Archives mensuelles : janvier 2013

Brigitte Bardot et la chasse au loup (il vaut mieux être éléphant)

Bon, juste un mot sur Brigitte Bardot. Vous savez sans doute qu’elle a menacé de réclamer elle aussi, après Depardieu, un passeport russe (ici). Ce n’est pas fait, respirons encore un peu. Elle ne se lancera dans cette opération désespérée que si l’affreux pouvoir socialiste ne sauve pas deux éléphantes atteintes de la tuberculose, qui sont menacée d’euthanasie à Lyon. Je serais à la place de BB, je commencerais à rétropédaler gentiment, car les nouvelles qui nous viennent de Russie ne sont pas folichonnes.

Le président de la République de Sakha – autre nom de la Yakoutie – Yegor Borisov, vient de prendre un décret autorisant une chasse à mort contre les loups de cette région de Sibérie, plus vaste que l’Inde entière (ici). En trois mois, les chasseurs locaux sont priés de buter 3000 des 3500 loups de cette immensité. Ces monstres mangeraient – on s’accroche à la table – des rennes, ce qui déplairait aux autorités. Peut-être au Père Noël, qui sait ? Question horrifiée à Brigitte Bardot : va-t-elle demander un passeport ouzbek ?

Respirer est mauvais pour la santé

Le papier ci-dessous a paru dans Charlie-Hebdo le 16 janvier 2013

Les experts lancent un énième appel et reconnaissent que l’air des villes est pourri. À cause de la bagnole, qui flingue à tout va les poumons. Il faudrait faire, mais on ne fera rien. L’air tue, mais rapporte.

Ami lecteur, si tu as envie d’abréger les souffrances de ta vie, respire, un bon coup si possible. Ainsi quitteras-tu plus vite cette triste vallée de larmes, comme le garantit (1) le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH). Précisons que le BEH, publié par l’Institut national de veille sanitaire, fait autorité. Or dans son premier numéro de janvier 2013, le bulletin balance, après bien d’autres il est vrai, quelques énormités.

L’air des villes est pourri. À Paris, par exemple, 9 habitants sur 10 sont (potentiellement) exposés à des niveaux de pollution hors-la-loi. Car faut pas croire, toi qui craches tes poumons : il existe une réglementation. Elle est merdique, elle est laxiste, elle a vingt ans de retard sur les connaissances scientifiques, mais elle existe. Sauf qu’elle n’est pas respectée. Reprenons : 9 Parisiens sur 10, entre 1 à 3 millions de Franciliens se chopent notamment trois polluants gratinés : le dioxyde d’azote ou NO2, les particules de diamètre inférieur à 10 ?m (PM 10) et les particules fines de diamètre inférieur à 2,5 ?m (PM 2,5). C’est technique en diable, mais ça tue aussi bien, quoique plus lentement, qu’un coup de flingue entre les oreilles.

À Bucarest, raconte le BEH, un gars de 30 gagnerait deux ans de vie si les normes de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) étaient respectées. Et six mois à Paris. Si tu as le bonheur d’habiter près du périph’, ou de la RN2 à Pantin, ou de l’A1 à Saint-Denis, laisse tomber, t’es mort. Tu n’auras pas manqué de noter, avant d’y passer, que ces charmants habitats sont tous situés chez les prolos. Eh oui, il vaut mieux habiter Neuilly que Saint-Denis. Le BEH consacre un bel article au « différentiel d’exposition à la pollution atmosphérique ». En résumé, vos gueules, les pauvres.

Le plus drôle, c’est encore les particules fines (PM 2,5). Comme elles ne sont pas plus grandes que les bactéries, elles rentrent profond dans les alvéoles du poumon, et le reste. La France s’est dotée fièrement d’un « objectif de qualité » de 10 µg par m3, soit dix millionième de gramme par mètre cube. Pas bézef, mais pas tenable : la totalité des 11,7 millions de Franciliens s’en prend bien davantage dans les narines. Genre trois fois plus.

