Archives mensuelles : juillet 2010

Ce qu’on devrait sans doute tenter

Ce texte est la suite du précédent, ce qui ne risque pas de vous épater. Je précise : il forme un tout avec l’autre, un tout que j’espère cohérent, mais je vous laisse juges. J’en étais arrivé à ce point désagréable que nous n’éviterons plus des désastres. Les sociétés humaines sont des agrégats, voilà que je recommence à écrire des truismes. Mais le mot agrégat, en la circonstance, me semble juste. Un agrégat est un assemblage d’éléments distincts au départ. Et comme à l’habitude, l’étymologie nous est d’une aide précieuse. Car le latin aggregare signifie réunir un troupeau. Précisons, s’il est utile, que je n’ai rien contre les troupeaux, surtout s’ils sont sauvages.

En tout cas, une société humaine m’apparaît bien comme un troupeau d’êtres réunis autour de quelques repères et valeurs. Chez nous, qui nierait que les idées du passé se sont dissoutes ou sont en passe de disparaître ? La patrie, paix à son âme maudite, est morte. Et l’Empire. Et donc les colonies. Et donc tous les mythes associés, dont cette mission civilisatrice dont tout le monde a parlé pendant un siècle sans jamais la rencontrer. Morte aussi la croyance dans l’existence d’une classe sociale universelle – le prolétariat -, susceptible de mener le monde à une société communiste des égaux. Englouties de même les phraséologies social-démocrates, qui juraient de redistribuer jusqu’au dernier sou et de bâtir des cités fleuries pour tous, sauf les Noirs, les Jaunes et les Arabes.

Les moros du général Franco

Je précise pour ceux qui ne le sauraient pas que l’histoire du mouvement socialiste français, au long du siècle passé, est tissée de mille milliards de liens avec le racisme « bon enfant » à l’encontre des dominés de l’empire français d’avant 1960. En Espagne voisine, l’une des causes évidentes de la défaite de la République en 1939 tient à son refus d’accorder sans conditions l’indépendance à ce qu’on appelait alors le Maroc espagnol, grosso modo le nord du Maroc actuel. L’eût-elle fait que – peut-être -, cette canaille de Franco n’aurait pas pu recruter massivement dans son armée d’assassins des dizaines de milliers de moros, ces redoutables soldats marocains. Mais il aurait fallu admettre que le Maroc était un pays, de même qu’un peuple. Et cela, la gauche socialiste au pouvoir à Madrid ne voulait pas en entendre parler. Même pour abattre le fascisme.

Je me suis éloigné, mais vous avez l’habitude. Parmi les mythologies les plus récentes, je ne vous en citerai que deux. La première est celle des Trente Glorieuses, ces années qui mènent de 1945 à 1975, plus ou moins. La machine économique tourne à plein, la voiture individuelle devient la règle, la télé remplace la radio, les vacances à la mer deviennent populaires. Surtout, les prolos – ouvriers et paysans – qui font tenir l’édifice sont entretenus dans l’espoir que tout ira toujours mieux et que leurs enfants, après être passés par l’école, seront ingénieurs, médecins ou fonctionnaires. La crise des années 70 aura à peine entamé le bel enthousiasme, malgré la plate évidence que tous ne peuvent pas devenir les maîtres du monde et des gros bolides.

Le chômage de masse a malgré tout modifié la donne, et il a bien fallu fabriquer de toute urgence quelques utiles raisons de se lever le matin, fût-ce pour se rendre au supermarché. La plus puissante de toutes a été et demeure la soif sans limites de posséder des objets inutiles et coûteux. Ou au moins de rêver en posséder. Dans le premier cas, on travaille, dur, pour remplir son Caddie le samedi. Dans le second, on s’emmerde, dur, devant la télévision, en attendant les allocs ou le RSA qui permettront, le samedi, d’aller remplir son Caddie. Plus petit, un peu plus frustrant peut-être. Mais de toute façon, la frustration est le moteur, le réacteur nucléaire de notre organisation sociale.

Il n’y a plus d’imaginaire commun

Ces deux derniers habillages du vide ont-ils un avenir ? N’ouvrent-ils pas, déjà, sur la tombe où sont tombés les autres ? Je crois bien établi que plus personne n’espère un sort meilleur, du moins au plan matériel, pour ses enfants. Et il me semble que la pacotille perpétuellement repeinte, mais éternellement la même, est plus proche de son épuisement que de son triomphal futur. Dites-moi donc ce que l’on fera si l’on contracte de force, par force, ce si célèbre « pouvoir d’achat », objet de tous les débats et de toutes les convoitises ? Comment fera-t-on pour changer de téléphone portable tous les trois mois ?

Je n’ai pourtant pas très envie de rire. Toute société a besoin d’un imaginaire social qui cimente ses membres. Or il n’y a plus de désir commun, plus aucun projet qui repousserait aux lisières cet infernal individualisme qui soutient la production et la destruction – c’est désormais synonyme – matérielles comme la corde soutient le pendu. Elles sont nécessaires au capitalisme épuisé, dégénéré, mortifère à quoi l’on est soumis, mais elles sont en train de nous tuer. Aussi sûrement que l’individualisme extrémiste aura défait un à un les liens qui unissaient jadis, hier encore, les appartenants au groupe.

