Cette tragédie grecque dont personne ne parle

Ce papier sur la Grèce, davantage que d’autres, nécessite un préambule. Autrement, on me tirerait dessus sans préavis, et je préfère, à tout prendre, être prévenu. Comme on verra si l’on me lit, cette précaution ne sera pas suffisante, mais tant pis, assez tergiversé. Mon préambule est que je suis d’accord pour accuser les banques et les banquiers, Goldman Sachs, les bureaucrates européens complices des politiciens véreux, le Pasok, la Nouvelle Démocratie, le pape de Rome, et j’en oublie par force. Oui, je suis d’accord.

Seulement, j’aimerais aussi me poser quelques questions que la bonne conscience de gauche – et d’extrême-gauche – oublie généreusement. Commençons par un chiffre épouvantable, celui des recettes touristiques de la Grèce. Elles représentent aujourd’hui entre 15 et 18 % du PIB. Oui, cette façon de calculer est ridicule, mais il n’y en a pas d’autre pour le moment. Le tourisme de masse est assurément le moteur principal de l’économie locale, et il se porte, figurez-vous, de mieux en mieux (lire ici). En 2011, année tragique pour le pays, les recettes du tourisme ont augmenté de 9,5 %.

Est-ce une bonne nouvelle ? Ben non, je ne crois pas. Un pays jadis fabuleux a vendu son cul et son soleil au reste de l’Europe, trucidant ses lieux les plus grandioses, ses plages les plus belles, ses îles les plus enchanteresses pour que des hordes de couillons souvent braillards viennent siroter sur place quelques verres d’un ouzo de basse qualité. On applaudit bien fort la patrie de Socrate et Platon, mais aussi de Diogène, d’Aristote et d’Épicure. Le progrès est évident au premier regard. Encore faut-il ajouter au tourisme de masse ce corollaire qu’est l’explosion immobilière, laquelle ne se conçoit pas sans des centaines de milliers – voire des millions – de participants.

La fièvre immobilière, autre nom du fric, a « augmenté » la richesse de la Grèce et de nombreux Grecs, au détriment sûr et certain de la nature, en particulier ces forêts méditerranéennes qui impressionnaient si fortement les hommes de l’Antiquité. Je me dois de rappeler que la Grèce n’a pas toujours été un vaste caillou blanc plongeant dans la mer. Il fut un temps, et ce temps a duré, où des forêts climaciques – l’état le plus stable, sans intervention humaine – formaient des ensembles biologiques d’une richesse que je ne reverrai plus. La spéculation immobilière, en association avec ce tourisme qui rapporte tant, a tout ravagé.

Autour d’Athènes, chaque année, chaque été, des incendies épouvantables réduisent chaque fois un peu plus les espaces naturels, déjà modifiés tant de fois par les activités humaines (lire ici). Des milliers d’hectares brûlent et rebrûlent, des dizaines de milliers d’habitants hagards s’enfuient, et le béton avance inexorablement. Dites, a-t-on le droit de dire aux Grecs qu’on ne les a pas beaucoup vus défendre leurs écosystèmes en flammes ? Le « développement », massivement soutenu par toutes les forces politiques grecques, du Laos – Laïkos Orthodoxos Synagermo, un parti fasciste – aux nombreuses formes communistes plus ou moins remaniées, a détruit le profond, et même l’essentiel.

C’est étrange, autant que révélateur. Tous ont accepté l’extrême démolition des équilibres de base de leur propre pays, et voilà donc qu’ils se lèvent contre une poignée de profiteurs. Lesquels existent, je l’ai écrit plus haut, et je n’y reviens pas. Au-delà, j’aimerais ajouter quelques lignes désagréables. Sur le papier, la crise grecque m’apparaît comme une chance fabuleuse, qui sera je le crains gâchée. Certes oui, il faut compter avec les 50 % de chômeurs chez les jeunes, ce qui est d’évidence un crime social. Mais au total, ce que je lis me porte à réfléchir. On parle de 20 % de baisse du niveau de vie. Un niveau de vie artificiellement augmenté par le tourisme, l’immobilier et toutes ces impudentes dépenses publiques que sont par exemple les autoroutes.

Tiens, les autoroutes. L’Europe envisage de refiler encore 12 milliards d’euros de fonds structurels non encore dépensés par la Grèce, qui iraient en priorité à la construction de nouvelles infrastructures autoroutières. Faut-il vraiment préciser ce que j’en pense ? Les centaines de milliards déjà accordés n’iront-ils pas, en priorité eux aussi, à des dépenses aliénées le jour où elles permettront aux Grecs de s’endetter de nouveau ? À des bagnoles, des téléphones portables, des télés d’un mètre de large, des MacDo, des jouets et de la bimbeloterie chinoise, etc ? Et en ce cas, de quoi donc les Grecs se plaignent-ils ? De ne plus se goinfrer autant qu’ils le souhaiteraient ?

20 % de baisse du niveau de vie : voilà l’illustration de ce qu’il FAUT obtenir dans toute l’Europe, au plus vite. Pas pour châtier de supposés dépensiers, mais bien pour enfin oser le vrai débat. De quoi avons-nous réellement besoin ? De quelle santé publique ? De quels logements, consommant quel type et quelle quantité d’énergie ? De quel système d’éducation pour nos enfants ? Le reste, pour l’essentiel, nous mène tous au gouffre. L’épisode grec, involontaire exemple de décroissance, serait un formidable étendard pour une révolution complète de nos manières de vivre et de consommer. Fabuleux, même ! Que l’on consacre enfin l’argent public à la restauration des écosystèmes ! Que l’on trouve le moyen – les moyens – de ne plus polluer du tout ces eaux qui sont notre vrai grand trésor ! Et je dis bien : ne plus polluer du tout. Le voilà, le changement de paradigme. Non plus épurer à grands frais, mais ne plus avoir à le faire serait un authentique progrès. Le  « bon progrès », que j’oppose après un mien ami, vieux paysan breton, au « mauvais progrès ». Ne serait-il pas temps d’offrir aux Grecs une authentique perspective, qui consisterait à rétablir partout des écosystèmes aussi fonctionnels qu’au temps de Périclès ?

L’argent est là, dans les poches de ces foutus banquiers et de leurs compères. Mais la volonté ? Je conclus : il est évident à beaucoup, dont je suis, que la France peut très bien connaître demain le sort de la Grèce. Alors les masques tomberont. Car qui donc – que chacun s’exprime sans détour -, défend chez nous des thèses réellement écologistes ? Exceptionnellement, je ne citerai pas de noms. Mais qui ?

67 réflexions sur « Cette tragédie grecque dont personne ne parle »

  1. le tourisme peut apparaître comme la plaie de ce siècle…écologiquement parlant…
    qui désire vraiment entendre les thèses écologiques…comme dans tant d’autres domaines, les oreilles ont besoin de mensonges pour exister…enfin se croire exister… »ose savoir » comme l’écrivait le poète Horace…
    paradoxalement c’est grâce à un séjour aux antipodes que j’ai partagé le vie de pêcheurs qui vivaient sans porte dans leur humble demeure sur pilotis au-dessus de la mer sans aucune crainte…oui un autre monde serait possible…

  2. Allo,

    Merci Fabrizio.

