Un petit devoir de (fin de) vacances

Devoir de (fin de) vacances : penser la structure, et le temps long. Penser le pouvoir vrai, et l’organisation sans faille. Cela, d’un côté. Et de l’autre, rire de l’esbroufe, des moulinets médiatiques, négliger l’écume des jours inutiles, à répétition. D’un côté, le ministère de l’Écologie – le Medad, ou ministère de l’Écologie, de l’Énergie, du Développement durable et de la Mer en charge des Technologies vertes et des Négociations sur le Climat – et ses baronnies. De l’autre, ce malheureux Jean-Louis Borloo.

Tout bien considéré, peu de gens imaginent ce qu’est un ministre. Commençons par l’évident : c’est un politicien professionnel, dont le travail consiste à plaire à l’opinion et à son maître, le président. Surtout sous le règne de qui vous savez. Borloo se moque éperdument de l’écologie, vous pouvez m’en croire. Son plan de carrière était ailleurs, et je dois rappeler qu’après l’élection de Sarkozy en 2007, il avait obtenu un poste de très haut rang, celui de ministre de l’Économie. Très près de ce qu’on pourrait appeler, chez un Borloo du moins, un bâton de maréchal. Hélas, les législatives de juin 2007 ont envoyé le maire de Bordeaux, Alain Juppé, au tapis, qui avait hérité lui, dans le premier gouvernement Fillon, du poste de ministre de l’Écologie.

C’est contraint et forcé – on ne gagne pas à chaque fois – que Borloo s’est retrouvé à l’Écologie. Ensuite, ce bateleur de foire, cet animateur doué de ristournes géantes au Carrefour du coin, s’est emparé de la chose, en se demandant à chaque seconde si les caméras étaient placées au bon endroit. Je n’insiste pas sur la vaste arnaque du Grenelle de l’environnement, qui aura permis à Borloo – inutile de nier, car c’est un fait – d’apparaître comme un écologiste sincère auprès de notables fractions de l’opinion. Il faut dire qu’on n’a pas tous les jours la caution du WWF, de Greenpeace, de Hulot et  de France Nature Environnement.

Que trouve-t-on dans l’escarcelle d’un ministre comme Borloo, en dehors de la mise en scène du vide ? Rien. Et cela n’est pas propre à lui, du reste. Un ministre ne fait jamais que passer deux ou trois ans sur un territoire dont il ignore tout. Il y atterrit avec un cabinet de spécialistes – manucures, esthéticiens, coiffeurs, palabreurs, danseurs mondains, joueurs de pipeau -, lesquels n’ont qu’un seul rôle : obtenir qu’on parle en bien de leur patron. Même dans l’hypothèse fantaisiste où ce patron obtiendrait une réforme sérieuse et positive, on ne pourrait en observer les effets que plusieurs années après son départ vers d’autres rivages. Or seul compte le présent. Et le ciel bleu.

Au-delà, il faut comprendre ce qu’est un ministère. Tandis que le ministre et sa petite troupe babillent sous les spots, l’administration centrale décide, gère, tranche. Elle est la permanence et la structure. Elle sait qu’elle est la plus forte. Elle sait, bien entendu, qu’elle survivra à tous ces polichinelles qui se succèdent dans l’indifférence générale. Il se trouve, amis lecteurs, que j’ai écrit le 19 décembre 2007, ici même, un article auquel j’attache plus de prix qu’à d’autres. J’y décrivais la manière, la formidable manière dont le ministère de l’Écologie était réorganisé, passant définitivement sous la coupe exclusive de grands ingénieurs d’État étrangers à la cause de la vie sur terre (c’est ici). Quelques mois plus tard, Corinne Lepage me rejoignait sur ce point réellement décisif, soulignant le hold-up des ingénieurs des Ponts et Chaussées sur le ministère de l’Écologie (c’est ici).