Plus d’imaginaire, plus d’avenir commun seulement désirable, d’un côté. Et de l’autre, l’épuisement des innombrables et incommensurables services gratuits que la nature offre, dans sa prodigalité, à nos folles aventures. Cela ne saurait durer, cela ne durera pas. Mais quant à savoir le détail de ce qui vient, je pense que madame Irma est mieux indiquée que moi. L’inventivité technologique des humains peut très bien nous faire « gagner » quelques années. Au mieux, une poignée de décennies, au cours desquelles la vie ensemble sera toujours plus difficile. Mais nous allons au choc. Aux chocs. À la dislocation de sociétés que nous imaginions éternelles. Que nous continuons, et je ne fais pas exception, à croire solides, quant tout indique qu’elles craquent et menacent d’exploser, nous emportant avec elles.

Un chemin au milieu de la nuit

Alors ? Je sais que je devrais être désespéré, et d’ailleurs, nombre de lecteurs de Planète sans visa verront dans mes propos la confirmation que je suis d’une noirceur anthracite. Eh bien, que chacun croie ce qu’il veut ou ce qu’il peut. Moi, non, je ne suis pas désespéré. Je suis accablé souvent, triste régulièrement, indigné chaque matin. Mais désespéré, non. Je crois tant dans la vie, et je l’aime si furieusement au milieu des pires orages que je parviens encore à imaginer un chemin au milieu de la nuit. Admettons par commodité que j’ai raison, et qu’une incroyable régression, sur tous les plans, nous attend. Admettons. Que devons-nous faire, que pouvons-nous faire ?

D’abord, cela va de soi, résister. Ne jamais reculer sur l’essentiel. Qui implique à mes yeux la défense d’un point de vue humain, universaliste, libertaire, égalitaire et fraternel sur la crise qui vient, celle qui est déjà là. Moi, rien ne me fera dévier, pour une raison bien simple : je n’entends pas vivre dans les catacombes de l’esprit. J’entends rester un homme jusqu’à ma mort, que j’espère lointaine encore. Un tel postulat commande bien des paroles et même des actes. Il signifie la fin des frontières géographiques, mentales, financières. Il signifie la proclamation du monde. Nous sommes un monde. Nous sommes une terre et une seule.

Au-delà, quoi ? Au-delà, je pense qu’il faut utiliser au mieux le temps qui reste. En créant un réseau sans tête, planétaire, immense autant que solide, efficace, pragmatique, fondé sur la solidarité inconditionnelle de tous ses membres, qui pourraient et devraient se compter par millions. Un réseau, et pour quoi faire ? Mais pour conserver, consolider, souder à l’argon notre fabuleuse richesse collective. Il existe des banques de semences, destinées à garder au froid une partie de la diversité végétale du monde. Et de sperme. Et d’argent, mille fois hélas. Ce que j’entrevois serait comme un trésor commun où resteraient disponibles, pour demain et plus tard, nos savoirs. Savoir dire, savoir écrire, savoir faire, savoir comprendre, savoir entendre, savoir partager, savoir compatir, savoir protéger, savoir aimer, savoir mourir en ultime ressort.

Vers une « cité des ophiures » ?

Je crois que nous devons donc relier nos métiers et connaissances, nos arts et nos lettres, nos si nombreuses compétences au service de la vie future, au-delà des terribles secousses qui approchent. Vous me parlerez peut-être des Amap ou des Transition Towns, de l’habitat bioclimatique et des coopératives ouvrières dans le genre des Scop, des producteurs bio et des groupes de solidarité mondiale, comme par exemple la Cimade. Et je vous répondrai : mais bien sûr ! Évidemment ! Encore heureux ! Nous ne partons pas de rien. Si nous nous lançons dans cette aventure terrestre, avec des groupes du monde entier bien entendu – à moi Maude Barlow, Vandana Shiva, Lori Wallach, Martin Khor, Agnès Bertrand, Silvia Pérez-Vitoria, Jerry Mander, Anuradha Mittal, à nous ! -, il faudra bien un substrat.

L’image qui s’impose à moi est celle d’une « cité des ophiures », ces animaux qui font penser, à l’œil en tout cas, à des étoiles de mer. Des chercheurs néo-zélandais et australiens ont découvert une colonie installée sur le pic d’un mont sous-marin. Comme elle est constituée de dizaines de milliers d’ophiures, elle est bien plus haute que le plus haut de nos dérisoires immeubles terrestres. Ces animaux vivent réellement, concrètement bras dessus bras dessous, au beau milieu d’un courant tourbillonnant qui pourrait sembler une menace mortelle. Or tout au contraire. Ce courant empêche les prédateurs de pénétrer la maison commune – le mot grec oïkos, la maison, a fini par donner, complété par logos, le mot écologie – et convoie d’importants chargements de nourriture dont les ophiures s’emparent en levant les bras. Car ils ont des bras. Comme nous.

