Archives de catégorie : Mouvement écologiste

Ce qui est insupportable au WWF (sin límites)

On peut en rigoler – sait-on jamais -, mais ce qui suit est une page de l’histoire du mouvement écologiste mondial, même s’il faut pour l’occasion utiliser de pesants guillemets. Vous n’êtes pas obligé de lire, mais ne venez pas vous plaindre plus tard que vous n’étiez pas au courant. Car ce qui suit est une vérité en marche, qui cherche encore son chemin, et qui le trouvera si vous agissez vous-même. Un grand merci à Christian Berdot pour son irremplaçable coup de main.

On peut prendre cela pour une pub. Mais comme elle serait en faveur du site Arrêt sur images, de Daniel Schneidermann, excellent à mes yeux même quand on n’y parle pas de moi,  je crois que l’on peut aussi parler d’information. Voici ce que je découvre ce jour, et que je vous donne à lire (l’original est ici). Mais avant cela, un ajout dont ne parle pas Arrêt sur images, ce qui est très dommage. Dans le film de la télé allemande ARD sur le véritable WWF, le reporter interroge l’Argentin Jorge Rulli. Un homme valeureux, dont je connais le travail, et qui a perdu un oeil et un rein sous les tortures de la junte militaire fasciste qui a régné là-bas entre 1976 et 1983.

Commentaire de la télé allemande  :  « Le Prince Bernhard [le premier président du WWF] créa aussi le « Club des 1001 », une sorte de comité de soutien au WWF. Parmi les membres, on  trouve de grands entrepreneurs comme Henry Ford, Friedrich Flick ou Giovanni Agnelli ; ou aussi des terroristes d’État, comme Mobutu Sese Seko, le dictateur du Zaïre ; ou bien José Martinez de Hoz, numéro deux de la dictature militaire argentine, grand propriétaire foncier, grand chasseur d’animaux sauvages, fondateur du WWF-Argentine. En tant que ministre de l’économie, Martinez de Hoz ouvrit son pays à l’agrobusiness international ».

A la recherche de pistes à Buenos Aires. Nous avons rendez-vous sur la Place San Martin, avec Jorge Rulli. Il a combattu 5 ans contre la dictature militaire. Il a perdu sous la torture, un œil et un rein. Dans l’immeuble vit son ennemi juré d’alors, José Martinez de Hoz. Il est en résidence surveillée pour crimes contre l’humanité. De l’autre côté de la place, se trouve l’immeuble de Monsanto, la plus grande entreprise de biotechnologies au monde ; pour Jorge Rulli, le dirigeant secret de l’Argentine.

Jorge Rulli : « Monsanto et le WWF sont les deux bras d’un seul et même corps. Un bras, Monsanto, a imposé en Argentine son modèle de production dans le pays. L’autre bras, le WWF, essaye de rendre ce modèle présentable en société. Il veut nous convaincre que le soja GM est bon et qu’on peut même le produire de manière durable. Le WWF fait en sorte que nous et l’opinion publique en Europe acceptions le soja de Monsanto. » Fin du texte allemand.

Je reprends la parole. Ceux qui défendent la politique mondiale du WWF devront tôt ou tard s’expliquer devant un jury d’honneur. J’en lance l’idée avec solennité. Ou c’est vrai, et nous devons tourner le dos à la canaille. Ou c’est faux, et les diffamateurs doivent être traînés devant un tribunal. Ou, ou. Il n’est pas de troisième terme à l’alternative. J’ai moi-même écrit des choses gravissimes dans Qui a tué l’écologie ?, sans provoquer le moindre début de réponse. N’est-ce pas, je vous prends à témoins, une forme évidente d’aveu ?

