Archives mensuelles : mai 2009

Mais qui connaît Lucien Chabason (et Mousel, et Brodhag, et Antoine) ?

Qui connaît Lucien Chabason ? Moi. Et qui Michel Mousel ? Moi. Et qui Christian Brodhag ? Moi. Et qui Serge Antoine ? Moi. Moi. Moi. Mais attention, je ne sais rien d’eux sur le plan personnel. Peut-être – je le leur souhaite – sont-ils, ont-ils été, d’excellentes personnes privées, de bons parents, des époux parfaits, des amis irremplaçables.

Mais il y a le plan public, et sur ce terrain, j’ai mon mot à dire. Je vous les présente en quelques phrases sèches, et donc injustes. Chabason est un expert multicartes depuis des décennies. Il a été sous-préfet à Ussel dès 1971, après avoir été administrateur civil au ministère de l’Intérieur, en 1968. En 1968. Il a par la suite été conseiller de Jacques Chirac – alors Premier ministre – en 1974, puis celui de Raymond Barre après 1976. Après une longue carrière au ministère de l’Environnement, il s’est nettement rapproché de Brice Lalonde quand celui-ci devint secrétaire d’État à l’Environnement, et surtout fondateur de l’éphémère Génération Écologie.

Et ? Chabason, je l’ai dit, est expert. International. Je vous passe la liste, qui comprend, entre beaucoup d’autres machins,  l’OCDE et le PNUE. Il a été coordinateur du plan d’action pour la Méditerranée des Nations Unies entre 1994 à 2003, et demeure président du Plan bleu. Je vous recommande ce dernier, car il existe depuis 1975, avec pour but officiel de sauver la mer Méditerranée des pollutions qui la tuent d’année en année.

Comme le résultat est émouvant, quand on pense au sort du thon rouge ! Et c’est Serge Antoine qui a eu l’idée de ce vaste plan si utile. Qui l’a proposé à des pays riverains « inquiets de voir se dégrader la mer qui constitue leur lien naturel ». Autant vous dire que Chabason et Serge Antoine se sont très bien connus. J’utilise le passé, car Serge Antoine, né en 1927, est mort en 2006.Qui était Antoine ? Un haut-fonctionnaire, tout comme Chabason. Tout comme un Robert Lion, président du conseil d’administration de Greenpeace (ici), Serge Antoine a eu pour le moins deux carrières. Conseiller de l’Euratom – la Communauté européenne de l’énergie atomique – au début des années 1960, il aura été l’un des piliers, pendant quinze ans, de la Délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale (Datar), entre 1963 et 1978. Il y aura travaillé avec des responsables gaullistes aussi recommandables qu’Olivier Guichard – ancien maire de La Baule – ou Jérôme Monod, ci-devant patron de la Lyonnaise des Eaux.

Ensuite, indiscutablement, Serge Antoine, convaincu de l’existence d’une crise environnementale, a changé de voie. J’écris volontairement environnementale, mot que je déteste et tente de ne pas utiliser, car il est évident pour moi que Serge Antoine ne considérait pas la crise écologique. Ce qui comptait, c’était l’environnement. L’environnement des hommes. Mais baste, il fut l’homme du développement durable en France, et je n’ai aucune raison de douter de sa sincérité (ici). J’ajoute qu’il fut vice-président du Plan bleu de Chabason. Logique.

Poursuivons avec Michel Mousel, que j’ai croisé il y a une vingtaine d’années, et avec qui je me suis copieusement engueulé. Qui est-il ? D’abord un politique, passé par le PSU « autogestionnaire », « écologiste » et même « révolutionnaire » de l’après-68. Tout le monde s’en fout à juste titre, mais Mousel fut le secrétaire national du PSU après 1974, quand Rocard lâcha ses petits amis – il dirigeait alors ce parti, mais oui, les jeunes ! – pour se rapprocher de la grande tambouille socialiste.

