Mais de quelle nature on parle ?

L’idée de cet article m’est venue après avoir suivi la discussion entamée dans les commentaires accompagnant mon dernier papier sur France Nature Environnement (FNE). Ce que j’en retire : que faut-il sauver de ce qui reste ? Et faut-il d’ailleurs sauver ce qui reste, ces confetti de nature entourés, envahis, demain peut-être engloutis ? Je ne suis pas d’accord avec Xavier Brosse pour opposer les purs que seraient les François Terrasson (ici) et les Jean-Claude Génot (ici) à tous les autres défenseurs d’une nature fléchée, banalisée, surveillée, humanisée. Je précise que j’ai la plus grande sympathie pour ces deux-là et que j’ai assez bien connu Terrasson avant sa mort.

Leur personne n’est pas en cause, mais comme les copains, ils font avec. Terrasson a travaillé la plus grande partie de sa vie pour le Muséum national d’histoire naturelle, dont on pourrait parler longtemps, en bien comme en mal. Et Génot est toujours salarié, si je ne me trompe, du Parc naturel régional des Vosges du Nord, sur lequel il reste heureusement permis de s’interroger. Fin de la parenthèse et début d’autre chose, mais en lien. La Loire. Le magnifique, somptueux bassin de la Loire. Il couvre, tenez-vous bien, 117 000 kilomètres carrés, soit plus du cinquième de la France métropolitaine.

J’ai eu la chance insolente, en 1988, d’aller à la rencontre d’une poignée de siphonnés qui, au Puy-en-Velay, dans ce bastion du catholicisme de droite, avaient juré de sauver la Loire. Un incroyable crétin médiéval, Jean Royer – alors maire de Tours – avait décidé de mater notre grand fleuve en engageant l’État, via un établissement public appelé Epala, dans un programme de grands barrages sur la Loire et ses affluents, qui auraient ruiné à jamais la dynamique du fleuve. Qui l’auraient buté, je crois que le mot est encore plus juste. À l’amont du Puy – mais la ville n’est pas au bord du fleuve -, Royer et ses sbires voulaient ennoyer 14 kilomètres de gorges sauvages, et bâtir le barrage de Serre-de-la-Fare. Je préfère ne pas commencer à parler de ce lieu et de la beauté fracassante des gorges, et des si nombreux bonheurs que j’y ai connus, car nous y serions encore dans un mois.

Abrégeons. Le combat a cette fois payé, et Royer, qui ressemble assez fort à Ayrault et à son projet d’aéroport, a été défait. La Loire a bel et bien été sauvée, grâce à une splendide mobilisation, des sources jusqu’à l’embouchure. J’y ai gagné au passage des amis chers, que je ne peux tous citer, car j’aurais bien trop peur d’en oublier. Trois me viennent à l’esprit dès que je ferme les yeux : Martin Arnould, Roberto Epple, Régine Linossier. Ils m’ont tant apporté que je serai toujours en dette à leur endroit. Seulement, l’eau a coulé sous les ponts de Brives-Charensac, Tours et Nantes. Hélas.

Je lis ces jours-ci divers papiers (ici, ici et ) sur une vaste étude menée au long de la Loire par  Charles Lemarchand et Philippe Berny, (VetAgroSup) et René Rosoux, du muséum d’Orléans. Le fond en est clair : ces trois scientifiques ont examiné le corps de grands cormorans, balbuzards pêcheurs, loutres, écrevisses, coquillages bivalves, anguilles, truites, poissons-chats, chevaines, etc. Comme il s’agissait d’une étude écotoxicologique, 54 contaminants ont été recherchés, et le plus souvent, trouvés. Je note, pour moi-même et pour vous, que 1 000 ou 2 000 auraient pu être ciblés, mais cela n’arrive jamais, car le coût d’une étude portant sur tant de molécules se révèlerait prohibitif.

Donc, 54. Les chercheurs démontrent en fait une contamination généralisée. Les animaux « sauvages » de la Loire sont des décharges vivantes, dont les tissus contiennent des PCB – interdits depuis 1987 -, du mercure, des pesticides organochlorés et organophosphorés, des radionucléides. C’est un empoisonnement, et il est universel. So what ? Je repense aux braves de Serre-de-la-Fare, et je suis bien obligé de tirer les conclusions qui s’imposent : oui, ils ont sauvé les extraordinaires gorges de la Loire, si belles, si chères à mon cœur amoureux, mais oui également, ils ont perdu la Loire. Et nous avons tous perdu la Loire.

Ce constat rejoint bien sûr la discussion ouverte sur Planète sans visa. Que sauve-t-on ? Que peut-on sauver ? Et à quoi bon sauver des bouts de nature ? J’entends déjà les protestations. Comment ? La bataille contre les barrages de la Loire serait donc dérisoire ? Eh non, elle ne l’est pas ! Eh si, elle l’est aussi. Ceux de Loire Vivante – outre SOS Loire Vivante, au Puy, des gens valeureux comme Bernard Rousseau, à Orléans, Monique Coulet, Christine Jean, à Nantes – avaient pourtant en tête, rompant de fait avec les anciennes formes d’engagement écologique, l’écosystème complet du fleuve. Ils entendaient placer leur réflexion aux dimensions du bassin versant. Et comme je les ai admirés pour cela !

Mais cela n’a pas suffi. Il y a quarante ans – cher Jean-Pierre Jacob, serez-vous d’accord avec moi ? -, beaucoup pensaient que le combat pouvait avoir un sens au plan strictement local. On voulait souvent sauver un bout de marais, une tourbière, un coteau à orchidées. Il y a vingt ans, ceux de la Loire, qui avaient modifié le cadre ancien, se battaient pour un fleuve. Et nous devons apprendre à nous battre pour l’ensemble du vivant, ce qui est incomparablement plus complexe. Ce que confirme l’étude Lemarchand-Berny-Rosoux, après tant d’autres, c’est que nous devons faire face à une entreprise de mort globale. Défendre une partie seulement, c’est fatalement perdre la totalité au bout du chemin.

Et voilà le point central du combat écologique tel que je le conçois : il faut accepter d’affronter le système lui-même, la matrice, le fondement de la destruction du monde. Le cadre que je propose est vaste, qui inclut l’organisation même de l’économie, le partage des pouvoirs, l’idée de pouvoir elle-même, le capital et ses délires, toutes les classes politiques, toutes les anciennes manières de penser l’Homme et tous les êtres qui paient le prix de sa folie actuelle. Je m’arrête, car on m’aura compris : il faut une révolution intellectuelle et morale au regard de laquelle 1789 serait une ride à la surface d’une goutte d’eau. C’est à cela qu’il faut se préparer, même si cela ne devait jamais arriver. Tout le reste ne nous enfoncera jamais qu’un peu plus dans le désastre.