J’ajoute un autre extrait du documentaire allemand. Citation de l’Américain Jason Clay, responsable premier du WWF au plan international, qui est au centre des relations entre l’industrie transnationale et cette association prétendument écologiste : « Nous devons geler l’empreinte écologique de l’agriculture. Pour cela, nous proposons 7 ou 8 mesures que nous devrions discuter. Premièrement : les biotechnologies. Nous devons produire plus, avec moins de moyens. Les manipulations génétiques ne doivent pas se limiter aux céréales que nous devons replanter chaque année. Nous devons les utiliser aussi avec les fruits tropicaux mais aussi avec les plantes à tubercules et les plantes à racines. Ces fruits doivent produire plus de calories à l’hectare. Nous devons décider : quels aliments sont nécessaire et où. Il faut au moins 15 ans pour qu’un procédé génétique atteigne le marché. Si on calcule à partir d’aujourd’hui, c’est en 2015. La pendule tourne, le temps presse. »

C’est grave ? C’est dramatique. Et maintenant, lisons ensemble le papier d’Arrêt sur images.

 L’ARTICLE D’ARRÊT SUR IMAGES

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17h01 lu

« Pacte avec le Panda », le film allemand qui égratigne le WWF
Par la rédaction le 06/07/2011

Rien ne va vraiment plus au WWF. Au moment-même où des salariés de WWF France réclament le départ du directeur général de l’ONG, un reportage de la télévision allemande ARD mettant gravement en cause l’association (internationale, et pas seulement son antenne française) connaît une deuxième vie sur internet. Diffusé le 22 juin dernier, le documentaire tente de démontrer qu’il y aurait un décalage entre le discours de l’association et la réalité de son action sur le terrain.

« Le pacte avec le Panda – que cache le WWF ? » C’est le titre du documentaire diffusé sur l’ARD (et actuellement disponible sur Youtube en allemand). Pendant un an, l’auteur du documentaire Wilfried Huismann est allé sur le terrain pour vérifier l’action du WWF. Et le résultat de son travail n’est passé inaperçu en Allemagne (le journal Süddeutsche Zeitung en a fait un long compte-rendu). En France, il faut chercher sur internet pour trouver des retours sur ce film : sur le blog de Fabrice Nicolino (qui a lancé l’alerte sur les gaz de schiste) ou sur Agoravox et Alterinfo.

Que montre de documentaire ? D’abord que l’association donnerait un peu trop facilement des « certificats de développement durable » à des entreprises douteuses. « Le WWF semble travailler avec des entreprises de génie génétique comme le géant Monsanto, ou la multinationale Wilmar et cautionne ces dernières en assurant qu’elles produisent respectivement du soja et de l’huile de palme durables », selon le journal Süddeutsche Zeitung.

Deuxième reproche du documentaire : il y aurait un décalage entre les engagements de l’association et ce qui est effectivement fait sur le terrain. « Exemple en Indonésie : le WWF fait des collectes pour l’orang-outan de Bornéo, espèce menacée. Sur place, l’équipe de télé de la première chaîne allemande (ARD) ne trouve aucun projet de protection du WWF, en faveur des orang-outans. Au contraire, le WWF coopère avec une grosse entreprise qui détruit les dernières forêts de Bornéo pour mettre en place des plantations de palmiers à huile, ce qui est fatal aux orang-outans », indique le résumé publié sur le blog de Nicolino.Dans une logique de recherche de fonds, l’ONG n’hésiterait pas à se compromettre, comme l’a relevé Agoravox qui cite la voix off du documentaire : « Le WWF a toujours été proche des milieux financiers. (…) En 1967, des milliers d’oiseaux de mer sont morts, suite à un accident de tanker sur les côtes françaises. La direction du WWF a alors interdit toute critique. Raison invoquée : «Cela pourrait mettre en danger les fonds que nous recevons de l’industrie.» »

WWF sur Agoravox

Les réponses apportées par WWF

Face à ces critiques, le WWF a répondu point par point sur son site. D’abord, sur ses liens avec des entreprise de génie génétique : « Le WWF ne coopère avec aucun groupe actif dans le génie génétique, Monsanto compris. Le WWF est en revanche membre de la Table ronde pour un soja responsable (RTRS), un forum ouvert auquel tous les acteurs de la chaîne de production du soja peuvent participer, du petit agriculteur au grand groupe d’entreprises. Monsanto en fait également partie. Ce n’est pas pour autant que le WWF collabore avec Monsanto ».