Ensuite, Mousel fut de tous les cabinets, ou presque. On le vit chez Bouchardeau, devenue secrétaire d’État à l’Environnement après 1981, chez Lalonde, etc. En récompense de quoi il devint président de l’Ademe, tout comme madame Chantal Jouanno le fut. Sur ordre politique. Il fut ensuite, par la grâce de Jospin, qui régnait à Matignon, président – encore un ! – de la Mission interministérielle de l’effet de serre (MIES) jusqu’en 2001. Il a également créé l’association 4 D (ici), durable, forcément durable. Il est de tous les colloques, comme on peut se douter.

J’ ai plein d’autres noms dans ma besace, dont ceux de Laurence Tubiana (ici) et Pierre Radanne (ici), mais je n’écris pas un livre, et vais donc m’arrêter à Christian Brodhag. Porte-parole national des Verts entre 1989 et 1991, conseiller régional, il a quitté ce parti pour se rapprocher de la droite. Laquelle s’est montrée généreuse. Brodhag a été « président de la Commission française du développement durable » entre 1996 et 1999 – défense de glousser -, puis délégué interministériel au développement durable entre 2004 et 2008.

Voilà. Ouf. Je me repose une seconde. Quel est le lien entre ces braves sentinelles ? Mais le fiasco, bien entendu. L’incroyable, l’extravagant échec de leurs sempiternelles (pré)occupations bureaucratiques. Ils n’auront jamais cessé, pendant des décennies, de radoter. De pleurnicher, de demander pardon à tous les pouvoirs en place qui, au reste, les employaient. Quelle bête serait assez sotte pour mordre la main qui la nourrit ?

Tandis que la planète flambait, ces messieurs-dames péroraient, prétendant trouver pour nous les solutions justes et parfaites. On voit, on a vu les résultats. Je pourrais me contenter d’en rire, car il y a bien de quoi. Exemple : Athènes. Une milliardième conférence s’y est tenue fin avril 2009, organisée je crois – et je m’en fous – par le Programme des nations unies pour l’environnement (PNUE).Vous savez quoi ? On y a appris que l’Union européenne se montrait et se montrerait incapable de stopper « l’érosion de la biodiversité ». En résumé non euphémisé : l’Europe continue à détruire la vie comme si de rien n’était, y compris en mer (ici).

La mer. Chabason. Le plan bleu. 1975. Chabason était à Athènes en avril dernier, et voici ce qu’il a cru pouvoir déclarer concernant la biodiversité : « Nous n’avons pas un indicateur simple – la hausse des températures ou la concentration du CO2 dans l’atmosphère – pour nous alerter. Nous n’avons pas non plus de scénarios nous mettant en garde contre les risques à franchir certains seuils. Enfin, nous n’avons pas encore vécu d’épisodes comme Katrina ou la canicule de 2003 pour aider à la prise de conscience du problème ».

C’est-y pas génial ? Après quarante ans de blabla, l’un de nos grands lutteurs de foire reconnaît qu’il n’en fout pas une rame. Qu’il se contente, comme dirait l’autre, de pures « paroles verbales ». Je vous résume mon sentiment à propos de cette petite armée de professionnels qui s’est emparée de quelques expressions clés, comme développement durable, effet de serre, ou encore biodiversité. Ils ne sont évidemment pas une aide. Ils sont même à coup certain des « retardateurs ». Leur omniprésence et leur totale impuissance à créer du mouvement nous font perdre des années qui ne reviendront pas. Oserai-je ? Ils ne sont pas de mes amis.

Zapatero, Zapatera, socialauds d’Espagne et d’ailleurs

Je souhaite ardemment que personne ne vienne prendre leur défense, ici tout au moins. Car ailleurs, je sais combien ils sont choyés, aimés, cajolés. Madame Ségolène Royal – dite la Zapatera – ne s’est-elle pas excusée il y a quelques jours, au nom de nous tous, auprès de son si cher ami José Luis Rodríguez Zapatero, Premier ministre espagnol en titre ? Ne lui a-t-elle pas demandé de pardonner des propos prêtés à notre Sarkozy national ? Si.