49 réflexions sur « Mais de quelle nature on parle ? »

  1. Tout ceci me rappelle Freud répondant à une dame qui lui demandait des conseils pour l’éducation de ses enfants : « Faites comme vous voulez. De toute façon, ce sera mal. »

    Dans son cadre cette anecdote — vraie ou fausse, peu importe — m’a toujours fait beaucoup rire et j’avoue qu’elle m’a beaucoup servi.
    Dans le cadre qui nous occupe, la chute est beaucoup moins drôle, il faut le dire. D’autant moins drôle qu’exacte.

  2. Ce n’est pas très élégant de me faire écrire ce que je n’ai pas écrit : je n’ai pas opposé les « purs » (je ne les considère pas comme tels, ni personne d’autre d’ailleurs, moi-même inclus)aux autres mais juste donner des références pour étayer mon propos. Là, pour le coup, je suis entièrement d’accord avec ta conclusion.

  3. En tous points, mot pour mot, d’accord avec cet article. Merci, Fabrice.
    Les coups portés contre le vivant viennent de partout. La bataille est à engager aussi, surtout, sur le plan des idées, oui.
    Révéler l’insupportable écocide en cours pour le rendre plus insupportable encore. Elargir le cadre de la pensée pour n’être pas réduits à de simples pompiers humanitaires, admettre que nos actes locaux sont à la fois dérisoires et pas seulement… Regarder le monde en face jusque dans ses racines les plus secrètes, quitte à passer par du désespoir, du découragement. Mais garder les yeux ouverts.
    Se ferait-on du mal, à regarder ainsi la tragédie ? Faudrait-il s’en aller voir ailleurs pour se protéger ? Combien de temps et protéger qui ? Sa tranquillité d’âme ? Ses amis les arbres, les oiseaux, les fleurs sauvages ? Sa propre vie ?

  4. Il n y a pas d alternatives il faut des parcelles sur terre totalement interdites aux humains, dans tous les pays du monde et reliées entre elles par des corridors
    Sur Le monde en ligne il y a deux infos pas très éloignées si les choses continues dans dix ans il n y aura plus d éléphants sauvages et on dépense des milliards pour savoir si il y a eu ou non de l eau sur Mars ?! C est à pleurer qu est ce qui est le plus important? les humains sont abrutits

  5. Xavier Brosse,
    Je crois, et je le dis malicieusement, que tu abuses un peu, et même que tu attiges. J’en ai vu bien d’autres, mais m’accuser d’inélégance parce que j’ai exprimé un point de vue sur le tien, cela se pose un peu là.

    Relis-toi ! Dans un commentaire, tu écris ceci : « Lorsqu’on en est arrivé, comme toi (je te l’ai entendu dire à la fin d’une conférence sur les pesticides il y a quelques années) et moi, à la conclusion que la masse ne changera de comportement qu’au pied du mur ou au bord du gouffre »,etc. Or, je ne parle jamais de la sorte, et jamais une fois – je crois et j’espère – je n’ai utilisé cette si vilaine expression de « la masse ». Est-ce que j’ai protesté ? Ma foi non. Car c’est ce que tu as retenu, point.

    Concernant Génot et Terrasson, le mot « pur » m’appartient, mais tu as écrit exactement : »Pour finir, je ne pense pas qu’aménager et gérer à outrance le moindre site c’est sauver les derniers confetti, mais les dénaturer (lire ou relire François Terrasson, Bernard Boisson, Jean-Claude Génot…) ». Ma foi, de bon droit, j’ai pu penser que tu considérais des braves comme des « purs » ou des « plus purs » que d’autres. Tu rectifies, je te publie, mais je suis tout de même, moi, inélégant. C’est un rien étrange.

    Enfin, et sur le fond, quiconque débat ici respecte certes des règles. Mais elles n’incluent ni la mollesse, ni une certaine fermeté dans l’exposé de l’argument. Qui ne veut s’exposer n’est nullement obligé de le faire.

    Bien à toi, sois-en sûr.

    Fabrice Nicolino

  6. Merci Fabrice pour cette information sur la pollution de la Loire et de ses habitants de tous poils et plumes.
    Je connais des naturalistes qui aménagent cette nature, pour préserver ce qui peut l’être encore, mais qui sont par ailleurs des consommateurs hors pair.
    Peut-on passer son temps à sauver les oiseaux et n’en avoir rien à faire des incinérateurs, par exemple ?
    Voilà une bonne question ! Oui,je trouve que certaines personnes du milieu naturaliste se focalisent sur la protection d’un secteur et sont très apathiques face à l’origine du mal…
    Ce que tu préconises est bien beau, mais il y a encore du boulot !

  7. Lu récemment sur une liste de discussion auvergnate, cette réponse de Lemarchand à l’observatrice d’une loutre chassant dans les eaux boueuses de la Garonne au niveau de Margaux et qui s’étonnait, car elle pensait que la loutre ne se trouvait que dans des eaux limpides:

    « la loutre peut tout à fait chasser dans les eaux les plus troubles, comme celles des estuaires; elle pêche alors en utilisant ses vibrisses de la tête et des pattes, qui vont l’aider à détecter les mouvements des poissons. Et puis un saumon de basse garonne avec un petit château Margaux de bonne cuvée, ça se laisse faire, y’a pas que le (poisson) blanc ! Elle a recolonisé l’ensemble de l’estuaire et jusqu’en amont de la confluence Dordogne / Garonne, et remonte la Dordogne vers l’amont.

    que les eaux soient polluées en plus d’être turbides ce n’est pas le même aspect, même si on peut avoir de la loutre dans des eaux polluées et turbides, ou juste polluées, ou juste turbides (naturellement ou pas), parfois même ni polluées ni turbides, mais là on touche au mythe de la rivière perdue. Heureusement qu’elle a pu se maintenir dans des rivières polluées (pas trop quand même), sinon l’espèce aurait disparu depuis fort longtemps, et rejoint le cortège des victimes du progrès économique sur lesquelles on pleure. Mais vu ce qu’on dose comme pesticides et autres métaux dans les tissus de la belle, elle finira peut-être quand même par rejoindre à long terme (et nous avec) ce fameux cortège.

    A moins que, comme suggéré récemment là-haut, on puisse éduquer la faune et la flore sauvage : on apprend aux milans à éviter les champs de bromadiolone, on apprend aux loups à ne pas s’approcher des troupeaux (en les grondant très fort après une capture en cage), on apprend aux busards à se reproduire avant la moisson quelle que soit la météo, on apprend aux abeilles à ne butiner qu’en ville, on apprend la contraception aux campagnols terrestres et le contraire au poissons hauturiers, on apprend aux loutres à ne fréquenter que les rivières non polluées, on apprend aux arbres à pousser plus vite, aux ortolans à passer entre les mailles des filets, aux tortues à courir plus vite que les écobueurs, aux coraux à supporter l’eau chaude et puis voilà, les écolos arrêteront d’emmerder le monde avec leurs petites bêtes et laisseront les gens normaux de nos campagnes regarder le cours du grain, du bois ou de la viande sur les marchés financiers avant de se lever le matin »

    Confidence: un texte de Lemarchand le matin, çà requinque…méfions nous de la nature sauvage dans nos têtes…
    la pourriture c’est aussi la nature en marche.