Je reconnais que la métaphore a des limites, mais elle me plaît. Nous sommes tous des ophiures ! Voilà ce que j’aimerais entendre plus souvent, à l’avenir, dans les cortèges et manifestations où nous rechercherons des voies de sortie, des issues de secours à ce monde devenu méphitique. Dois-je encore insister ? Un réseau de réseaux, souple, pratiquement indestructible, se régénérant à mesure qu’il subirait des assauts venus du vieux monde, qui mettrait au service de chacun le colossal possible de tous. C’est ainsi, collectivement, mondialement, humainement que nous affronterions l’impensé radical qui arrive. Et que nous conserverions une chance d’y survivre, nous ou d’autres. Mais libres. Mais dignes. Mais debout. Ce que j’en dis.

Un vieux sage a failli naître (moi)

Je commence ci-dessous une série de deux articles auxquels j’attache une importance particulière. J’aimerais, dans un monde idéal qui n’existera jamais, que beaucoup de gens les lisent avec patience. Non que je les croie indiscutables ou intouchables. Au contraire, je souhaiterais qu’ils suscitent débat et controverse, ce qui m’éclairerait en retour sur leurs insuffisances, leurs erreurs, leurs limites. Quoi qu’il en soit, ils expriment bel et bien un point de vue sur l’état du monde. Le mien. Il y en a d’autres, évidemment.

 

Je vais à la fois frapper un grand coup et ruiner ce qui me reste de réputation : je ne suis pas devin. Mille excuses, j’aurais dû commencer par là ce jour d’août 2007 où j’ai commencé Planète sans visa. Je ne sais donc pas ce qui va se passer demain, ou après-demain, et pas davantage en 2017. Si vous êtes encore là après une si vilaine proclamation, c’est donc que vous êtes masochiste, et que tous mes scrupules peuvent disparaître comme le ferait un brusque éclair de magnésium. Je ne suis pas devin, mais je m’autorise à réfléchir sans autorisation. Et voici ce que je pense de l’avenir.

Il n’est plus possible, au stade où nous sommes, d’éviter le fracas et le chaos. Ce n’est pas à la portée des humains. La dislocation d’écosystèmes essentiels est déjà en cours, et vous le savez comme moi. Les océans subissent l’attaque la plus extrémiste qui se puisse concevoir. La pire depuis des millions d’années, et de loin. Hélas, nos esprits tout petits sont incapables de la considérer. Les chaînes alimentaires sont rompues, les gros poissons disparaissent, l’équilibre n’est plus. Ce n’est pas un épiphénomène, c’est un événement de nature cosmique, dont le retentissement se fera sentir, si l’homme poursuit sa route, pendant des milliers de générations. Des milliers. N’est-ce pas fou ?

Il n’y aura pas de miracle

J’ai commencé par les océans parce que je les aime d’un amour fou. Mais il y a tout le reste. Les forêts, les fleuves et rivières, ces sols agricoles massacrés, épuisés, érodés, envolés, l’empoisonnement universel par la chimie de synthèse, l’effroyable massacre des bêtes et des plantes, lui aussi inconcevable par les si petits hommes que nous sommes. Tous ces phénomènes créent sans cesse des rencontres, des boucles de rétroaction le plus souvent négatives, dont nous ne savons rien. La mort des abeilles compromet les chances d’une pollinisation efficace. Les ratés de cette dernière abaissent le niveau des récoltes au Bengale, déclenchant des émeutes et des migrations, encourageant le braconnage des derniers tigres de la région, etc. Tout est à l’avenant. Tout résonne d’un bout à l’autre du monde. Tout est entrelacé, car écosystémique. Mais nous sommes si affreusement limités dans nos perceptions, malgré et peut-être à cause de notre arrogance, que nous ne voyons rien. Et par-dessus, couvrant le tout et l’aggravant dans des proportions que nul ne connaît, ce dérèglement climatique qui modifie les règles de base de la vie sur terre.

Il n’y aura pas de miracle. Le miracle serait la négation même de la réalité. Or, jusqu’à preuve du contraire, cette dernière s’impose à nous, elle s’impose à tous. Il n’y aura pas de miracle, mais à mesure que la catastrophe s’abattra davantage sur nous, les marchands d’espoir se multiplieront. Les sectes vont prospérer. Les scientistes et « technologistes » aussi, qui nous promettront de régler la crise écologique à coups d’inventions, de trucs et d’astuces. Ce n’est qu’un début, la tragédie continue. Nous sommes rendus à la séquestration du carbone dans le sol et peut-être à des manœuvres bien plus discrètes. Certains, qui ne sont pas fous, évoquent la piste d’épandages aériens susceptibles d’agir sur le climat, connus sous le nom de chemtrails (lire ici). Une telle action, si elle a lieu, est évidemment clandestine et hors de tout contrôle social. Je n’ai aucune lumière particulière sur la question, mais je dois dire par avance que je n’en serais pas étonné. Il serait même imparablement logique que des organismes militaires – les seuls à être capables de penser stratégiquement -, tentent dans le secret quelque chose. Qui d’autre serait en mesure de le faire, alors qu’aucun consensus n’est plus possible sur quelque sujet que ce soit ?

