Quand Ulrich Beck nous parle du nucléaire

Je ne souhaite pas faire mon malin, mais je connais Ulrich Beck pour avoir lu son livre majeur, La société du risque (Aubier). Je sais moins bien le reste, mais assez pour admettre des désaccords nombreux avec ce sociologue et penseur allemand né en 1944. Le journal Le Monde vient de publier un texte sur le nucléaire, sous sa signature. Je vous le mets ci-dessous, car il dit avec une force tranquille une évidence bien cachée chez nous, en France. La sortie du nucléaire est la seule attitude raisonnable, et même rationnelle. Car la certitude, droit devant nous, mais à une date inconnue, c’est un « accident nucléaire majeur ».

Je n’imagine pas le quart ou la moitié de la France inhabitable pour l’éternité, à vue humaine en tout cas. Et tout l’édifice du mensonge et de la folle puissance repose sur notre incapacité à concevoir le drame qui vient. Autrement, nous chasserions comme il le mérite notre maître si provisoire, ses sbires et ses opposants officiels, qui ne valent pas mieux. Lisons ensemble ce texte de Beck paru dans Le Monde. Qui n’est pas exceptionnel – il s’en faut -, mais qui reste pourtant profondément intéressant. De quoi d’autre avons-nous besoin ?

Enfin l’ère postnucléaire, par Ulrich Beck

Ce qui suit présente certaines des recommandations d’experts ayant servi de base à la politique d’Angela Merkel, qui prévoit la mise en place d’alternatives au nucléaire d’ici à 2021. L’Allemagne pourrait montrer qu’une sortie du nucléaire est une opportunité de créer une économie de pointe. « Vous, les Allemands, vous êtes tout seuls », dit le militant écologiste américain Stewart Brand, à propos des plans de sortie de l’énergie atomique ébauchés par l’Allemagne. Et il ajoute : « L’Allemagne agit de manière irresponsable. Pour des raisons économiques, et compte tenu de la menace que font peser les gaz à effet de serre, nous ne pouvons renoncer à l’énergie nucléaire. »

« J’avais des doutes, mais Fukushima m’a convaincu de la valeur de l’énergie nucléaire, renchérit l’éditorialiste du journal britannique The Guardian, George Monbiot. L’accident n’a fait à ce jour aucun mort, et ce bien que les réacteurs nucléaires aient subi au Japon le test le plus rigoureux que l’on puisse imaginer : l’un des pires tremblements de terre jamais survenus, et le tsunami qu’il a déclenché. Voilà pourquoi j’aime l’énergie nucléaire.»

Ce serait toutefois commettre une lourde erreur que de supposer qu’en faisant le choix politique du tournant énergétique l’Allemagne rompt avec le concept européen de la modernité et se tourne vers les racines obscures et forestières supposées de l’histoire intellectuelle allemande. Ce qui est en train de prendre le pouvoir, ce n’est pas cette légendaire irrationalité allemande, mais la foi dans la capacité d’apprentissage et dans la créativité de la modernité face aux risques qu’elle a elle-même engendrés.

Pour étayer leur verdict, les partisans de l’énergie nucléaire font appel à une notion du risque imperméable à l’expérience et comparent de manière irréfléchie l’ère de la première industrialisation à l’ère nucléaire. La rationalité du risque part du principe que la pire des hypothèses peut devenir réalité et que les précautions que nous devons prendre doivent être choisies dans cette perspective. Lorsque la charpente d’une maison brûle, les pompiers arrivent, l’assurance rembourse, on prodigue les soins médicaux nécessaires, etc.

Appliqué aux risques de l’énergie nucléaire, ce schéma impliquerait que, même dans le pire des cas, notre uranium n’irradierait que quelques heures, et non des milliers d’années, et qu’il ne serait pas nécessaire d’évacuer la population d’une grande ville voisine. C’est bien entendu absurde. Continuer, après Tchernobyl et Fukushima, à affirmer que les centrales nucléaires françaises, britanniques, américaines, chinoises, etc., sont sûres, c’est refuser de voir que, d’un point de vue empirique, c’est la conclusion inverse qui s’impose : s’il y a une certitude, c’est celle du prochain accident nucléaire majeur.

Affirmer qu’il ne peut pas y avoir de risque zéro dans les grandes installations techniques de production d’énergie (ce qui est exact) et en tirer la conclusion que les risques courus dans le cadre d’une utilisation propre du charbon, de la biomasse, de l’énergie hydraulique, du vent et du soleil, ainsi que de l’énergie nucléaire, sont certes différents, mais comparables, c’est nier le fait que nous savons ce qui se produit lorsqu’un coeur nucléaire entre en fusion.

