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Une rediffusion de l’été

Oui, bon, ce n’est pas nouveau, car cela a été publié ici même il y a trois ans. Mais peut-être n’étiez-vous pas là ? Ce texte vient de m’être remis en mémoire – Inès, merci -, et ma foi, j’ai soudain envie de lui donner une seconde chance. Je pense, je suis sûr, presque sûr que vous ne m’en voudrez pas. Au reste, vous pouvez aussi ne pas lire.

When I was eleven years old (complainte)

Lorsque j’étais un mioche, quand j’avais onze ans, un poste de télévision trônait chez moi, sur un meuble kitsch, qui nous regardait du matin au soir. Antédiluvien. Reptilien et tentateur. J’ai alors mangé tellement d’émissions que j’ai dépassé la dose tolérable, et que je me suis définitivement débranché. Mais tel n’est pas le sujet du jour.

Ce poste antique était doté d’entrailles intéressantes. On enlevait le capot fatigué, et l’on regardait briller les lampes et le tube cathodique. Mais parfois, l’image sautillait avant que de s’enfuir chez le voisin, et le drame pointait son mufle. Car déjà, la télé tenait la maison, et ce qui m’a servi de famille. Sans elle, l’angoisse n’était jamais bien loin. Il fallait donc appeler le réparateur.

Quel merveilleux homme ! Il arrivait avec une mallette plus grosse que celle du médecin, allumait le monstre malade, ouvrait bien sûr le capot, et là, je n’aurais cédé ma place à personne. Non, n’insistez pas : à personne. J’étais derrière le maître, lui-même posté à mains nues contre le dos de l’animal souffrant, et nous observions ensemble la bête.

Tout brillait pourtant, à première vue en tout cas. C’est-à-dire que je n’y comprenais rien. La petite lumière fragile cachée dans chaque lampe me semblait y être, partout. Heureusement, le réparateur connaissait la litanie des pannes, et avait tôt fait de débusquer l’absente, la défunte. Une seule lampe manquait à l’appel de la lumière, et le monde en était dépeuplé. L’homme ouvrait sa mallette, y piochait une lampe neuve, faisait l’échange en une grosse seconde, et la télé recommençait à cracher du Pierre Sabbagh (vous les petits jeunes qui ne connaissez pas ce dernier, inutile de tempêter, cela n’en vaut pas la peine, juré).

Aussi étrange que cela paraisse, ce souvenir des temps enfuis a un rapport de taille avec la crise écologique. Car il me permet de comprendre un peu mieux le moment stupéfiant que nous vivons. Quand j’étais un gosse, on réparait, amis de ce blog. Je passais des heures à traquer les bouteilles en verre vide dans les rues, de manière à les rapporter à la mère Noël – notre épicière – qui me donnait un franc pour chaque. Car ces bouteilles étaient consignées. Elles valaient. Et un type faisait la tournée de la ville pour charger dans son petit camion les montagnes de caisses remplies de bouteilles. Le verre n’était pas détruit, il servirait à de nouvelles beuveries.

On voit bien la marche du progrès. De nos jours, nous jetons rigoureusement tout, de plus en plus vite. De plus en plus radicalement. L’univers de l’industrie, je ne vous apprends rien, est celui de l’obsolescence organisée. Il faut tuer l’objet pour qu’il renaisse encore plus beau, plus jeune, plus fun. Essayez donc – je suppose que vous avez essayé – de sauver une machine à laver mal en point. Trois fois sur quatre, telle est en tout cas mon expérience, l’homme de l’art que vous aurez osé déranger aura un rictus. Non seulement vous paierez son déplacement en carrosse, et les menus frais afférents à l’équipage, mais vous devrez acheter un nouvel engin.