    « Alors les masques tomberont. Car qui donc – que chacun s’exprime sans détour -, défend chez nous des thèses réellement écologistes ?

    Qui? TOI, Fabrizio. TOI 🙂

    Mais pas des thèses écologistes! Des thèses humaines, cher professeur … 🙂

    ———-

    Je vous demande pardon. Pardon de ne pas être plus présente, auprès de vous toutes et tous. Je lis les sujets, les commentaires toujours avec le même plaisir au coeur, mais je n’arrive plus trop à suivre … 🙁

    Le Monde, notre Monde a besoin de grands changements. Nous le savons tous et toutes, ici sur ce blog, et d’autres, ailleurs … Ces changements ne se feront pas d’un simple claquement de doigt, ou d’un magnifique coup de baguette magique, comme dans les contes de fées. Tsss, tsss, restons sur Terre, mais que cela ne nous empèche pas de rêver!

    Les rêves se réalisent, si, si! C’est vrai! A condition d’y mettre tout notre amour, notre ardeur. Avec passion, pas celle déstructrice, d’autres s’y collent a merveille, mais celle constructive, créatrice. Pas pour soi, mais pour tout ce qui fait l’humanité.

    Il y a du « travail », beaucoup de travail pour tenter de parvenir à ce Monde meilleur, surtout sur le terrain. Aide toi, le ciel t’aidera, n’est pas une phrase de mon vieux « pote » tant aimé, mais elle aurait pu l’être. A nous de retrousser les manches, et de faire au mieux avec les moyens en notre « pouvoir ». Yep! Les manches … retroussées jusqu’aux oreilles!

    Je n’ai pas tout quitté pour ne faire les choses qu’a moitié. Mon seul et unique but, ce sont les autres, l’amour pour tous les autres, avec tout ce que le mot amour, mot superbe, peut contenir.

    J’avoue être sur les rotules, vers le soir, et mes deux neurones rescapés ont vraiment du mal à se connecter, tant il sont HS. Bouh!

    C’est qui le kon ka dit? Travailler plus pour gagner plus.
    Il s’est gourré, le pauv’!
    C’est AIMER plus pour DONNER plus.

    Au secours, je déborde …

    Affectueusement,

    🙂

  3. Lire des gens qui essayent de voir l’arrière plan des problèmes… voilà un plaisir!

    Seulement voilà, c’est une question de paradigme… l’école public nous endoctrine a la modernité et au progrès et nous apprend à mépriser le « non-moderne »… nous envisageons tout nos problèmes par la lorniete de la modernité… nous ne cherchons pas le « moral » ou le « bien commun », nous cherchons la « modernité »…

    Le 2 decembre 2002 nous quittait Ivan Illich…

  4. Merci Fabrice de nous aider à nous poser les bonnes questions,mais quand tu parle du pape au début de ton article je me permet de te rappeler que les Grecs sont orthodoxes et qu’ils n’aimment donc pas trop Benois XVI pour des raisons qui non rien avoir avec la crise.Bonne journée à toi.

  5. « Dites, a-t-on le droit de dire aux Grecs qu’on ne les a pas beaucoup vus défendre leurs écosystèmes en flammes ? »:

    Si des Grecs avaient parlé de ça (et certains l’ont probablement fait), imagines-tu sérieusement que leurs voix seraient parvenues jusqu’à nos oreilles? Et par quel canal?

    Penses-tu que parvienne en Grèce une autre voix que celle qui domine nos médias? Crois-tu que ton blog et tes livres (ou d’autres voix divergentes) arrivent jusqu’en Grèce?

    « Les Grecs », ça n’existe pas.

  6. Une « baisse de 20 % du niveau de vie », c’est hélas une moyenne et ceux qui sont dans le bas de la fourchette (les dents de la fourchette plantées dans le dos ?) en rajoutent dans le désastre écologique : l’abattage sauvage des arbres est devenu un sport national. Un sport forcé pour se réchauffer, pour récupérer des sous. On aura moins d’incendies diront les cyniques qui n’attendent qu’un paysage un peu dégagé pour bâtir.

  7. « 20 % de baisse du niveau de vie : voilà l’illustration de ce qu’il FAUT obtenir dans toute l’Europe, au plus vite. »

    Pourquoi calcules-tu ça en pourcentage? Faut-il vraiment que l’ancienne ouvrière du tissage (elle existe, et même yen a tout plein par chez moi) réduise de 20% sa retraite à 800 balles? Et si tu envisages un autre mode de calcul, pourquoi n’es-tu pas plus clair?

    Moi, je suis complètement d’accord sur une baisse globale de 20%. Encore faut-il préciser comment elle sera répartie.

    Compter en argent est aussi fallacieux: aujourd’hui, nombreuses sont les familles qui passent la moitié de leurs ressources au logement, et celles qui n’y parviennent plus ne sont pas rares, tu as vu le chiffre des expulsions bloquées en hiver et qui reprennent au printemps?

    Si on stoppait la spéculation immobilière, on pourrait peut être vivre avec moins. Mais qui le fera, et dans combien de temps?

  8. Qui défend des thèses réellement écologistes ? Quelques derniers mohicans tels Serge Latouche, Paul Ariès, Pierre Rahbi et quelques autres. Effectivement, Fabrice le vrai débat est bien là où vous le mettez. Mais les rares personnes qui sont prêtes à poser ces questions, y apporter des réponses qui impliquent qu’il va falloir grandement et urgemment revoir notre façon d’exister sont moqués, ostracisés, traités de pauvres obscurantistes sectaires. Pourtant, en cherchant bien, n’y aurait-il pas au moins 10 % de la population qui pourrait se retrouver, s’accorder, peser pour initier une évolution ? J’y crois peu, la seule manière d’imposer le changement sera le chaos. Comme vous le dites, la Grèce pourrait être une chance à saisir, une sorte de protoype à développer à partir d’une situation désastreuse mais récupérable, pourvu qu’on y applique une diète salutaire.

  9. @ Winston Mc Clellan & Co

    [
    « J’ai commencé par des études de mathématiques ; ensuite, je suis passé à la philosophie. De là, j’ai fait des lettres classiques, puis j’ai fini par sombrer dans la linguistique. Autrement dit, c’est un parcours qui semblerait témoigner d’une certaine instabilité qu’[on] appellerait maintenant de la « pluridiscipline » […]

    Ceci dit, il est évident que ce parcours a influé sur ma manière de voir les choses, et que mon passé scientifique m’a fait spécialement souffrir d’un milieu littéraire dont je partageais les intérêts, mais qui en traitait, à mon avis, d’une manière tellement désinvolte, voire poétique, que je ne pouvais pas me contenter de l’idée qu’on se faisait des phénomènes de culture, des phénomènes humains et en particulier du langage.; puisqu’à cette époque — et même encore maintenant, pour beaucoup —, le langage était la caractéristique de l’humain. Il m’a donc fallu, pour échapper à cette littérarité […] essayer de trouver une manière de parler moins empiriquement et moins descriptivement du langage. La seule manière que nous ayons trouvée […] c’est de vérifier cliniquement les dissociations que, nous posions » (*)

    Ceci le conduit à formuler de manière radicalement nouvelle une théorie de la rationalité, théorie qui tient que toute dissociation, tout concept qu’elle formule doivent se trouver pathologiquement attestés et cliniquement vérifiés. À partir de cette approche clinique du langage, Jean Gagnepain élabore progressivement un modèle théorique qui a pour ambition de renouveler tout le champ des sciences humaines.