Nous savons combien de temps persiste le rayonnement radioactif, quelles lésions le césium et l’iode infligent aux hommes et à l’environnement, et combien de générations auront à souffrir si jamais le pire arrivait. Et nous savons que les énergies alternatives ou renouvelables ne font courir aucun de ces risques dont les conséquences ne s’arrêtent à aucune limite temporelle, géographique ou sociale. Prendre comme aune du risque le nombre de décès relevés, comme le fait M. Monbiot, revient à masquer cette réalité.

Et la question de l’assurance ? Etrangement, dans l’empire de l’économie de marché, l’énergie nucléaire a été la première industrie socialiste d’Etat, au moins pour ce qui concerne le coût à payer pour les erreurs. Les profits vont dans des poches privées, mais les risques sont socialisés, c’est-à-dire assumés par les générations futures et les contribuables. Si les entreprises de l’énergie nucléaire étaient contraintes de contracter une assurance spécifique à l’atome, la fable de l’électricité nucléaire à bon marché ne serait plus qu’un souvenir.

Appliquée à l’énergie nucléaire au début du XXIe siècle, la notion de risque que l’on pouvait utiliser au XIXe siècle est une catégorie morte-vivante qui nous rend aveugles à la réalité dans laquelle nous vivons. Ce qui est irrationnel, ce n’est pas de sortir de l’énergie nucléaire, mais de continuer à la défendre après Fukushima : cette attitude se fonde sur une notion périmée du risque, qui refuse de tirer les leçons de l’expérience historique.

Aucune autre nation industrielle n’a connu une ascension aussi rapide que l’Allemagne. Alors, ce tournant n’est-il pas le fruit d’un mouvement de panique injustifié ? A la longue, l’énergie nucléaire deviendra plus chère, l’énergie renouvelable meilleur marché. Mais l’essentiel est que celui qui continuera à laisser toutes les options ouvertes n’investira pas. Dans ce cas, l’Allemagne ne réussira pas à négocier le virage énergétique. En d’autres termes : l’angoisse qui anime les Allemands n’est pas dépourvue de ruse.

Ils flairent les opportunités économiques qui s’attachent aux marchés liés à l’avenir. En Allemagne, le tournant énergétique se résume à un mot en quatre lettres : « jobs ». Un cynique dirait : laissez donc les autres continuer à ne pas avoir peur – cela leur vaudra une stagnation économique et des erreurs d’investissements. Les partisans de l’énergie nucléaire se barrent eux-mêmes le chemin des marchés du futur parce qu’ils n’investissent pas dans la voie alternative que constituent les matériaux économisant l’énergie et les énergies renouvelables.

La situation au début du XXIe siècle est comparable à d’autres ruptures historiques dans l’approvisionnement énergétique. Que l’on s’imagine ce qui se serait passé si les hommes, voici deux siècles et demi, au début de la première révolution industrielle, avaient envoyé au diable ceux qui leur conseillaient d’investir dans le charbon et l’acier, les machines à vapeur, les métiers à tisser et, plus tard, les chemins de fer. Ou bien, il y a cinquante ans, s’ils avaient rejeté en parlant d' »angoisse américaine » l’idée que les Américains puissent investir dans les microprocesseurs, les ordinateurs, Internet.

Nous sommes face à un moment historique du même ordre. Celui qui exploitera ne serait-ce qu’une partie du désert pour y produire de l’énergie solaire pourrait couvrir les besoins énergétiques de toute la civilisation. Nul ne peut être propriétaire de la lumière du soleil, nul ne peut le privatiser ou le nationaliser. Chacun peut exploiter cette source d’énergie pour son propre compte et en profiter. Quelques-uns des pays les plus pauvres du monde disposent de cette « richesse solaire ».

L’énergie solaire est démocratique. L’énergie nucléaire est par nature antidémocratique. Celui qui tire son énergie d’une centrale nucléaire se fait couper le courant s’il ne paie pas sa facture. Cela ne peut pas arriver à celui dont l’énergie provient de capteurs solaires installés sur sa maison. L’énergie solaire rend les gens indépendants. Bien entendu, ce potentiel de liberté qui s’attache à l’énergie solaire remet en question le monopole de l’énergie nucléaire. Pourquoi les Américains, les Britanniques et les Français, eux qui accordent une telle valeur à la liberté, sont-ils incapables de voir quelles conséquences émancipatrices pourrait avoir le tournant énergétique ?