Je vais vous confier un secret affolant : cela pourrait se passer autrement. Oui, on pourrait aisément organiser la production d’objets d’une manière toute différente. Prenons l’exemple de la bagnole. Je pense que ce mode de transport, sous sa forme individuelle, est condamné. N’importe : pour l’heure, cette saloperie existe. Or rien n’empêche, techniquement, de concevoir une auto sous la forme de modules. De boîtes ultrasimplifiées contenant l’essentiel de la machine. Disons 15 pour le seul moteur. Chacune dotée d’une prise minuscule dans laquelle nous glisserions un vérificateur coûtant par exemple un euro.

Il nous renseignerait sur l’état du module et nous permettrait aisément de changer ce qui doit l’être, tout comme faisait le réparateur télé de mon enfance. Des magasins installés dans les quartiers permettraient de s’approvisionner à bas prix et de conserver une voiture disons cinquante ans. Ce ne serait certes pas la révolution, seulement une modification sérieuse du niveau de gaspillage voulu et même ordonné.

On pourrait faire de même avec la totalité des objets usuels, ce qui nous rendrait fatalement plus maîtres de nos vies, plus économes, plus malins, et sûrement pas plus malheureux. Sûrement pas. Les marchands n’auraient plus cette liberté infâme de rendre les ordinateurs obsolètes au bout de quelques mois d’usage, et les Chinois n’auraient plus l’obligation inouïe (ici, un petit film) de patauger dans nos déchets électroniques.

Ma petite question du jour, la voici : pourquoi le mouvement écologiste ne s’en prend-il pas aux objets eux-mêmes ? À cette manière qu’a l’industrie de les concevoir, de les emballer, de les détruire à peine mis sur le marché ? Pourquoi le mouvement des consommateurs est-il à ce point incapable de poser les bonnes questions ? Pourquoi cette acceptation sans condition de la publicité, reine-mère du mensonge social ? Pourquoi le téléphone portable est-il devenu en quinze ans ce si rutilant objet du désir commun ?  Pourquoi sommes-nous à ce point inertes ?

Peut-être aurez-vous une réponse à l’une au moins de ces questions ? Dans ce cas, n’hésitez pas à éclairer ma toute modeste lanterne. Et si, comme je le crains, vous n’en savez pas beaucoup plus que moi, eh bien, allons derechef nous allonger dans le hamac. C’est encore l’été, il me semble.

Evo Morales me fait mal au coeur (on the road again)

Avez-vous entendu parler de la route du malheur ?

Fût-ce de loin, j’aime cet homme. Mais devrais-je mieux dire que je l’aimais ? Evo Morales est un Amérindien, descendant donc de ces peuples mythologiques et pourtant réels qui m’auront tant fait rêver. Les barbares, en cette histoire d’outre-Atlantique, n’étaient pas les Huns ou les Goths, mais de fiers catholiques. Espagnols, Portugais ? Nous autres, assoiffés d’or et de puissance, n’aurions pas fait mieux,  et détruit comme eux la beauté grandiose de ce monde.

Morales. Un fils de paysan qui aura connu la dèche dont parle si bien Orwell. Morales a été peintre en bâtiment, maçon, boulanger, entre autres. Et trompettiste. Syndicaliste paysan, il a incarné dans ce pays indien le refus radical de la politique criminelle des États-Unis, partisans d’une éradication des cultures de coca, cette plante qui cohabite avec l’homme depuis des millénaires. Lorsqu’il a été élu président en décembre 2005, j’ai pensé aux peuples déchus des Andes, qui voyaient l’un des leurs enfin arriver au sommet. Sur les 10 millions de Boliviens, au moins 55 % sont Indiens, et 30 % métis.

Certes, Morales ne parlait ni l’aymara, la langue de sa région d’origine, ni le quechua. Mais il se sentait investi d’une responsabilité historique, sachant que le moment était venu de prendre et reprendre la parole. Les naïfs, dont j’étais, croyaient qu’il n’en avait qu’une. En janvier 2010,  alors qu’il commençait un second mandat présidentiel de cinq ans, il s’était rendu au temple pré-inca de Tiwanacu, où des religieux aymaras lui avaient remis deux sceptres. Le premier représentant la dimension rationnelle du pouvoir. Le second son usage spirituel. Un tel homme semblait avoir compris l’essentiel.