À la vérité, ce n’est pas de cela que j’entends vous parler. Le chaos, ai-je dit. Le fracas. J’ai bien conscience de la charge anxiogène contenue dans ces mots, et si je pouvais m’abstenir, je le ferais. Mais je ne peux ni ne dois. Planète sans visa n’est pas Pif le chien, et vous méritez qu’on vous parle sans détour. La guerre de tous contre tous a déjà commencé sans que nous ne l’admettions, car notre intérêt bien compris est de ne pas y prêter attention. Ne sommes-nous pas, nous les gens du Nord, du bon côté de l’abominable manche ? S’il est une tradition maudite, en France, c’est bien l’indifférence pour ce qu’on appelle aujourd’hui le Sud. Terrae incognitae de jadis, colonies, tiers monde, Sud. L’indifférence, la même éternelle indifférence, parfois mâtinée d’une peur fugace, suivie de fureur. Que ces gens lointains soient morts dans les cales ou sous le fouet, dans les plantations des Antilles « françaises », face à la mitraille allemande, face à la mitraille française, comme le 8 mai 1945 à Sétif, qu’ils succombent à la malaria ou au sida n’a jamais eu la moindre importance.

L’héritage nazi en nous

Le Sud n’existe pas. S’il existait, il faudrait reprendre l’ouvrage de Bartolomé de Las Casas, qui tenta héroïquement de défendre les Indiens de l’Amérique qu’on osa nommer espagnole, il y a 500 ans. S’il existait, nous aurions détruit de fond en comble, depuis longtemps, les officines de cette Françafrique qui gardent depuis cinquante ans les coffres-forts et oléoducs des Bongo, Sassou-Nguesso, et depuis peu Dos Santos. S’il existait, il serait très difficile de faire comme si les miséreux du monde étaient des sous-hommes. Cela va en choquer plus d’un, mais sincèrement, l’Occident démocratique n’a-t-il pas mis en pratique une partie du programme nazi ? Certes, nous sommes bons et blancs, souvent chrétiens, souvent généreux, si souvent humanistes. Mais quoi ? Faites l’effort une courte seconde de vous mettre dans la peau d’un paysan burkinabé de 42 ans, qui ne parvient plus à nourrir ses quatre petiots. Ses petiots valent-ils ou non nos petiots ? Ou d’une veuve de la guerre interminable, en Angola, entre MPLA et UNITA, sur fond de barils de pétrole. Disons une veuve de 38 ans, seule avec trois marmots. J’écris trois pour faciliter l’identification, car je suis bon, puisque Français.

Combien d’affamés chroniques ? Plus d’un milliard. Combien d’habitants des bidonvilles ? Nettement plus d’un milliard, et ce ne sont pas forcément les mêmes. Tandis que nous continuons à prêter attention aux querelles des riches – DSK,  l’homme des transnationales et du FMI, l’étrangleur des peuples, sera-t-il le candidat de la gauche aux présidentielles de 2012 ? -, l’humanité réelle perd pied, et bientôt n’aura plus aucune patience à notre endroit. C’est alors que l’on verra se déployer chez nous, massivement, militairement, un nouvel « humanisme », de combat. Tourné contre eux, fatalement. Je dis bien : fatalement. Le temps épuisé dans le dérisoire ne saurait se rattraper. Voici venir l’heure des comptes.

Ce que nous n’avons su mettre en place à la Libération, qui aurait pu prendre la forme d’un pacte de civilisation, ne se fera pas davantage demain. Et encore moins, car en 1945, la victoire sur le fascisme mobilisait le meilleur de l’homme. La résistance contre l’immonde avait été morale. Notre monde à nous est simplement, affreusement, obstinément immoral. Un précieux mécanisme psychique nous interdit de penser le mal que nous avons propagé et continuons de soutenir. Le Rwanda, c’est pas nous. Les nécrocarburants, c’est pas nous. La disneylandisation  de tant de lieux jadis habitables, parfois sublimes, c’est pas nous. Les guerres chirurgicales – au sens de chirurgie lourde – menées dans le lointain sous divers prétextes, quand la vraie raison est de protéger notre criminelle façon de vivre, c’est pas nous. Jamais nous. Bon, la vie est douce, sur les bords de Seine.

Le retour des incendies 

Cette dénégation constante fait partie des meubles mentaux de toutes les factions françaises, de la droite extrême à la gauche radicale. Laissons de côté l’essentiel de l’éventail, et concentrons nous sur cette gauche qui prétend changer l’ordre établi. Non que j’en fasse partie, Dieu non. Mais enfin, le Parti de Gauche et le NPA – pour ne parler que d’eux – n’entendent-ils pas modifier le cours des choses ? S’en approchent-ils quand ils passent l’essentiel de leur temps en des campagnes électorales aussi creuses que stupides ? Lorsqu’ils réclament un pouvoir d’achat qui irait renforcer encore la production de biens ineptes et la machine criminelle qui les met sur le marché ?  Libre à certains de voir dans le pathétique Jean-Luc Mélenchon l’avenir de l’humanité. Libre à d’autres de ne pas comprendre que même un mouvement plus sympathique – il n’y a guère de mal – comme le NPA ne sait pas faire de la politique à la seule échelle concevable. Qui est celle des équilibres de la vie sur cette terre. Quant aux Verts et à Europe Écologie, rien ne serait trop brutal pour évoquer leur impuissance. Certains d’entre eux, parmi les plus chenus, vont répétant qu’il ne reste qu’une poignée d’années pour changer de cap. Mais tous font comme s’ils disposaient de 300 000 ans devant eux. Le monde brûle de mille incendies, mais la question reine reste : qui tiendra l’appareil, qui écrira les statuts, qui sera élu.