    Il en expose les principes et leur genèse d’abord dans ses séminaires hebdomadaires qui se déroulent sur plus de trente ans, et qui attirent en grand nombre, non seulement des étudiants, doctorants ou non, mais aussi des collègues universitaires du Grand Ouest, et ensuite dans son ouvrage en trois volumes sous le titre : « Du Vouloir Dire. Traité d’épistémologie des Sciences Humaines » (voir la bibliographie téléchargeable).

    Il donne à ce modèle le nom de « théorie de la médiation » qui est une théorie de la rationalité considérée comme mode spécifique d’accès à l’humain, à la culture, par le réaménagement de l’hominidé que naturellement il est, dans l’homme que culturellement il devient, selon quatre plans que la clinique a permis de mettre en évidence.
    ]

    Le coeur de nos difficultés tient dans l’articulation correcte des deux rationalités spécifiquement humaines (2/4)que sont les dimensions sociopolitique et axiologique-morale (les pathologies de la socialité ne sont pas celles de la maitrise ou non des désirs…)

    Plus simplement, il ne s’agit que d’imaginer des codes qui font le vivre ensemble, au point qu’il soit illégitime de s’y opposer.

    Ce type de réponse permettra de renvoyer les pseudo-théoriciens de l’économystique dans la préhistoire du savoir, tout en fournissant les bases cohérentes du couplage cohérent de la politique et de la morale.

    Très simple dit comme çà, très difficile à illustrer concrètement puisque çà fera juste péter – par exemple – le dualisme politique religion.

    Je vous parle pas de l’effet sur les ambitieux … en politique … qui se prennnent pour des « hommes miracles

  10. un autre angle de vue, une aautre façon de voir la même chose…….. 🙂

    conspuer le tourisme est aussi un de mes sujets favoris, avec la finance, ainsi que les autoroute et les massacres à la bétonneuse.

    20 % de réduction du niveau de vioe Fabrice ? ha ben oui, et même un peu plus car retrouver un niveau de consommation et d’empreinte écologique comme celui de 1960, se ne serait pas non-plus l’âge de pierre….

    merci pour ces précisions sur le saccage de la Grèce. on aurait parler encore davantage des côtes ravagées, de l’acculturation, mais ça va déjà comme ça.
    par contre, ton écris ne fait pas bien la distinction entre une « bonne réduction » et « une mauvaise réduction », me semble-t-il. Car en effet, en Grèce, c’est l’école, l’hopital, les emplois des plus pauvres et tous les services publics qui pâtissent. les sociétés, probablement étrangères, qui construiront les autoroutes avec du personnel sous-payé, elles, se porteront d’autant mieux, ainsi que la classe la plus riche.
    et le débat écologiste, qui nécessite l’adhésion des masses, sera d’autant plus relégués aux calendes ….grecques, puisque les grecs auront des soucis plus importants…. bouffer et retrouver leur pouvoir d’achat.

    je rappelle, la décroissance, ce n’est pas une croissance négative, c’est la prise de conscience d’un système qui ne sera PAS fondé sur la croissance.
    Or ce qui arrive aux grècques ce n’est pas cela. c’est le PIRE !!! c’est un monde complètement construit sur la croissance, mais sans croisssance…. et là ça va faire des dégâts, dans les chaumières, dans les hopitaux et les cimetierres, dans les rues insurgées, sous les matraques, mais surtout dans les esprits et dans la génération qui vient. c’est un recul terrible.
    et la France passera aussi par là sans doute, sans que les esprits soient mûrs pour effectuer une transition vers un monde non bâti sur la croissance.

  11. 20 % de baisse du niveau de vie dans l´Europe entière ?
    Génial, un grand merci, au nom de tous ceux, qui comme moi, vivent sous le seuil de pauvreté (700 € par mois). Promis, on va se serrer encore plus la ceinture. Grâce à un exercice quotidien rigoureux, ça va marcher à coup sûr 🙁

  12. Par rapport à la crise grecque, l’économie et l’écologie, je vous invite tous à aller regarder de près les brochures d’un collectif politique « Lieux communs » (qui comprend notamment quelques grecs … et tunisiens).
    Ici, pour la première brochure sur la Grèce :
    http://www.magmaweb.fr/spip/spip.php?article536
    et là, pour la deuxième :
    http://www.magmaweb.fr/spip/spip.php?article546
    Dans la deuxième, on y trouve notamment ceci :
    http://www.magmaweb.fr/spip/spip.php?article547
    « Nous croyons donc qu’il faut envisager sérieusement la possibilité d’une réorientation profonde de l’économie. S’opposer aux plans d’austérité de l’oligarchie, d’accord, mais dans quelle perspective ? Si c’est pour exiger une répartition de la richesse qui nous permettra de participer, nous aussi, à la course délirante à la condamnation de populations entières à la misère et à la famine, à la catastrophe écologique, cela ne vaut pas la peine. »
    Et puis :
    « Bien sûr, une redéfinition de l’activité économique va de pair avec une pro­fonde redéfinition des valeurs cardinales de la société. Ainsi, il faut affirmer po­sitivement que les valeurs qui donnent du sens à notre vie se trouvent en dehors de l’économie, en dehors du fantasme de la toute-puissance matérielle. Les va­leurs qui orientent une vie sensée et digne d’être vécue sont celles qui remettent à sa place l’affection sociale, la sociabilité, la solidarité et la convivialité, depuis longtemps oubliées par une société en quête de divertissement, de camelote à consommer et de bonheur matériel individuel. Celles aussi qui restaurent le dé­sir du beau, l’amour pour l’esthétique que la stérilité de la production artistique actuelle ne peut pas satisfaire. Celles qui restaureront l’amour pour le savoir, la recherche de la vérité et la passion de l’élucidation, à la place de la connaissance des tricheries, des mécanismes et des pratiques du gain, des « trucs » pour « se vendre » sur le marché du travail, du lobbying, de la compréhension du fonc­tionnement des « marchés », du décryptage des chiffres de l’économie, de la « maîtrise » de l’univers numérique. Celles qui restaureront des critères éthiques comme la dignité, les égards dus aux autres, l’équité, l’attachement au travail bien fait ; à la place du cynisme, de l’indifférence, du nihilisme moral. Celles enfin qui solidifieront et institueront toutes les précédentes : la liberté, l’égalité, l’autonomie, l’autolimitation, la politique en tant que champ de défini­tion des buts et des visées ultimes de la société ; à la place de l’écono­misme régnant, de la politique en tant que duperie et cristallisation des rapports de domination. »

    Et puis, dans la 1ère brochure, un auteur qu’affectionne notamment notre hôte : des extraits d’entretiens avec Castoriadis (avant la crise actuelle) où le penseur d’origine grecque ne ménage pas son propre pays :
    http://www.magmaweb.fr/spip/spip.php?article536

    Merci Fabrice,
    Leyla

  13. À tous,

    Il semble que les commentaires de cet article soient bloqués, à la suite de je ne sais quelle fantaisie technique. Je vous prie de m’en excuser.