C’est à cette aune qu’il faut juger nos pauvres petits ministres. Incapables qu’ils sont d’agir sur le réel, ils ont recours, comme depuis quelques centaines de milliers d’années, à des rituels magiques. Le Grenelle de l’environnement n’est rien d’autre, si l’on y réfléchit un peu. On ne me croira évidemment pas si j’écris que je trouve Borloo plutôt sympathique. C’est pourtant vrai. Mais à la différence de ceux, si nombreux chez les journalistes, qui se contentent de regarder le doigt, j’essaie d’apercevoir la lune.

22 réflexions sur « Un petit devoir de (fin de) vacances »

  1. la structure perenne doit être en phase avec le bon peuple automobile, car plaçons nous 1 heure ou 2 sur n’importe quelle route de douce France, et nous serons fixés sur le degré de souci ou de conscience écologique de nos concitoyens.
    mieux encore parcourons routes nationales, autoroutes, traversée de villes et de centres commerciaux et regardons à droite ou à gauche de ce béton-métal hurlant: partout nature saccagée, repoussée, colonisée, papillons rares et oiseaux presqu’absents.
    Oui il est signalé que sur 12 kms ou 2 kms ou ? kms il y a des passages de cerfs sur la route: à quoi servent donc ces panneaux? à rien car aucun ralentissement ne peut être observé, les conducteurs s’en fichent complétement! et les messages lumineux qui mettent en garde, du genre « conduire c’est savoir vivre », ne disent jamais « attention traversée de cerfs, ralentissez! » faut pas rêver non plus.
    et çà serre le coeur d’entendre les criquets continuer à chanter sur les espaces croupions de nature qu’ils leur sont laissé çà et là..on se dit dans 5 ans : silence! ils ne seront plus là.

  2. Marie, moi aussi je me fais souvent ces réflexions.

    Fabrice, Borloo a dû oublier le coiffeur dans ses spécialistes, non ? 😉

  3. @ Martine,
    Avec l’abandon du projet de la mine indienne, voilà deux bonnes nouvelles en quelques jours !
    Quand je disais qu’il ne faut pas définitivement désespérer de la nature humaine.

    Quant à Mr Borloo, même si son cas semble un peu désespéré, sait-on jamais…

  4. La saloperie des autres est aussi en nous. Et je ne vois pas d’autre solution que de rentrer en soi-même et d’extirper de son âme toute cette pourriture. Je ne crois plus que nous puissions corriger quoi que ce soit dans le monde extérieur, que nous n’ayons d’abord corrigé en nous. L’unique leçon de cette guerre est de nous avoir appris à chercher en nous-mêmes et pas ailleurs.

    Etty Hillesum (1914-1943), juive hollandaise morte en déportation
    http://entremotsetvous.over-blog.net/ext/http://www.nouvellescles.com/article.php3?id_article=167

  5. le vrai ministère de l’écologie n’existe pas, là nous avons à faire à un buisness dirigé par des cretins mals coiffés et se foutant de la gueule des simples gens (c’est à dire nous et ……nos , leurs enfants)

  6. Un peu de pédagogie : bonne idée de rappeler comment tout cela fonctionne à la base.

    PS : Martine, merci pour l’info. C’est une sacrée bonne nouvelle ! Encourageante en effet. Il est, si j’ai bien lu, question de « suspension », alors restons tout de même vigilants.
    Je me demandais : les incendies ont-ils quelque chose à y voir ? La forêt de Khimki a-t-elle été touchée ?

  7. PS bis : merci aussi à Eva pour la même info plus bas. J’ai lu les commentaires dans l’ordre, ou plutôt dans le désordre, enfin bref, pardon j’encombre. Je file…

  8. Merci à Céline pour les mots de Etty Hillesum, ô combien vrais.
    Pour ne pas complètement désespérer de la nature humaine (difficile): se plonger dans la vie et l´oeuvre de Janusz Korczak, ce médecin polonais, pédagogue, le père des droits de l´enfant, qui n´a pas voulu abandonner ses « orphelins » lors de la liquidation du ghetto de Varsovie et est parti avec eux vers Treblinka.

