Beaucoup plus vite que l’évolution

Cet article a paru dans l’excellent Charlie Hebdo le 24 juillet 2013

Ce con de Darwin peut aller se rhabiller, car la biologie de synthèse se propose de créer de nouvelles formes vivantes grâce à l’ordinateur. Plus besoin d’attendre 10 millions d’années. C’est tout de suite, aux États-Unis, sous la forme de graines d’Arabette des dames.

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Quand vous lirez ces lignes, une bande d’incroyables connards aura peut-être réussi son coup, qui consiste à envoyer par la poste des centaines de milliers de graines, à raison de 100 pour chacun des milliers de donateurs. Où est le mal ? Les connards tiennent une société de « biologie de synthèse », nouveauté radicale à côté de laquelle les OGM sont des anges venus du ciel. Genome compiler (http://www.genomecompiler.com), la boîte américaine en question, a lancé au printemps une souscription en ligne, via un site spécialisé (http://www.kickstarter.com) pour produire et distribuer des semences d’une plante, arabidopsis thaliana – Arabette des dames -, de la famille du chou et du radis. C’est très fun, car le jeu consiste à planter ensuite les graines un peu partout, qui devraient donner des plantes produisant de la lumière. Plus besoin d’électricité, les gars ! Au passage, l’Arabette des dames a été totalement repensée, et reconstruite à partir d’un clavier d’ordinateur.

Pour mieux comprendre, laissons donc la parole à Genome compiler, qui annonce la couleur sur son site, sans façon : « We can design and program living things the same way that we design computer code ». Autrement dit, « nous pouvons concevoir et programmer les êtres vivants comme nous concevons les codes informatiques ». On aurait grand tort de s’en foutre, car derrière la fanfaronnade se cache bel et bien un nouveau continent.

La biologie de synthèse, dont personne ne parle encore, ne vise pas, comme avec les OGM, l’introduction d’un gène étranger dans le génome d’un organisme. L’ambition est bel et bien de créer en laboratoire des formes de vie n’ayant jamais existé. D’abord des bactéries. Ensuite, qui sait ? Aidés par les ordinateurs, nos beaux iconoclastes entendent créer à la demande de nouveaux codes génétiques, bricolés sur un coin de table, qui rebâtiraient un monde nouveau, supposément meilleur que celui qu’on doit se farcir.

Il n’y a guère de mystère : les trois merdeux qui sont derrière toute l’affaire fricotent avec Singularity University, un machin présenté comme autonome, mais logé dans la Silicon Valley, sur le campus de la Nasa. Le cofondateur du bastringue, Raymond Kurzweil, est un informaticien spécialisé dans l’intelligence artificielle, et surtout l’un des théoriciens de l’une des idéologies les plus nauséabondes de l’après-guerre, qui s’appelle le transhumanisme. En deux mots, les tenants de ce courant international pensent que l’homme n’est pas à la hauteur. Et qu’il faut lui adjoindre toutes les machines que la science et la technique sont capables d’inventer. On n’est pas très loin, et peut-être tout près, d’une resucée du surhomme.

Certes, une partie des scientifiques au courant croient plutôt à une nouvelle avancée des techniques OGM, mais le groupe canadien ETC (http://www.etcgroup.org puis kickstopper), qui suit ces mouvements à la soupe binoculaire, vient de lancer une vaste alerte mondiale pour essayer de stopper l’envoi des graines d’Arabidopsis thaliana, qui constituerait un lâcher sauvage sans aucun précédent connu.

De grands journaux angliches et amerloques – The Guardian, Nature, New Scientist, Mother Jones – prennent l’affaire au sérieux, et chacun à sa manière, rend compte de l’opération projetée par Genome Compiler, qui a déjà rapporté 500 000 dollars de dons. Et en France ? Seul le groupe grenoblois Pièces et main d’œuvre (PMO) tente de faire connaître les dessous de la biologie de synthèse (http://www.piecesetmaindoeuvre.com, puis biologie de synthèse). Dans un tract sur la question, PMO cite le patron du Génopole d’Évry, centre de recherche sur le sujet. Selon lui, il faut : « considérer le vivant comme un immense mécano, à partir duquel sont imaginés et construits de nouvelles entités (bactéries), des micromachines (autoreproductibles ou pas), des systèmes qui n’existent pas dans la nature ».

Impeccable. Le plus grand soutien à la biologie de synthèse s’appelle Geneviève Fioraso, et elle est ministre de l’Enseignement supérieur. Les scientistes fous sont au pouvoir.