    Fabrice Nicolino

  14. « ceux qui sont dans le bas de la fourchette (les dents de la fourchette plantées dans le dos ?) en rajoutent dans le désastre écologique »

    François, j’aimerais bien savoir les références (sérieuses, s’il te plaît) qui te permettent d’affirmer que les pauvres détruisent plus la planète que les riches.

    En fait, j’aimerais rien savoir du tout, c’est absolument faux, basta. Soit tu es de bonne foi alors renseigne-toi, soit tu ne l’es pas alors je n’ai rien de plus à te dire.

  15. Je voudrais bien comprendre par quel processus une baisse de 20% du niveau de vie dans toute l’Europe ouvrirait enfin un vrai débat, comme si la chose était mécanique et évidente.
    Il va falloir se battre pour avoir ce débat…
    La baisse du niveau de vie se fait peu à peu. De toute manière elle est déjà bel et bien là, pour beaucoup. Qui va le plus morfler ? mais ceux qui morflent déjà : tous les précaires, les chômeurs, les enfants des précaires, les femmes seules avec enfants et petits boulots, les vieux avec des petites retraites, les malades ou les handicapés, certains étrangers…il y aura encore plus d’expulsions de logements, des assos caritatives débordées. Bref, plus de drames humains, une précarité s’enfonçant pas à pas dans la misère.
    Pour moi dans ce discours « Il faut » se glisse incognito une forme d’appel à la souffrance qui passe mal. Surtout aujourd’hui, jour où recommencent les expulsions. Je vis aussi avec 700 euro par mois, et le froid de février dans ma maison n’est toujours pas ressorti de mon corps. Pendant combien d’années les plus précaires vont-ils devoir subir cette baisse du niveau de vie, avec toutes les souffrances que ça représente, avec les drames ou les suicides…etc. quand il s’agit de nourriture, de chauffage, d’accès aux soins, pour soi même ou pour ses enfants, la souffrance est corporelle, ce n’est pas une vue de l’esprit, et c’est sans commune mesure avec les petites frustrations de ne pas pouvoir se payer tel ou tel objet ‘moderne’.
    Nous rêvons tous d’un « bon progrès ». Au service du vivant et du bien être de tous les êtres.
    Cependant personnellement je refuse un discours qui appelle à plus de souffrance. Il y a bien assez de sacrifiés dans ce monde, basta ! On doit souhaiter, ou alors prier si l’on croit, pour l’inverse.
    Il ne me semble pas que la précarité prédispose à la grandeur d’âme.

  16. Pour « Cultive ton jardin » : Explication de texte même si le goût du dialogue ne semble pas ton fort et si mes capacités à me faire comprendre me semblent atteintes :
    Où ai-je dit que « les pauvres détruisent plus la planète que les riches ? ». En « rajoutent », oui, hélas. Plus, c’est difficile.
    J’ai écrit : « Les dents de la fourchette plantées dans le dos » : avec l’épée de la misère dans le dos les Grecs qui cherchent à survivre sont amenés, conduits, incités (par les riches, disons pour faire simple), à déboiser sauvagement leur pays. Le fait d’être dans la misère n’empêche pas ipso facto, de scier la dernière branche sur laquelle on est assis (mal), hélas. C’est bien pourquoi il faut condamner la grande richesse qui fait la grande misère et aggrave le désastre écologique.

  17. @ François:

    Je préfère ta seconde formulation, elle est plus claire et ne donne pas l’impression qu’on crie, une fois de plus, haro sur le pauvre.

    J’avoue que je suis exaspérée par ceux qui rabâchent que les vieilles bagnoles pourries polluent plus que les BMW dernier cri, et qu’on doit économiser l’eau pour permettre l’irrigation du maïs dans les régions sèches où il n’a rien à faire.

    Et j’ai trouvé ça aussi:

    http://balkans.courriers.info/article19435.html

    Comme quoi, ya pas que des Grecs qui détruisent, certains sont aussi en train de construire un mouvement qui pourrait bien aller dans la bonne direction.

  18. J’ai juste deux remarques à faire sur cet article.
    Concernant les forêts grecques, ont-elles attendu le tourisme de masse et la spéculation immobilière pour disparaître ? En Europe, beaucoup de défrichements ont eu lieu au cours du moyen-âge (voire plus tôt) pour laisser place à l’agriculture… T’es-tu documenté sur le sujet Fabrice ou est-ce une supposition ? (une brève recherche sur le web ne m’a pas informée).

    Ma seconde remarque concerne encore la forêt. A ma connaissance, les incendies sont nécessaires dans le cycle de vie naturel des écosystèmes méditerranéens. Ce ne serait donc pas un tel crime écologique qu’il y en ait eu, tant qu’on a laissé faire ensuite la nature, sans profiter du défrichement pour construire…

    Mis à part ces deux remarques, je suis complètement d’accord avec le fond de l’article.

    Pour répondre à Martine : la décroissance n’est pas à répartir uniformément sur tout le monde. Ce ne sont pas aux pauvres de décroitre, mais aux riches. Si les riches ont une décroissance de 60%, les moyens de 30% et les pauvres une croissance de 10%, on peut quand même avoir une moyenne de 20%… Ce n’est pas ce qui se passe en Grèce.

    Et à Cultive ton jardin : François ne dit pas que les pauvres sont plus pollueurs que les riches, seulement que la pauvreté extrême amène parfois à ce que la nécessité de survie au jour le jour ne laisse pas d’autre choix que d’abandonner celle de demain… Ce que l’on voit avec la culture sur brûlis, par exemple…

  19. hors sujet, //www.ouest-france.fr/actu/economieDet_-Chaud-devant-voila-le-fromage-sans-lait-_3634-1184895_actu.Htm

  20. Yoda,

    Je n’ai pas dit, d’autant que je ne le pense pas, que la destruction des forêts avait commencé avec le tourisme de masse. Ce serait (presque) trop beau ! Platon se plaignait déjà il y a 25 siècles de la surexploitation des forêts de montagne pour la fabrication des mâts de navires, et de l’érosion que cela entraînait. Non, c’est une vieille histoire, mais la destruction s’est emballée. Parmi quantité d’autres livres, voir Jacques Brosse, Histoire des forêts en Occident.

    Pour l’autre question, il me semble clair qu’il n’y a aucun rapport avec des phénomènes de régénération naturelle, aléatoires mais finalement nécessaires et même féconds, d’un côté; et de l’autre la multiplication d’incendies au même endroit, qui détruisent tout sol et laissent au pire apparaître la roche mère.