Or que font donc les socialistes espagnols ? Ils détruisent avec frénésie ce qui reste de ce pays de légende. En janvier 2008, avant donc l’annonce de la crise économique que vous savez, j’ai écrit (ici) sur quoi reposait le soi-disant miracle espagnol, avec ces taux de croissance admirés d’un bout à l’autre de notre Europe si malade. Tenez, je me cite : « Du temps de Franco, vieille et sinistre baderne aux ordres du pire, le choix majeur a été de vendre le pays au tourisme de masse. Une aubaine pour les vacanciers français découvrant, dans les années 60, la défunte Costa Brava, puis le reste. Les héritiers du Caudillo, de droite d’abord, puis de gauche, ont poursuivi dans la même direction, toujours plus vite, toujours plus loin. Le Premier ministre en place, José Luis Rodríguez Zapatero, ne cesse de vanter l’état de l’économie espagnole, qui lui devrait tant. Par parenthèses, faut-il rappeler l’enthousiasme de madame Royal chaque fois que quelqu’un l’appelle la Zapatera ?

Tout est malheureusement connu, et le Parlement européen lui-même a condamné sans appel des « projets d’urbanisation massive (…) sans rapport avec les véritables besoins des villes et villages concernés », contraires « à la durabilité environnementale » et qui ont des effets « désastreux sur l’identité historique et culturelle » des lieux (www.batiweb.com). Voilà pourquoi, bien qu’aimant l’Espagne et sa langue, je mets rigoureusement dans le même sac le PSOE – parti socialiste au pouvoir – et le PP, ou Parti populaire, de droite. Plutôt, parce que j’aime profondément l’Espagne. Mais vous aurez rectifié de vous-même.

Pourquoi ce rappel ? Mais parce que les socialistes au pouvoir à Madrid s’attaquent aujourd’hui au grand joyau ornithologique de la péninsule, l’Estrémadure. Je connais ce lieu, qui est rude au regard et au corps. Froide l’hiver, brûlante l’été, la région abrite une sorte de savane arborée méditerranéenne, la dehesa. Comme un compromis entre la nature et l’homme, immémorial, sur fond de chênes verts, d’oliviers sauvages, de genêts, d’arbousiers et de troupeaux. C’est aussi le pays des oiseaux. Des grandes outardes. Des vautours fauves, moines, percnoptères. Des grues. Des oies. Des canards. L’Éstrémadure est si pauvre que les bureaucrates madrilènes l’ont laissée en paix, tout occupés qu’ils étaient à ronger les côtes sublimes du pays.

Fini. Le gouvernement vient de décider une série de mesures scélérates au dernier degré. La plus extravagante est peut-être le cadeau fait à une transnationale étasunienne, Florida Power and Light (ici), qui pourra construire deux usines solaires cette année à Casas de Hito, en Estrémadure. 600 millions d’euros d’investissement – on ne sait rien d’autres arrangements éventuels, qui peuvent se produire néanmoins – et 100 emplois à la clé. 100 emplois en échange d’un paradis des oiseaux. En 2007, on a dénombré à Casas de Hito 11 325 grues. Et sept espèces d’oies, et 140 000 canards hivernant à trois kilomètres, sur le lac de barrage de Sierra Brava. Je dois vous avouer que je n’ai pas regardé de près les dangers que feront peser sur les oiseaux sauvages ces installations. Et vous renvoie à une pétition des naturalistes espagnols de SEO (ici). Ils sont déprimés. Moi aussi.

D’autres projets simplement criminels menacent l’Estrémadure. Une raffinerie de pétrole à Tierra de Barros, des centrales électriques, des parcs éoliens lancés dans des conditions douteuses de légalité, et qui sont apparemment dangereux pour des oiseaux comme les vautours. Lesquels sont magnifiques, à la différence de ceux qui traînent dans les bureaux des promoteurs d’Ibérie comme de France.

Je vois bien que naît sous nos yeux encore ébahis un capitalisme vert censé nous clouer le bec. Si vous avez le moindre doute, jetez un œil ici, je crois que nous nous comprendrons. Eh bien ? Au risque flagrant de me répéter, il n’est pas question de considérer ces gens-là, qui incluent évidemment nos socialistes comme de vagues cousins un (long) temps égarés. Ce sont des adversaires. Ce sont des ennemis. Et je vous jure que je les exècre. Zapatero, Zapatera, toutes ces camarillas, tous ces sbires, tous ces fifres et sous-fifres, tous ces petits marquis, ces Dray, Mélenchon, Royal, Hollande, Fabius, Weber, Bartolone, Aubry, Rebsamen, Le Guen, Hamon, Delanoé, Désir, Bloche, ad nauseam. J’ai pris le parti des oiseaux et du vol libre au-dessus des cimes, celui des migrations, celui de Nils Holgersson, celui de la beauté. J’ai pris le parti du soleil, de la lune, de la pluie et des arbres. Et ce n’est pas le leur.