Mais il est une autre face du personnage. Morales, bien que d’une manière très singulière, appartient aussi à cette détestable tradition castriste de certaine gauche latino-américaine. Il n’a cessé de soutenir par le mot – et la présence sur place – le vieux tyran de La Havane. Et il est l’ami de Chávez, qui appuie aussi bien Kadhafi que Mahmoud Ahmadinejad, qu’on ne présente plus. Ainsi va la tragédie des idées, qui ne vont jamais assez vite pour les besoins des hommes.

Ce que je viens d’apprendre m’atteint absurdement au plus profond. Absurdement, car ne s’agit-il pas d’une route de plus, dans ce monde imbécile qui roule à tombeau ouvert vers le vide et la mort ? On peut la voir ainsi, mais cette route-là déchire en deux la pieuse photographie d’un Morales aux côtés de ses peuples indiens. En deux mots, le président bolivien a donné son accord à la construction d’une route de 306 kilomètres reliant Villa Tunari à San Ignacio de Moxos, toutes deux en Bolivie. Elle permettrait, à terme, de « désenclaver » – un mot universel, un mot universellement haïssable – le pays par une liaison routière avec le Brésil, au beau milieu du vaste pays amazonien. Vous lirez les détails dans le texte ci-contre.

Le seul menu problème est que les Indiens qui habitent là ne veulent pas. 50 000 d’entre eux, des moxenos, des yurakarés, des chimanes, vivent dans un parc national de plus d’un million d’hectares, Isiboro-Secure. Parc national et territoire indien reconnu par la loi après des batailles terribles. Évidemment dans ces régions, toute la zone abrite une biodiversité d’exception. La route éventrerait le territoire, et l’on comprend donc sans peine pourquoi 600 Indiens, devenus 1200 le lendemain, ont commencé le 15 août une marche de protestation qui doit leur permettre de rejoindre La Paz – la capitale – en une quarantaine de jours. Morales a peur, et propose de négocier au moment où j’écris. On verra, mais j’ai pour ma part compris. Si vous entendez la langue espagnole, allez donc sur la BBC, qui donne un petit reportage d’une grande clarté (ici).

Héctor Bejarano Congo, sous-gouverneur indien de San Ignacio de Moxos, y proclame un point qui me semble décisif. Je ne connais pas cet homme, mais il n’est évidemment pas de la race des activistes. Et pourtant, il déclare sereinement que l’une des raisons principales du refus de la route tient à la défense de la culture indienne. Poursuivez encore sur la BBC, et vous pourrez entendre l’ambassadeur brésilien à La Paz, Marcel Biato. Encravaté, enregistrant dans un bureau assurément climatisé, il reprend l’antienne du « développement », cette atroce manière de détruire ce qui reste du legs de dizaines de millions d’années d’une vie foisonnante. Le voilà, le point de clivage avec la gauche tendance Morales, comme avec la gauche tendance Dilma Rousseff, qui a remplacé Lula à la direction du Brésil. Ce qui sépare un écologiste de combat de ces gens-là ne saurait s’expliquer ni s’écrire vraiment, car qui cherche y trouvera la culture profonde, la vision chamanique du temps et de l’espace, le sentiment de la beauté et de l’harmonie. Voilà bien qui est irréconciliable.

Et voilà bien ce pour quoi je me bats. La culture des hommes. Leur art parfois si émouvant de vivre ensemble, inventant des formes, des rites, des langues, des rêves. Les gauches, toutes les gauches décidément, sont encore plongées dans le désastreux paradigme de la vitesse et de la puissance matérielle. De la croissance et de l’économie. Des routes et des engins. C’est vrai là-bas, c’est identique ici. Et contre cela, nous ne pouvons, pour le moment du moins, rien. Il nous faut être plus forts. Plus grands. Plus unis. Plus magnifiques. Cela ne sera peut-être pas si difficile que cela. Car, par Dieu, qu’ils sont laids.