    Bien à vous,

    Fabrice Nicolino

  21. @ Leyla,

    Globalement d’accord avec tes citations comme avec Castoriadis, cependant, le recours au concept de valeur ne fait pas avancer le schmilblic.

    C’est parce qu’ils valorisent ce qu’ils convoitent que les braqueurs de banque par exemple vont passer du temps en observation et repérage.

    Les humanistes vont eux valoriser la dignité de l’homme etc

    Qu’est-ce que tu veux faire d’un concept (valeur) permettant de rendre compte de comportements aussi différents?

    L’idée de valorisation permet de faire des choix intéressés. J’opposerai donc « choix » intéressé à « décision » spécifiquement humaine relevant d’un comportement moral.

    Comment s’opère en l’humain cette distinction du choix à la décision? Selon un processus implicite qui s’éduque très tôt chez les jeunes enfants provocant le sens de la cupabilité ou de la honte.

    Peut-il arriver que ce processus moral se dérègle?

    Oui et de deux façons opposables: par excès et c’est ce qu’on l’on constate avec les névrosés qui se compliquent la vie de façon incroyable et non consciente; ou par défaut chez les psychopathes par exemple addicts à n’importe quoi (argent travail alcool bouffe etc)de façon tout aussi inconsciente.

    Je ne vois pas comment il deviendrait possible de construire une stratégie réellement offensive contre tous les prédateurs tant que vous en resterez à des concepts aussi flous (valeurs avec ses différentes gradations affectées d’un petit « v » ou d’un grand « V » qui ne règle rien) sinon à vous condammner vous même à avoir tjs un coup de retard sur leur fantastique capacité d’initiative qu’aucune hésitation ni humilité ne retient.

    Comme dans leur monde, « time is money » la fraction de seconde infinitésimale qui les sépare des gens sains leur donne un avantage concurrentiel imparable. La seule solution consiste donc à construire des codes suffisamment subtils pour que chacun reste libre (la morale ne peut pas plus être obligatoire que facultative) mais permettant de répérer ces prédateurs avant qu’ils ne parviennent à qelque poste de responsabilité que ce soit envers autrui. Ce faisant, c’est la domination économistique qui passera au second rang!

  22. yoda,
    merci de votre réponse pleine de bon sens.
    Je pense aussi que François ne voulait pas jeter l´anathème sur les gens pauvres. Mais pour survivre, nous sommes prêts à tout. Sur le continent africain, pour ne citer que cet exemple, les grandes multinationales l´ont bien compris, elles exploitent en esclavagistes la misère et le dénouement des populations locales. Comment refuser de travailler dans les mines de coltan quand on a des gosses à nourrir, même si l´on sait que cette exploitation détruit l´habitat des gorilles, alimente le nerf de la guerre et met la santé des mineurs en danger ?
    Même chose pour le braconnage des espèces protégées.

  23. « Ce que l’on voit avec la culture sur brûlis, par exemple… » (Yoda)

    Tu vois, encore une confusion entre les « destructions » des pauvres et celles des riches, les mots sont importants.

    Les cultures sur brûlis sont un mode de culture traditionnel, pratiqué par de PETITES tribus montagnardes ou forestières, sur de PETITES surfaces. Elles ne détruisent aucunement la forêt, qui reprend immédiatement et facilement sa place tandis que la tribu cultive un autre lopin provisoire.

    Rien à voir avec les énormes destructions pour, par exemple, la culture industrielle des palmiers à huile.

    Rien à voir non plus avec les pratiques des pauvres privés de terre par diverses ruses bien de chez nous (exiger un titre de propriété écrit que ces gens n’ont jamais possédé) et qui doivent, eux aussi hélas, détruire la forêt pour simplement survivre.

  24. Cultive ton jardin,

    Je ne souhaite pas polémiquer – nous sommes tout de même très proches, non ? -, mais je refuse et refuserai de contribuer à la mystification concernant les pauvres. Certes oui, je n’ai pas besoin de développer, les riches et la forme sociale capitalistique dominante sont la plus grande catastrophe existant sur Terre. Néanmoins, et fatalement, les milliards de pauvres qui, du reste, sont souvent fascinés par le spectacle du Nord, détruisent des pans entiers de la biodiversité. Et je vois que tu n’as aucune idée sur ce que sont les brûlis à l’échelle planétaire.

    La question écologique est atrocement complexe, et met en question aussi, bien que d’une autre manière, la façon dont les pauvres habitent la planète. Il faut oser s’en souvenir.

    Fabrice Nicolino

  25. attention sur l’Afrique: tous les pays ne sont pas dans la misère et la famine, certains pays comme le Mali sont meme en surproduction et s’en sortent très bien, fonctionnant sur le mode de petites exploitations familiales..mais des gens « supérieurs » ont jugé qu’ils doivent se moderniser : achat d’engrais, de tracteur, ogm..bref les multinationales voient un marché immense et participent à cette propagande de « la pauvre afrique »..ce faisant destruction de l’économie familiale
    très intéressant entretien http://www.inmotionmagazine.com/global/i_coulibaly_int_fr.html#Anchor-14210

  26. « ce que sont les brûlis à l’échelle planétaire »: il aurait été plus juste de dire « ce que sont DEVENUS les brûlis.Voire même d’employer un autre mot.

    Et sur la fascination des pauvres par le modèle clinquant occidental, En effet, j’ai pu observer pendant un an au Vietnam toute cette classe montante dans les starting-blocks, yaura pas de la place pour tout le monde, raison de plus pour s’engouffrer dans l’entonnoir en écrasant les voisins.

    Pourtant… quelque chose est en train de changer. Minime mais plein d’espoir.

  27. « – nous sommes tout de même très proches, non ? – »

    En effet, nous sommes assez proches pour avoir envie de discuter, et assez éloignés pour qu’il y ait matière à discuter. Ça me plaît bien, comme distance.

  28. Fabrice,
    Si, par exemple, Cicéron et Pline l’ancien font assez explicitement le procès de ceux qui défrichent inconsidérément, il n’en va pas de même pour Platon, dont la parole est plus ancienne de quelques siècles. Dans Critias, où il est question de l’Atlantide, il écrit : « Notre terre est demeurée, par rapport à celle d’alors, comme le squelette d’un corps décharné par la maladie. Les parties grasses et molles de la terre ont coulé tout autour, et il ne reste plus que la carcasse nue de la région. Mais en ce temps-là, encore intacte, elle avait pour montagnes de hautes ondulations de la terre ; les plaines, que l’on appelle aujourd’hui Champs de Phelleus, étaient couvertes d’une glèbe grasse ; il y avait sur les montagnes de vastes forêts… » L’époque évoquée, c’est celle des temps mythiques d’avant le cataclysme qui a emporté l’Atlantide, alors que l’Attique, bénie des dieux, était peuplée d’êtres parfaits, avait un climat parfait… En bref, l’Attique évoquée est l’image pour Platon de la cité idéale. Son environnement naturel fantasmé est comparable alors à celui des contrées lointaines largement imaginaires (Inde, Éthiopie, îles de l’océan Atlantique…), conçues comme des reliques de l’âge d’or. Ce que n’est plus l’Attique de Platon, ce qu’il déplore (évidemment). Il met en cause le cataclysme à l’origine de la disparition de l’Atlantide, ainsi que des pluies intenses qui entraînent les sols jusqu’à la mer. Mais ne fait pas de lien entre disparition des forêts et des sols, du moins pas dans le sens que l’on privilégierait aujourd’hui.

