Je me sens comme obligé de faire un peu de pédagogie à propos des trolls, et vous allez comprendre pourquoi. Mais d’abord, qu’est-ce qu’un troll ? Je n’entends pas ici évoquer la haute figure des êtres surnaturels des contes et légendes scandinaves, bien sûr. Je veux parler de ces excellentes personnes qui viennent pourrir le débat sur le net, partout où cela paraît utile pour la défense de leurs intérêts. Si vous jetez un regard à la définition du mot sur Wikipédia, que je reprends à mon compte, « En argot internet, un « troll » est une personne qui participe à une discussion ou un débat (par exemple sur un forum) dans le but de susciter ou nourrir artificiellement une polémique, et plus généralement de perturber l’équilibre de la communauté concernée ».
Cela fait un moment que je soupçonne la présence de ces manipulateurs sur Planète sans visa. Mais comment savoir ? La censure d’un commentaire n’est jamais un acte anodin, et je n’y ai eu recours qu’à de rarissimes exceptions. Car enfin, je crois sincèrement qu’il faut accepter le flux de la critique, qui charrie parfois de très désagréables effluves. Seulement, il y a une différence entre critiquer et désinformer en conscience. Je viens de décider d’être plus vigilant, et je vais vous expliquer mes raisons. Il m’est arrivé ces derniers temps de stopper des messages signés d’un pseudonyme, et dont le contenu m’intriguait au plus haut point. J’ai envoyé un courrier à ces personnes – une adresse électronique, que vous ne lisez pas, est attachée à tout envoi -, en leur demandant, compte tenu de leur ton, de lever leur anonymat. Au total, j’ai écrit à trois personnages a priori différents, mais sans obtenir une seule réponse.
Ensuite est venu un commentaire d’un familier de Planète sans visa, Lionel Fu[…], qui répondait au message de Lina, que j’avais hésité à publier. Lionel émettait l’hypothèse que Lina puisse être un – une – professionnel(le) au travail. Nous n’aurons peut-être pas de réponse définitive, mais en tout cas, voici qu’apparaît ce matin un nouveau message, dont je pense qu’il obéit à de toutes autres règles que celles du débat. Il répond à un article que j’ai écrit ici sous le titre Massacre au bois de Tronçay. J’y dénonce les auteurs de la destruction de 100 hectares d’une superbe forêt de la Nièvre, et mets en cause notamment le président du Medef de Bourgogne, Pascal Jacob. Lequel vient d’ailleurs d’annoncer des plaintes en diffamation contre des personnes, des messages de Twitter, des blogs. Suis-je visé ? Je n’en sais rien. On verra.
C’est dans ce contexte qu’arrive en tout cas le message que vous allez lire. Je sais que votre temps n’est pas extensible, mais c’est intéressant à analyser. Ophrys aime M.Nicolino – d’habitude -, mais pas cette fois, car le Nicolino ne respecte pas les règles sacrées de la profession, par exemple en ne vérifiant pas ses sources. C’est un vieux truc qui consiste à disqualifier. Je doute que cela marche auprès de beaucoup d’entre vous, mais qui sait ? Le reste sent le montage : Ophrys défend le projet avec les arguments des promoteurs, mais il – elle ? – aimerait par ailleurs la prose du Nicolino. C’est crédible, en effet. Le texte :
—————————————
Ophrys18 | ca.meregarde@laposte.net |
Bonjour M. Nicolino,
Habituellement, j’apprécie vos propos, ainsi que vos ouvrages qui dénoncent bien des attaques à la nature et à la santé de l’homme, menées par des multinationales sans scrupules.
Je comprends que ce projet soulève des questions : y a-t-il d’autres solutions pour exploiter le bois du Morvan, qui, de toute façon arrive à maturité ? si le projet Erscia se réalise, les scieries locales seront-elles menacées ? Faut-il fabriquer de l’électricité en brûlant du bois ? etc…
Mais là, vos attaques, je ne les comprends pas. Ou bien si, je pense que vous avez été victime de désinformation (en partie).
En effet, lorsque vous écrivez :
“…pour la raison évidente que le bois de Tronçay est une merveille de biodiversité. On y trouve, au milieu de quantité d’autres beautés, des insectes très protégés, comme le Grand capricorne, la lucane cerf-volant, et ce pique-prune…”
J’aimerais préciser qu’aucune de ces espèces n’a été trouvée sur place. Et ce, pour une bonne raison, c’est que le bois de Tronçay n’est pas un espace naturel exceptionnel. Voyez vous-même sur les photos que vous publiez : il s’agit d’un bois de chênes on ne peut plus ordinaire, dont les chênes mesurent en moyenne 40 à 50 cm de diamètre, donc bien loin des fantasmes de chênes de 400 ans que Jerem D évoque dans son commentaire du 14 février !!! Des arbres de 50 cm de diamètre ne sont pas un biotope pour les espèces que vous citez. D’ailleurs, ce bois n’a jamais reçu le moindre classement au titre de la protection de la nature, même pas en ZNIEFF ! Normal, dans la Nièvre, il y a 220 000 ha de forêt, dont environ 2/3 de feuillus et à nouveau 2/3 de forêt “de plaine” similaire au bois de Tronçay (soit environ 100.000 ha !).
Alors, comment reprocher aux élus locaux de défendre un projet qui, effectivement, détruira 86ha de forêt (dernier chiffre présenté au CNPN) mais qui est le seul projet qui concerne ce territoire alors que les résineux qui y seront sciés ont été plantés voici 50 ou 60 ans. Alors, oui, facile de critiquer tout le monde, mais qu’ont fait ceux qui s’opposent aujourd’hui pour préparer un ou plusieurs contre-projets : ils ont eu 50 ans pour ça.
Bref, je ne dis pas que tout est rose dans le projet Erscia, mais votre argumentaire vous décrédibilise. Dommage…
PS : un journaliste ne doit-il pas toujours vérifier ses sources ?
————————————–
Est-il néanmoins concevable qu’Ophrys ne soit pas un troll au service des intérêts que j’attaque ? Oui, mais je crois cette possibilité proche de zéro. J’ai lu ces derniers temps de très intéressants papiers sur les trolls. L’un d’eux signale que l’Union européenne vient d’embaucher des trolls pour intervenir notamment sur les réseaux sociaux, dont les blogs, de manière à contrer la montée des opinions eurosceptiques. Je serais très étonné que l’UE soit la première structure de pouvoir à vouloir contrôler l’opinion de cette manière.
Moralité : la liberté est un combat. Mais je ne vous apprends rien.