A propos de l’huile de palme, l’ONG reconnaît avoir « formé gratuitement des collaborateurs de certaines sociétés productrices d’huile de palme (…) [mais afin] d’analyser et d’identifier les zones forestières précieuses dans le but d’empêcher la déforestation ». Elle semble tout de même entretenir des relations étroites avec les producteurs de cette industrie, puisque l’association confirme qu’elle « a créé la Roundtable on Sustainable Palm Oil (RSPO) en 2004 avec des entreprises du secteur de l’huile de palme, des entreprises de l’industrie alimentaire et des banques, dans le but de rendre la production d’huile de palme plus durable ».

La réponse du WWF France

S’agissant de la protection des orang-outans de Bornéo, le WWF assure qu’il n’a pas accepté d’accorder une certification durable à une plantation au détriment d’une réserve d’orang-outans. « La plantation PT Rimba Hararpan Sakti montrée dans le film n’est pas encore certifiée et ne peut donc de ce fait pas être qualifiée de durable, indique le site. Une surface de seulement 0,5% de forêt vierge serait parfaitement insuffisante en vue d’une certification ». L’association reconnaît tout de même qu’il est bien prévu « de faire certifier la plantation (…). Le projet prévoit une protection d’environ 4000 (et non 80!) hectares, soit environ un tiers de la superficie totale de la plantation ».

Enfin, sur les liens étroits entre les industriels et l’ONG, le WWF assume : « Les entreprises dominent les affaires. Sans leur implication, nous n’atteindrons jamais notre objectif qui est de préserver les habitats menacés, tant pour l’homme que pour la nature. C’est la raison pour laquelle nous essayons d’influencer positivement les entreprises par des discussions et des partenariats. ».

L’occasion de revoir notre émission ligne j@une dans laquelle Fabrice Nicolino contestait l’action de grandes ONG comme WWF.

Isabelle Autissier as a wonderful boss

Rue89 a publié un article que plusieurs d’entre vous ont justement remarqué. Vous le trouverez en cliquant ici. En résumé, une forte majorité de salariés du WWF-France réclament la démission du directeur, Serge Orru, qu’ils accusent de quantité de choses. Je ne me prononce pas sur le fond, car je ne sais rien. En revanche, je suis en état de juger la qualité de la réponse faite aux mécontents par la présidente en titre du WWF-France, c’est-à-dire Isabelle Autissier. La navigatrice, oui.

Je vous mets le texte de son courrier ci-dessous, et m’empresse de vous dire un court commentaire. La madame est choquée. Choquée que des salariés d’une entreprise s’expriment. Car c’est tout de même de cela qu’il s’agit. Des salariés. D’une entreprise. Et qui ont peut-être – on verra bien – des raisons de ne pas s’exprimer publiquement. Je sais des boîtes où il vaut mieux ne pas trop s’opposer, et j’imagine que vous aussi. Mais la madame la présidente, avant toute interrogation, est choquée. Et je suis moi choqué qu’elle le soit.

Deuxième point : elle menace de considérer comme faute grave le fait de parler à la presse. Ah ! Mais n’est-ce pas exactement la manière classique d’étouffer tout examen public d’affaires intéressantes ? Ne voit-on pas cela chaque jour, pour des histoires de toute espèce, et parfois graves ? Le WWF ne réclame-t-il pas constamment de l’argent à ses sponsors et donateurs ? Cet argent ne repose-t-il pas sur une moralité supposée exemplaire ? La libre information vaudrait donc pour tous, sauf le WWF  ? Eh bien, voilà une nouveauté radicale.

Enfin, je n’oublie pas que madame Autissier est une navigatrice. Cette activité n’a visiblement rien de contradictoire avec l’exercice du pouvoir, avec le plein exercice du pouvoir. Lisez lentement cette lettre, et rapportez-vous à mon texte précédent sur l’état réel de l’océan mondial. Lisez lentement ces mots de manager : « Je vous demande de vous souvenir que le WWF France ne s’est jamais aussi bien porté ». Si même c’était la vérité, cela resterait ridicule. Le WWF se porterait bien, mais au milieu du tumulte et des décombres. Franchement, cette lettre ne passe pas.