    Ceci dit, l’anthropisation du pourtour méditerranéen remonte en effet à la plus haute Antiquité et le recul de la forêt (ce qui n’est pas nécessairement synonyme de mise à nu du sol) est très ancien.

    ____________

    Yoda,
    « A ma connaissance, les incendies sont nécessaires dans le cycle de vie naturel des écosystèmes méditerranéens. » Voilà bien les poncifs que des pseudo-journalistes de télévision nous infligent chaque été, en se croyant malins. Des espèces pionnières sont favorisées par le feu, ce qui a pour conséquence une reprise favorisée de la végétation après incendie. Lorsque ces feux reviennent souvent, il y a auto-entretien du type de végétation engendré. Par exemple, le Pin d’Alep brûle bien et ses graines sont bien dispersées par le feu (et comme c’est une espèce pionnière, elle redémarre bien) ; ou encore le Ciste de Montpellier, qui brûle particulièrement bien et repart rapidement depuis les racines. Le feu revenant souvent, rarement naturellement, souvent par accident ou malveillance, on en conclut parfois hâtivement que c’est le fonctionnement naturel, car les espèces présentes avant le feu reviennent vite et bien. Simplement, le feu sélectionne. Si la fréquence de ces feux était considérablement moins élevée, la végétation aurait le temps d’évoluer et les espèces les plus présentes n’auraient pas cette particularité (les stades les moins avancés sont naturellement toujours présents, avec des espèces pionnières à fort pouvoir de dissémination ; donc toujours la possibilité de recoloniser le milieu après un éventuel feu, avant d’être supplanter à nouveau par de nouvelles espèces, si le feu ne revient pas de suite).
    En France ou ailleurs, il y a quelques occasions de voir ou d’imaginer à quoi peut ressembler une véritable forêt méditerranéenne, assez loin de ce que l’on imagine communément (la place potentielle des arbres caducifoliés, pour ne parler que des espèces physionomiquement dominantes, est sans commune mesure avec ce qu’on peut voir actuellement, mais cela change (voir discussion sur la déprise et le retour du naturel dans certains coins)).

    ____________

    Cultive ton jardin,
    Il y a brûlis et brûlis. S’il est question d’un hectare défriché de temps à autre en forêt tropicale peu peuplée, l’impact est infime. Ce n’est pas la même chose ailleurs avec une dégradation du sol et des potentialités amoindrie. Il existe par exemple et de longue date des savanes anthropiques, là où auparavant pourrait pousser la forêt (toutes choses égales par ailleurs).

  29. Fabrice, merci pour ce souffle d’air frais ! Personnellement, il me vient comme une réponse bienvenue a une interview récente de Michel Rocard ou il traitait le sujet de la Grèce en 2-3 phrases autoritaires, définitives, désespérées, étouffantes, plombant tout horizon possible… qui m’étaient vraiment restées en travers de la gorge !

  30. Une baisse de 20% oui si cette baisse concerne le gaspillage : autoroutes,epr, transports routiers, constructions de bureaux, de zones commerciales, industrielles…

  31. Mais ne rêvez pas, cette baisse concernera, les dépenses de santé, les aides aux plus démunis, à l’éducation, aux associations, aux économies d’énergies…

  32. Si nous laissons faire les gangsters qui nous gouvernent nous aurons la pauvreté associée au bétonnage et à la pollution, et tout cela sera accepté au nom de l’emploi.

  33. Une baisse des revenus ne permettra pas de résoudre la crise écologique, ce qu’il faut c’est une amélioration de la qualité de vie et une remise en cause de certaines de nos pratiques.

  34. Si nous laissons faire les gangsters qui nous gouvernent nous aurons la pauvreté associée au bétonnage et à la pollution, et tout cela sera accepté au nom de l’emploi. Une baisse des revenus ne permettra pas de résoudre la crise écologique, ce qu’il faut c’est une amélioration de la qualité de vie, pas forcément du pouvoir d’achat, et une remise en cause de certaines de nos pratiques.

  35. Un texte que j’ai traduit d’une page italienne, parceque…émouvant. (je précise que je ne suis pas traductrice !)
    C’est un texte de Marco Giorcelli. Il l’a écrit l’année dernière après avoir eu connaissance de sa maladie. Cet homme était depuis 19 ans directeur du journal « Il Monferrato » .
    Il est mort ce 15 mars , à l’age de 51 ans.

    « Mesotelioma maligno epiteliomorfo » : le verdict est là, il tient en trois mots. A propos du troisième ils m’ont expliqué qu’il est porteur d’espoir puisqu’il signifie que c’est la forme la moins agressive de cette tumeur. La tumeur de l’amiante. Celle qu’on peut essayer de combattre avec le plus de chances de survie. Et je vais essayer.
    Mais ces trois mots, tellement clairs sur un rapport médical qu’il n’est nul besoin d’ajouter beaucoup d’explications, depuis le mardi 25 janvier sont devenus mon étoile de David, le signe d’une différence – appelons la, maladie – qui à l’intérieur de moi a tout changé.
    Jusqu’à la veille de Noël, un mois plus tôt, j’ai travaillé et vécu tête baissée : avec frénésie, avec hâte, avec la passion bénie et maudite d’un travail qui te tient collé à la rédaction jusqu’à 14 heures par jour.
    Puis en cette veille de Noël justement, une toux insistante a donné le premier signal d’alarme.
    Une grippe banale, juste un peu insistante, comme celle qui est à la mode cette année ? l’année prochaine ça serait peut-être mieux de faire le vaccin ?
    Non, ce n’était pas la grippe. Et le bon vaccin n’existe pas encore. Mésothéliome pleural. C’est lui qui a emporté en premier des centaines de travailleurs d’Eternit, puis des centaines de citadins, d’âges différents. « Exposition de type environnementale » conclut l’oncologue. Certes. Je n ‘ai jamais travaillé l’amiante. Mais à Casale Monferrato, ville malchanceuse, ville dévastée, que pourtant je ne peux cesser d’aimer, j’y ai toujours vécu.
    Cinquante années, exceptées quelques périodes de congés, à respirer à plein poumon l’air de cette ville qui m’a vu grandir : à sentir les violettes au printemps, à défier la chaleur de l’été, à laisser entrer dans mes os le brouillard et la fumée des châtaignes grillées, à manger de la neige.
    Etudes, amoures, amitiés, famille, travail : tout ici. A Casale Monferrato et aussi sur les collines alentours, ces seins moelleux que j’ai appris à connaître tout petit, debout sur la Vespa de papa qui roulait à toute blinde et qui choisissait toujours pour faire une pose les point de vue panoramiques, ceux d’où nous reconnaissions les clochers, les paysages et le profil des Alpes.