Je vais achever ici ce qui est la première partie de mon propos. Je coupe, car je serais sinon trop long. Et je sais que ce n’est pas très efficace. Je sais même qu’il est absurde à bien des égards de glisser ici un seul texte comme celui qui précède. Lire devient une gêne dans une journée de course et de fuite. Lire et réfléchir ensemble devient un luxe de grand seigneur. Je n’aurai pas tout perdu, donc. Et sachez que je n’accuse personne de rien. Asi son la cosas. C’est ainsi que va la vie. Je fais de mon côté ce que je crois devoir faire, et advienne que pourra. J’en étais à ce point : les choses sont d’ores et déjà allées trop loin. Qu’on l’appelle choc, crash, krach ou guerre, l’avenir est l’avenir de l’extrême tension. Si vous lisez mon prochain papier, vous saurez ce que je suggère de faire en attendant le retour des incendies.

Avant cela, je crois devoir insister : nous aurions besoin d’une flamme morale incandescente. Nous aurions besoin d’un flot d’indignation majeure. D’un sursaut comparable à celui qui mena sur le chemin de la liberté la résistance antifasciste d’il y a 70 ans. Pour commencer, pour seulement commencer. Car la crise écologique commande et commandera des vertus de bien plus longue durée. D’une intensité bien supérieure. En serons-nous capables ? L’Occident gavé d’objets, hystérique, individualiste, égoïste jusqu’à l’égotisme, vieilli, piétinant avec une stupidité rare sa propre jeunesse, cet Occident malade a-t-il ou non épuisé son souffle historique ? Y a-t-il une chance que nous parvenions à incarner ne serait-ce qu’une fraction d’un avenir commun possible ? Rendez-vous au prochain article.

Cuba, le Maroc, Ramonet, Pedro Juan Gutiérrez, Claudia Cadelo

C’est l’été, nous sommes bien d’accord. Je vais donc vous parler de livres. Et d’abord une sorte de chef d’œuvre, en son genre du moins, de l’écrivain cubain Pedro Juan Gutiérrez. J’ai eu le bonheur de lire Trilogía sucia de La Habana dans sa langue d’origine, le castillan mâtiné de cubain. Mais je vous rassure, il existe une traduction chez Albin Michel (Trilogie sale de La Havane). Mon frère Emmanuel – eh, frangin, tu es là ? – l’a lue et aimée, ce qui est bon signe.

Trilogía sucia est un furieux délire, qui raconte la vie quotidienne d’un marginal, Pedro Juan, dans cette ville de plus en plus incertaine qu’on appelle La Havane. Il est hautement probable qu’un jour proche, une vague géante emportera El Malecón, ce boulevard de tous les trafics, en bord de mer, les bagnoles américaines d’avant 1959 et les immeubles rongés par le sel et la vieillesse, qui ne tiennent que grâce à deux points de colle et trois affiches à la gloire du régime. La vie de Pedro Juan est simplement réelle. Si puissamment authentique qu’on arrête assez vite de se poser des questions sur l’extrême violence des mots et des situations. Le monde du narrateur est celui des bas-fonds, des appartements collectifs sans eau, des frigos sans électricité, des putains, des vérolés, des détrousseurs, des flics, des malades mentaux et des assassins. Ici, on baise. Vivement. Sur un palier, sur un balcon branlant, sous le nez du voisin. Pas le choix. Et la merde, la vraie merde est omniprésente.

Je ne sais si cela vous fera envie ou non, mais moi, j’ai adoré. Un morceau tiré au hasard, je le jure : « Anoche, en medio de la música, las borracheras y la algarabía habitual de cada sábado, Carmencita le cortó la pinga a su marido. No sé comó fue porque intento mantenerme al margen de esta gente. En realidad estoy aterrado, pero ellos no deben percibirlo. Si olfeatan que me molestan y que me dan miedo, estoy perdido ». Bon, allons-y, ce n’est pas triste. La voisine, Carmencita, a coupé la bite de son mari au milieu de la musique, des saouleries et des vociférations de chaque samedi soir. Et Pedro a les jetons, ce qu’on comprend. Il se dit que si ces deux-là – la coupeuse, le coupé – sentent sa trouille, il est foutu. Au fait, pourquoi Carmencita a-t-elle saisi un couteau ? Drame de la jalousie. Elle crie à son Nègre de mari, tenant à la main gauche le bout de son pénis : « Ahora vas a seguir singando por ahí a todas las que te gustan, hijoputa ». Ce n’est pas bien, mais on comprend : « Maintenant, va donc niquer toutes celles qui te plaisent, fils de pute ».