  8.  » il faut accepter d’affronter le système lui-même, la matrice, le fondement de la destruction du monde. », d’accord, mais tout le monde n’a pas atteint cette prise de conscience, elle se fait souvent par paliers et des engagements plus limités chez le citoyen ne sont pas à négliger.

  9. Je suis entièrement d’accord avec le fond de cet article. L’écologie ne saurait être autre chose que cela même si le combat semble démesuré. Un combat pour un objectif local ne présente qu’un intérêt c’est celui de faire prendre conscience aux personnes concernées de la globalité de la lutte à mener. Ici, en Rhône-Alpes, nous nous sommes battus contre la centrale délirante de Malville. Nous n’avons obtenu qu’une victoire partielle en fait : la bombe à retardement est toujours présente, combustible en piscine et sodium à retraiter… Le lobby nucléaire est retombé sur ses pattes, s’est débarrassé, aux dépens de la collectivité d’un jouet embarrassant, pour en mettre illico un autre en chantier avec l’EPR « expérimental »… Les luttes sur des objectifs partiels permettent de gagner du temps ; elles doivent servir de tremplin pour prendre conscience de la globalité du problème, notamment de ses dimensions politiques, économiques et éthiques.
    Pour une écologie libertaire… en quelque sorte.

  10. meme si le mot masse, n’est pas employé « , il n’empêche que le phénomène demeure; c’est un fait: voir les super embouteillages, les parkings de super marché le samedi et les queues aux remonte pente mécaniques..la ruée au moment des soldes! il faut appeler un chat un chat.

  11. http://www.huffingtonpost.fr/2013/03/18/une-grenouille-disparue-depuis-30-ans-ressuscitee-scientifiques-australiens_n_2899313.html?icid=maing-grid7%7Cfrance-ws%7Cdl2%7Csec1_lnk1%26pLid%3D164152

    Voilà le type de nouvelle qui me casse.
    Peut-être a-t-elle déjà fait 10 fois le tour de la Terre. « No sé » puisque je suis obligée de me forcer pour écouter les informations dites essentielles (30 mn à peine supportées par semaine). Celle-ci m’est arrivée avec l’ouverture d’internet.

    Plus à sans faire alors… Nous pouvons continuer à jouer avec la nature, puisque nous en faisons définitivement ce que nous voulons, jusqu’à en ressusciter ses disparus ? C’est ce que certains vont imaginer, tellement encouragés par le choeur général des scientistes ambiants.

    Sans avoir la disponibilité d’esprit qu’il faudrait au débat ouvert par Planète sur la nature, et sûrement trop abstraite dans les prochaines lignes, celui-ci me ramène tout de même encore et toujours au regard que se porte sur elle-même l’espèce humaine, entre lucidité et délire (manque de simplicité et de joie ?). DEDANS, DEHORS, DESSUS ? Je n’ose dire DESSOUS, et pourtant tant de haine et d’obsession pourrait prouver un complexe d’infériorité, un désir fou de dépassement et de maîtrise, sinon de destruction finale, mais aussi une manière de regarder trop systématiquement hiérarchique… (mais la pensée ne passe-t-elle pas également par le jugement, et la hiérarchisation des objets perçus ?)

    Altérité nous dit Laurent, celle-là même qui nous habite aussi, sous tant de modalités…
    Pour m’accrocher à de l’espoir non vain, c’est sur une position difficile que je mise, et qui nous échoit de fait (naturellement ?) : à tant de carrefours des interactions biologiques. Il s’agit de liberté, de plasticité, d’indécision et d’indéterminisme : une chance a priori, celle de se positionner malléablement dans l’univers, et rêvons un peu, en accord avec lui.
    Contrairement aux apparences, nous sommes peut-être hélas en voie de pétrification positionnelle, quoique projectile lancé à toute vitesse ?

    Tant que nous sommes de ce monde, l’on peut proposer que la nature a besoin de nous (autant que nous avons besoin d’elle, si cette évidence est sans doute en déclin mental), et que nous y avons donc toute notre place.

    La problématique la plus grande est peut-être celle de l’interdit, du tabou, aujourd’hui méprisés, ridiculisés (sans que leur manipulation pour des profits particuliers et privés ne soit bannie, toute contemporaine et déchainée, ou ne revienne en force très bientôt, sous des drapeaux très inquiétants d’autorité politique et de tyrannie – intéressant ce matin, l’invité de France Culture qui nous prévoit un empire romain bis !), et donc de l’enfreinte de lois fondamentales de tout vivre en communauté, que ce soit en simples voisins, comme en relations hyper-actives et très évolutives.
    Limites, interdits à ré-élucider et poser d’urgence, sans que leur emprise soit définitive ou absolue : une réappropriation de notre présent, de la présence comme donné, ceux-ci nécessaires et si souvent pour ne pas dire essentiellement suffisants, conduits aujourd’hui au bord de l’abîme.

  12. Florence

    Pas le temps de discuter ce matin moi non plus, ni même de vous lire assez attentivement (car faut s’accrocher), mais j’aime beaucoup la notion de pétrification en pleine vitesse. Une trajectoire pétrifiée, voilà ce que nous sommes devenus, oui.

  13. [Ne parvenant pas à utiliser votre formulaire de contact, je me permets de passer par ici]

    Cher Monsieur Nicolino.
    Beaucoup de choses nous lient, entre-autres les éditions Actes Sud pour lesquelles nous sommes, tous deux, auteurs. Je tiens à vous exprimer mes remerciements pour votre action infatigable. Votre dernier « appel » m’a incité à vous contacter immédiatement. Vous y dites « … il faut accepter d’affronter le système lui-même, la matrice, le fondement de la destruction du monde. Le cadre que je propose est vaste… » et je ne puis qu’acquiescer, moi qui travaille chaque jour à cet affrontement et dont la vie prouve qu’il y a un monde après la matrice. Le cadre est vaste, certes, mais nos efforts se joindront un jour, j’en suis certain.
    Si vous êtes au Salon du livre de Paris, je serais honoré de votre présence à cette conférence :
    « Dimanche 24 mars à 15h, Salon du livre Paris, salle Nota Bene, deux grands noms de l’écologie de l’éducation, Jean-Pierre Lepri et André Stern, partageront leurs réflexions et leur expérience à propos de cette donnée essentielle : “nous venons au monde avec la faculté omniprésente d’apprendre.”
    Je serai honoré, également, si vous jetiez un oeil sur cette courte vidéo et ce mouvement en plein envol:
    http://www.youtube.com/watch?v=0DbmR6FLk1g
    Bien à vous, avec mes respectueuses salutations,
    André Stern

  14. « il faut accepter d’affronter le système lui-même, la matrice, le fondement de la destruction du monde. » concrètement et en situation çà se traduit comment? si on raisonne sur la machine à décerveler?: la télé vision…comment affronter la machine ?