18 réflexions sur « Beaucoup plus vite que l’évolution »

  1. Bah ouais quoi. La nature, c’est nul. Y’a encore un ‘tain de moustique qui vient de me piquer.

    Les tripoteurs au pouvoir… parce que le capitalisme n’attend pas! En plus de l’hubris, naturelle au scientiste, il faut toujours avoir un truc nouveau à vendre, et il faut de la pub qui déménage vraiment… et là, quand même, la vie artificielle, ça le fait…
    Frankenstein au placard! Nos génies ne se feront pas bouffer par leurs créations… enfin, peut-être.

  2. ^^

    Merci.

    Vous êtes désarçonnant!Cru!

    —–

    PARIS (France)

    Le Conseil d’Etat, plus haute juridiction administrative française, a annulé jeudi l’interdiction de cultiver en France le maïs transgénique MON810 de la firme américaine Monsanto.

  3. super! ils vont nous inventer des loups et ours végétariens, et tous les problèmes seront réglés! c’est Yves Bonnardel qui va être content! MDR……………jaune!

  4. « We can design and program living things the same way that we design computer code ». Je passe beaucoup de temps à développer du code informatique et c’est vraiment la déclaration la plus consternante que j’ai lue depuis longtemps.

    « With version 0.3.11 you can now enjoy a moother user experience with no random crashing ». Ces types ne sont même pas sérieux quand ils fournissent leur logiciel ! Ils pourraient commencer par savoir débugger leur « computer code », par exemple en le testant sur leur propre génome, histoire de se se contempler en tant que « living thing ».

    Ils comparent leurs travaux informatiques et le bienfait qui en sort pour l’utilité de tout un chacun, à celui des constructeurs de l’internet… Ça n’a simplement pas de sens. Leur site et leur page sur kickstarter.com sont du même acabit : un ramassi d’argumentation plate sans aucun recul. Le Vivant y est une chose. Ça n’a pas de sens.

    Montrer aux grandes masses la bio-synthèse en mettant à disposition des plantes qui luisent fantomatiquement la nuit grâce à un génome trafiqué à la luciferase : ils devraient pousser plus loin et nommer leur site internet http://www.666.com ! Vivement que leur bulle leur pète à la gueule et qu’ils se prennent sérieux un coup de chaud.

    La contre-opération de financement participatif lancée par ETC Group pour désactiver cette débilité est arrivée à échéance mais on peut encore soutenir l’ETC Group dans leur effort via l’organisation ‘Friends of ETC Group’ (page donations’ du site) en indiquant que c’est pour lutter contre le projet kickstarter ‘glowing plants’. C’est ce que j’ai fais après la lecture de l’article de Fabrice.

  5. Ca me fait penser aux romans de John Scalzi « le vieil homme et la guerre » où il est question de ce genre de manipulations, d’une certaine manière.

    C’est pas rassurant…

  6. J’vais finir par me faire hari-kiri pour ne plus assister à tout cela.
    ET la moissonneuse qui vient de démarrer son travail. Un bruit de fureur, de la poussière, des animaux aux abois, tant qui vont y passer, j’parle même des micro-organismes. Ce sera liquidé en une ou deux heures, le champs ouvert, débocagé depuis lurette est une marelle. Le conducteur tout « fieur » est aux manettes. Un paysan entrepreneur qui en tient, après tant de mépris.
    Comment peut-on croire admirable d’être devenu aussi passif et asservi ? L’a fabriquée sa machine ? C’est son équipe humaine ?
    Un long façonnage de la tête, où l’on fut le merdeux, le pauv’type aux ongles épais et noirs, et si t’es breton, tu connais bien la chanson, Bécassine est ta cousine, accédant au futur et aux partages tech pour le bonheur d’être endetté, subventionné, contrôlé, satellisé ?
    On continue la télé de la cabine, ce soir au repas, tout seul, puis au lit ?

    Et d’avoir fini « Les niveaux de santé » de George Vithoulkas.
    Détérioration de nos santés, sous l’effet conjugué d’environnements tous plus dégueulasses les uns que les autres, mais aussi de corps amoindris par des traitements complètement déplacés, traitements arqués sur les symptômes à abattre (donc pas la maladie…, sans parler de la méthode guerrière appliquée : éradication comme mot d’ordre), bouleversement des défenses naturelles, et sabotage des ressources en place, de la santé initiale, même déséquilibrée… Perte de santé, toujours plus.
    Antibios, hormones, stress, pollutions, vie d’envies jamais rassasiées.
    C’est écrit par un homéopathe grec de longue expérience. Son regard sur l’état de certains est glaçant, quoiqu’un fond encore solide tient encore le cap, et que l’homéopathie connaît l’un de merveilleux langage de la nature.
    Mais avec un diagnostic en chute libre, va-t-on passer au transhumanisme en pleurant grâce ? J’vois bien le scénario.
    Je veux bien hara-kiri. Qu’on me foute en terre après, dans du sapin vermoulu, et sans poignées de plastique dorées au pétrole.