Cette crise et ceux qui en disent n’importe quoi

Je ne vais pas vous tenir bien longtemps, car je dois partir. Pas loin de chez moi, mais en tout cas, dans vingt minutes, j’arrête, de gré ou de force. Donc je fonce. Je viens de lire l’éditorial du nouveau patron de Libération, Nicolas Demorand, celui qu’il a écrit hier, quand toutes les Bourses ressemblaient à des châteaux de cartes dévastés, ou de sable. Voici le début : « La panique boursière a le mérite, dans une société d’image, dans une économie totalement numérisée et donc dématérialisée, de rendre la crise visible. De la rendre tangible et donc compréhensible, avec des indices qui plongent et des courbes orientées vers les gouffres. Événementielle et donc médiatisable, avec unité de temps, de lieu, d’action, moments forts cinq jours sur sept, sur tous les continents, au fil des fuseaux horaires. Cette dramaturgie masque pourtant le double fond du problème : la récession économique, partiellement cause et très probablement conséquence de la panique boursière ; la crise sociale, qui se propage également dans les pays frappés de marasme. Nos économies ne parviennent en effet toujours pas à redémarrer, les emplois ayant été détruits depuis trois ans semblant l’être pour longtemps, voire définitivement ».

Moi, je me suis arrêté sur cette phrase : « Nos économies ne parviennent en effet toujours pas à redémarrer ». Car telle est bien le centre sacramentel de la pensée commune, qu’elle soit de droite ou de gauche. Tel est bien ce paradigme, qui résiste à la réalité pourtant écrasante de la crise écologique planétaire : il faut que ça redémarre. Aucune question n’est formulée, car nous sommes dans cette pensée magique que les mêmes, de Demorand à Alain Minc, en passant par Sarkozy, Hollande et tous autres, décrient pourtant dans les salons, sûrs qu’ils se croient, eux, détenteurs du brevet supérieur de la raison critique.

Je ne les plains pas; ils m’affligent. Leur vision strictement binaire – l’ordinateur n’a pas été inventé pour les chiens – ne leur fait concevoir que deux boutons. L’un s’appelle en bon français on et l’autre off. Le seul problème est de savoir comment réussir la commutation. Or la crise financière en cours, en effet très grave dans ce monde-ci, pourrait devenir une occasion en or massif – et l’on sait que le cours de l’or explose – de mettre en question les orientations d’une planète dominée par les seuls intérêts à court terme de ses industriels. Il faudrait évidemment interroger les besoins – faut-il des téléphones portables par dizaines de millions en France, deux ou trois téléviseurs par foyer, des vacances à la neige  artificielle ?, etc. -, questionner les fins de l’activité économique, ouvrir des débats enfin dignes de ce nom sur le gaspillage énergétique, le nucléaire, la technique, la science, le pouvoir, la puissance, la domination, mais non.

Non, non et non. Il n’y a qu’un but acceptable, qu’un oriflamme ô combien détestable, et c’est celui de la production massive d’objets inutiles, et souvent nuisibles. Mais moi, malgré l’extraordinaire inquiétude dans laquelle je suis plongé, je pressens que cela ne durera pas. Je vois l’herbe qui verdoie  mais je vois également le nuage au loin qui se rapproche. Une tempête ? Certes, une formidable tempête. Je veux croire, malgré tout, qu’elle nettoiera ce monde et ses folies et ses fantasmes. Nous verrons bien. En attendant, assurer les portes et les fenêtres.

Quand Borloo adorait le Front National

J’ai attaqué au bazooka Jean-Louis Borloo dans mon livre Qui a tué l’écologie (LLL). Pour quantité de raisons que ceux qui me liront connaîtront. Mais j’avoue que je ne m’attendais pas à une telle saloperie. Nous sommes en 1993, et Borloo vient de rater de peu la présidence de la région Nord/Pas-de-Calais, qu’il guignait depuis qu’il était devenu maire de Valenciennes en 1989.