Grippe porcine (suite sans fin et révélations françaises)

(Sans blague, une révélation de taille vous attend à la fin de cet article. Et si vous en avez le temps, faites connaître, car cela peut intéresser autour de vous.)

Dans l’univers des journaux, que je pense bien connaître, il existe très peu de journalistes au sens que je donne à ce mot. Beaucoup n’écrivent pas, ou mal, beaucoup ne lèvent guère le cul de leur chaise, beaucoup ne savent pas de quelle manière commencer une enquête. Au point qu’ils n’en font jamais. Je précise que je ne vais pas au bout de ce que je pense. Oui, c’est pire dans ma tête.

J’ai longtemps cru que les journalistes traquaient l’information, sans autre souci que le public auquel elle est destinée. Je dois reconnaître que c’est un point de vue ridicule, qui ne résiste pas au premier regard sur la profession. Bon, passons sans transition aux félicitations. Je viens de lire un article sensationnel dans l’un des meilleurs journaux que je connaisse, le quotidien américain The New York Times. Pour ceux qui ont la chance de maîtriser l’anglais, c’est ici.

Ses auteurs, Doreen Carvajal et Stephen Castle, montrent par un excellent travail sur le terrain la manière concrète dont le monde avance vers le vide. Et c’est évidemment saisissant. D’une certaine façon, le titre raconte le tout : Un géant américain du porc transforme l’Europe de l’Est. J’écris  d’une certaine façon, car je pressens qu’un cheffaillon sera passé par là pour minorer l’impact prodigieux de l’article lui-même. Il ne s’agit pas d’une transformation, mais d’une révolution brutale, inouïe, déshonorante pour la société des hommes.

Je vous ai parlé de cette entreprise américaine il y a quelques jours (ici), car elle est au centre de l’affaire de la grippe porcine au Mexique, que les bureaucrates internationaux de la FAO, de l’OMS et des Nations Unies ont rebaptisée A pour faire plaisir à l’industrie. Anyway, la transnationale Smithfield Foods est le plus gros producteur mondial de porcs industriels. Si le cœur vous en dit, jetez un œil sur le site du monstre, ce n’est pas sans intérêt (ici).

Que racontent les journalistes du New York Times ? Qu’un typhon nullement tropical s’est abattu sur la Roumanie et la Pologne, deux pays qui avaient pu – paradoxe du système stalinien – maintenir des agricultures paysannes. Cela change, et très vite. Car Smithfield Foods n’est présent dans ces pays-là que depuis cinq ans. De cette date, leurs hommes ont enrôlé – disons convaincu – des responsables politiques locaux de la plus haute importance. Citons, pour que vous situiez le niveau, le président roumain lui-même, Traian Basescu, travaillé au corps par une exceptionnelle agence de lobbying, McGuireWoods. Américaine bien sûr, cette bottega oscura – la boutique obscure chère aux Italiens – a été payée pendant des années par le gouvernement de Bucarest pour tenter d’arracher son entrée dans l’Otan. On est entre bons amis. Autre lobbyiste remarquable : Nicholas Taubman, ami de George W.Bush, qui fut ambassadeur en Roumanie, mais qui est aussi et surtout un homme d’affaires international.

Avec une telle équipe, qui aurait pu perdre ? Avec une entreprise pesant des milliards d’euros dans des pays si pauvres mais si avides, comment les paysans auraient-ils pu gagner ? Smithfield Foods est déjà le premier producteur de porcs en Roumanie, mais évidemment, avec de menus désagréments au passage. En 2007, par exemple, une grippe porcine – tiens donc – a dévasté trois “établissements” de Smithfield Foods en Roumanie, dont deux fonctionnaient sans aucune autorisation. Oui da. Ce n’est pas tout, vous pensez bien : au total, 67 000 porcs ont été tués ou détruits. Certains malades, et d’autres qui ne l’étaient pas, car le principe de précaution n’est pas une vaine parole chez les grands industriels.

