Archives mensuelles : avril 2008

Laurent Cabrol dans le rôle de Zeus (et de Don PaTillo)

Je sais qu’il y a plus drôle, mais je suis bien certain qu’il faudrait chercher longtemps. Car les adieux de Laurent Cabrol aux téléspectateurs de TF1 relèvent d’un burlesque total, prodigieux, hilarant. Quel as !

Je n’ai pas la télé et ne la regarde donc pas, mais j’ai beaucoup, beaucoup donné, inutile de mentir. J’y ai vu les pires absurdités, et je situe parfaitement Cabrol, ci-devant monsieur Météo de la grande chaîne privée. Je le situe, mais je l’avais comme qui dirait perdu de vue, et le retrouve tout décati, vieillard tremblotant essayant de fourguer encore quelques friteuses aux Alzheimer qui ont oublié qu’ils et elles en ont déjà cinq. À ce qu’il semble, l’émission Téléshopping, qu’il animait depuis quinze ans, ne marchait plus assez bien au goût immodéré de Martin Bouygues pour le béton et le blé réunis.

Exit donc le pauvre Cabrol, lourdé et tôt remplacé par une Marie-Ange Nardy que je connais aussi, hélas. En tout cas, je vois très bien la tête qu’elle a(vait) et me souviens même qu’un jour, et en direct, un lion s’est jeté sur elle et lui a mordu sévèrement le bras. Je jure que c’est vrai.

Donc, combat de titans. Le vieux Cabrol rejoint le cimetière des éléphants d’opérette. La (plus) jeune dompteuse entre en piste, tout cela est déjà bien distrayant. Mais il y a encore mieux. J’ai dit ici à de nombreuses reprises l’admiration que je voue à Claude Allègre, ce grand révisionniste que nul ne nous envie.

Eh bien, Laurent Cabrol suit la voie. Par un livre. Sur le climat, bien sûr. Paru au Cherche-Midi, une maison que je vous recommande chaudement, d’autant qu’elle a édité le grand ami d’Allègre, le Danois Lomborg qui dit que tout va mieux et de mieux en mieux.

Je n’ai pas lu le livre de Cabrol, non, je ne compte pas rire aux éclats plus d’une heure aujourd’hui. Mais j’ai regardé pour voir ce que je trouvais sur le net. Quel observateur, ce Laurent ! Dans un entretien avec le grand Morandini, compère d’Europe 1, il dit notamment, et c’est du mot à mot : « J’ai été le premier à parler du réchauffement climatique il y a vingt ans, mais j’ai décidé de prendre du recul. En gros, on nous dit que le réchauffement, c’est le C02 des voitures. En emmenant nos enfants à l’école le matin, nous réchaufferions la planète. Mais moi, en lisant tous les auteurs, je me suis rendu compte qu’y avait pas que le CO2. Y a le rôle du soleil, dont on ne sait que peu de chose. Y avait le rôle des nuages, dont on ne sait rien. Y avait les océans, dont on ne parle pas… ».

Je prends un exemple, pour rendre plus accessible la profondeur de la pensée cabrolienne, tiré du même entretien, un peu plus loin : « Il n’y a aucune certitude. Un nuage, c’est un parasol ou une couverture ? ». Je vous laisse méditer, car cela vaut la peine, je le crois. Et je passe dans la foulée à un autre entretien du même, mais avec un(e) autre. Et là, Cabrol, qui n’oublie pas qu’il est un vaillant journaliste, nous livre pleine poire un scoop mondial. Comme ça, sans prévenir, en grand pro de l’information : « C’est vrai qu’on a tendance à occulter le fait qu’un tel réchauffement s’est déjà produit dans l’histoire entre l’an 900 et l’an 1300, à l’heure de l’optimum médiéval ». Cabrol contre le reste du monde, cela vaut Intervilles, non ?

Enfin, concernant cette fois l’inégalable Allègre, Cabrol se montre généreux : « Je suis tout à fait en phase avec lui lorsqu’il dit qu’avant de nous rendre coupables, il faudrait en savoir plus sur la mécanique climatique. Et j’avoue qu’il a eu beaucoup de courage d’apporter la contradiction dans un domaine où la pensée unique fait des ravages… ».