  15. Depuis quelques semaines le pétrolier Hess a commencé les travaux sur la plateforme de Jouarre, (lieu dit « La Petite Brosse »). Le collectif du Pays Fertois a commencé, dès le 22 février, quelques opérations de harcèlement pour faire savoir à Hess que nous n’étions pas dupes de son nouveau discours:

    Le permis de Chateau-Thierry a été délivré en 2009 pour y effectuer une exploration non conventionnelle.
    Après le vote de la loi de 2011 le discours de Hess a changé, pas le sous-sol. Hess avait prévu de tenir une réunion publique pour informer/rassurer la population locale.La date du 22 mars a été évoquée à de nombreuses reprises, sans jamais être confirmée publiquement.

    Nous venons d’apprendre que cette réunion publique est devenue privée: il faut une invitation pour pouvoir y participer. On peut imaginer que ce changement concernant l’invitation est en partie dû aux différentes actions que nous avons menées.

    Voici cette invitation.
    invitation Jouarre

    Pouvez-vous l’installer sur votre site, sur votre blog, sur votre compte facebook ou tout autre moyen qui permettra de la rendre publique.

    Pouvez-vous faire circuler ce mail… Hess saura ainsi que nous sommes nombreux à vouloir assister (;-) à cette réunion du 22…

    En vous remerciant

    Le collectif du pays fertois
    Nous vous invitons à participer à cette mobilisation
    Alain Uguen
    Association Cyber @cteurs

    COMMENT AGIR ?

    sur le site

    La cyber @ction est signable en ligne
    http://www.cyberacteurs.org/cyberactions/invitation-hess-oil-589.html

  16. Comme contribution au débat — car à vrai dire je suis gravement incompétente en matière de « nature » et de « naturalité » — cet extrait lu hier soir des pages 49-50 de « La vie sur terre / Réflexions sur le peu d’avenir que contient le temps où nous sommes » de Baudoin de Bodinat, à l’Encyclopédie des nuisances (merci à Frédéric pour me l’avoir fait découvrir).
    Écrit en 1996, il fait (malheureusement) admirablement écho à ce qui s’écrit ici depuis deux ou trois jours, et plus encore à cette nouvelle donnée par Florence — le genre de nouvelles auxquelles on devrait être habitués, et même préparés, mais qui, bêtement, cassent ou achèvent de casser les pauvres imbéciles archaïques que nous sommes (et que, pour ma part, je souhaite rester).
    Le voici :

    « Ensuite de quoi j’ai pensé que ce progrès économique avait trouvé en dévastant la nature le moyen de condamner l’humanité au travail aliéné à perpétuité ; tout ce qui lui était antérieur et qui n’entrait pas dans ses logiciels ayant été anéanti, l’économie totale est devenue cette seconde nature synthétique où nous sommes séquestrés : rien n’y existe que par ses médiations et à la condition de son électricité et de sa chimie, de ses communications instantanées et de ses cerveaux électroniques. (…) Maintenant que l’économie, pour trouver de la place à ses monocultures fastidieuses, a fait disparaître de la surface du globe la singulière fantaisie des bestiaires et des botaniques, dont la vie ne peut se passer ; dont le présent terrestre autrefois toujours nouveau ne pouvait se passer ; et qu’elle en a stocké dans ses chambres froides les graines, pollens, boutures, ovules et paillettes séminales, les codes génétiques, dans la vue de recréer tout à son aise une nature simplifiée, en cela plus rationnelle à la fois que productive grâce aux brevets des trusts de la biotechnologie, l’humanité est devenue son marché captif (…). »

  17. Pour ce qui est de la « résurrection » des espèces disparues dont parle Florence, il me semble qu’il y a un argument assez simple pour contrer l’idée de ces dérives. La biodiversité, ce n’est pas seulement la diversité des espèces mais aussi la diversité génétique au sein d’une même espèce. Cette diversité génétique est absolument indispensable à la perpétuation de l’espèce, tout comme à son adaptation et à son évolution. Ce n’est pas en recréant quelques couples d’animaux, et encore moins un seul, que l’on obtiendra cette diversité génétique. Avec cet argument, on butte immédiatement sur les limites de cette escroquerie intellectuelle. Les coûts pour recréer une espèce disparues qui soit viables, donc avec une bonne diversité génétique, serait tout simplement monstrueux. Cette utopie délirante se retrouve donc bloquée par le modèle économique et politique qui l’a fait naître.

    En outre, encore faut-il que l’on dispose du matériel génétique suffisant. Ce ne sera jamais le cas pour les espèces déjà disparues et pour les espèces encore existantes, il faudrait que le travail de collecte soit en cours sur des milliers de spécimens de chaque espèce.

    L’autre aspect de cette escroquerie intellectuelle est qu’elle n’est valable que pour des espèces qui n’utilisent que l’inné. Chez beaucoup d’espèces animales, l’acquis par apprentissage est essentiel à la vie dans la nature. Qui va éduquer et socialiser les tigres ou éléphants « éprouvette » ?

    « Et à quoi bon sauver des bouts de nature ? »
    Pour revenir à cette question, même si cela paraît dérisoire de sauver quelques plantes ou animaux ou biotopes, cela peut avoir une importance fondamentale pour l’avenir de la vie. En admettant, et en espérant, que l’homme ne parvienne pas à tout anéantir avant sa propre fin, ce qui aura été sauvé, même imparfaitement et même si c’est mal en point, pourra constituer un réservoir pour une reconquête des espaces enfin libérés par l’homme. De ce point de vue, ce que l’on peut voir dans certains lieux désertés, dans certaines friches industrielles, rend un peu optimiste sur la possibilité de la nature à recoloniser des espaces qui lui ont été confisqués. Mais pour cela, il faut qu’il reste des « réservoir de nature ». Même si ceux-ci sont très artificialisés, ils conservent la possibilité, à long terme, de donner naissance à des biotopes vraiment sauvages, donc vraiment naturels.

  18. Si les médias pouvaient répéter en boucle ce que vous dites, P’tit nouveau…
    Et rien de dérisoire, pour moi non plus, ni de petit, ni p’tit !

  19. Plus à « s’en » faire, et non à « sans » faire. Aie aie aie aie aie.
    Merci Valérie de me lire ! J’aimerais ne pas être illisible, mais si je commets faute sur faute comme je m’y complais beaucoup en ce moment, tout se complique inutilement! Si au moins mon archaïsme était aussi orthographique !