Vous lirez, je l’espère, l’article ci-dessous de L’Express, ainsi que l’interview que Borloo accorde alors au torchon hebdomadaire Minute. C’est à ce politicien – Borloo – que les associations écologistes ont offert un tremplin électoral qui lui permet, en cet été 2011, de se prétendre écologiste. Nul doute pour moi qu’il sert en toute lucidité la cause de son ami Sarkozy. Je ne fais pas partie de ces journalistes qui pensent, avec une terrible naïveté selon moi, qu’il aurait une stratégie personnelle pour l’élection présidentielle de 2012.

Mais qu’importe ! Borloo, dans tous les cas, est minable. Qui a prétendu, comme vous verrez, refuser le poste de président de la région Nord/Pas-de-Calais pour des raisons morales alors qu’il avait déjà accepté le principe d’un soutien du Front National. Ce dernier, en 1993, était certes le même que celui dirigé aujourd’hui pas Fifille. Mais le contexte était autre. Je rappelle qu’en ces temps déjà enfuis, Le Pen parlait de sidaïques pour désigner les sidéens, rapprochant ainsi le sida des judaïques chers au vocabulaire du régime fasciste de Vichy. Je rappelle, de même, que Le Pen, en ces temps, faisait d’agréables jeux de mots tels que : « Durafour-crématoire », Durafour étant le nom d’un homme politique d’une droite qui irritait El Jefe. En somme, Borloo l’écolo était prêt à tout pour conquérir un peu de pouvoir. A-t-il changé ? Ceux des écologistes de salon qui le tutoient et trinquent avec lui n’ont-ils vraiment aucune explication à nous fournir ?

Ci-contre, l’adresse de l’article de L’Express : ici. Et ci-dessous, l’article lui-même.

Quand Borloo et Estrosi étaient prêts à s’allier au FN

Par , publié le 28/07/2011 à 09:45

Quand Borloo et Estrosi étaient prêts à s'allier au FN

Borloo dans une interview au journal Minute, en février 1993.

Minute

Jean-Louis Borloo et Christian Estrosi se présentent aujourd’hui comme des opposants résolus au FN. Mais, comme s’en amuse Jean-Marie Le Pen, ils n’ont pas toujours été aussi fermes.

« Nous sommes la force anti-Front national. » A Epinay-sur-Seine, ce dimanche 26 juin 2011, Jean-Louis Borloo lance devant 3000 partisans son nouveau mouvement, l’Alliance républicaine, écologiste et sociale (Ares). Le président du Parti radical légitime une candidature centriste indépendante en 2012. « Si on laissait s’affronter le vainqueur de la primaire socialiste et l’UMP actuelle (…) je vous garantis que le Front national serait en tête du premier tour », menace l’ancien ministre de l’Environnement.

Borloo, l’anti-Le Pen? Il n’en a pas toujours été ainsi. Dans une interview parue le 10 février 1993 dans l’hebdomadaire Minute, « Jean-Louis Borloo avec Le Pen, pourquoi pas? », celui qui est alors maire de Valenciennes est interrogé sur ses alliances. « Personnellement, j’ai des rapports corrects avec les gens du FN de ma région, et je ne serais pas contre, répond Jean-Louis Borloo. Mais s’il devait y avoir des alliances, il faudrait que toute la droite suive. Celui qui prendrait cette initiative tout seul se ferait descendre politiquement. »

Tout à sa volonté de se démarquer de  »l’ambiguïté de l’UMP vis-à-vis du Front national« , Jean-Louis Borloo aime rappeler ces temps-ci qu’il « avait refusé de devenir président de la Région Nord-Pas-de-Calais grâce à l’appui d’une voix FN en 1992 ». Le conseiller régional du Nord, Jean-Pierre Gendron, conteste cette version. « Nous avions passé un accord avec Jean-Louis Borloo, alors sans étiquette, pour lui donner nos voix afin que la présidence de la région ne bascule pas à gauche, explique l’élu FN. L’accord a achoppé à cause d’un maire RPR de la région, mais Borloo était d’accord sur le principe. » Après avoir quitté Génération Ecologie, Jean-Louis Borloo cherchait à se repositionner au sein du jeu politique afin de préparer les élections législatives de 1993.