Mais mon Dieu ! que faire ? On sait. À Hong Kong, dit encore le BEH, la teneur en soufre des carburants a été abaissée à 0,5 % du poids au maximum en 1990. Dès la première année, baisse de 2,1 % des morts, et même de 3,9 % pour la mortalité respiratoire. Seulement, il faudrait se remuer, et s’attaquer en priorité au responsable principal du désastre, c’est-à-dire la bagnole. Dans son édito du BEH, Michal Krzyzanowski, tel un Ravachol ramollo lançant sa bombe, écrit : « L’accumulation de preuves sur les effets de cette pollution sur la santé invite à des approches politiques plus radicales et globales ».

Peut-on faire confiance à Ayrault-Hollande pour s’y mettre ?  Ben, pas sûr. Les chiffres de Peugeot viennent de sortir, et bien que très bons pour la santé humaine, ils sont effroyables pour l’économie. Notre bel industriel a en effet connu un recul de 19,6 % de ses ventes en 2012. Combien d’asthmes et de cancers évités ? Beaucoup, car Peugeot est le premier fabricant de moteurs diesel dans le monde, et l’OMS a classé en juin les émissions de diesel dans la noble catégorie des « cancérogènes pour l’Homme ».

Finissons sur une note optimiste : il y a bien pire. Une étude parue dans The Lancet (2) étudie 67 facteurs de risque dans l’apparition des maladies au plan mondial. En Asie, la pollution de l’air, essentiellement due aux bagnoles, a tué 2,1 millions de personnes en 2010. Surtout en Chine. Et ça s’aggrave. La mortalité planétaire serait passée de 800 000 en 2 000 à 3,2 millions en 2010. La mort par respiration d’un air craspouille est devenue la dixième cause de mortalité dans le monde.

Finissons sur une deuxième note optimiste : les Chinois débarquent. La bagnole Qoros, du constructeur chinois Chery, sera au salon de Genève en mars, et chez nous un peu plus tard.

(1) BEH-n-1-2-2013
(2) A comparative risk assessment of burden of disease and injury(…) The Lancet, 15 Décembre 2012

Ajout important du 23 janvier 2013 : Un commentaire avisé, celui de Michel G, critique ce papier et me demande de le corriger. Je ne vais pas barguigner, et je lui donne raison. Dont acte, comme on dit. J’ai fait dire à l’étude du Lancet ce qu’elle ne disait pas.

Mais je vous dois, amis lecteurs, une explication, qui n’exonère en rien ma responsabilité. Un journaliste, aussi consciencieux qu’il soit, et je prétends l’être, s’appuie nécessairement sur la lecture d’autres que lui. C’est un fait, et il ne sera pas démenti de sitôt. Pour ce qui me concerne, j’ai fait confiance, à tort, à un journaliste spécialisé, qui avait écrit textuellement ceci : « Une étude publiée par la revue scientifique The Lancet (…)  montre que la pollution liée à la circulation automobile est à l’origine de 2,1 millions de morts prématurées en Asie en 2010. Selon les chercheurs, la pollution atmosphérique due à l’explosion de l’utilisation de la voiture dans les villes asiatiques est désormais l’une des causes de mortalité en expansion, dans le monde, avec l’obésité ».

Je ne vais certes pas dénoncer ce confrère, mais il faut me croire, la source est sérieuse. Je suis allé regarder l’article du Lancet, et je suis obligé de reconnaître que je ne l’ai que parcouru, très rapidement. Je n’y cherchais que simple confirmation, et partant, je l’ai obtenue. J’ajoute que d’autres sources, sérieuses elles aussi, pointent l’écrasante responsabilité de la pollution automobile dans la pollution de l’air urbain en général.

Ceci posé, trois choses. Un, j’ai eu tort, et cela m’amènera à être plus vigilant que je ne suis. Je remercie donc Michel G, et c’est sincère.