  20. Pistes pour Marie à la question « Comment détruire le système? »

    -Boycotter ce qui contribue irréversiblement à la destruction.
    -Récupérer/Deuxième vie aux objets plutôt que de vouloir tout neuf.
    -Se dire que l’on est riche à la hauteur des choses que l’on est capable de laisser tranquilles (HD Thoreau).
    -Sortir des cancers urbains = boycotter le pétrole nécessaire à alimenter la ville et à vider ses chiottes.
    -Laisser un maximum d’espaces au bon vouloir de la nature (quels que soit le potentiel agricole), et se nourrir du spectacle qu’il en résulte (peut prendre plusieurs décennies (mais une friche c’est déjà intéressant).
    -Manger local, bio, peu de viande, et découvrir les plantes sauvages comestibles. Les arbres à salade surtout (pour éviter de se fatiguer à en cultiver…).
    -Lire Age de pierre, Age d’abondance (de Marshall Sahlins.
    -Sourire dès qu’on n’a pas besoin de serrer les dents (ou les poings).
    -Rétablir un coup réel de l’énergie : 1kWh humain doit coûter autant qu’un kWh pétrolier. Autrement dit, un litre de pétrole (10kWh) doit coûter le même prix que 10kWh humain, c’est à dire 10jours de travail humain à 10h/jour (un humain en super forme). Autrement dit, 1L de pétrole doit coûter 1000€ (10joursx10heuresx10€).
    -Ne pas oublier qu’il faut pas grand chose à un gamin pour être heureux: amour, amitié, de l’espace pour gambader et rêver.

  21. A oui, j’oubliais :
    -ne pas avoir peur de passer pour un fou et changer d’entourage…
    -La vie est mouvement et changement.

  22. Bonjour, sur la notion de « nature vraiment sauvage, donc vraiment naturelle »:

    Je crois qu’il faut être clair que la distinction entre la nature et la culture, ou entre la nature et l’homme, ne peut pas être tracée dans le monde physique. Ni a l’extérieur du corps de l’homme, ni a l’intérieur.

    Sauvegarder la biodiversité, qui est a la base de la sécurité alimentaire (et l’alimentation est quand même, depuis l’origine des temps, l’interaction la plus fondamentale et la plus inévitable entre les humains et les autres règnes), c’est au moins tout autant sauvegarder un patrimoine culturel qu’un patrimoine naturel.

    Les centaines de milliers de variétés d’espèces végétales domestiquées, qui fournissent la quasi-totalité de notre alimentation, sont artificielles et ne survivraient pas sans l’intervention constante de l’homme, autrement dit si les pratiques agricoles s’arrêtaient.

    Une espèce non-domestiquée est en interaction beaucoup plus faible avec l’homme, mais en interaction quand même. Toutes ces espèces ont co-évolué les unes avec les autres, l’homme compris.

    Un exemple pratique: Le nombre d’oiseaux migrateurs séjournant en hiver au parc naturel Keoladeo Ghana de Bharatpur au Rajasthan (un lecteur de Planète Sans Visa en parlait ici : http://fabrice-nicolino.com/index.php/?p=949) a périclité après que le gouvernement, sur le conseil de naturalistes mal inspirés, a interdit le pâturage des buffles dans le parc. L’idée était de réduire la présence humaine, considérée comme une « pression » (un concept économique, ca, pas écologique !). Résultat, les marécages ont étouffé sous les herbes trop hautes et les oiseaux ne pouvaient plus y trouver refuge. Finalement, pour faire revenir les oiseaux migrateurs, le pâturage a été de nouveau autorisé. Alors, quel rôle joue exactement le concept de « nature vierge » ici ? C’est ce concept même qui a détruit l’équilibre du parc, qui n’avait de « naturel » que l’apparence, et chassé les oiseaux. Ce concept n’a pas de sens.

    Il y a un autre exemple d’interaction entre la biodiversité des populations d’insectes et les champs de riz cultivés, ici en Anglais :

    http://www.downtoearth.org.in/node/19855

    Accepter que « la nature vierge » n’est pas une réalité physique mais un concept, est-ce si déprimant ? Au contraire, n’est-ce pas enthousiasmant d’accepter que nous en faisons partie et qu’elle fait partie de nous, que nous co-évoluons ensemble ?

    Ca me semble une motivation encore plus forte pour la « révolution intellectuelle et morale » que Fabrice appelle de ses voeux.

  23. affronter le systéme cad nous même,50 ans que je le fais et resultat destruction totale du Vivant,je ne suis pas d’accord avec ce positionnement mental,il s’agit d’ETRE et donc de laisser parler le Coeur ,donc de sauver ce qui reste et pas de se battre contre ces connards a longueur de journée sauf si c’est localement,le reste tu connais bien,adhérez tous a Fôret sauvage et l’ Aspas qui sont les seuls qui ont du Sens et qui savent ce qui se passe ,la question est que on ne peux changer que soi même et pas les autres,Terrasson avait raison,Cochet et Athanaze sont pile poil avec amour sur le terrain de la naturalité et du Biocentrisme,alors les castagneurs se castagnent d’abord avec eux même et c’est pour cela que cela ne passe pas,il suffit de désobeir et de contempler pour commencer a comprendre pourquoi la peur qui nous anima tous du sauvage en grande profondeur de nous même,a détruit cela,l’homme vit une crise interieure totale et le basculement se fait,ils ne nous restent plus qu’a peser dans la balance et seule sauver la beauté a un sens donc des gens commencent a léguer,et a Forets Sauvages et ASPAS des terrains ,des forets en nombre alors si vous êtes proprios allez y,pour peser il faut y aller et c’est le moment ,le monde c’est aussi nous,et si il est dans cet état c’est une partie de nous qui y est,donc sauver ce qui est encore sauvage est une évidence,une nécessité de l’instant,le Coeur dans la mousse,le reste je m’en contre fou désormais car je sais que de tout temps des êtres sensibles ont compris que la peur est leurs leviers et que personne n’écoute plus ces fossoyeurs et que partout on fait sans eux,alors je suis pour aimer ce qui reste et donc le respecter en le sauvant de la barbarie,donc forets sauvages,sans chasse et sans gestion,être INCARNER,les hors sols néoenvironementalistes et néoecolos ont fait que c’est de pire en pire,parce que ils sont HORS sols,seule la Beauté et le Coeur peuvent desormais guider nos pas,et le reste c’est de la foutaise.

  24. Je suis assez d’accord avec ourse,
    adhérer à Forêts sauvages et Aspas sont 2 bons exemples à suivre.
    Terrasson, Génot sont des noms à retenir.
    D’ailleurs à ce propos un livre magnifique »les forêts sauvages » de Robert Hainard (souvent oublié dans ce blog)est tout à fait instructif avec le point de vue d’un amoureux de la nature et la sensibilité d’un grand artiste, car oui la beauté et le coeur sont primordiaux.