Contacté par LEXPRESS.fr, le président du Parti radical n’a pas souhaité répondre à nos questions. Il n’est pas le seul dans ce cas.

Estrosi, un autre chevalier anti-frontiste

Autre figure de la majorité à critiquer la droitisation de l’UMP, Christian Estrosi se présente lui aussi comme un chevalier anti-frontiste. Le maire de Nice vient de décider d’organiser un contre-meeting lors des journées d’été du FN, qui se tiendront dans sa ville les 10 et 11 septembre prochains.

En mars 1998, le futur ministre de l’Industrie de Nicolas Sarkozy plaidait pourtant pour une alliance entre le RPR et le FN en région Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA). L’ancien maire frontiste de Toulon, Jean-Marie Le Chevallier, raconte: « Christian Estrosi avait participé aux négociations et aurait été mon vice-président en cas d’entente. » Mais Jean-Marie Le Pen a finalement rejeté les conditions de la droite et l’accord a capoté.

La droite a toujours été très divisée sur l’attitude à tenir à l’égard du Front national. Malgré la stratégie du cordon sanitaire édictée dès les années 1980 par Jacques Chirac, de nombreux accords locaux ont été signés. Selon le politologue Erwan Lecoeur, les régionales de 1998 sont un moment particulier dans la relation entre la droite et l’extrême droite. « Lors des législatives de 1997, le FN avait réussi à se maintenir dans 133 circonscriptions et avait provoqué de nombreuses triangulaires. En 1998, l’idée d’une alliance avec le Front apparaissait comme l’unique alternative pour que les régions ne basculent pas toutes à gauche ». Dans cinq d’entre elles, défiant la consigne nationale, la droite pactise alors avec les élus frontistes.

« Une perméabilité idéologique nouvelle »

Le départ du FN de Bruno Mégret, le plus ardent défenseur de ces alliances, met fin à la discussion en 1999. « Le FN a réussi à introduire ses thèmes dans la société (immigration, insécurité), mais n’est pas parvenu à faire bouger les clivages politiques traditionnels pour réorganiser la droite autour de ses idées », analyse Erwan Lecoeur. « Alors que le PS a réussi à réaliser une union de la gauche, le FN a toujours été ostracisé au sein de la droite. Ceux qui ont accepté une alliance avec le Front ont toujours été châtiés par leurs formations », regrette, de son côté, Jean-Marie Le Pen, interrogé par LEXPRESS.fr.

En 2007, le siphonage des électeurs frontistes par Nicolas Sarkozy laisse croire à la réussite de la stratégie d’endiguement. Quatre ans plus tard, les difficultés de la majorité et la poussée de Marine Le Pen amènent certains UMP à se reposer cette question brûlante. En octobre 2010, le député Christian Vanneste et le maire de Montfermeil Xavier Lemoine plaident sans succès pour une union de toutes les droites.

Avec l’essor de la Droite populaire au sein de l’UMP, c’est la fin d’une certaine imperméabilité idéologique, selon l’historien Stéphane François. « Au nom d’un combat contre le politiquement correct, un grand classique de l’extrême droite, la frange réactionnaire de l’UMP fait tomber certains tabous, rendant floues les frontières entre la droite de gouvernement et l’extrême droite. » Autant de revirements qui font sourire Jean-Marie Le Pen. Le président d’honneur du FN se fait un plaisir de citer Edgar Faure: « Ce n’est pas la girouette qui tourne, c’est le vent. »