Et ainsi, et au-delà, sans vraie limite discernable. Je vous laisse tirer les conclusions de cette pantalonnade sublime, car je vous en sais capables. Les plus grands médias de masse français. TF1, Europe1, pour commencer. Une maison d’édition ayant pignon sur rue, où travaillait – travaille encore ? – un anarchiste de salon bien connu, justement, dans les salons. Et au beau milieu, le drame. Non d’un siècle, mais d’une épopée, celle de l’humanité. La crise du climat, et un Cabrol, qui ne vendra plus d’aspirateurs à la télé, car il part à la casse. Nous en sommes là, exactement à ce point où tout doit recommencer. Je parle de la pensée.

PS1 : un ajout concernant le titre, pour les plus jeunes d’entre nous. De mémoire, Don PaTillo est un personnage de pub télé qui imite le Fernandel de la série de films Don Camillo et Peppone. Le tout est en faveur des pâtes Panzani.

PS2 : J’ai rectifié le titre de ce papier grâce à Patric Nottret. Qu’il en soit remercié ! J’avais nommé Don PaTillo Don PaPillo, comme un idiot…

Le si bon air de Buenos Aires

Pour Olivia, Yanina et Manu

Vous n’êtes certes pas obligé de connaître l’espagnol. En ce cas, cette petite précision : le navigateur Juan de Garay a fondé en 1580 une nouvelle colonie qui devait devenir la capitale de l’Argentine : Nuestra Señora del Buen Ayre. El Ayre, en cette époque, c’était le vent. Et donc, El Buen Ayre, le bon vent. Mais dans le castillan d’aujourd’hui, Aire, c’est plutôt l’air qu’on respire, éventuellement l’humeur dans laquelle on se trouve. Il ne serait donc pas déplacé, pour nous Français en tout cas, de traduire Buenos Aires par bons airs. Ou bonnes humeurs.

Sauf qu’on respire sur place, désormais, de bien curieux effluves. Ces jours-ci, la capitale est sous le feu et les fumées de centaines d’incendies. 300, 600, plus encore ? Ce qui est sûr, c’est que de mémoire de porteño, on n’a jamais vu cela. Il faut tenter d’imaginer ce que signifie, dans une ville qui ressemble tant à l’Europe, la disparition du soleil et de la clarté. L’angoisse est partout, les hôpitaux sont pleins, les routes coupées.

Ce lundi, d’après ce que je viens de lire rapidement dans les journaux argentins en ligne, cela va un peu mieux. Mais demain, après-demain ? Officiellement, les éleveurs sont mis en cause et rendus responsables du désastre sans précédent. C’est peut-être vrai, mais même en ce cas, cela ne suffit pas à expliquer le phénomène. Moi qui vis de l’autre côté de l’Atlantique, et qui ne dispose d’aucune source d’information confidentielle, je me permettrai néanmoins d’évoquer une autre cause évidente : le soja.

Si je me trompe, je me trompe. Mais j’ai de bonnes raisons de mettre en cause ce grand monstre. Cette plante qu’on peut appeler maudite a vu ses surfaces augmenter de 495 % au cours des 35 dernières années. Et l’Argentine, après le Brésil, s’est lancé dans une aventure purement financière qui détruit le pays pour des générations. On est passé là-bas de 380 000 hectares de soja en 1970 à 13 millions en 2003. Et cela s’accélère encore depuis. L’Argentine, grande nation jadis de la viande et du lait, exporte son soja pour nourrir notre bétail, et importe du lait pour ceux qui peuvent payer.

Lisez ce qui suit, témoignage direct d’Alberto Gomez, du Movimiento Campesino de Cordoba (Mouvement Paysan de Cordoba) : « Les propriétaires terriens ont beau venir nous déloger, un juge a beau rendre sa sentence, nous sommes prêts à nous défendre. Nous nous sommes organisés et nous avons décidé qu’ils ne nous prendront pas plus de terres qu’ils ne nous ont déjà prises, pas un mètre de plus.