 Deux, cette faute décrit l’un des points aveugles de la profession de journaliste. On y délègue constamment sa confiance. C’est en partie inévitable.

Trois, je ne peux retoucher un article déjà publié, et je suis donc contraint de laisser ce texte comme il est. Mais que ces mots apparaissent pour ce qu’ils sont. Je vous prie de m’excuser.

Contre le puçage des moutons (une initiative de PMO)

Vous trouverez ci-dessous un communiqué du groupe grenoblois Pièces et main-d’œuvre (PMO), qui poursuit sa saine critique du « progrès » et de la technique (ici). Bien entendu, je m’associe à ce texte.

Entretien avec Etienne Mabille, éleveur réfractaire au puçage de ses moutons

 Paysans dans la Drôme, Etienne et Irène Mabille ont perdu 8000 € de primes PAC (Politique agricole commune), pour refus de pucer leurs moutons. Menacés d’amendes et de pénalités supplémentaires, ils en appellent au tribunal administratif de Grenoble qui jugera dans quelques mois. Alors que d’autres éleveurs risquent des sanctions similaires pour le même motif, le Collectif 26 organise une transhumance contre le puçage électronique dans la Drôme, du 28 janvier au 1er février 2013 (voir www.piecesetmaindoeuvre.com/…). C’est à cette occasion que nous avons eu cet entretien avec Etienne Mabille.

Nous ne sommes pas éleveurs. Nous ne défendons pas d’intérêts personnels en soutenant les Mabille et la transhumance contre le puçage électronique. Nous défendons tous les éleveurs et tous les individus, citadins ou ruraux, qu’emprisonne déjà le filet numérique (bibliothécaires, enseignants, usagers des transports en commun, bientôt tous les foyers, équipés de compteurs électriques pucés Linky, etc). On sait que la Drôme bio (moutons, miel et lavande) coexiste heureusement avec la Drôme nucléaire (Pierrelatte et le Tricastin), pourvu que les centrales restent hors de vue, en bas, dans la vallée du Rhône. C’est ce qu’on nomme le syndrome NIMBY (Not in my backyard / Pas dans mon jardin). S’agissant du puçage RFID, nous ne cédons pas, quant à nous, au syndrome NOMCAT (Not on my cattle / Pas sur mon troupeau). Nous marcherons aussi pour les hommes.

Faire un bout de chemin avec Etienne n’implique pas que nous soyons d’accord sur tout. Ainsi, nous ne pensons pas que l’accélération technologique fragilise le système. Tant que cette accélération ne rentre pas dans le mur des limites physiques de la Terre, elle le renforce au contraire.

Quant au Progrès, ce progrès qui sert de bâton à la technocratie pour nous ramener à ses raisons, nous en avons la même opinion qu’André Breton : « Il reste entendu que tout progrès scientifique accompli dans le cadre d’une structure sociale défectueuse ne fait que travailler contre l’homme, que contribuer à aggraver sa condition. » (Le Figaro Littéraire, 12 octobre 1946) C’est, évidemment, qu’il ne faut pas confondre progrès (de la condition humaine) et croissance (du Produit intérieur brut).

De tout cela, nous parlerons entre marcheurs durant la transhumance, le soir après la projection du film Mouton 2.0 – La puce à l’oreille organisée à chaque étape :
- lundi 28/01 à 20h30 : mairie de Mornans ;
- mardi 29/01 à 20h30 : salle Coloriage à Crest
- mercredi 30/01 à 20h30 : salle des Fêtes de Montmeyran
- jeudi 31/01 à 20h30 : cinéma le Navire à Valence
- vendredi 1/02 : manifestation dès 9h à Valence.

(Pour lire l’entretien, cliquer sur l’icône ci-dessous.)