    Moi aussi j´ai vu trop tard qu´Eva avait donné l´info sur la forêt de Khimki.

  9. Bonsoir,

    Les politiques sont au service d’une cause qui n’est pas la leur,personnelle.Ils suivent une locomotive outrageusement fumante.Sous peine de « placard »,les pôôôvres!

    Grand bien leur en fasse,mais j’espère qu’ils seront assez intelligents pour en descendre en marche!

    Pincez moi,pour le doute….:)

    Bonne fin de semaine,bisous,Léa.

  10. les hommes et femmes politiques sont aussi à l’image de ceux qui les élisent, il y a une similitude et comme une osmose entre eux et une grande partie du bon peuple.
    ex: les déchets: ici tout le monde ou presque s’en fiche! on envoie tout çà à l’incinérateur, la société est payée au tonnage, par la collectivité locale ad hoc, et le recyclage, notamment des plastiques, pour valoriser est quasiment absent, mieux vaut donc ensuite réutiliser du pétrole, pour refabriquer des bouteilles de lait en plastique et autre contenant; pourtant des milliers de gens sont au chômage, méprisés, qui pourraient faire oeuvre utile, mais les chiffonniers d’antan ont bel et bien disparu; et en unisson avec çà les politiques ne favorisent pas du tout le recyclage, pas de pédagogie, pas de sanction, il est vrai qu’il est plus simple de mettre des PV sur les parebrise de ceux qui ont oublié de payer leur place. ce matin une émission passionnante sur comment font les brésiliens, souvent ex gens de la rue organisés en coopérative en la matière.

    et puis aussi le compost des matière organiques les gens n’aiment pas çà car c’est sale et çà attire les bêtes! mieux vaut donc, une fois de plus bruler et envoyer cette précieuse énergie dans l’air en fumée.

  11. Bonne analyse de FB sur Borloo et son ministère qui a tant grossi qu’il en est devenu vraiment inefficace. Inefficace car l’administration, faute de guide « politique » (dans le bon sens du terme) se perd dans ses propres atermoiements: bureaucratie échevelée, bataille de corps et finalement, pour les meilleurs éléments perplexité et découragement. Il est en effet notoire que Borloo ne s’intéresse pas à son administration: l’important pour lui est de communiquer au mieux de ses intérêts: il a bien vu tout le parti qu’il pouvait tirer à titre personnel du Grenelle mais maintenant que Sarko a décrété que l’environnement ça commençait à bien faire, JLB n’est plus aussi motivé! Oui je regrette comme beaucoup la disparition du ministère de l’écologie qui a disparu dans l’hydre équipement. Dans l’ancienne formule il y avait l’expression des contraires versé au débat public. Désormais les arbitrages sont rendus en interne dans le secret des services et du cabinet. Le développement durable c’était donc ça: la dissolution de l’écologie dans le béton et les infrastructures…

  12. PECHINO
    Nasce in Cina il business delle lucciole. I piccoli insetti luminosi, considerati simboli di romanticismo, sono diventati richiestissimi nel Paese negli ultimi tempi, in quanto dono ideale per i fidanzati e gli amanti. La notizia, riportata sullo Shanghai Daily, ha suscitato le critiche del Wwf. «È un commercio che non possiamo giustificare. Questi insetti vanno lasciati tranquilli», afferma Fulco Pratesi, presidente »…..

    hé bien voilà une belle « lubie »! est né en Chine le business des lucioles! Ces insectes lumineux sont très recherchés par les chinois, symbole de romantismme, les amants se l’offrent moyennant 50 centimes à 1 euro; le WWF : « ces insectes doivent être laissés tranquilles ». arrivés en ville, ils meurent. rappel sur l’usage que certains faisaient en Italie d’enfermer les grillons pour leur chant.
    http://www.lastampa.it/lazampa/girata.asp?ID_blog=164&ID_articolo=1806&ID_sezione=339&sezione=News

  13. « Les bergers et les éleveurs ovins des Alpes-de-Haute-Provence pourront bientôt chasser le loup. Nicolas Sarkozy (l’acteur principal du Grenelle, opérette en 2 ou 3 actes)leur a promis vendredi un arrêté préfectoral autorisant des «tirs de prélèvements» dans les zones où leurs troupeaux sont menacés par les loups, ainsi qu’une formation à la chasse.