Le Mouvement Paysan comprend presque mille familles. Nous nous rassemblons pour voir comment faire front à tout ce qui nous arrive ces dernières années. Les propriétaires nous enlèvent nos terres. Tout cela à cause du boom du soja. Un grand propriétaire qui faisait paître ses vaches dans des champs défrichés près de la ville, doit, avec le boom du soja, semer davantage de soja. Il utilise les terres où paissaient ses vaches et doit amener celles-ci ailleurs. Cela veut dire qu’il les amène paître dans d’autres champs. Pour ce faire, ces propriétaires envahissent notre région, une région très montagneuse, et là, c’est un désastre. Là où il n’y a pas de paysans organisés, ils arrivent en disant  » Ce champ est à moi, je l’ai acheté «  et ils montrent les papiers. Après, il se mettent à retourner toute la terre pour semer du fourrage et faire paître les vaches. C’ est un véritable désastre pour l’environnement et la terre même ».

Je reprends donc la parole. Pourquoi ces centaines d’incendies dont la fumée envahit Buenos Aires ? Pourquoi ces scènes jamais vues dans la capitale ? Voici mon hypothèse : le front agricole se déplace, et de plus en plus vite. Le soja, qui rapporte plus de devises que n’importe quoi d’autre, impose sa loi aux ganaderos, les éleveurs locaux. Une enveloppe glissée dans la bonne poche, et l’éleveur est obligé de partir avec son troupeau, pour laisser place au soja. Mais il faut bien trouver de nouveaux pâturages. Et les éleveurs connaissent eux aussi la chanson. Et le bruit délicat d’une enveloppe déposée dans la poche qu’il faut, au moment qu’il faut.

Arrivé à certain point, il ne reste que les zones marginales où ne survivent que les communautés paysannes les plus pauvres. De quel droit s’opposeraient-elles aux éleveurs, dont les plus grands tutoient le gouverneur ? On convoque la soldatesque, on met dehors les peigne-culs, on allume les brasiers, on attend la prochaine pousse tendre pour le troupeau.

Bien entendu, ce que je viens d’écrire n’est pas du journalisme, ou si peu. Mais j’ai le sentiment désolant d’en dire davantage que vos – nos – commentateurs favoris. Je viens de mettre le nez dehors, l’air était frais et comme bienveillant, j’ai décidé d’y retourner. Nos vemos.

Juste un mot (de Rilke) et un autre (de Char)

Il y a un temps long, j’ai écrit un livre, qui a été publié. Une année auparavant, j’avais lu un texte de Rainer Maria Rilke, Les cahiers de Malte Laurids Brigge, mais le cherchant tout à l’heure, je ne l’ai pas retrouvé. Il est là, je le sais, mais il me nargue depuis un arrière-fond de ma bibliothèque, et il a bien raison.

Ayant lu ce roman, j’en avais soutiré une phrase, mise en exergue de mon propre livre publié, car elle m’avait beaucoup frappé. De quoi parle Rilke ? Aïe, je ne m’en souviens pas bien. D’un jeune poète, qui pourrait bien être son double, et qui cherche la vérité dans les rues parisiennes, qui la lui refusent. Il veut écrire, mais quoi, et pour qui ? La mort et l’angoisse rôdent, Malte se pose les questions de tout humain authentique sur l’âme, la solitude, la rencontre.

La phrase que j’ai donc utilisée sans vergogne – mais en citant Rilke, bien entendu -, la voici, récupérée à l’entrée de mon propre ouvrage : « Est-il possible, pense-t-il, qu’on n’ait encore rien vu, rien su, rien dit qui soit réel et important ? Est-il possible qu’on ait eu des millénaires pour regarder, pour réfléchir, pour enregistrer et qu’on ait laissé passer ces millénaires comme une récréation dans une école, pendant laquelle on mange sa tartine et une pomme ? Oui, c’est possible ».

Qu’en pensez-vous ? N’est-ce pas simplement admirable ? N’est-ce pas profond et vrai, n’est-ce pas précisément ce que tout humain conscient du temps que nous vivons pourrait apprendre par coeur ? Répéter à ses proches, à ses amours, à ses ennemis même ? On se doute que Rilke ne pensait pas une seconde à la crise écologique et aux désastres en cours et en vue. Mais comme il était poète, il savait mieux que quiconque. Et il continuera de nous parler jusqu’à la fin, quelle qu’elle soit. Savez-vous ? Je l’aime.