Entretien avec Etienne Mabille
Version prête à circuler
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Le Mali, pays imaginaire dessiné en 1883 (une guerre impossible)

Avez-vous déjà regardé de près une carte du Mali ? Moi, oui. Voici ce que cela donne : il apparaît clairement que ce pays-là n’a jamais existé. Ce n’est qu’un rêve funeste d’une soldatesque française en mal de gloire, à une époque où le drapeau faisait encore bander. Qu’on me passe le mot, car il exprime parfaitement ce que je veux dire. Du reste, ça continue. La guerre fait bander. En ce moment, il n’est que de voir les journalistes à la télé, ou les entendre à la radio : c’est à se les mordre. Oui, d’accord, il faut que j’arrête d’écrire comme un machiste de plus, qui prendrait sa bite pour une boussole. C’est entendu. Revenons plutôt à cette carte.

Carte Mali

D’où provient ce tracé invraisemblable des frontières, ces droites brutalement brisées, ces équerres, ces figures géométriques ? Vous le savez comme moi : de la colonisation. Quand nos culottes de peau s’emparaient de l’Afrique, au XIXe siècle, ils se comportaient de la manière qui convenait : en soudards. Ils se moquaient totalement des peuples et de leurs habitats, et ne parlons pas, soyons sérieux, des plantes et des bêtes. Non, ce qui importait, c’était la conquête, le clairon, les charges contre ces pauvres nègres arriérés.

Plusieurs royaumes stables, évidemment civilisés, au moins autant que nous – pas de mal -, se sont succédé sur le territoire actuel du Mali. Pour ne prendre que celui de Ségou, du nom d’une ville sur le fleuve Niger, signalons ce qui s’est passé après 1712. Le roi Mamari Coulibalyy avait créé dans ce pays bambara une structure de pouvoir laissant une place égale aux animistes et aux musulmans. Ce n’est pas chez nous qu’on aurait vu pareille chienlit. Chez nous, depuis la nuit de la Saint-Barthélémy, on avait un tout autre savoir-faire. Bref.

Pour l’Histoire, sachez que Gustave Borgnis-Desbordes, alors lieutenant-colonel, a conquis en notre nom, en 1883, ce qu’on appela en 1891 le Soudan français, intégré en 1895 à l’Afrique occidentale française (AOF). Ces gens-là découpaient les territoires colonisés avec de grandes règles, dans le but essentiel de délimiter la proie face aux appétits anglais, éventuellement allemands. C’est la raison pour laquelle on a taillé ainsi ce pseudo-pays, en y incluant des Touareg, dont le seul horizon est le Nord désertique, étalé sur la Libye, l’Algérie, le Burkina, le Mali, le Niger. Qu’ont-ils à voir avec Bamako-la-noire, à 1200 kilomètres par exemple de Kidal, par des routes qu’on imagine ? Rien.

L’implantation des islamistes au nord-Mali n’a pu se produire que parce que les Touareg sont dans une perpétuelle révolte contre un pouvoir imposé par la facétieuse armée française. Mais à quoi bon se demander ce qui se serait passé si ? Outre que c’est stérile, personne n’en sait rien, définitivement rien. Si la France n’avait pas été colonisatrice, si les « élites » africaines n’avaient pas été corrompues par notre présence, si elles ne trahissaient pas constamment leurs peuples, si la Françafrique n’avait pas poursuivi cette désastreuse entreprise, si la paysannerie n’était à ce point méprisée, si l’agroécologie devenait enfin l’avenir commun, si Bamako n’avait pas un rythme de croissance délirant, si la nature était protégée au lieu d’être détruite, si les derniers éléphants du Mali, autour de Gourma, gardaient la moindre chance, si le pays pouvait être redécoupé sans drame, si l’on pouvait foutre la paix aux Touareg, etc.