Certes, nous sommes loin de l’imagerie pieuse, fût-elle guévariste et avant-gardiste. Ce qui est normal, puisque la propagande n’a pas encore réussi à tuer les formes de vie stupéfiantes que cinquante années de castrisme n’ont cessé de faire proliférer. Cuba ressemble-t-elle à Pedro Juan ou davantage à Fidel Castro en survêtement ? Voyez jusqu’où je pousse ma tolérance : vous choisissez ce que vous voulez. Autre trouvaille cubaine, le blog de Claudia Cadelo, une jeune femme qui habite La Havane. Il existe, si vous avez le goût, une traduction en français (lire ici). Claudia joue constamment avec la censure d’État, car un coup de fil du moindre flic peut tout arrêter. À Cuba, il n’est évidemment pas question de disposer d’Internet chez soi, sauf si l’on est un bureaucrate du parti au pouvoir. Claudia envoie donc ses post depuis un hôtel à touristes. Cela tiendra autant que cela tiendra.

En tout cas, tiene cojones, comme disent les personnages de Pedro Juan. Elle en a, pardonnez-moi. Le 28 juin 2010, elle note : « Un des derniers changements apportés par notre président désigné a été la modification de la loi sur l’âge de la retraite: une nuit – sans cris, sans joie, sans protester et sans syndicats furieux demandant des explications – Les Cubains ont été avertis que notre droit à la retraite serait porté de l’âge de 60 à 65 ans pour les hommes, et de l’âge de 55 à 60 ans pour les femmes. Alors, sans plus tarder, les “masses de travailleurs” du paradis socialiste ont été forcés à avaler cette pilule amère de l’état abusif et de prolonger leur vie active de cinq ans ».

Dans le même temps, exactement le même, la télé d’État cubaine diffusait des images de nos manifs contre la réforme Sarkozy au sujet des retraites. J’adore. C’est de l’humour. Fume, c’est du cubain. Comme je suis moi-même un vaurien, au lieu que d’évoquer de bons ouvrages autobronzants, je me sens une fois de plus contraint de mordre mon prochain. Et le premier à portée de crocs s’appelle Ignacio Ramonet. Je sais qu’il est une (petite) icône de la gauche altermondialiste, et donc d’une partie des lecteurs de Planète sans visa. Je n’en dirais pas autant de moi. Mais d’abord, rappelons que Ramonet a été le directeur du Monde Diplomatique de 1990 à 2008, soit pendant la si courte période de 18 ans. Et qu’il est l’un des indiscutables fondateurs du mouvement Attac.

Comme il est né en 1943, il a nécessairement eu une autre vie avant cela, ce qui ne manque pas d’un certain intérêt. Né au Maroc, où il a vécu jusqu’en 1972, il semble très fort qu’il n’ait pas eu une conscience précoce de la nature exacte du régime chérifien. On lui prête en effet des liens amicaux avec Hassan II, mais reconnaissons que cela n’est pas prouvé. Il est certain, en revanche, que Ramonet a enseigné dans le saint des saints de la nomenklatura marocaine, c’est-à-dire le Collège du Palais royal de Rabat. Il est difficile d’imaginer lieu plus select et fermé, car c’est là qu’étaient formées les élites du pays. Et c’est là, d’ailleurs, que Ramonet enseigna au fils du roi Hassan II, le futur Mohammed VI. Ce dernier point est également une information, pas une supposition. Une partie de l’entourage proche de Mohammed VI est au reste passé par le Collège royal de Rabat. Avouons une certaine perplexité.

Le Collège royal de Rabat, pour d’évidentes questions de sécurité, est alors l’un des lieux les mieux protégés de ce royaume policier. Et ceux auxquels le régime donne le droit d’y enseigner doivent évidemment être irréprochables sur le plan politique. Lorsque Ramonet y passe quelques années, le plus distrait des observateurs sait ce que dissimule la Cour. En octobre 1965, Hassan a fait enlever, torturer et assassiner en plein Paris l’opposant de gauche Medhi Ben Barka. Le monde dit libre frissonne de peur, car il craint la révolution. Ben Barka préparait activement une réunion internationale qui devait avoir lieu à La Havane, chez Castro, pour lancer un mouvement appelé Tricontinentale. Ce qu’on n’appelait pas encore le Sud défiait ouvertement l’Amérique impériale, et les régimes corrompus qui lui étaient inféodés. J’espère que je ne vexerai pas Ramonet en écrivant que le Maroc en faisait partie.

Je l’espère d’autant plus que j’enfonce une porte ouverte. Le Maroc, au temps où Ramonet servait le roi, était un pays-clé dans la lutte contre la « subversion », un pays où la CIA faisait la pluie et le beau temps. Un pays où l’on tuait les militants de gauche et les syndicalistes. Et bien sûr, Ramonet ne pouvait l’ignorer. Plus tard, en 1990, dans son livre sinistre et sans appel (Notre ami le roi, Gallimard), Gilles Perrault devait rassembler l’essentiel. J’extrais de son livre ce résumé : « Roi du Maroc, Hassan II symbolise pour nombre d’Occidentaux le modernisme et le dialogue en terre d’islam. Mais ces apparences avenantes dissimulent le jardin secret du monarque, l’ombre des complots et des prisonniers, des tortures et des disparus, de la misère. Il règne, maître de tous et de chacun, brisant par la répression, pourrissant par la corruption, truquant par la fraude, courbant par la peur ». Et Perrault d’ajouter quelques mots pesés sur les morts-vivants du bagne de Tazmamart et le sort inhumain fait aux enfants du général Oufkir, coupables de leur père.