Comme c’est dimanche, et que l’esprit vagabonde un peu plus, je saute, tressaute, et pense d’un coup à René Char. Et à ce texte qui m’accompagne depuis longtemps, lui aussi. Que vous le connaissiez ou non, je vous souhaite d’éprouver à sa lecture les mêmes frissons que moi.

Commune présence

Tu es pressé d’écrire,
Comme si tu étais en retard sur la vie.
S’il en est ainsi fais cortège à tes sources.
Hâte-toi.
Hâte-toi de transmettre
Ta part de merveilleux de rébellion de bienfaisance.
Effectivement tu es en retard sur la vie,
La vie inexprimable,
La seule en fin de compte à laquelle tu acceptes de t’unir,
Celle qui t’es refusée chaque jour par les êtres et par les choses,
Dont tu obtiens péniblement de-ci de-là quelques fragments décharnés,
Au bout de combats sans merci.
Hors d’elle tout n’est qu’agonie soumise fin grossière.
Si tu rencontres la mort durant ton labeur,
Reçois-là comme la nuque en sueur trouve bon le mouchoir aride,
En t’inclinant.
Si tu veux rire,
Offre ta soumission,
Jamais tes armes.
Tu as été créé pour des moments peu communs.

Modifie-toi disparais sans regret
Au gré de la rigueur suave.
Quartier suivant quartier la liquidation du monde se poursuit
Sans interruption,
Sans égarement.

Essaime la poussière.
Nul ne décèlera votre union.

L’énigme du Grenelle (extinction de masse)

Où sont-ils passés ? Oui, dites-moi donc où sont passés les matamores d’octobre dernier, ceux qui assuraient qu’une révolution écologique était en cours ? Le 17 avril, et c’est une authentique première, le journal Le Monde s’en prenait enfin sans détour aux biocarburants, dans un éditorial engageant le journal, en page 2. Sous un titre sans équivoque, pour une fois : Les tartuffes de la faim. Je cite: « Les nouvelles habitudes alimentaires des pays émergents, largement importées des pays développés, expliquent en grande partie l’explosion de la demande, et donc les tensions sur les prix. Ce n’est pas la seule raison. La concurrence des biocarburants en est une autre, essentielle. Or les Etats-Unis, si généreux avec le Programme alimentaire mondial, ont confirmé leur volonté de doubler les surfaces déjà très importantes qu’ils consacrent aux biocarburants. Face à l’automobiliste américain, le paysan haïtien ne fait pas le poids. Même chose pour l’Europe ».

Impeccable, si l’on oublie le grand silence qui a précédé. Impeccable. Et là-dessus, hier, notre sémillant, notre excellent Dominique Strauss-Kahn, patron du Fonds monétaire international (FMI) a lui aussi lancé une sorte d’appel, reconnaissant que les biocarburants posent un « problème moral ». Extraordinaire retournement général, dont je suis profondément heureux.

Mais au fait, et nos amis du Grenelle de l’environnement ? Mais si, souvenez-vous, ces grands écologistes qui affirmaient mordicus que rien ne serait jamais plus comme avant. Que le Grenelle était une date, un tournant, l’annonce du grand changement, l’histoire en marche, etc.

Pour ce qui me concerne, je puis vous jurer que j’ai fait tout ce que je pouvais pour secouer les grandes associations écologistes. Il est encore temps de les réunir toutes, et de réclamer de Nicolas Sarkozy, au nom de leur Grenelle commun, une décision simple et efficace. Par exemple, la fin immédiate des subventions publiques françaises à l’industrie criminelle des biocarburants. Ce serait la fin de la filière chez nous, et un coup de tonnerre ailleurs dans le monde.

Au passage, cela serait la preuve expérimentale que les associations écologistes servent à quelque chose. Mais pour l’heure, le silence est complet. Quoi ? On pourrait être écologiste et admettre sans broncher que des hommes meurent de faim pour faire rouler des bagnoles ? Eh bien, qu’on s’explique donc sur le sujet. Et publiquement s’il vous plaît.

Trois milliards de bagnoles (et une poignée de cons)

Extraordinaire démence : un article du Figaro reprend les conclusions d’une étude menée par le Fonds Monétaire International (FMI) de cet excellent monsieur Strauss-Kahn qui, avec un peu de malchance, aurait pu être aujourd’hui au poste occupé par Nicolas Sarkozy. Si vous préférez jeter un oeil sur le texte original en anglais, ici (chapitre 4).