    Je me suis toujours considéré comme un Casalese, donc. Et depuis ce mardi 25 janvier, je le suis plus que jamais. Moi aussi je porte le signe le plus profond de la Casalité de ces cinquante dernières années : la tumeur de l’amiante. Comme des milliers de personnes qui ne sont plus, comme des centaines qui menons la même bataille.
    Nous autres de Casale Monferrato. Une petite Hiroshima, une petite Nagasaki, une petite Chernobyl.
    Honnêtement, avant le maxi procès en cours à Turin, je pensais qu’à l’origine de ce désastre il y avait bien des comportements gravement coupables et surtout irresponsables : une terrible légèreté, une effroyable sous estimation des risques. Mais ce qui est ressorti lors du procès, qui a carrément révélé l’existence de manuels du mensonge, et donc une atroce conscience de ce qu’ils étaient en train de faire et de provoquer, m’a atterré.
    Des coupables il y en a certainement, mais il s’agit d’un crime contre l’humanité. Les accusés ont droit à un procès juste et je leur souhaite de ne pas être coupables : autrement pour eux on devrait éprouver une telle désolation, plus encore que de la colère, pour comment ils ont pu ainsi renier tout sens de l’humanité au nom du profit et du pouvoir.
    Bien sur nous à Casale Monferrato demandons justice. Pour nos morts, pour nos souffrances, pour nos familles brisées, comme si sous notre ciel en ce vingtième siècle il y avait eu une autre guerre. Très longue, exténuante. Et sans possibilité de se défendre. Un crime contre l’humanité.
    Marco Giorcelli

  36. merci Florence pour ce témoignage poignant, d’ailleurs je suis étonnée que Fabrice n’ait pas plus parlé de ce mégaprocès qui s’est tenu à Turin; et puisque j’y suis Fabrice quid des gaz de schistes? sinon Lemaire a pris un arrêté pour interdire maÏs 810, finalement; fin de l’épisode..?

  37. Salut à tous, Fabrice avec la Grèce tu touches chez moi un point sensible car j’y réside la moitié de l’ année et mon nom signifie « Olives » en Grec…comme quoi ma vie était tracée ! Pour les forêts je dirai « les quelles ? » tellement les arbres sont rares, je pense justement que la décision d’ imposer l’ OLIVIER oomme monnaie d’échange dans le pays a été une catastrophe écologique. De nos jours ce sont les salaires de misères qui font que le travail au noir n’ est pas prêt de disparaitre, mon voisin qui est un copain a 3 métiers pour pouvoir étaler financièrement : berger avec une centaine de chèvres pour le fromage, maçon dans une entreprise mais uniquement quand il y a du boulot…, et jardinier pour les touristes comme moi. Il roule en mobylette parce que la voiture ne lui est pas nécessaire. Tous les jours je prends des leçons de sagesse avec lui et bien d’ autres amis du pays alors quand j’ entends les conditions que la troïka et le FMI veut imposer j’ en suis malade. Que ces gens viennent vivre avec le peuple et le discours changera, mais le veulent ils réellement ? J’ en doute, ce qui compte c’est d’ imposer l’ invasion du pays par le rachat des sociétés d’ état par les multinationales FMI, comme le télecoms, l’ eau etc… tout va y passer. Le tourisme de masse doit exister mais où ? A vrai dire je ne le vois pas dans les îles du Dodécanèse, il doit être plus à l’ Ouest mais sincèrement j’ ai un peu de mal à l’ imaginer tant j’ ai connu les hordes de sac à dos (dont je faisais partie) au Piré avant de monter à bord des ferries il y a 20 à 30 ans alors que maintenant c’ est le désert ! La masse a vraiment diminué ! J’ adore ce pays et je suis révolté par les mesures d’ austérité imposées au peuple. Un jour tout va péter si manger devient trop difficile à commencer par les enfants…

  38. Sentir le vent des bullets, c’est la prise du prix de la conscience (the awakening). A force de préambuler, on vous cherchera seulement quelques poux sur la tête. Merci à Platon, ce rocher d’en face, par qui nos oreilles entendent encore les murmures d’une civilisation disparue.
    Et pour le plaisir :
    http://www.youtube.com/watch?v=v_AFN6JuIr8

  39. http://www.journaldelenvironnement.net/article/modifier-l-humain-pour-reduire-ses-emissions,28023

    Je reste sur mon propre fil : la science et nous. Pas à propos, mais… je ne me sens pas capable de parler des « pauvres », des « Grecs », de la manière d’en sortir, des vrais pouvoirs, du « cadre » aussi comme dirait Fred Lordon (ce n’est pas un écologiste engagé, et son humour n’est pas tangeant – cf Paccalet, bravo l’artiste !), mais son propos vaut le grand détour, avec Etienne Chouard, et je sais que d’autres ici l’apprécient, les apprécient, si la question de la masse, du nombre qui caractérise notre monde contemporain me paraît capitale, et à explorer tout autant.

    Nous ne nous penchons pas sur le problème : ceux qui ont un intérêt direct le feront, et le FONT.
    Encore un truc qui devrait pourtant être démocratique, et écologique (faute de dire mieux)…

  40. Problèmes techniques pour les commentaires : 3 jours que je m’y colle et que mon texte disparait… las, je voulais remerci Layla pour son allusion au philosophe grec contemporain (mort en 1997), Cornélius CASTORIADIS (je lis en ce moment « Ce qui fait la Grèce » et c’est un régal à mettre entre toutes les mains !).
    Sans grand rapport (bien que…), je vous donne ce lien car la France aussi a perdu sa forêt… heureusement, elle revient mais… saura-t-on la préserver, la laisser vieillir, ne pas la transformer en vulgaire plantation de pylones ligneux ? regardez :
    http://www2.cndp.fr/svt/foret/Evolution/Evolution.html
    Les explications qui vont avec :
    http://www2.cndp.fr/svt/foret/Commentaires.htm
    (je l’avoue ; je n’ai pas vérifié ces explications, je me contente de regarder la peau de chagrin du lien précédent…).
    Répétons-le : sous nos lattitudes, la forêt est le milieu naturel qui devrait s’imposer presque partout ! On en est loin, surtout avec la maladie des « milieux ouverts » que même les assos écolos manient avec beaucoup de légèreté, comme si c’était un affreux drame que la forêt regagne du terrain ! Si une forêt est assez vaste, des « perturbations » naturelles permettent la présence de nombreux milieux ouverts (feux, maladies, tempêtes…).
    Que ceux qui voudraient en savoir davantage sur le sujet lisent Jean-Claude GENOT ou Gilbert COCHET… et le site de l’association « forêts sauvage » avec… un beau livre tout juste paru (ou bientôt) : Annick Schnidler « Forêts d’ Europe » chez la Martinière si je me souviens bien. Demandez à votre biblio ou médiathèque de l’acquérir (environ 48 euros…).
    Bonne réflexion à tous !

