflit d’intérêt, car le président du Syndicat Intercommunal de la Basse Vallée de l’Adour (SIBVA) est aussi un éventuel utilisateur d’un des polluants principaux.

Un autre exemple montre qu’une véritable dérive est en cours chez des acteurs pourtant officiels de la protection des eaux. Ainsi de l’Association pour la protection de la nappe phréatique de la plaine d’Alsace (APRONA), dont les partenaires sont l’Agence de l’eau Rhin-Meuse, le Bureau de Recherche Géologique et Minière (BRGM) et l’Agence Régionale de Santé Grand Est.

Dans un document à la fois éclairant et très inquiétant (https://www.aprona.net/uploads/pdf/qualite/ermes-alsace/carte_24metabolites_note.pdf) l’APRONA livre en 2018 le résultat d’analyses sur 24 métabolites présents dans la nappe phréatique alsacienne. Première surprise, le texte note que « L’APRONA, dans le cadre du projet ERMES –Alsace 2016, a réalisé une campagne de mesures sur 394 paramètres. Parmi elles et pour la première fois, la plupart des 24 métabolites de pesticides ». Cette formulation sous-entend probablement qu’il n’y aurait « que » 24 métabolites de pesticides dans la nappe alsacienne, ce qui est totalement faux. Les chiffres de 2016 – de l’APRONA eux aussi – montrent que 137 pesticides et métabolites ont été analysés, sans qu’on sache combien d’autres – probablement le double ou plus – ont été ignorés. Sur ce chiffre, on trouve 113 pesticides et 24 métabolites en effet. Mais si l’on estime que chaque pesticides produit six métabolites – valeur arbitraire mais prudente -, on obtient un total de près de 700 métabolites présents, dont 3% ont été analysés.

Le résultat publié montre que 61,2 % des points de mesure dépassent les normes légales (https://www.aprona.net/uploads/pdf/qualite/ermes-alsace/brochure_ermes-alsace_2016.pdf). Qu’importe, semble dire le premier des deux textes APRONA, car il existe « des valeurs sanitaires maximales dans les eaux à destination de consommation humaine (Vmax) de 50 μg/l {microgrammes au litre] pour l’alachlore-ESA et l’alchlore-OXA ; de 510 μg/l [microgrammes au litre] pour le métolachlore-ESA et le métolachlore-OXA ».

Concentrons-nous sur ces chiffres, car ils signifient qu’une structure officielle promeut une mesure alternative à celle de la loi française (encore une fois, 0,1 microgramme/litre par pesticide et 0,5 pour l’ensemble des pesticides), la Vmax, dont a vu comment elle a été introduite, et quels intérêts elle sert. 50 μg/l pour l’alachlore-ESA et l’alchlore-OXA, c’est 500 fois la norme. 510 μg/l pour le métolachlore-ESA et le métolachlore-OXA, c’est 5010 fois la norme.

6/Un tout début de conclusion

La conclusion de cette Affaire des métabolites devra être écrite ensemble. Mais d’ores et déjà, on peut souligner quelques points cruciaux. La première évidence est que le système des pesticides est hors de contrôle. Environ 500 pesticides – matières actives – différents sont approuvés dans l’Union européenne, qui se retrouvent en mélange avec d’autres matières actives et des adjuvants divers dans des milliers de préparations commerciales. Ces dernières – exemple : le Roundup est un produit commercial contenant la matière active glyphosate – peuvent avoir des effets chimiques différents de ceux des molécules séparées. Ce chiffre de 500 pesticides différents pourrait être sous-évalué, mais retenons qu’ils représentent des milliers de métabolites dont un nombre infime est recherché.

L’industrie d’un côté, pour des raisons évidentes de chiffre d’affaires, est préoccupée, depuis au moins vingt ans, par l’existence de tant de poisons dans l’eau. Sur le papier du moins, cette question est susceptible de créer une très grave crise sanitaire, et donc politique, dans toute l’Europe.

D’un autre côté, les structures publiques de surveillance et de protection – ARS et ANSES – sont prises dans un étau qui menace tout l’édifice de distribution des eaux de boisson. Les deux mors de cet étau sont la directive européenne devenue loi française (0,1 microgramme et 0,5 microgramme) et l’évidence que les métabolites, s’ils étaient recherchés, feraient exploser tout le système. Industrie et agences publiques ne partagent pas forcément le même point de vue, mais leur alliance de fait est évidente pour qui sait regarder les faits. Les deux veulent absolument couler la norme européenne et française.