WWF France
Bois de Boulogne
1, Carrefour de Longchamp
75016 Paris

iautissier@wwf.fr

Paris le 20 juin 2011

Mesdames et messieurs les membres du Conseils d’Administration de la Fondation du WWF France, Mesdames et messieurs les membres du Conseil des Amis du WWF France, Mesdames et messieurs les membres du Conseil scientifiques du WWF France, Mesdames et messieurs les membres du personnel du WWF France, Mes chers amis,

Je conçois le désarroi qui vous a saisi à la lecture du courrier non signé qui m’a été adressé et dont vous avez eu copie ainsi qu’un certain nombre de personnes extérieures à notre organisation, demandant la destitution du  Directeur Général.

Je suis profondément choquée que de telles accusations soient émises d’une façon publique, ce qui ne manquera pas de porter atteinte à notre travail auprès de nos donateurs, partenaires et institutions avec qui nous  travaillons en confiance pour faire évoluer les dysfonctionnement du rapport homme / nature. J’y apporterai, bien entendu, une réponse sur le fond en tant que Présidente.

Je tiendrais une réunion avec l’ensemble du personnel le 5 juillet entre 14 et 16 h au siège du WWF et, pour ce faire, je souhaite que  tout autre rendez-vous ou réunion soient différé. Les membres des CA et du Conseil Scientifique qui souhaiteraient y assister seront, évidemment, bienvenus.

Entre-temps, je demande à tous la plus extrême réserve vis à vis de l’extérieur tant que ce dossier est en cours de traitement. En particulier, je considérerai la communication sur ces questions à la presse comme une faute grave et vous voudrez bien me renvoyer toute demande vous parvenant.

Dans l’attente de nous voir, et malgré les difficultés en interne et en externe auxquelles cette situation vous expose, je vous demande de vous souvenir que le WWF France ne s’est jamais aussi bien porté. Notre audience, nos moyens, notre réputation, notre efficacité n’ont cessé de progresser grâce au travail de mes prédécesseurs et de toutes les équipes présentes et passées. Nous pouvons être fiers de ce travail et je m’attacherai avec toute mon énergie à le poursuivre.

Les difficultés sont inhérentes à notre combat et doivent nous servir à être plus fort.

Sincèrement à vous.

Isabelle Autissier

Ce que sont les siècles pour la mer*

J’ai déjà écrit, ici ou ailleurs, et tant de fois, que la crise actuelle des océans – d’où nous venons tous – dépasse l’entendement humain. Nos ressources intellectuelles sont faibles, quoi qu’en pensent les paons, si nombreux où que l’on se tourne. J’ai dit, écrit, et par-dessus tout pensé que le désastre des eaux sous-marines est de nature biblique, en ce qu’il sépare un avant impensé et un après impensable. L’état des mers révèle, comme aucune autre crise actuelle, où nous en sommes réellement. Des chaînes trophiques, des équilibres stables depuis des millions d’années se rompent sous nos yeux d’humains, dont la vie est si brève.

Millions ou dizaines de millions. Un groupe de scientifiques de haut niveau vient de compiler pour nous de nombreuses études. L’océan mondial paraît être sur le point de basculer, en quelques années, dans une crise d’extinction de la vie comme il n’en a pas connu depuis 55 millions d’années. L’acidification – par l’explosion des émissions de carbone -, la pêche industrielle évidemment, les massives pollutions charriées par les fleuves, qui créent des zones d’anoxie – absence d’oxygène – de millions de km2, tout cela forme un tout atterrant.Vous lirez le résumé de tout cela ici.

Je n’ai cessé de radoter, en particulier sur Planète sans visa, la même chose : c’est à cette aune-là, et à aucune autre, qu’il faut comprendre le monde, et juger ses acteurs principaux. Le reste n’est que bullshit. J’ai vu plusieurs commentaires concernant Hulot ou Europe-Écologie, qui montrent bien la distance qui me sépare même de certains lecteurs pourtant fidèles. Eh bien, j’en prends évidemment mon parti. Hulot, Joly et tant d’autres, sans compter les ridicules de droite ou de gauche qui dansent et rient sur le pont du Titanic, je ne les supporte plus. C’est un fait que je dois bien assumer : je ne marche plus du tout et ne marcherai plus jamais. J’espère qu’au moins cela sera compris. Hulot, pour ne prendre que cet exemple, est de nouveau en train, après son fameux Pacte et son piteux Grenelle, de nous faire perdre ce que nous n’avons plus : du temps. Dans ces conditions, et compte tenu de ce qu’il incarne, je dois avouer que je lui en veux.