Si, ce serait mieux. Mais la situation actuelle est pourrie jusqu’à la racine, et bien qu’il me serait plus confortable de me taire sur le sujet, j’ai quand même envie de dire un mot des événements en cours. Il est des circonstances insupportables. Par exemple, 1939. Il fallut, car il le fallait bien, souscrire à une alliance avec le monstre stalinien pour défaire l’infernal fascisme. Deux dictatures totalitaires. Fallait-il ? Fallait-il abandonner la Tchécoslovaquie une seconde fois ? Je rappelle que nous avions vendu ce pays-frère à Hitler en 1938 et que nous l’avons donné en 1945 à Staline. Fallait-il sacrifier la Pologne, les pays baltes, la Roumanie, la Hongrie, et les autres ? Pour nous, c’est bien facile, puisque nous avons finalement eu le beurre et l’argent du beurre. Mais pour eux, qui entraient dans le noir après l’entrée chez eux de l’Armée rouge ?

Si je rappelle ces faits, c’est que la lutte contre le fascisme a obligé à des choix atroces. En France même, les rares gauchistes du temps ont rejeté, pour la plupart, toute stratégie d’unité avec ce qu’ils appelaient la bourgeoisie. Certains, qui rêvaient d’un remake de la fin de la Première Guerre mondiale, refusaient qu’on tire sur des soldats allemands qui à leurs yeux, sous l’uniforme, restaient des travailleurs. Je n’insiste pas plus. Ce que je souhaite dire, c’est que nous sommes parfois contraints à soutenir ceux que l’on déteste pour vaincre ceux que l’on hait. J’appellerai cela, faute de mieux, une loi historique.

Sommes-nous, au Mali, dans ce cas ? Je ne sais, en toute sincérité. La France de Hollande, qui est la même que celle de Sarkozy, n’a pas une chance de vraiment gagner. Dans le meilleur des cas, elle se montrera capable de mettre une trempe aux groupes islamistes. Lesquels ont de l’avenir, car ils apportent une réponse fantasmatique à une crise humaine définitive, définitive en ce qu’elle empêche de bâtir un avenir possible et désirable. Cette crise humaine est évidemment la crise écologique, qui marque des limites infranchissables, mais du même coup insupportables au « développement » des sociétés humaines. Or donc, les islamistes continueront d’incarner une voie, aussi folle qu’elle soit en vérité.

Aussi folle que l’aventure hitlérienne ? Comparer les deux a quelque chose de ridicule, et nous n’avons pas besoin d’ajouter cela aux plumes de nos chapeaux. Néanmoins, je crois que l’islamisme est un totalitarisme, et qu’une société embarquée par lui ne connaît ni marche arrière ni ticket de retour. Les jihadistes sont des barbares politiques, et les vaincre supposera des alliances provisoires avec des forces exécrées. À ce stade, que veux-je dire ? Qu’il faut soutenir l’intervention militaire française au Mali ? Je ne sais pas. Je ne sais pas. Ce n’est pas du jésuitisme : je ne sais pas. Je sais en tout cas que Bamako tombée, le sort de dizaines de millions d’Africains basculait. Rien n’interdit de réfléchir, sans haine et sans peur.

Paul Watson fout la zone à l’Élysée

Cet article a paru le 9 janvier 2013 dans Charlie-Hebdo

Le pirate Paul Watson ne se contente plus d’éperonner en haute mer les navires baleiniers. Pourchassé par les flics du monde entier, il veut maintenant obtenir l’asile politique en France. Pour Hollande, c’est la merde.

Hollande cherche les emmerdes, c’est pas possible autrement. La scène se passe dans le bureau du président il y a quelques semaines, comme le raconte à Charlie un participant. On fait semblant de parler de la planète entre deux bâillements, en compagnie des écolos de service. Soudain, Hulot s’enflamme à propos de Paul Watson, magnifique défenseur des baleines. Hulot considère que le sort fait à Watson est dégueulasse – il a raison -, et essaie de secouer Hollande. Le président, les yeux écarquillés : « Mais qui est ce Watson ? ». Delphine Batho, présente à la réunion en tant que ministre de l’Écologie, se penche alors vers notre grand homme et lui glisse : « Je vous expliquerai, monsieur le président ». Elle a intérêt à se magner, car Watson a décidé d’obtenir l’asile en France.