Sarkozy et moi, sans oublier le WWF et la forêt

Franchement, il y a quelque chose de pourri dans ce royaume délabré de l’écologie. J’ai écrit, certains de vous le savent, le livre Qui a tué l’écologie (éditions LLL), paru le 16 mars 2011. J’y ai révélé quantité de choses, parfois très graves, sur les collusions entre les associations écologistes principales et l’État, ou les transnationales. J’ai donné pour la première fois des informations précises sur les modes de financement de telle ou telle, sur l’histoire à mes yeux abominable du WWF. Et ? Rien. Silence de mort. Aucun procès – pardi ! tout est vrai -, seulement un silence organisé.

Car ce silence a été organisé entre cheffaillons de la « Bande des Quatre », comme j’ai appelé le WWF, Greenpeace, la fondation qu’on appelait Hulot et France Nature Environnement (FNE). Jacques Thomas, qui organise chaque année à Paris le festival du livre et de la presse d’écologie, a tenté d’organiser un débat entre eux et moi. Cela devait se passer en juin. Puis en septembre. J’avais prévenu Jacques qu’il aurait le plus grand mal à réussir. Et cela n’a pas manqué : ils se sont défilés. Et ils se sont défilés parce qu’ils ont peur du débat et de la liberté. Lesquels peuvent se rapprocher dangereusement de la vérité.

Une anecdote pour rire. Je tiens d’un témoin on ne peut plus fiable le récit d’une saynète qui m’a beaucoup réjoui. Nous sommes à l’Élysée, en mai dernier, et Nicolas Sarkozy reçoit des associations écologistes officielles pour continuer son habituel travail de manipulation. Tous les preux que je dénonce sont là. L’un d’eux, soudainement, comme un pauvre gamin pleurnichard, se tourne vers notre président, et lui lâche à peu près :  « Monsieur le président, c’est insupportable. Nous sommes pris à partie dans un livre qui vient de paraître sous le nom de Fabrice Nicolino…». Sarkozy, à ce moment-là, et sursautant : « Mais qu’est-ce que c’est que cette histoire …? ». Selon mon témoin, Serge Orru, directeur du WWF-France, aurait alors couru à mon secours, en deux temps. D’abord en tançant celui qui venait de me « dénoncer ». Ensuite, en vantant ma personne et mon travail. Si tel est le cas, et je le crois vrai, je dois à mon tour remercier Orru, car j’ai proprement assassiné dans mon livre l’association qu’il dirige.

La suite. Vous trouverez ci-dessous deux articles. Le premier vient de Courrier International. Le second, signé Laurence Caramel, a été publié dans Le Monde. Vous apprécierez comme je l’ai fait l’état des lieux. Voilà où en est le WWF. Mais valons-nous – collectivement – bien mieux, nous qui ne faisons rien pour déclencher enfin le scandale planétaire que cette situation exige pourtant ?

D’abord Courrier International

WWF accorde trop facilement son label
25.07.2011?|?The Guardian

Il y a du laisser-aller au WWF… C’est du moins ce qu’affirme un rapport publié par Global Witness, une ONG qui lutte contre le pillage des ressources naturelles dans les pays en développement. Selon ce document, cité par The Guardian, plus de 70 grandes entreprises spécialisées dans l’exploitation forestière battent aujourd’hui pavillon écolo : elles ont obtenu le label « exploitation équitable » accordé par WWF, pour leur bonne gestion des ressources forestières et leur lutte contre l’exploitation illégale. Mais ce réseau d’entreprises n’est pas aussi respectueux des bonnes pratiques qu’elles veulent bien le laisser croire, assène le rapport.

Elles suppriment des pans entiers de forêt primaire afin de récupérer le bois et d’y planter leurs propres essences. C’est le cas notamment en Malaisie, dans la forêt de Bornéo, l’une des plus riches du monde en terme de biodiversité, qui est par ailleurs inscrite dans les programmes de conservation du WWF. Dans cette forêt sévit l’entreprise Ta Ann Holdings Berhard, qui supprime l’équivalent de 20 stades de foot par jour en tailladant dans la forêt vierge, et détruit l’habitat naturel des léopards et des orangs-outangs. Une entreprise pourtant labellisée WWF.