De quoi s’agit-il ? Eh bien, selon ces grosses têtes qui commandent la marche du monde, la bagnole individuelle est l’avenir. On en compte environ 600 millions, ce qui est une misère. La plupart sont au Nord – 460 engins pour 1 000 habitants des États-Unis -, mais cela a toutes chances de changer. À l’horizon 2050, la terre pourrait compter d’après le FMI près de cinq fois plus de voitures : environ 2,9 milliards d’unités.

L’essentiel de ce flot – un déluge – se déverserait sur les pays du Sud, bien entendu, où l’on a l’imbécile habitude de marcher à pied ou d’utiliser un simple vélo. La Chine devrait gagner dans la noble aventure 500 millions de véhicules supplémentaires et l’Inde 330 millions. Comment en arrive-t-on à de tels calculs ? Eh bien, en s’appuyant sur l’histoire de l’économie. Ben oui, quoi. Le passé montre que lorsque les hommes s’enrichissent, ils se tournent de plus en plus vers des transports privés. Pourquoi cela changerait-il ? Vous prenez une abscisse, une ordonnée, vous tracez une courbe en tirant un peu la langue pour montrer que vous êtes concentré, et vous voilà en une demi-heure le roi de la piste. Les collègues des bureaux voisins, dans l’immeuble climatisé de Washington où vous avez oeuvré, viennent vous taper sur l’épaule. What a guy ! Quel type !

Pardi ! Si tout cela dure, cela devrait continuer, non ? Je crois que nous tenons là la quintessence du « développement durable » tel que vu et défendu par le règne de la marchandise. Le point de vue « économique » sur l’avenir de la planète, qui commande à tous les politiques que je connais, est une absurdité complète, je crois que cela est évident.

La courbe grotesque du FMI est parfaitement juste, mais à la condition qu’on oublie les détails qui l’entourent. Il n’y a pas assez d’argent, d’acier, d’eau, de matières premières diverses et variées pour produire autant d’objets d’une telle puissance. Car n’oublions tout de même pas qu’il faudra songer un peu à nourrir, vêtir, éduquer de 9 à 10 milliards d’humains à l’horizon 2050. Il n’y a pas assez d’espace et de moyens matériels pour ouvrir les innombrables routes et rocades qui seraient nécessaires pour dépasser le pas d’un marcheur fatigué. Il faudrait reconstruire un nombre incalculable de villes, surtout dans le Sud, de manière que les avenues remplacent rues et ruelles, bien adaptées à l’homme et au vélo, mais sûrement pas à la bagnole. Mais comme on sait, il n’y aura presque plus de pétrole, et malgré la magnifique perversion des biocarburants, on voit très mal ce qui pourrait, d’ici là, remplacer ce carburant hors pair. Enfin – vous compléterez l’interminable liste sans moi -, la crise du climat interdira de toute façon cette fuite en avant on ne peut plus criminelle.

Faut-il ajouter un mot ? Voici en tout cas le mien. Les hommes qui écrivent de telles sottises sont peut-être intelligents. Je n’en sais rien, mais c’est possible, car la définition de l’intelligence, qui me passionne, est d’une rare complexité. Ce qui ne souffre pas discussion, c’est que cette vision de l’avenir commun est fausse. Or ces gens sont vantés par le monde officiel, dont celui des médias, comme des éclaireurs. Des pionniers. Des visionnaires. Je serai direct : ce sont des cons, des cons dangereux.

Et les écologistes, auxquels je m’honore d’appartenir ? Certains, que je ne nommerai pas ici, sont aussi peu clairvoyants. Mais d’autres, et je ne rougis pas de l’écrire, car je le crois, font preuve d’une intelligence collective – collective, j’y insiste – admirable. Il leur arrive de se tromper, certes. Sur des questions qui ne sont pas toujours secondes, oui. Mais sur le fond, mais quant à l’essentiel, le meilleur du mouvement écologiste dit depuis quarante ans au moins la vérité profonde des sociétés humaines. Et moi, je suis fier de cela. Ai-je tort ?