Mais reprenons dans l’ordre. Watson est un Canadien de 62 ans, fondateur en 1977 de l’association Sea Shepherd, ou berger des mers si on préfère causer français. Ce type en a simplement eu marre des blablas, y compris ceux de Greenpeace, d’où il a été viré. Pour lui et sa bande, sauver les baleines, les requins, les phoques et tous les poissons de sous les mers passe par l’affrontement avec les salopards qui pêchent illégalement. Ce qui fait du monde. Comme on peut pas raconter tous les éperonnages, abordages et sabotages, contentons-nous de l’exemple du Sierra, qui est le premier de l’épopée.

Début 1979, Watson parcourt les océans à bord d’un bateau qu’il a acheté, traquant un navire baleinier qui fait des ravages, le Sierra. Après bien des aventures (2), il coince le Sierra devant Porto, et l’éperonne à deux reprises, toutes machines chauffées à blanc. Esquinté, le Sierra parvient à grand peine à atteindre le port. Les flics portugais saisissent le bateau de Watson, et un juge le refile en dédommagement aux types du Sierra. Et c’est ainsi que Watson est grand : avec un copain rappelé d’Écosse, il monte clandestinement à bord de son propre navire, et décide de le couler plutôt que de le savoir à la poursuite des baleines. End of story.

Ou plutôt, début de 35 ans de poursuites homériques, au cours desquelles Watson et ses potes courent des risques on ne peut plus réels, car il arrive qu’on leur tire dessus. Ou qu’on les blesse en plein Antarctique à coup de lances à eau et de tiges de bambou. Le 13 mai 2012, Watson est arrêté en Allemagne, à la suite d’une plainte du Costa Rica pour des affrontements datant de 2002. Libéré sous caution, il finit par se planquer, car il redoute qu’une extradition vers le Costa Rica ne le conduise en fait dans les prisons japonaises, où l’on veut sa peau.

Où est-il en ce début d’année 2013 ? À bord du Steve Irwin, un bateau de Sea Shepherd, au milieu de l’océan Antarctique. Watson attend l’arrivée d’une flottille partie dans le plus grand secret des ports japonais pour aller buter des centaines de baleines. Rappelons que ces artificieux Nippons prétendent respecter le moratoire de 1986, qui interdit la pêche commerciale à la baleine. S’ils tuent par centaines chaque année des rorquals, c’est « à des fins scientifiques », faut pas confondre.

En résumé, ça ne va pas tarder à chier sur les mers. Du côté de Watson, quatre navires, un hélicoptère, trois drones et  une centaine de personnes sont sur le pied de guerre. Malgré ces apparences, Sea Shepherd défend les principes de la non-violence, et n’a jamais blessé – a fortiori tué – quiconque, ce qui n’est pas le cas des baleiniers. On va tâcher de suivre. Quant à notre pauvre Hollande, voici ce qui l’attend. Dès la fin de son périple antarctique, Watson redevient un fugitif international. Le petit doigt de Charlie lui a dit qu’il compte venir chez nous, et y rester. Des amis très actifs veulent que la France fasse de lui le premier réfugié politique écologiste de la planète. Ce qui aurait de la gueule. Mais pour Hollande, c’est le cauchemar : ou il accepte la présence de Watson, et il se fâche tout rouge avec les Japonais. Où il le balance aux harponneurs. Bonne année quand même, monsieur le président.

(1) www.seashepherd.fr/
(2) Racontées dans le délicieux livre Capitaine Paul Watson (Entretien avec un pirate), par Lamya Essemlali, Glénat. À déguster à la petite cuiller.