    «J’ai demandé au préfet de prendre sous huit jours un arrêté préfectoral permettant d’engager un tir de prélèvement du loup pour les zones du département où l’attaque du loup relève d’une intensité exceptionnelle», a indiqué le président de la République lors d’une visite à Noyers-sur-Jabron. »
    Scrogneugneu! tout l’article sur cette décision scélérate est là:
    http://www.leparisien.fr/environnement/sarkozy-veut-autoriser-les-eleveurs-a-chasser-le-loup-27-08-2010-1045108.php

  14. Même si Borloo n’a rien d’un écologiste, il a eu le mérite, grâce au Grenelle de l’environnement, de rendre sensible une partie de nos concitoyens à la nécessité de protèger notre planète. Même si seulement 10% des Français ont adhéré à une partie du message, c’est déjà ça de pris dans ce monde de consommateurs effrénés. Est-ce qu’à l’époque de D.Voynet les gens ont compris son rôle ou sa mission ? Non ! Rendons à la droite au moins ce mérite infime ! Et si vous connaissez dans notre sphère politique des gens qui sont des « vrais écologistes », je suis preneur !

  15. hifi : sensibiliser à quoi ? au « développement durable » ? « raisonné » ? A de provisoires petits bouts de sparadraps par ci par là, histoire de calmer un peu les esprits et de ne pas trop contrarier les autres ?
    Je ne pense pas que « sensibiliser » était le but de ces discussions. Ne s’agissait-il pas plutôt de prendre rapidement de vraies et concrètes mesures ? Personnellement, je ne vois aucun changement. Pire encore, on met aujourd’hui tous les défenseurs de la nature dans le même panier, et pas le bon, parce que les participants sélectionnés sont présentés comme « nos » représentants et porte-parole.

  16. Gilles clément (jardin planétaire) l’a bien dit: comment se débarrasser de l’écologie? par la récupération. voir son site.

  17. @ Chaperon rouge

    Par « sensibiliser », j’ai voulu dire  » faire prendre conscience », puisque pour la première fois, on a commencé à parler de notre Terre dans les chaumières.

    Il est évident que les termes savants que vous employez sont passés au dessus de beaucoup de têtes, mais pour la première fois, j’ai constaté autour de moi, au moment du Grenelle, que des gens simples qui me prenaient pour un écologiste farfelu et grincheux, ont commencé à ouvrir les yeux.

    Que le Grenelle ait été une supercherie, ou non, je n’en sais rien, il a ouvert les yeux à certains, c’est sûr !

    Cordialement

  18. Ministère de l’Écologie, de l’Énergie, du Développement durable et de la Mer, c’est excellemment au goût du jour, mais du coût, cela fait MEEDDEM, et plus Medad. Mais bon, honnêtement, on s’en fout n’est-il pas ?
    Y bossant, enfin, plus vraiment puisqu’au niveau départemental, les anciens MEEDDEM(EX DDE), fusionnés avec les DDAF (agriculture et foret, donc MAP-agriculture et peche), font maintenant parti des nouvelles structures dépendant de la prefecture (DDTM_territoire et mer). Seules les DREAL, au niveau régional, représentent aujourd’hui ce beau ministère.
    Bref essayer de rendre tout ça lisible est aussi compliqué que de continuer à bosser dans ces conditions, mais tout cela, c’est de la désorganisation planifiée. Très efficace.

    Retenir : aujourd’hui, le bras armé du gouvernement en matière de politique environnementale, c’est l’ADEME… et l’énergie nucléaire, point barre.
    D’où, madame karaté et tout le toutim.

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