  41. Et j’oubliais : il est paru en 2011, je l’avais raté ! Par contre j’ai entendu Annick Schnidzler en conférence au sujet de la biodiversité forestière en France : à recommander !

  42. Seul un changement de notre mode de vie nous permettra de nous sortir de l’impasse, la crise économique et la baisse du « pouvoir d’achat », dans le contexte actuel, en poussant à l’exploitation du tout, aggrave la situation notamment en Amazonie que se soit au Brésil ou en Guyane.

    http://www.reporterre.net/spip.php?article2731

  43. Je vais radoter (on peut donc passer son chemin) – j’ai entendu cette semaine dans mon entourage : “L’écologie, je m’en fiche, moi.“
    ça se comprend, car, en faisant abstraction de l’incitation publicitaire, qui veut renoncer : à la lessive régulière, au repassage des vêtements et autres tissus, au produits chimiques (en général toxiques) pour faire propre sans effort, au supermarché qui permet l’approvisionnement hebdomadaire, à la poubelle unique (pour ce qui n’est pas trié), au chauffage, à la bagnole, à la télé qui amollit le cerveau, etc. ? Pas grand monde. La majorité ne veut rien savoir, on l’a sûrement tous plus ou moins expérimenté. Ne serait-ce pas là qu’il faut attaquer ?

    Tout cela, comme le tourisme de masse et le bétonnage, c’est encore l’énergie abondante et pas chère, dont on sait ce qu’il va advenir.
    Mais alors ce qui nous guette, on le voit avec certains commentaires, c’est ce que je nommerai le syndrome Haïti : plus un arbre, on a tout coupé. Qui empêchera le moindre quidam d’aller se servir en bois ? Un autre quidam tout aussi désireux de le faire, peut-être. Et si ce n’était que ça, car pourraient s’ajouter : la soif de gaz de schiste qui reviendra, le délabrement nucléaire, les déchets partout, les sols improductifs… ça ne va pas être paradisiaque.

  44. Mat,

    Si Jorion était effectivement anthropologue, il commencerait par remettre de l’ordre dans ses concepts en se tenant informé du travail de ceux qui y ont procédé!

    Du coup, il travaillerait à la distinction de l’économistique (amorale) et de l’économie en montrant où se situe le seuil différentiel; à moins qu’il ne confonde interdisciplinarité, en voulant porter toutes les casquettes à la fois sans jamais nous dire laquelle il met, avec l’indiscipline qui provoque une remise en cause comme une réorganisation du savoir antérieur donc des modèles qu’il emprunte aux autres!

  45. juste au titre de l’article après être tombé sur un lien concernant le dernier billet. Mélenchon est le seul a parlé des grecs…comme de l’amérique du sud mais peut-être pas encore assez d’écologie.soit. convaincu de fraiche date mais je pense convaincu.

  46. merci Fabrice, en quelque sorte, pour vos images des albatros;
    c’est la même chose dans les estomacs des poissons et mammifères des mers et des rivières.
    Nous savions que la tique pugnace et increvable était le principal ennemi de ce grand oiseau, l’homme a inventé pour lui désormais les plas tiques.
    L’homme a en propre le concept et les objets « poubelle ».
    Il y a beaucoup à réfléchir autour de ce mot et des représentations qui sont dans les têtes; un peu comme « chasse d’eau ».
    Frédéric

  47. Mais bien sûr que cette cure d’austérité va faire un grand bien aux grecs, les enfants s’évanouissent à l’école car ils ont faim….les assiettes sont vides…Que diable, la mienne est pleine de produits bio, plus chers et je ne culpabilise pas !

    Non, je ne mettrai pas les liens des sites grecs, vous iriez vomir dessus, mais je vais leur envoyer ce billet, ils apprécieront certainement alors que le taux de suicides grimpe, grimpe…..

    J’aimais bien, pourtant, lire ce blog et dimanche encore, j’ai offert le livre de Fabrice « Qui a tué l’écologie » ; bien sûr, j’aurais pu offrir quelques aliments bio à ma voisine qui vit sous le seuil de pauvreté, mais j’ai préféré que Fabrice ne manque de rien…même s’il écrit des articles dans certains journaux.

    Vomir sur Sarkozy, j’aime bien, vomir sur Eva Joly, j’aime moins, vomir sur JL Mélenchon, je n’aime pas du tout….un homme qui peut rassembler peut aussi plus facilement faire comprendre la dureté de certaines décisions…et, il y a l’Assemblée Constituante, et là ça parle écologie, mais ça n’a pas intéressé grand monde lorsque j’en ai mis le lien. Bien sûr, ils font avec les renseignements qu’ils ont, qu’ils trouvent, par ci, par là….personne n’est là pour leur indiquer la bonne direction ! Aucune table de la loi….

    Alors, j’ai cherché en vain le programme, les conseils de Fabrice, je n’ai rien trouvé.
    Il est facile de critiquer…l’art est plus difficile.
    Je comprend d’ailleurs qu’Eva JOLY, Michèle RIVASI et Aline ARCHIMBAUD ait fait appel à Pharmacritique
    http://pharmacritique.20minutes-blogs.fr/archive/2012/03/19/sante-moraliser-la-politique-du-medicament-conference-de-pr.html
    Fabrice étant occupé à vomir sa haine, oui je sens comme de la haine.

    Désolée, ma belle-mère ne mourra pas dans son appartement, toute seule au 4ème étage de son HLM à Marseille, alors que ses uniques enfants sont dans la région de Grenoble et d’Annecy. Certes, il eu été préférable qu’elle mourut chez elle, cela nous aurait évité de prendre la bagnole pour la ramener…Quoique, lorsqu’il faut aller à Marseille presque tous les 15 jours, parce qu’elle est encore tombée dans son appartement et qu’elle a dû être hospitalisée, encore une fois, on est en droit d’espérer qu’elle mourra plus heureuse ici, même si cela ne plait pas à Fabrice.

    Peut-être que comme les enfants grecs, on aurait dû la laisser mourir doucement de faim…. !!

    Oui, la critique est facile et les apôtres s’agenouillèrent devant le maître !
    Bonsoir.

  48. Suicide au centre d’Athènes : « La Grèce a son Bouazizi »

    ……
    La Grèce est sous le choc depuis mercredi matin, après le suicide de Dimitris Christoulas, 77 ans, qui s’est tiré une balle dans la tête vers 9 heures, devant les passants, sur la place Syntagma à Athènes, face au Parlement.

    Dimitris Christoulas serait un retraité qui aurait vendu sa pharmacie en 1994. Avant de se tuer, il aurait crié qu’il « ne voulait pas laisser des dettes à ses enfants ».
    ……..
    http://www.rue89.com/2012/04/05/suicide-au-centre-dathenes-la-grece-son-bouazizi-230869

    De ce texte, je retiendrai surtout cette phrase :

    « Beaucoup critiquent aussi ceux qui tentent d’exploiter politiquement le suicide, et d’utiliser la mort d’un citoyen pour des motifs politiques ou leurs propres intérêts. »

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