Arrêtons une seconde, une minute peut-être, de nous raconter des salades. Nous ne sommes pas sur une voie possible. Nous accompagnons le désastre en sifflotant. Et ceux qui voteront siffloteront un peu plus fort que les autres.

* Ce titre est inspiré d’un livre ancien, Que sont les siècles pour la mer. Beau titre, pour un auteur qui n’est pas de mon goût : Max Gallo.

Le barrage brésilien qui fait pleurer Hulot (dans Charlie)

Peut-être finira-t-on par croire que je déteste Nicolas Hulot. Eh bien non, je ne le déteste pas. Il était à sa place – il en faut bien une, n’est-ce pas ? – sur TF1, dans son rôle de commandant Cousteau des années 2000 et 2010. Il n’est évidemment pas à la sienne dans cette élection présidentielle. Ce qui ne signifie surtout pas que je lui préfère Éva Joly. Comme j’ai pu le dire, comme je le répète, cette mise en scène est une perte de temps radicale, qui correspond fort bien, il est vrai, à la nature réelle d’Europe-Écologie-Les Verts.

Jusqu’ici, Hulot diffusait des images et portait des messages simples, mais clairs, à des millions de personnes. Et le voilà qui entend représenter ce qui le dépasse de cent coudées, et davantage même. Non qu’il soit plus bête qu’un autre. Simplement, il ne sait pas, et vraisemblablement ne saura jamais ce qu’est une société. De quoi elle est faite. De ce qui peut, très éventuellement, la faire changer. Comme, à cinquante-cinq ans, il n’a encore jamais pointé aucune cause structurelle du désordre général – par exemple, l’existence de transnationales plus puissantes que les États -, on peut penser, et craindre, qu’il ne le fera jamais. Pour ma part, il est évident que je ne lui donnerai jamais ma voix. Mais chacun fait ce qu’il veut, c’est entendu.

Je vous glisse ci-dessous l’article publié dans Charlie-Hebdo de cette semaine, en vente jusqu’à mardi. Oui, il est de moi, comme on peut s’en douter.

Le barrage brésilien qui fait pleurer Hulot

Si tous les gars du monde voulaient bien se donner la main, Hulot serait vachement content, mais comme ils se foutent sur la gueule, ça le rend bien malheureux. Mettons-nous à sa place. Sur terre, la vie n’est pas gaie. D’autant qu’on ne sait jamais qui est responsable. Le capitalisme ? « Je ne suis pas quelqu’un qui juge », répond Hulot, qui ajoute gentiment : « Je parle sans haine, car je ne suis pas favorable à la lutte des classes (1) ». Sarkozy ? « Être antisarkozyste, ça ne m’intéresse pas, je ne le serai pas (2) ».

Mais comme c’est un grand cœur, quand il voit le chef indien du Brésil Raoni pleurer, il craque : « La construction de ce barrage, ça me rend fou (3) ». Quel barrage ? Mais celui qui fait chialer Raoni, celui qui va noyer les terres ancestrales de son peuple et détruire la forêt, celui de Belo Monte. On dira ce qu’on voudra de la technique, mais là, chapeau bas aux artistes. En pleine jungle infestée d’araignées, de serpents, de moustiques et d’Indiens cracheurs de curare, il faut le faire. La bête produira à terme 10 % de l’électricité du Brésil, et pourra du coup servir à extraire de la bauxite non loin de là, ce qui repoussera plus loin les Indiens au curare, et permettra de produire de l’aluminium grâce à quoi l’on pourra boire de la bière proprement dans des canettes. Mes aïeux, le progrès est une chose merveilleuse.

Bon, il est vrai qu’avec l’autre complexe Altamira-Babaquara, 6140 km2 seront inondés. Soit la moitié de l’Île-de-France, région qui abrite chez nous presque 12 millions d’habitants. Charlie espère vivement que l’on pourra faire du pédalo, de la voile et de la plongée, car ce serait trop bête de rater une occasion pareille. Sur ce plan-là, la France est bien placée, car figurez-vous que notre champion Alstom est dans le coup. La boîte de Belfort que défendait avec ses petits bras Chevènement est devenue un « leader mondial de l’hydroélectricité » et a signé en février dernier un contrat de 500 millions d’euros pour le chantier de Belo Monte. Alstom fournira une bonne part des turbines géantes, ce qui donnera tant de travail chez nous que c’en est un bonheur.

