L’Orang-outan, le WWF et les Anonymous (une leçon)

Qu’est-ce qui est important ? L’Orang-outan, le Gorille, le Chimpanzé et nous, avons hérité de cinq chromosomes semblables. Pour la raison que notre ancêtre commun les possédait. L’Orang-outan, sans doute moins imbécile, a commencé d’évoluer de son côté, en Asie, il y a environ 12 millions d’années. Loin de notre aventureuse destinée. J’aime énormément les serpents – j’en ai tenu de gros dans les bras, et des petits, venimeux, contre la peau -, les fourmis, les oiseaux, les libellules, les batraciens, les abeilles bien sûr, et des centaines d’autres bestioles de toute taille. Mais j’ai également passé un grand nombre d’heures devant les cages réservées aux orangs-outans du Jardin des Plantes de Paris. Non, inutile de me dire, je sais. Ce sont des taulards. Ils mériteraient qu’on foute le feu à leurs saloperies de cages, j’en suis bien certain. Mais depuis quand ne peut-on considérer, éventuellement aimer des prisonniers ?

J’aime profondément ces bêtes. Leurs gestes de contentement, leurs lubies, leur apparente mélancolie, la grâce de leurs membres s’ouvrant comme des fleurs, les liens noués entre les jeunes et les autres, le cuir de leur paume, leur cheveu roux, et fou. Et je repose la question : qu’est-ce qui est important ? Pour moi, un monde où ne pourraient plus vivre des orangs-outans libres serait une Géhenne pour tous. Je viens de lire un article inouï sur la dévastation de lieux jadis à l’abri de la folie économique (ici). À Bornéo, tronçonneuses et bulldozers détruisent une forêt tropicale si belle à mes yeux qu’écrivant ces mots ordinaires, j’en ai soudain comme un tremblement. Des barbares qui nous ressemblent tant arrachent des arbres et plantent à leur place des palmiers à huile qui se transformeront en nécrocarburant ou en obésité sans frontières, sous la forme de centaines de plats cuisinés industriels.

Je ne cherche pas de qualificatif. Selon moi, les organisateurs de ce massacre relèvent d’un procès de Nuremberg qui n’aura pas lieu. Il y a cinq ans, j’ai écrit un livre (La faim, la bagnole, le blé et nous) pour dénoncer le crime des biocarburants. J’avoue, un peu honteux désormais, que j’espérais un sursaut. Dieu sait que j’ai alerté, directement, la galaxie écologiste et altermondialiste. Rien. La plupart de ces messieurs-dames se vautraient alors dans les salons sarkozystes, pour y fêter leur Grenelle de l’Environnement. À Bornéo, mais aussi dans une partie croissante de l’Asie du sud-est, la forêt disparaît au profit de cette vérole appelée palmier à huile. Les plantations ne durent que quelques années, car au-delà, elles ne donnent plus assez de fruits. C’est l’abandon, suivi d’un autre massacre un peu plus loin. Bientôt, si ce n’est déjà fait ici ou là, la splendeur des forêts n’existera plus que dans les films. Pour les orangs-outans et tant d’autres merveilles, la fin de ces territoires signifie bien entendu la mort. Il resterait moins de 60 000 de ces primates en liberté restreinte.

L’Indonésie – qui occupe cette partie de Bornéo qu’on nomme Kalimantan – est le plus grand producteur d’huile de palme au monde, et la surface plantée de palmiers y a été multipliée par 27 en une vingtaine d’années. On parle d’augmenter la production d’encore 60 % d’ici 2020. Le soja dans le bassin amazonien, pour nourrir notre malheureux bétail. L’huile de palme des forêts pluviales d’Asie, pour nourrir nos bagnoles. Ce n’est pas une honte, c’est un crime collectif, et il est majeur. Dans les deux cas, une association se prétendant écologiste joue le rôle évident de fourrier. Et c’est le WWF, qui continue d’incarner la protection, alors qu’elle accompagne sans état d’âme la destruction accélérée du monde. En Amérique latine, le WWF a lancé une table-ronde sur le soja responsable en compagnie de Monsanto et Cargill. J’ai déjà tant écrit sur ce sujet que je n’insiste pas. C’est immonde (ici et ici). En Indonésie, idem. Le WWF, qui y trouve un intérêt financier, promeut une soi-disant Table ronde pour une huile de palme durable (ici) avec les responsables industriels du désastre. Il s’agit bien entendu d’une vulgaire caution, qui couvre par exemple l’usage massif du paraquat, l’un des pesticides les plus dangereux au monde, interdit bien sûr en France (ici). Vous avez bien lu : le WWF soutient des gens qui utilisent du paraquat dans les plantations. Les paysans qui triment au milieu des vapeurs méphitiques ne viendront jamais cracher leurs poumons dans les beaux bureaux du WWF-France, carrefour de Longchamp, Paris. Et je le regrette bien.

Or donc, l’huile de palme tue les orangs-outans, et le WWF fait semblant. Tout le monde n’a pas envie d’être gentil avec la marque au Panda. Je souhaite même ardemment que cette mystification soit de plus en plus combattue ouvertement. Et certains ne m’ont pas attendu. Ainsi, les hackers abrités sous le beau nom d’Anonymous (ici) ont-ils mené une action lucide contre le WWF d’Indonésie (ici). Vous trouverez ci-dessous les détails. À mes yeux, le WWF a choisi son camp, et ce n’est évidemment pas le mien.

Le site officiel de l’ONG WWF Indonésie piraté par les Anonymous

25 septembre 2012 – 1 commentaire

wwf_indonesia_logo Publié par UnderNews Actu

Ce n’est pas le premier piratage qui touche l’ONG de protection de la Nature. WWF avait vu son compte Twitter piraté et utilisé pour diffuser de la publicité puis son site des Philippines victime d’une intrusion en 2011. Cette fois, c’est le site Indonésien qui en a fait les frais, action revendiquée par les Anonymous. Explications.