  25. « des parcelles sur terre totalement interdites aux humains, dans tous les pays du monde et reliées entre elles par des corridors »

    Il est marrant, Arnaud (4ème commentaire): on lui parle « d’affronter le système lui-même, la matrice, le fondement de la destruction du monde », il répond « corridors » et « espaces interdits ».

    Et nous, les humains? On crève en bloc, paske tout ça c’est notre faute? Le plus marrant, c’est: qui le fera, ça, créer des corridors et des espaces interdits?

  26. et oui jean françois,hainard que j’ai lu apporte un regard nouveau(surtout à l’epoque)et instructive sur notre rapport déformé a la nature et ce qui est pas l’homme avec ce petit h.d’ailleurs fabrice pourquoi ne fait t’ons pas comme dans les pays de l’est,ou la bas ,des vastes zones sont interdites aux hommes pour ne pas déranger la faune.de ce point de vue nous somme attardé

  27. Arnaud : “il faut des parcelles sur terre totalement interdites aux humains, dans tous les pays du monde et reliées entre elles par des corridors”

    Cultive ton jardin : « qui le fera, ça, créer des corridors et des espaces interdits? »

    Interdire, et nous retrouver en plein dans ce que Riesel et Semprun ont décrit et annoncé : les nouvelles normes de contrôle qu’édicteront les experts de la gouvernance écologique dans le cadre de l’administration du désastre (cf « Catastrophisme, administration du désastre et soumission durable »)?

    Ne pas interdire, et donc laisser les experts de la gouvernance économique détruire ce qui reste ?

    Que faire ?
    Puisque « de toute façon, ce sera mal » ?

  28. Une précision, pour qu’on ne me prenne pas pour une grande naïve : je sais bien que les experts des deux bords ont fusionné et fait des petits qui sévissent depuis longtemps déjà.

    Il n’y a qu’à relire la prose délicieuse d’Yves Tual (publiée ici le 2 mars) pour s’en convaincre — allez juste pour le plaisir :

    « Enfin j’ai insisté sur :

    〉 Le fait qu’il faut absolument savoir marier Ecologie et Economie. En tant que responsable syndical, j’ai toujours lutté pour la place de l’homme au cœur de la société, mais il faut toujours trouver des compromis entre l’économie, l’écologie et le sociale. »

  29. Mais, Valérie, tu n’as rien compris à mon commentaire. Je ne suis pas, bien au contraire, pour qu’on interdise aux malfaisants de saloper la terre. Je pointais juste le paradoxe qui consiste à attendre une interdiction de ceux qui en seraient les victimes. Car qui d’autre que l’être humain peut « interdire » des espaces ou créer des « corridors »?

    Mais aussi: si je veux sauvegarder la terre, ce n’est pas seulement par amour des bêtes sauvages. C’est parce que je souhaite que l’homme, devenu sain d’esprit, continue à y vivre, et pas dans des réserves polluées à mort, entourées de corridors paradisiaques et d’espaces interdits.

    Il est vrai que ça semble bien mal barré.

  30. Valerie,

    « de toute facon ce sera mal »…

    mais, parceque le probleme est mal pose !

    Commencons par savoir quel est le probleme exactement que l’on veut resoudre, et on aura peut-etre une chance de le resoudre.

    Aujourd’hui le probleme n’est absolument pas de choisir entre « creer des zones interdites » et « laisser faire ». Ce choix absurde mene tout droit a l’attitude tout aussi absurde de « compromis » (qui est celle de Yves Tual que vous citez).

    Attitude absurde car elle melange tout pour eviter d’avoir a affronter le vrai travail a faire, feignant d’ignorer que l’economie ne fonctionne justement que sur la base de l’ecologie, et que l’ecologie ne peut croitre que dans une societe saine.

    Exactement comme les « experts » qui disent qu’il faut « gerer » le nucleaire ou les OGM en trouvant « un compromis » entre « la science » et « les
    questions sociales », inversant le sens des mots en appelant « science » les creations technico-economiques d’une toute petite minorite de la societe et en appelant « questions sociales » toute critique scientifique de ces technologies.

    Si l’on accepte ce vocabulaire on n’a aucune chance de s’en sortir!

    Pour en revenir a la question « interdire ou autoriser » et pourquoi elle ne se pose pas, il faut observer qui et comment detruit, et qui et comment conserve la nature.

    Les grands projets prives soutenus par l’Etat ont toujours eu priorite sur la nature, et les seuls cas, rares, ou la nature a eu gain de cause c’est grace aux gens qui l’habitaient.

    En revanche, le theme de la « protection de la nature » est utilise par l’Etat, dans les pays du Sud pour chasser les populations tribales ou les petits paysans des terres qu’ils ont protege depuis des siecles, et en France pour empecher les agriculteurs biologiques de s’installer.

    Il faut habiter la nature, voire la re-habiter, se la re-approprier (comme a Notre-Dame-des-Landes).

    Deserter la nature c’est la livrer toute nue aux dents des « experts de la gouvernance economique et ecologique », c’est la perdre et tout le monde avec.

  31. Ben nom de Dieu !

    Corridors écologiques, naturalité à haute valeur ajoutée, trames de toutes les couleurs, zones interdites aux naturalistes ayant contribués à leur protection, réintroduction de la vraie nature sauvage sur les sites délaissés par l’homme… comme Tchernobyl et autres sites à venir, contrer le fric par le fric sous forme d’acquisition de terrain en conservant le système d’expropriation pour utilité publique, porter au pinacle les espèces végétales domestiquées artificielles…

    Oh ! les nouveaux écologistes !

    « révolution intellectuelle et morale »

    😥

    ( lorsque cette révolution sera terminée, me prévenir. En attendant je vais boire un coup. 😀 )

  32. Cultive ton jardin

    J’ai parfaitement compris, rassure-toi. Ce qui m’intéressait, c’était précisément de rebondir là-dessus — ce qu’on est amené à réclamer, dont, par exemple les « interdits » — et qui m’interpelle moi aussi, comme, je l’espère, mes commentaires le montrent.

  33. Laurent

    Je sais bien que le problème est mal posé. Ce n’est pas moi qui le pose ainsi, je le rappelle.
    Pour le reste, tout à fait d’accord avec vous : habiter, ré-habiter, la nature, le monde, nos propres vies, nous-mêmes.
    J’essaie.

  34. Cultive ton jardin

    Et quand je dis « ce qu’on est amené à réclamer », je ne parle pas de toi, ni de moi, c’est un ON général, impersonnel. Ce que je cherche à pointer, c’est le fait qu’il y a toujours des gens, des bien et des moins bien intentionnés, pour proposer cette solution-là, interdire.