Je pourrais continuer sur des pages. Ce qui se passe en Pologne et en Roumanie est aussi atroce que ce qui arrive au Mexique. En Roumanie, le nombre de petits fermiers possédant des porcs est passé de 477 000 en 2003 à seulement 52 000 en 2007, soit une diminution de 90 % ! La Pologne a vu disparaître 56 % de ses 1,1 million de porchers entre 1996 et 2008. Vive l’Europe, messieurs ! Oui, vive l’Europe, car notre belle Union donne à Smithfield Foods des dizaines de millions d’euros de subventions pour la « modernisation » de ce pauvre élevage est-européen. Sur les marchés d’Abidjan (Côte d’Ivoire), raconte le Times, le kilo de porc made in Poland se vend 1 dollar et 40 cents le kilo. Quand la viande produite sur place coûte 2 dollars 50.

Beuark !, qu’ajouter de plus ? Tout de même quelque chose. Smithfield Foods est une transnationale. Par définition, elle se moque bien des frontières. Et elle est chez nous. Ne me dites pas que vous le saviez : Smithfield Foods est le plus grand groupe français de charcuterie, sous le nom d’Aoste (ici). Cochonou, Julien Bridou, c’est elle ! Et bien d’autres encore. Je vous espère aussi rassuré que je le suis. Et pour parachever mon impeccable œuvre d’information, voici la liste des lieux qui abritent en France des entreprises  Smithfield Foods : Landivisiau et Quimper (Finistère); Douai, Saint-André-les-Lille (Nord); Monein (Pyrénées-Atlantiques); Saint-Symphorien sur Coise, Bron (Rhône); Saint-Étienne (Loire); Yssingeaux (Haute-Loire); Vernoux, Boffres (Ardèche); Peyrolles (Bouches du Rhône); Aoste (Isère). À nous le jambon de Bayonne, le saucisson sec, les bonnes saucisses comme à la maison !

Voilà. Mon travail est fait. Si j’étais un rebelle, je sais bien ce que je vous dirais. Si j’étais un ennemi ouvert et définitif de ce monde mortifère, je vois bien jusqu’où je me laisserais entraîner. Mais je suis journaliste, n’est-ce pas ? Un simple journaliste qui ne fait que son job. Sans gagner un rond ni espérer en avoir. Portez-vous bien. Si possible.

Le prince Charles pris en flag’

Je suis fâché contre moi-même, car j’ai déjà dit du bien de Charles, Philip, Arthur, George, prince de Galles, fils aîné de la reine d’Angleterre et donc prétendant au trône. J’en ai dit du bien parce que j’en pensais du bien (ici). L’homme est une sorte d’écologiste de salon, bien élevé, propre sur lui, mais aussi un authentique défenseur de l’agriculture biologique. Et pas seulement, d’ailleurs. Il rentre à peine d’une « tournée écologique » qui l’a mené au Chili, en Amazonie brésilienne, en Équateur sur les traces du grand Darwin. Il n’a pas manqué de lancer de nobles appels en faveur de la forêt tropicale qui, comme chacun sait, disparaît sous nos yeux.

So what ? Le quotidien The Independent (ici) vient de le tourner en ridicule, ni plus ni moins. Dans l’article en question, Martin Hickman révèle que cinq produits vendus dans la chaîne d’épiceries bio du Prince – oui, il est proprio – contiennent de l’huile de palme. Une huile de palme qui est au coeur du processus de déforestation massive sous les tropiques, surtout en Asie. Si vous êtes familier de l’anglais, jetez donc un oeil sur l’histoire de Duchy Originals, concept imaginé par Charles lui-même en 1990 (ici). Sympa, non ?