    Allez, j’entame le « Brin de paille », la révolution par l’humanité naturelle. Il a la super pêche en 1975, Masanobu (en 1985, une pointe d’amertume : MERDRRRE !)

  7. Ils vendraient leur âme au diable pour s’enrichir. Ils s’imaginent avoir le temps de « profiter » de tout ce pognon !!! Ils aurons juste du velour rouge en deco. pour leurs cercueils et c’est tout. Ils finirons comme tout un chacun au fond d’un trou. Hi hi hi. La seule véritable justice sur cette terre. Yessss.

  8. Bonjour,

    Les nappes phréatiques de Fukushima risquent de déborder.

    Les nappes phréatiques situées sous la centrale japonaise accidentée de Fukushima montent à un niveau plus élevé qu’une barrière actuellement construite pour les contenir, rapporte samedi le quotidien japonais Asahi. Evoquant une réunion des autorités japonaise de régulation sur le nucléaire, le journal explique que les eaux souterraines contaminées lors de l’accident nucléaire du 11 mars 2011 pourraient remonter à la surface d’ici trois semaines.

    Tepco, l’opérateur de la centrale, injecte actuellement un produit chimique souterrain afin de solidifier les sols et éviter que les eaux radioactives soient emportées. Mais selon Asahi, il n’est efficace qu’à plus de 1,80 mètre de profondeur, alors que les nappes phréatiques montent jusqu’à un mètre sous terre.

    Ni Tepco ni l’Autorité japonaise de sûreté nucléaire, créée après la catastrophe de Fukushima, n’ont confirmé l’information.

    En revanche, après DES MOIS DE DENEGATIONS, Tepco a reconnu la semaine dernière pour la première fois que des eaux souterraines radioactives s’étaient probablement écoulées dans l’océan Pacifique.

    Amen!

    Au revoir.

  9. Bonjour/bonsoir,
    … et dire que les films de sciences fictions, étaient des films, enfin la science colle à la fiction, plus besoin de regarder des écrans, l’incrustation se fera du vivant, c’est cool. Sinon l’évolution ça fait rêver, sur ce placez vos finances dans les labos … et pendant ce temps là …

  10. pour Florence: hélas, écraser toute cette vie dans les champs, dans le fond il n’y a rien de bien nouveau sauf les moyens techniques…le paysan est un de ceux qui ne regardent pas la campagne disait jules renard…et pour eux de longue mémoire la terre n’a pas été toujours bonne mère.dos courbé, froid, chaleur..; récoltes fichues… il n’y a pas eu une si grande métamorphose que çà, sauf technique; si « l’amour » de la terre avait été le plus fort, nous n’en serions tout bonnement pas là.

  11. …Tention, Marie, je suis en conversion paysanne, sans même l’avoir décidé un jour ! Ou plutôt fermière fukuokanimiste qui mue chaque jour davantage !
    A un endroit, un bout de terre qui veut vivre sans trop d’intrants, sans intrants DU TOUT (et je veux dire bien au-delà des merdes chimiques du monde rural, soit toutes ces béquilles, ces prothèses, ces tuteurs…, ces destructeurs). L’ordinateur, je l’allume encore. Histoire de me préparer à la réquisition qui viendra un jour ?
    Comment les « exploitants » regardent « leur » terre, comment les agriculteurs l’ont regardée, comment les paysans encore l’ont fait avant et aujourd’hui, pour ceux qui prennent le titre ?
    Tout n’est pas encore muré, ni ne fut unicouleur. J’ai entendu mes grands-parents, et même mes parents dans la campagne, qui n’étaient pourtant plus cultivateurs, comme disait mon aieul maternel. Quant à moi…
    En lisant l’article suivant, j’ai le bide et les poumons qui s’emballent. Pas prête à lire l’article de l’Ecologiste. Laurent nous abreuve de plus. « Représentation » !!!
    On va s’accrocher.

  12. Et : j’ai jeté un oeil à la parcelle de plusieurs hectares voisine, rasé en trois heures, un peu de chaume encore laissé : une terre crevassée en profondeur, claire et minérale comme une maison de bauge des temps modernes, stérile, morte.

    Ben quoi, on est en Bretagne, y’a eu du beau temps sur un mois ! Normal.

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