Des Anonymous reprochent à l’organisation mondiale de protection de l’environnement de s’être accoquinée avec Monsanto et les créateurs d’OGM. Le site Internet indonésien du WWF (wwf.or.id) a été visité. Le pirate qui se déclare faire parti du collectif Anonymous et revendique une intrusion sur le serveur. Bilan : des bases de données diffusées sur la Toile.

L’hacktiviste, qui participe à l’opération « Stop Green mafia« , explique que l’association écologiste se serait rapprochée de Monsanto, Syngenta, Cargill, et d’autres sociétés en 2005 lors d’une table ronde sur le soja transgénique (RTRS) et la culture d’huile de palme.

Anonymous reproche à la WWF de ne pas avoir agi contre l’utilisation d’un pesticide basé sur le glyphosate. Un produit qui provoque cancer et altérations génétiques. « A Bornéo 13.920 hectares de la forêt vierge ont été détruits », soulignent Anonymous. « Seuls 80 hectares de la forêt ont été préservés de la destruction. Moins de 10 orangs-outans y vivent, aujourd’hui« . Le WWF certifie que les cultures de palmiers (destinés à la production d’huile)  ont été réalisées de manière efficace, en prenant compte du reboisement.

« WWF, comment pouvez-vous conclure que détruire les forêts, les animaux et la nature, est écologiquement durable ? Votre masque d’écologiste ne peut pas cacher la dévastation des cultures et des êtres vivants par Monsanto, Wilmar International et les autres grandes entreprises de l’agro-industrie génétique« .

L’Anonymous a diffusé adresses, logins, mots de passe et données privées internes à la WWF Indonésie.

Mais ce n’est pas fini. Il n’y a qu’à voir le Twitter @OpGreenRights pour s’en rendre compte. Le site World Wild Life subit de très lourdes attaques DDoS et se retrouve hors ligne depuis quelques jours consécutifs.

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16 réflexions sur « L’Orang-outan, le WWF et les Anonymous (une leçon) »

  1. Dominique Guillet sur son site « liberterre » a écrit un long article d’investigation à propos de ce type d’ONG et y dénonce le WWF en décortiquant ses origines ( financières, cela va sans dire ! ) et d’autres, c’est mordant et on y apprend des liens peu soupçonnables…
    http://www.liberterre.fr/gaiasophia/gaia-climats/generaux/caniculs.html
    Ces institutions de longue date sont là comme leurre, miroir aux alouettes ( nous sommes les alouettes ) qui a la fois nous permet espoir en se disant que les riches dans le fond ils ne sont pas tous mauvais, exactement comme nous avons connu l’intrusion en Europe du fleuron du capitalisme étasunien, l’église protestante, prosélyte à souhait, qui a fait de si nombreux adeptes dans ces temps de crisesss.
    Le PS tient à ce jour le même rôle de machine à fumée qui fait écran aux vraies solutions et authentiques problèmes.
    Nous sommes le fruit des grandes manipulations de masses qui ont vu le jour au début du 20e siècle et nul doute qu’au WWF comme au sein de toutes les transnationales les communicants doivent être d’une redoutable efficacité !
    C’est le plus difficile à avaler, de se rendre compte que nous avons été roulés dans la farine depuis nos grands et arrière-grands parents et qu’il nous est si éloigné le désir de nous prendre en main, les « petites mains du capitalisme » le font si bien.

  2. Pour ma part, je soutient l’association Kalaweit. Ils ont déjà commencé à acheter des parcelles de forêt et ont besoin de sous en ce moment pour la réalisation d’une clinique vétérinaire digne de ce nom. Aurélien Brulé est un vrai passionné, il mérite bien un peu d’aide.
    Si le coeur vous en dit…
    http://www.kalaweit.org/

  3. Je n’ai jamais vu de près des orangs-outans. Mais j’imagine. Comment ne pas les aimer, en lisant cet article ? Comment ne pas se sentir plus proche d’eux que des « barbares qui nous ressemblent tant » ?
    Je vais manquer d’accès à internet pour une période indéfinie. Mais je continuerai à lire Planète sans visa d’une manière ou d’une autre, j’espère. Parce que j’y trouve des êtres qui aiment profondément des orangs-outans et des arbres tropicaux, des êtres qui ont les mots pour nous les faire aimer et pour nous réveiller. Merci, vraiment.

  4. Je suppose que la plupart des lecteurs de ce blog connaissent « green the film »
    … consacré à ce problème de déforestation pour les orang-outans
    Sinon, il faut !

  5. L´orang outan, « l´homme de la forêt ». J´aimerais rencontrer plus souvent la profondeur de son regard chez les homo si mal nommés sapiens.
    Oui, comme l´écrit El hierro, il faut absolument voir le film « Green ».
    Et connaître l´immense travail de Birute Galdikas, la grande spécialiste des orangs-outans.

  6. La Trêve de Dieu, Guerre et Paix.

    A ceux qui ne sont pas morts étouffés par la Dinde aux marrons (marrons d’Inde ?) et le foie gras : Nous quittons deux mille douce pour deux mille stress !

    A LBL 😀

  7. Les régimes indonésien et malaysien deux dictatures « amies des gouvernants », qui traitent les Orang-Outans, la faune, la flore, les indigènes Penans ou Papous de façon semblable, comme des freins au commerce du bois, du pétrole et des agro-carburants.

  8. Regardez le regard des animaux meurtris par l’homme. Inutile d’aller les voir ‘en vrai’, une photo suffit… Et vous comprendrez alors toute la misère humaine en un condensé de détresse et d’appel au secours… Terrifiant…

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