Mais revenons à Nicolas Hulot. Le barrage le rend fou. On s’apprête à le retenir – un geste violent est si vite arrivé -, mais notre écologiste planétaire est en vérité placide. « On doit se mobiliser, il en va du sort de l’humanité tout entière », insiste Hulot, sans rien proposer du tout. Le premier imbécile venu penserait aussitôt à une action contre Alstom, mais Hulot est plus malin, se contentant d’attaquer la méchanceté du monde. D’ailleurs, Alstom n’a-t-il pas un partenariat stratégique avec Bouygues, donc TF1, depuis 2006 ? Bouygues ne possède-t-il pas 21% du capital d’Alstom ?  TF1 n’est-elle pas, par hasard, l’entreprise reine de Nicolas ? Si.

Le Brésil de la présidente « de gauche » Dima Roussef est une sorte de Chine des Amériques, qui entend bien bouffer l’Amazonie entière, en attendant mieux. Ces dernières semaines, quatre paysans dans la tradition de Chico Mendes et de la sœur Dorothy Stang, dont Jose Claudio Ribeiro da Silva et sa femme, ont été butés pour avoir tenté de protéger la grande forêt. Pendant ce temps, le gouvernement de Brasilia modifiait le Code forestier de 1965, qui ouvre la voie à une déforestation massive.

Au Brésil encore, un autre barrage, celui de Jirau, est en construction sur la rivière Madeira, à la frontière du Pérou et de la Bolivie. Mauvais coucheurs, l’écrivain Le Clézio et le directeur de Survival France Jean-Patrick Razon estiment que le barrage : « menace non seulement la diversité biologique et socioculturelle de la région, (…) mais aussi la survie même de certaines des dernières tribus isolées du monde (4) ».

Or, incroyable mais vrai, notre GDF-Suez à nous est le grand constructeur du barrage. Comme indiqué sur son site internet, le groupe est « un acteur de référence eu Brésil », installé depuis cinquante ans, au point d’être le premier producteur privé d’électricité du pays. Et voilà que ces idiots d’Indiens protestent eux aussi contre la destruction de leurs cases à toit de paille et de leurs flèches.

Ce serait une excellente occasion pour le grand Nicolas Hulot de démontrer au monde entier la vigueur de son engagement altermondialiste. Mais il y a problème. Un, GDF partage encore de nombreux intérêts avec EDF, partenaire de longue date de Hulot. Et deux, l’État Français est actionnaire de GDF-Suez à hauteur de 35 %. Hulot fera-t-il de la peine à Sarkozy et à ses si nombreux amis de l’industrie ? La suite dans Charlie, sans faute.

(1) Terraeco, mai 2011

(2) Le Monde, 6 mai 2011

(3) Le JDD, 4 juin 2001

(4) Le Monde, 7 avril 2010

Hulot, Lhomme, Meirieu et tant d’autres (une fabuleuse attraction)

Si je pouvais exprimer combien je me fous de leurs primaires dites « écologistes » ! Mais mon Dieu, je serais alors le prince des mots, le roi du vocabulaire, et l’on me porterait en triomphe de ville en ville, sur les épaules de foules en délire. Par malheur, je ne sais le dire. Ce que je peux affirmer sans hésiter, c’est que leur stupéfiante mise en scène restera dans mes annales personnelles. Tel, qui affirmait pour l’avoir vécu de près : « Autrement dit, j’avoue l’échec, personnel et collectif : je ne souhaite plus m’épuiser à construire des passerelles alors que l’essentiel des préoccupations consiste à entretenir les suspicions ou à rêver d’en découdre pour affaiblir tel courant, détruire tel individu ou conquérir tel pouvoir. Je n’assumerai pas plus longtemps la fiction et l’imposture d’un rôle revenant à concilier l’inconciliable », tel a rejoint madame Duflot et les si nombreux militants écologistes tamouls de monsieur Gatignon (voir, pour mieux comprendre, ceci, ceci et cela). Une manière originale, assurément, de faire de la politique autrement, scie bien connue des Verts depuis leur origine. Tel autre, autoproclamé « numéro 2 » du parti, poste qui à ma connaissance n’existe pas, soutient désormais Éva Joly après l’avoir traitée de « vieille éthique ». Comme les deux camps se ressemblent ! Comme ils sont mignons !