En fait, la situation est intenable, ce qui explique largement l’apparition, rapportée en détail, d’autres valeurs-limites comme le TTC et le Vmax, ainsi que l’apparition « miraculeuse » de métabolites « non-pertinents ». Il s’agit de masquer le désastre de l’agriculture industrielle et l’incapacité des États à protéger les populations contre un empoisonnement universel.

D’innombrables questions se posent, qu’on ne peut toutes aborder. Mais il en est une qui ouvre sans doute des perspectives : que contiennent les Autorisations de mise sur le marché (AMM) ? Ces AMM sont les sésames qui autorisent un producteur de pesticides à commercialiser un nouveau produit. En France, c’est l’ANSES qui les délivre, après qu’un État européen quelconque s’est livré à une évaluation sur la base d’un dossier constitué par l’industriel.

Il est plus que probable qu’un grand nombre d’AMM sont accordées seulement pour une matière active – par exemple le glyphosate – et non pour ses métabolites. D’autant plus qu’un nombre X demeure inconnu, et que parmi ceux qui sont identifiés, une partie significative ne dispose pas d’étalon chimique permettant de les retrouver dans l’eau. Autrement exprimé, les AMM ressortissent à la fameuse bouteille à l’encre, qui rend tout indéchiffrable.

En bonne logique, une réforme drastique commanderait que les AMM soient accordées pour une matière active et tous les métabolites qu’elle engendre, dont on a vu que nombre peuvent être plus toxiques. Mais ce n’est pas le cas. Ce qui pourrait conduire à un contentieux géant remettant en cause la grande majorité des AMM accordées si généreusement. Une telle perspective est pour l’industrie agrochimique un cauchemar.

7/Ce que peut faire le mouvement des Coquelicots

Les centaines de groupes locaux des Coquelicots doivent prendre à bras-le-corps la décisive question des métabolites. La bonne démarche pourrait consister à créer un sous-groupe entièrement dédié à la question, avec un(e) référent(e) permettant des échanges rapides d’un bout à l’autre de la France.

Premier mouvement (possible) : réaliser un état des lieux local et régional de la distribution d’eau potable. D’où vient-elle ? Quels sont les acteurs – type syndicat intercommunal ou société privée comme Veolia – concernés. Quelle est la nature exacte des analyses menées par l’Agence régionale de santé (ARS). Quels sont les pesticides utilisés dans la région. Quels sont les métabolites recherchés.

Après réalisation d’un document fiable et clair, l’action peut commencer. Il s’agit de se livrer collectivement à un harcèlement démocratique constant de toutes les structures concernées par le problème.

Dans le désordre, les élus locaux et les syndicats intercommunaux, les compagnies de distribution de l’eau comme Suez, Saur ou Veolia, les ARS bien sûr, l’ANSES quand c’est possible, les laboratoires agréés pour les analyses. La liste n’est pas limitative. Le sens général de cette action est simple : il s’agit de réclamer le respect de la loi des 0,1 et 0,5 microgrammes, ainsi que la recherche de tous les métabolites présents dans les eaux brutes – rivières et nappes – et les eaux distribuées au robinet. Autant le dire, ce combat est de longue haleine.

Une précision concernant les labos agréés : ne pas se laisser abuser par les titres ronflants. Certains ne disposent d’agréments que pour un tout petit nombre de métabolites. Faute d’informations de base – par exemple les étalons analytiques -, ils sont en fait dans l’incapacité de rechercher efficacement les métabolites. Pour que les choses commencent à changer, il leur faudrait sans aucun une réforme sur le fond des structures, et des équipements nouveaux au prix pour le moment prohibitif.

Dans ces conditions, il n’est pas interdit de rêver d’une bataille juridique, appuyée par des avocats connus des Coquelicots, qui pourrait déboucher sur de nombreuses procédures. En particulier, il faudrait obtenir l’accès aux Autorisations de mise sur le marché (AMM), de manière à vérifier qu’elles accordent aussi le droit de mettre en circulation des métabolites, potentiellement plus toxiques.

Évidemment, toute démarche risque de se heurter à un mur bureaucratique. Il faut songer à saisir la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA), qui a le pouvoir de débloquer certaines serrures (https://fr.wikipedia.org/wiki/Commission_d%27acc%C3%A8s_aux_documents_administratifs).

À terme, l’objectif des Coquelicots doit être d’aider à la constitution d’une force distincte, nationale, fédérée, tout entière vouée à la grande bataille de l’eau, qui ne fait que commencer.