  35. Stan, pourquoi ne pas les admirer, les especes vegetales domestiquees artificielles ? Elles sont d’une richesse extraordinaire et elles sont essentielles a la biodiversite (les centres Vavilov de domestication des recoltes sont aussi des centres de diversite). Pratiquement tout ce que vous mangez, ce que vous plantez dans votre jardin, y compris les especes anciennes, traditionelles, locales, etc. , y compris celles du catalogue de Kokopelli, sont des especes domestiquees.

    Aussi, pour sortir du dilemme « autoriser/interdire » on pourrait se pencher sur le cas des « bois sacres » (sacred groves) et « etangs sacres » (sacred ponds) en Inde et ailleurs. Ce sont des lieux ou aucune activite « impure » n’est permise (avec des definitions variables de ce qui est « pur », peu importe, ou plutot si, c’est la la beaute de la chose). Ces lieux, souvent crees par l’homme (c’est le cas de la quasi-totalite des etangs sacres) sont des refuges de bio-diversite. On y trouve des especes qui ne sont nulle part ailleurs. Les regles traditionelles sont qu’on ne peut y prendre des ressources (du bois, du gibier, du poisson, etc.) qu’en cas de famine, decide par le conseil du village.

    Il y a la un concept de « reserve naturelle » mais habite et respecte par l’homme, pas simplement « sans hommes », qui pourrait etre une inspiration.

  36. Excellent programme que celui proposé par Oliv. J´y adhère à 100%. C´est celui du bon sens, un bien de plus en plus rare chez les mamifères humains, qui ou alors ne voient pas plus loin que le bout de leur nez et passent toute leur vie en mode automatique, ou se perdent au contraire en cogitations intellectuelles compliquées mais satisfaisante pour l´ego 🙂 !

  37. A Laurent Fournier,

    Bien. Puisqu’il n’y a pas moyen de boire un coup tranquille.

    Je fais mon levain et mon pain avec de l’Engrain en provenance d’un agriculteur bio.

    Je visais surtout les hybrides artificiels que certains cultivent en bio et la culture conventionnelle avec ogm.

    Pour les cas de famine, en Afrique, l’énergie douce (traction animale) pour l’agriculture était boulottée. J’écris cela pour te renvoyer à l’article de Fabrice sur Vavilov (que tu cites) et ses conservateurs. Sûrement un trait de caractère génétique si je peux me permettre.

    En ce qui concerne l’activité « pure » ou « impure » dans les lieux sacrés créés par l’homme je n’ai pas de réponse car moi aussi je revendique le droit de « pisser face au soleil et péter dans le vent »

    😀

    Amicalement.

  38. J’ai cherche l’article sur Vavilov avec la case « recherche » en haut a droite de la page, mais elle ne trouve aucun Vavilov!

    Alors j’ai cherche avec Google, en tapant:

    vavilov site:http://fabrice-nicolino.com

    et la, ca marche:

    http://fabrice-nicolino.com/index.php/?p=848

    Un bel article, qui donne envie de lire le livre!!!

    Ce que je voulais souligner, c’est qu’il ne faut pas romantiser une nature abstraite hypothetiquement « vierge » qui n’existe plus depuis des milliers d’annees, si elle a jamais existe, et que l’idee de « preservation » peut mener a la meme violence que decrit Vandana Shiva dans « monocultures of the mind » – monocultures de l’esprit – dans un sens non seulement figure mais aussi tout a fait litteral, et que si le concept de « nature » est utile en sciences, dans la vie il faut garder « la frontiere poreuse » entre l’homme et la nature (comme on disait a une epoque sur les sans-papiers) car toute tentative de delimiter fortement cette frontiere, en niant l’humain dans la nature et la nature dans l’humain, risque de tomber dans la violence et dans l’absurde… ce qui est le comble de l’artificiel!

    D’ailleurs l’IRRI et autres centres de conservation cryogeniques des semences on cede a cette tentation du pouvoir (garder les semences pour soi-meme, pas pour les replanter) et ils sont bien « punis » (mais surtout nous, les naifs qui les ont crus!) car maintenant la majorite des semences ainsi stockees sont devenues steriles. L’IRRI n’a d’ailleurs jamais envoye de semences a un fermier qui en faisait la demande, sous couvert d’un argument legal (interdiction d’utiliser les semences dans un but commercial), et on peut donc soupconner l’IRRI de n’avoir ete qu’un alibi de la revolution verte (« n’ayez pas crainte que les semences tarditionelles soient perdues, nous prenons la responsabilite de les conserver! »)

  39. Ecologie et Modernité…

    Cette discussion sur la nature et l’absurdité paradoxale des tentations “absolutistes” de conservation de la nature par élimination de l’homme, me font penser à ce que Yeshayahu Ben-Aharon appelle « l’inversion moderne » :

    « Nous constatons à l’examen qu’en réalité ce n’est pas du tout un retour aux temps anciens, mais l’adaptation complètement moderne et la mise au service de contenus anciens pour des buts modernes, utilisant des méthodes purement modernes. » (…)

    « Même lorsque le conservateur, le repenti, le réactionnaire, croit ardemment « retourner aux sources pures » de la religion, de la nation ou de l’idée sociale de ses ancêtres, il utilise et manipule sa tradition et son patrimoine, de fait, selon ses idées et besoins contemporains et modernes. Le processus est le suivant :

    1. Il choisit son matériau de manière sélective ;
    2. Il interprète a sa manière ce qu’il sélectionne ;
    3. Il invente des éléments complètement nouveaux ;
    4. Il les mélange sciemment avec les éléments sélectionnés et interprétés issus de la tradition ;
    5. Le régime social, culturel ou politique qu’il fonde va refléter cette conjugaison réellement nouvelle et originale d’éléments dans une forme typiquement moderne (individuelle-universelle). »
    (…)

    « Par exemple, la révolution de l’Ayatollah Khomeini en Iran (1979) n’était-elle pas exactement aussi moderne que la dictature soi-disant « vraiment moderne » du Shah, qui était secrètement soutenue par les USA, et qui en fait a usurpé (1953) le régime beaucoup plus démocratique de Mohammed Mossadegh ? Est-ce que toutes les révolutions fascistes et religieuses, qui sont appelées « régressives », ne sont pas en fait exactement aussi modernes que les révolutions communistes ? »
    (…)

    « Ce qui est trop souvent oublié c’est que les trois révolutions, la radicale, la conservatrice, et la capitaliste, sont toutes aussi modernes les unes que les autres. C’est parceque toutes les trois incarnent et utilisent l’essence du modernisme, qui est le couple individuel-universel, ou double contrainte »

    (Extraits librement traduits de Yeshayahu Ben-Aharon, “The Event in Science, History, Philosophy and Art”, 2011)

    Cette « double contrainte », que Schiller appelait « l’instinct de jeu », Spivak « double bind », et Rancière le « double jeu », Ben-Aharon propose de la réaliser comme l’acte conscient « d’inversion de l’inversion moderne », qui sinon se retrouve incapable de réaliser ses idéaux proclamés autrement que sous leur forme exactement inverse.