Le WWF, qui fête cette année ses cinquante ans, est très critiqué par d’autres ONG pour ses liens avec les entreprises minières, forestières… Et les industries d’exploitation et de transformation des matières premières en général, rappelle l’article. « Nous ne faisons que poursuivre le dialogue », rétorque quant à elle l’ONG au panda.

Et maintenant Le Monde

WWF est accusé de servir de couverture à des sociétés peu scrupuleuses

édition du 28 juillet 2011

Le réseau  » forêts et commerce  » de l’ONG entretient la déforestation, selon Global Witness
L’organisation non gouvernementale (ONG) Fonds mondial pour la nature (WWF), connue dans le monde entier pour sa défense du panda, sert-elle de caution à des entreprises qui participent à la destruction des dernières forêts primaires ?

C’est l’accusation portée par Global Witness contre le WWF, avec la publication, lundi 25 juillet, du rapport  » Encourager les bûcherons « . Il est rare de voir des ONG se critiquer entre elles. A fortiori quand les deux protagonistes jouissent d’une notoriété aussi établie.

Or la charge menée par Global Witness n’est pas légère. Elle met en cause le Réseau international forêt et commerce (RIFC), l’un des programmes phare du WWF, initié il y a vingt ans et destiné à garantir une production durable du bois en encourageant les exploitants forestiers ou les traders du secteur à entrer dans des démarches de certification.

Ce réseau associe aujourd’hui près de 300 entreprises à l’origine d’environ 20 % du commerce international du bois et de la moitié du bois certifié FSC (Forest Stewardship Council). Il bénéficie du soutien financier du gouvernement américain et de la Commission européenne notamment.

Or, dénoncent les auteurs du rapport, ce programme dont l’objectif est d’éliminer les mauvaises pratiques du secteur forestier manque de transparence. Il fournit peu d’informations sur les performances de chaque membre ou sur l’impact du programme entier.

Les règles d’adhésion au RIFC sont insuffisantes et permettent à certaines entreprises d’en abuser systématiquement. « Alors qu’une grande partie du budget annuel de ce projet est payée par les contribuables, ceux-ci ont le droit d’avoir la garantie que leur argent ne sert pas à financer du « greenwashing » « , affirme Tom Picken, directeur de la campagne Forêts de Global Witness, et réclame une évaluation indépendante.

 » Vingt terrains de football « 

Le rapport pointe en particulier trois entreprises. La société forestière malaisienne Tan Ann, qui détruit  » de la forêt pluviale à un taux équivalent à vingt terrains de football par jour, y compris dans les zones d’habitats d’orangs-outans « . Le fournisseur de matériel de construction britannique Jewson, qui continue, selon Global Witness, à s’approvisionner en bois illégal. Enfin, en République démocratique du Congo, la société Danzer, qui  » possède une filiale impliquée dans des conflits avec les communautés locales, causant des violations des droits de l’homme « , alors que  » le groupe Danzer continue de profiter de son adhésion au réseau « .

Sollicité par Le Monde, George White, responsable du programme au WWF, réfute catégoriquement les allégations de Global Witness.  » Les entreprises partenaires sont évaluées chaque année. Si elles ne font pas de progrès ou si elles ne respectent pas les règles, nous suspendons ou mettons un terme à nos contrats, justifie-t-il, en regrettant que Global Witness ait choisi de se concentrer sur des détails au lieu de regarder le chemin parcouru depuis vingt ans pour améliorer la transparence du projet. « M. White précise que WWF a lui même engagé une enquête sur les agissements de la filiale de Danzer et qu’aucun nouvel engagement ne sera pris avant que les conclusions soient remises.

Laurence Caramel