En tout cas, il est certain que des produits vendus par Duchy Originals contiennent de l’huile de palme. Dans des biscuits, dans des soupes, et même dans des viandes. C’est un flag’, aucun doute. La réponse de l’entreprise est aussi délicieuse que celles de toutes les entreprises qui craignent pour leurs profits. Grosso modo, on ne trouverait de l’huile de palme que dans 5 produits sur plus de 200, et elle ne serait utilisée qu’au compte-gouttes, lorsqu’il n’existe aucun produit de remplacement. Ce dernier argument me fait toujours sourire. Car enfin, depuis quand met-on de l’huile de palme dans les soupes et les biscuits ? Depuis Mathusalem ? Et comment faisait-on avant ?

Bien au-delà des petits tracas de Charles, cette merde d’huile. Vous me passerez le mot, j’en suis convaincu. Une industrie s’est mise en chemin, qu’aucune force ne semble capable d’arrêter. Cette huile sert tantôt de substitut à je ne sais quoi dans des préparations culinaires. Tantôt de carburant automobile. On brûle, on ravage pour cela des millions d’hectares de forêts tropicales, et moi, je radote. J’ai fait un livre sur le sujet (La faim, la bagnole, le blé et nous), tenu des conférences, écrit pendant des mois un blog distinct de celui-ci. J’ai alerté, comme on dit. Sans nul espoir, car les forces en présence sont démesurées. Lula, cet étonnant crétin de gauche, Obama, que tant de gens portent aux nues, ont fait le choix stratégique des biocarburants, qui les déshonorent pour les siècles des siècles.

Et alors ? Oui, franchement, et alors ? Croyez qu’il en aille autrement en France ? Imaginez-vous que Sarkozy ou les socialistes tentent, tenteront, tenteraient de combattre cette industrie criminelle qui avance à marche forcée ? Êtes-vous assez naïf pour croire que Cohn-Bendit, qui défend si vaillamment l’industrie de la bagnole, aura ne serait-ce qu’un mot contre l’huile de palme d’Indonésie, ou pour les esclaves de l’éthanol au Brésil (ici) ? Je vais vous dire sans détour ce que je pense de leurs élections européennes : qu’ils aillent se faire foutre.Tous.

Y a pas d’âge pour faire (une guerillera de 71 ans)

Madeleine – merci ! – a trouvé ce papier pour moi sur le site (en anglais) de Guerilla Gardening (ici). Cela raconte, photos à l’appui, les aventures jardinières d’Élise, une Parisienne de 71 ans qui réside au Quartier latin. Elle a vécu à la campagne, et par miracle maintenu des liens vivants avec la nature. Or un jour, apprenant l’existence de cette géniale organisation, Guerilla Gardening, elle a décidé d’entrer dans la danse.

Guerilla Gardening rassemble ceux qu’attristent et révoltent les villes délaissées, sans arbres ni fleurs. Comptez. Plutôt, ne comptez pas, il y en a trop. Depuis 2004, ces guerilleros du jardin  embellissent en cachette les coins de rue, les terrains vagues, les jardinières et pots oubliés, les murs cachés. Génial, je vous l’avais dit. Eh bien, Élise fait exactement pareil. Deux actions de gloire sont déjà son actif. La première : avisant une immense jardinière servant de dépôt d’ordures diverses, elle la change en quelques nuits d’excitation – aidée par le fleuriste du coin, qui lui porte nuitamment de lourds arrosoirs – en une petite merveille pleine de capucines et de roquette.

La seconde action d’Élise – Élise ou la vraie vie ? – concerne une autre jardinière, située elle dans sa rue, juste en face de son domicile. Appartenant apparemment au « Département des Espaces verts de la Ville de Paris », qui s’en foutait royalement, la jardinière avait enduré seule un été meurtrier, et gravement souffert. Pour Élise, une injure personnelle, en tout cas un défi. Je vous passe les détails, qui mènent droit à l’éclosion de tulipes rouges au milieu de ce rien du tout déprimant. En prime, Élise a planté des bulbes de tulipes au pied d’arbres de sa rue. Aux dernières nouvelles, tout va bien pour les fleurs, merci.

Voilà. Ce n’est rien. Ce ne serait rien si ce n’était tout. Car quiconque relève la tête, dans ce monde soumis et malade, est non seulement un rebelle, mais aussi un espoir. Un grand espoir. Enfin, je crois.