Eh bien, Ramonet n’aura donc rien vu de tel, et en choisissant de servir notre ami le roi, il n’aura jamais fait que son si noble travail de pédagogue. Oui, je me moque, ouvertement. Ramonet n’a jamais eu la moindre légitimité pour représenter un quelconque mouvement vivant de critique du monde. Les postes qu’il a obtenus, jusques et y compris au Monde Diplomatique, c’est par la grâce de relations de travail, au sein de bureaux où l’entregent joue toujours davantage que l’engagement réel sur le terrain, avec tous les risques que cela comporte. Je n’insulte pas, je crois. Je constate.

En 2002, il s’est passé à La Havane – tous les chemins semblent décidément mener à cette ville, comme c’est étrange ! – un événement suffocant. Nous sommes en février, et le déjà si vieux Castro s’apprête à inaugurer la onzième foire internationale du livre, dont la France est l’invitée d’honneur. Le caudillo souhaite rencontrer Ignacio Ramonet, qui revient du sommet altermondialiste de Porto Alegre. Ramonet se prépare à une conférence sur son dernier livre, Propagandes silencieuses, devant 400 personnes. Pas si mal, pour un livre dont personne en France, huit années plus tard, ne se souvient plus depuis longtemps. 400 personnes, dans cette ville où manger  – quand on est pauvre comme l’est le peuple – est un problème quotidien, ce n’est pas mal du tout.

Mais je vois que vous ne connaissez pas Castro. Le patriarche en son hiver tonne, éructe, commande qu’on prépare pour Ramonet le théâtre Karl-Marx de La Havane, qui peut lui contenir…5 000 personnes. Trois jours après de fiévreux préparatifs, Ramonet parle devant une foule ameutée par les services du régime. Qui est assez sot pour croire que 5 000 personnes se déplaceraient volontairement pour écouter ce qu’ils entendent chaque jour depuis des décennies ? Pas Ramonet, tout de même ! Les spectateurs n’ont pas tout perdu. Le directeur du Diplo délivre un long exposé sur la soumission de la presse américaine au pouvoir de l’argent (lire ici). C’est frais, cela tombe à pic dans un pays où l’on fusille – en 2003 – des gosses de vingt ans qui ont osé détourner un bateau sans tuer personne, eux.

Ce n’est pas terminé. Les 5 000 spectateurs forcés ont la surprise de trouver sur leur siège une édition cubaine du livre de Ramonet. J’avoue ignorer s’il existait un texte espagnol. Peut-être aura-t-il fallu traduire en deux jours les 170 pages, en mobilisant par exemple 500 traducteurs héroïques de La Havane. Qui sait ? Ce qui est sûr, c’est que le quotidien du parti communiste cubain, Granma, n’est pas sorti le jour de la splendide conférence de Ramonet, car ses rotatives avaient été mobilisées par El Jefe Castro, de manière à pouvoir imprimer le grand ouvrage du grand maître de l’altermondialisme. Stop ? Stop. Un autre monde est possible. Mais à bien y réfléchir, j’aimerais moi qu’un autre monde que cet autre monde-là soit possible. C’est jouable, vous croyez ?

La révolte des chapeaux de paille

Je continue à penser à Haïti. J’y pensais avant le tremblement de terre qui a tué 250 000 personnes et chassé de chez eux 1,3 million de personnes au moins ( lire ici). J’y pense encore, tentant de superposer ce que j’ai vu par là-bas il y a trente ans, et ce qui peut bien rester en place. Dans un temps lointain, j’ai vécu dans une ville ravagée par un séisme comparable, sept ans avant que je ne m’y installe. Rien n’avait été rebâti sérieusement. Je marchais dans des ruines entassées proprement au ras des trottoirs. Oui, il y avait des trottoirs, traversant cette ville fantôme surchargée de gravats et de plantes tropicales. Mon Dieu ! c’était étrange.

Un jour, passant non loin d’un des rarissimes bâtiments anciens encore sur pied, j’ai entendu des cris d’enfants et des rires puissants qui m’ont transpercé. On eût dit une nouvelle fantastique de Gabriel José de la Concordia García Márquez, avant que sa sénilité ne le transforme en valet au petit pied du dictateur cubain. Des cris d’enfants, au milieu des ruines et de la fin du monde. Il y avait là une façade intacte, dont les ouvertures ouvraient sur le ciel et sur le vide. Rien qu’une façade de pierre,  roide, impeccable, sans la moindre profondeur de champ. J’ai passé ce qui avait été la porte, et je n’en ai pas cru mes yeux. Dedans, au dedans de cette maison jadis opulente, demeurait une piscine de belle taille, où les riches du pays, probablement des fils de pute amis du caudillo local, devaient jadis s’ébrouer, un drink à la main.