    Il ne faudrait surtout pas croire que l’écologie est par nature, automatiquement, anti-fasciste. C’est au moment où on le voit le moins qu’on est le plus dedans! C’est comme cela que je lis Pierre Fournier lorsqu’il écrivait : « Il faut ruser. Il faut faire la révolution sans passer par la force, sans passer par la victoire (oh ! que ce sera pénible, ca !), la faire en douce, gentiment, avec le sourire, avec des fleurs, pour le plaisir – en restant sans cesse en-dessous du seuil de fascisation.” (Charlie Hebdo, 15 février 1971) ou Foucault lorsqu’il présentait, si humblement, l’édition Américaine de « l’Anti-Oedipe » a l’opposé d’une nouvelle théorie victorieuse, comme une modeste « introduction » a « la vie non-fasciste ».

    La vie est un chantier qui commence a peine.

  40. Réouvrir l’interdit, sans se braquer dessus avec les définitions traditionnelles, galvaudées, ou conventionnelles ?
    Les lois elles-mêmes, bien souvent, évitent à tout prix l’interdit (c’est souvent énoncé comme principe de la législation, désormais. Dans le bâtiment, il n’est jamais « interdit de » !), mais elles contournent la franchise de la notion, devenue taboue donc elle-même, par des obligations nombreuses, et dirigistes et « cantonnantes », finalement au service de ceux qui les comprennent, peuvent les manier et les appliquer avec profit et liberté.

    Un interdit en exemple pour moi (que je creuse), avec d’autres plus directs (relevant de « il y a des choses que l’on ne fait pas », ceci avec l’idée éventuelle de modulation, d’adaptation, de caractère temporaire) : celui de perséverer lorsque l’on constate que l’on se fout dedans, que nos actes entraînent des faits graves, ou inconsidérés, ou totalement risqués, etc.
    Un truc que les êtres humains ont un mal de chien à mettre en actes : reconnaître ses erreurs et s’arrêter.
    Historiquement, existe le cas connu et démontré d’une navette spatiale : celle qui a explosé. On la savait problématique… Mais nous avons tous des exemples, et des exemples aussi personnels que collectifs. L’autre revers de la passion sans doute.

    Aujourd’hui s’arrêter semble impossible, comme toujours (?) au nom de tout un fatras de raisons qui pourraient être abandonnées. Ces raisons sont directement issues du même ensemble que ce qui déraille : financement par exemple… J’ai en tête l’émission de Ruth Stégassy ce matin sur les gaz de schiste, et ce financement y était incontournable, avec ses bon-dieux d’investisseurs. J’ai eu l’impression d’un frémissement de basculement : Enercoop… Trop léger.
    Le fric n’est qu’une création humaine, il est aujourd’hui aux mains d’escrocs privés, dont nous ne pourrions nous passer, selon le discours ambiant. Pleins de fric, d’un fric qui est idôlatré, personnes amorales et jouisseuses ou psychopathes : pouvoir absolu entre leurs mains !
    On peut penser que se passer d’argent n’est pas encore souhaitable, ou que l’argent apporte une liberté indispensable, ou que l’économie est, comme tout, question de définition, de pratiques, de champ d’action ?
    L’argent se crée comme on en veut, il se contrôle parallèlement. Nous pouvons le faire apparaître comme le faire disparaître. Une commune, dans un contexte de misère, décide de créer sa monnaie, une économie se met en route : voir Etienne Chouard à ce propos. Chômage ? que des couenneries de gestionnaires propriétaires abusifs aux mains pleines, et de leurs serviteurs de politiciens.
    Castoriadis dit de même de toutes nos institutions, l’argent en est d’ailleurs une, si nous pouvons l’oublier.

    Détendre nos visions et essayer de ne pas subir nos réflexes, intellectuels, culturels ?
    Une forme de simplicité, de dénuement peut-être, de réappropriations.

    J’associe de plus en plus changement de paradigme avec capacité de souplesse, et d’évitement des références, ou plutôt de manipulation conceptuelle libérée ou libre de ces références, qui elles aussi peuvent s’avérer polluantes.

    Terrible phraséologie ? La réaction de Frédéric Wolff à l’un de mes commentaires sur un autre billet m’a confirmée dans l’ingénuité difficile de l’usage de certains mots et ce qu’elle provoque pour d’autres. J’avoue que je suis passée par là dans mon genre, avec un dégoût pour certaines expressions, certains mots, dont nous sommes aussi tellement abreuvés, pour se faire bercer d’illusion et coincer. Il y a un savoir partagé dans ces expressions polysémiques, et même par la connaissance de leur polysémie aujourd’hui. Un savoir donc, et fort contemporain. « Je » suis un autre, etc. Pessoa est passé par là, référence ou non.
    Les mots les pires de notre société – ceux qui nous asservissent et permet de détruire à tour de bras (souplesse, flux, structure, etc), sont peut-être ceux qui portent notre potentiel de subversion, et de ré-attachement à l’univers, même si personnellement, le présent et la présence au monde et du monde (donné, que j’allie au naturel / attention définition !) me sont absolument cardinaux, principiels… Personne n’a réagi là-dessus, à part Laurent, et avec d’autres mots (!), me semble-t-il.

    Nota : Rien sur le pouvoir, l’autorité, le fascisme ici. Pourtant essentiel. L’idée de fiction en tête en ce moment… Intéressante par son potentiel d’évanouissement. Je n’ai pas lu avec l’intéret qu’ils méritent, je crois, les derniers posts de Laurent Fournier.

    Sur L’encyclopédie des Nuisances enfin : il pourrait être intéressant que Fabrice nous délivre un avis réfléchi sur cette maison d’édition. J’ai lu certains textes de celle-ci avec passion et je continue dès que je le peux encore, gênée cependant par une vision particulière de l’être humain, de la politique, de la nature, etc… J’ai essayé un travail de mis au jour de leur substrat idéologique, puisque je ne les connais par aucune source.
    Cela m’intéresserait en tout cas.

  41. Bonjour Florence, j’ai lu quelques livres de l’Encyclopedie des Nuisances, y compris quelques fascicules de « L’encyclopedie » elle-meme, et aucun ne m’a laisse indifferent. Cependant chercher une unite dans ces differents travaux me semble moins interessant qu’apprecier leur diversite et tout simplement les lire pour ce qu’ils sont, les prendre « a valeur faciale », « at face value », comme disent les Anglais! Je trouve qu’il ne faut pas toujours chercher « d’introduction », (au sens de « genealogie », de « coherence », de « mouvement ») il faut s’introduire soi-meme! Mais je serais tres interesse si vous « m’introduisiez » au texte que vous trouvez le plus passionant! (et je ne serais sans doute pas le seul ici 😉

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