Et tout cela, n’en doutons pas, fait d’excellents soldats, dont le nombre croît à mesure qu’on se rapproche des urnes. Oh quel spectacle ! Combien de votants ? Et parmi eux, combien de milliers qui ne présenteront pas même leur identité ? Et quelles sont les mesures publiques et vérifiables susceptibles de donner confiance dans un scrutin organisé par de si braves personnes ? Allons, cesser de persifler. La planète est en danger, savez-vous ? Il sera donc dit qu’au moment où une partie de l’Europe célèbre ses Indignés, qui tournent le dos aux mascarades, les vieux politicards auront dominé la scène d’un parti soi-disant « écologiste ». J’ai conscience de paraître déçu, voire énervé. Je me dois de jurer à nouveau ma vérité : n’attendant rien, depuis vingt ans au moins, d’un parti à mes yeux lamentable, je me contente de rire, à gorge bien déployée.

Dernier épisode en date, qui paraît si outré qu’on le dirait faux : le cas Philippe Meirieu. Ayant découvert sur le (fort) tard la question écologique, ce pédagogue se rattrape de belle manière. Ce soir du 16 juin 2011, Hulot était de passage à Lyon, ville de Meirieu, dans le cadre de sa campagne électorale interne. Je précise que Meirieu est présenté comme le grand sage de cette vaste pantomime, et qu’il est officiellement l’arbitre. Celui qui est censé calmer le jeu entre candidats, celui chargé de garantir la justice entre les quatre prétendants. Un arbitre, ce me semble, ne prend pas position. Sauf Meirieu, qui a violemment attaqué le pauvre Stéphane Lhomme, celui qui, ainsi que l’on commence à le savoir, attaque Hulot l’icône.

Qu’a dit Meirieu ? Selon L’Express (ici), ceci: « Dans ses professions de foi [celle de Lhomme], il y avait des passages délibérément insultants et mensongers à l’égard de Nicolas Hulot. Il a franchi la ligne rouge. Il n’a pas fait la totalité des modifications que nous lui avons demandé. Nous étions sur le point de ne pas les envoyer mais Nicolas Hulot a accepté qu’elles le soient. D’une certaine manière il ne participe au sprint final que parce que Nicolas l’a bien voulu ». Meirieu est-il en train de passer un concours international, et en ce cas, lequel ? Tout est grotesque, de la première à la dernière ligne. Lui, le pseudo-arbitre, transforme Hulot en un admirable héros magnanime, qui aurait consenti, par grandeur d’âme, à laisser parler un aboyeur. La réalité est un poil différente. J’ai pu lire la version non expurgée de la profession de foi de Lhomme, qui est une attaque politique du candidat Hulot. On en pense ce qu’on veut, mais elle ne contient pas de bassesse. D’ailleurs, vous pouvez la lire ici.

Pour comble, mais là, des records mondiaux sont pulvérisés au passage, Meirieu-l’arbitre-évidemment-impartial a conclu en assurant Hulot de toute son  « admiration », précisant pour les sourds et malentendants : « Je serais très heureux de faire sa campagne ». Mais que voilà une offre de services joliment tournée ! Ceux qui croient aux Verts sont ceux qui croyaient au PS en 1981. Les conséquences de cet aveuglement total risquent d’être un petit peu plus graves, car l’on parle désormais d’effondrement des écosystèmes, et plus seulement des postes à se partager dans l’appareil de l’État. Dites, un petit jeu : parmi ceux qui tiennent le manche dans ce parti délétère où triomphent les Meirieu, combien ont déjà obtenu des sinécures publiques ? Combien en attendent ? Combien rêvent d’une circonscription ? D’un ministère ? Et du reste ? Combien, dites-moi ?