Mais les riches étaient depuis longtemps réfugiés à Miami, et la piscine puait l’eau croupie des tropiques. Elle était pleine d’eau, d’une eau verte et fétide, d’une eau morte et gluante, d’une eau d’émeraude maladive. Mais pleine de gosses, également, qui n’avaient jamais entendu parler de tétanos, de poliomyélite, de bactéries tueuses. Ils étaient une quarantaine, nageant, sautant depuis des plongeoirs rouillés, s’aspergeant, se hurlant dessus, riant jusqu’à tomber à la renverse. J’ai aimé ce pays et ses habitants, Dieu m’en est le témoin. Et si Lui ne s’en souvient pas, moi si.

Haïti est un autre pays, car dans celui que j’évoquais, on parlait une langue castillane que je trouvais étouffée, retenue, aspirée. Je me souviens qu’un chauffeur de taxi – mais a-t-on le droit de parler de chauffeur, et de taxi pour désigner ce qu’était ce transport-là à ce moment-là ? – m’avait demandé, un de mes premiers jours sur place après certains événements majeurs, si je n’étais pas Chilien. Et je n’étais pas Chilien, non, bien que j’eusse alors aimé en être un. Haïti. J’ai pensé, je pense à une manifestation inouïe du Mouvman Peyizan Papay (MPP), qui s’est déroulée ces derniers jours dans la petite ville de Hinche.

Ces hommes et femmes parmi les plus pauvres de la planète ont envoyé au diable un « don » de 475 tonnes de semences hybrides « offertes » par Monsanto. Ils disent qu’il s’agit de semences OGM, destinées en fait à conquérir le marché haïtien, car il n’y a pas de petit profit pour un immense salopard comme Monsanto. Lequel salopard nie, et parle de calomnie. Je vous le dis, je vous assure que je m’en fous royalement. Car je pense à cette foule de milliers de paysans à chapeau de paille et chemise rouge qui ont osé dire merde à l’Empire et à tous ses séides. Voulez-vous savoir ? Je les admire du plus profond de mon âme.

Borloo dans le rôle du fieffé (voir définition)

Borloo est malin. On ne lui retirera pas cela. Ce ministre de l’Écologie, ancien et toujours grand pote de Nanar Tapie, sait comment profiter des écrans de fumée. L’affaire Bettencourt-Woerth occupant tous les esprits et tous les regards, monsieur se glisse entre deux paravents, masqué, et frappe. Un grand coup, je dois dire. La suite n’est pas de moi, et se décompose en deux parties.

Un, le journal Le Monde écrit ceci en octobre 2007, quand la farce du Grenelle de l’Environnement permet à Borloo de faire le beau : « Première déclaration du ministre de l’écologie lors de l’ouverture des deux journées du Grenelle de l’environnement, mercredi. Le premier ministre, François Fillon, et le ministre de l’écologie, Jean-Louis Borloo, ont ouvert, mercredi 24 octobre, la table-ronde finale du Grenelle de l’environnement, qui doit durer deux jours. A l’ouverture des débats, M. Borloo a annoncé au journal Le Monde la décision d’arrêter la construction d’autoroutes (sauf les contournements de villes) et le lancement d’un programme d’isolation de l’habitat financé à hauteur de 20 milliards d’euros par l’Etat ».

Deux, et cela date de ce 1er juillet 2010, communiqué des associations Agir pour l’environnement et Réseau Action Climat. Vous trouverez sans moi le commentaire adéquat. Ah ! ce qui suit est un copié-collé, et cela vaut le coup, croyez-moi.

Jean-Louis Borloo ministre des autoroutes ?

Paris, le 1er juillet 2010 – Coup sur coup, le ministre de l’Ecologie a annoncé la construction de trois nouvelles autoroutes en France : l’A9bis à Montpellier, la future autoroute entre Castres et Toulouse et la mise en concession de la RN154 entre Orléans et Dreux (Décision parue au JO du 1er juillet 2010). Pour les associations, cette triple décision est le signal d’une relance autoroutière qui ne dit pas son nom.

S’il fallait une preuve supplémentaire de la mort clinique du Grenelle de l’environnement, cette triple décision ministérielle permettrait d’étayer les doutes des acteurs associatifs les plus critiques.

Alors que la loi Grenelle 1 impose à l’Etat de publier, avant la fin 2009 (!), un Schéma national des infrastructures de transport dans lequel tous les projets autoroutiers doivent être évalués à l’aune de critères écologiques, énergétiques et climatiques, le ministère de l’Ecologie se presse d’autoriser de nombreux projets grenello-incompatibles afin d’éviter toute évaluation rigoureuse.

Pour les associations, cet écoulement de bitume aux quatre coins du territoire est un véritable bras d’honneur à toutes celles et ceux qui ont pu croire au Grenelle de l’environnement. Entre le discours du ministre de l’écologie et l’application concrète du ministre des autoroutes, la rupture est désormais largement consommée.

L’incohérence entre le dire et le faire est telle qu’il y a lieu de s’interroger non seulement sur cette soit disant révolution écologique née du Grenelle de l’environnement qui proroge un modèle de développement et un système de transports énergivores mais également sur l’honnêteté d’un processus de concertation présenté comme exemplaire.