Un livre très spécial

Amis et lecteurs de Planète sans visa, je ne donne pas si souvent de mes nouvelles. Au temps jadis, je crois bien que j’écrivais ici un article chaque jour, et ce rendez-vous attirait des milliers de visiteurs. Vous qui venez ici, vous êtes les durs à cuire de ce rendez-vous devenu irrégulier.

Je prends la plume électronique, ce lundi 28 août 2023, pour une raison qui me paraît impérieuse. Vers le 20 septembre, je publie en effet un livre aux éditions LLL, dont vous trouverez la couverture plus bas. Le grand sabotage climatique n’a rien d’un livre ordinaire. Je n’entends pas faire ici la vulgaire promotion de sa forme – en ce domaine, chacun est juge -, mais de son contenu explosif.

Explosif ? On a bien dû vous faire le coup cent fois. Mais à la vérité, c’est le mot qui convient. De quoi s’agit-il ? J’ai tenté de comprendre pourquoi la mobilisation contre le dérèglement climatique avait si lamentablement échoué. Car elle a échoué, vous en êtes d’accord ? On sait depuis des décennies qu’un phénomène inouï est en route, et rien n’aura été fait. Rien ? Rien. Si cela ne vous paraît pas stupéfiant, cessez donc de me lire ici.

Pourquoi, oui pourquoi tant de sommets de la terre, de réunions et tribunes, de COP 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27 ? J’ai cherché, et croyez-le ou non, j’ai trouvé la preuve que rien ne serait tenté, car rien ne pourrait l’être. Il ne s’agit nullement d’un complot – certains existent, la plupart sont imaginaires – mais d’un vaste simulacre. On a fait semblant, on aura fait semblant. Et on continue.

Je ne peux évidemment tout vous raconter, mais sachez, et croyez-moi, que tous les premiers rôles, dans les si mal nommées « négociations » climatiques, ont été tenus par des personnages qui avaient partie liée, intimement, avec l’industrie transnationale, dont on sait le rôle si délétère dans l’aggravation de la situation. Deux exemples ? Deux, mais il en est quantité d’autres. Le Canadien Maurice Strong, organisateur des sommets de la terre de Stockholm (1972) et Rio (1992), fondateur et premier directeur du Programme des nations unies pour l’environnement (PNUE), ordonnateur de la conférence de Kyoto en 1997, sous-secrétaire général de l’ONU, a mené pendant toutes ces années une carrière industrielle.

Et quelle carrière ! Sans vraiment se cacher, il a en même temps créé et dirigé des sociétés pétrolières au Canada ou aux États-Unis. Certes, pas des majors comme BP ou Exxon, mais tout de même de très profitables entreprises. Son adjoint à Rio, en 1992 ? Le Suisse Stephan Schmidheiny. Ce dernier a dirigé dans les années 70 l’entreprise Éternit, dont les usines italiennes ont tué plus de 3000 prolos. Par l’amiante, car c’était là le fonds de commerce d’Éternit. Le tribunal de Turin a finalement condamné Schmidheiny à 18 années de prison, peine criminelle s’il en est. Vous avez bien lu : 18 ans. Il n’a jamais osé mettre un pied en Italie, et ses avocats sont parvenus à convaincre la cour de cassation qu’il y avait prescription. Il n’empêche. 18 ans. Et Rio.

Mon livre démontre par des faits irrécusables que le système formé par l’ONU, les transnationales, les gouvernements, est corrompu de mille manières. Mais je n’oublie pas notre moindre part de responsabilité dans l’essor délirant du commerce mondialisé et l’achat compulsif de tant d’objets inutiles, qui rendent les solutions de moins en moins évidentes.

Ce que j’attends de vous ? De l’aide. Non pour moi – on a le droit de ne pas me croire -, mais pour aider à diffuser des informations que je crois fondamentales. Nous ne pourrons commencer à avancer qu’après avoir compris ce qui s’était passé. Cela demandera des efforts qui me paraissent pour le moment hors de portée, mais vous vous doutez à quel point c’est essentiel.

Lecteurs, amis de Planète sans visa, je vous demande un coup de main personnel. Et je ne m’y autoriserai pas si ce livre n’apportait pas des révélations sur un domaine opaque où nous avons tous le devoir de pénétrer. Faites connaître ces quelques mots, que vous lisiez ou non mon livre lorsqu’il sortira. Oui, diffusez ce qui est un appel à la conscience de chacun d’entre vous. Solennel ? Oui, solennel.