On proclame partout la fin de la politique, et on la déplore. Paradoxalement, la perception culturelle du risque peut provoquer l’effet contraire, c’est-à-dire la fin de la fin de la politique. Pour le comprendre, on peut revenir à la vision qu’exposait le philosophe américain John Dewey, dès 1927, dans Le Public et ses problèmes(Gallimard, 2010). Selon lui, une opinion publique internationale et assez forte pour créer une communauté ne naît pas de décisions politiques, mais des conséquences de décisions qui posent des problèmes vitaux à la perception culturelle des citoyens.

Un risque perçu impose ainsi la communication entre des personnes qui, sans cela, pourraient ne rien avoir à faire les unes avec les autres. Il impose des obligations et des frais à ceux qui cherchent à le faire disparaître. Ce que beaucoup croient devoir dénoncer comme une hyperréaction hystérique au « risque » de l’énergie nucléaire est au contraire une démarche vitale offrant l’opportunité d’un virage énergétique allant de pair avec un virage démocratique.

Les stratégies d’action qu’autorise le potentiel de catastrophe lié à l’énergie nucléaire, perçu sous l’angle de la civilisation, mettent à bas l’ordre qu’a produit l’alliance néolibérale entre le capital et l’Etat. Face à la catastrophe nucléaire, les Etats et les mouvements de la société civile acquièrent de nouveaux pouvoirs, dès lors qu’ils font apparaître de nouvelles sources de légitimité. L’industrie nucléaire perd les siens dès lors que les conséquences de décisions liées aux investissements ont mis la vie de tous en péril. A l’inverse, une coalition d’un nouveau genre entre les mouvements de la société civile et l’Etat, telle que nous pouvons l’observer en Allemagne, constitue sa chance historique.

Du point de vue politique aussi, ce changement de trajectoire a un sens. Seul un gouvernement conservateur et proche des milieux économiques peut négocier un tel virage énergétique, dès lors que les plus bruyants adversaires de cette mutation sont issus de ses propres rangs. Celui qui critique la décision allemande de sortir de l’économie nucléaire pourrait être victime de l’erreur de la chenille, qui, sortant de la chrysalide, en déplore la disparition, sans se douter encore qu’elle deviendra le papillon des énergies renouvelables.

Traduit de l’allemand par Olivier Mannoni

Ulrich Beck

Né en 1944, à Stolp, aujourd’hui Slupsk en Pologne, il est l’auteur notamment de « La Société du risque. Sur la voie d’une autre modernité » (Aubier) et, avec Edgar Grande, de « Pour un empire européen » (Flammarion, 2007). Il a été nommé membre du comité spécial d’experts par la chancelière Angela Merkel, à la suite du désastre de Fukushima.

Article paru dans l’édition du 10.07.11

37 réflexions sur « Quand Ulrich Beck nous parle du nucléaire »

  1. « Celui qui exploitera ne serait-ce qu’une partie du désert pour y produire de l’énergie solaire pourrait couvrir les besoins énergétiques de toute la civilisation. » C’est pas avec ce genre de déclaration à l’emporte-pièce que ceux qui réfléchissent un tant soit peu vont prendre au sérieux les partisans d’une sortie du nucléaire. Produire de l’électricité au Sahara grâce à l’énergie solaire pour alimenter l’Allemagne, comme cela est (était ?) prévu, c’est considérer que l’on a d’ores et déjà trouver une solution technique au transport électrique sur des milliers de kilomètres sans trop de perte. C’est du mensonge par omission. Ou alors c’est considérer implicitement que le coût de l’énergie sera bientôt tel que des pertes considérables sont acceptables, que la faible efficacité énergétique d’un tel procédé est quand même rentable (avec des subventions massives ?).
    Il est tout aussi mensonger de faire croire que chacun peut avoir sur son toit l’équipement qui lui permettrait de subvenir à ses besoins énergétiques, en toute indépendance. « L’énergie solaire est démocratique. (…) L’énergie solaire rend les gens indépendants. » La distribution mondiale de l’insolation n’a rien de démocratique. Voir ce graphique de l’insolation en fonction du temps et de la latitude Et encore n’est-ce là que le résultat de calculs théoriques, bref en l’absence de nuages, qui, les vilains, se promènent certes inégalement, mais un peu partout. Voici par exemple le résultat du passage de quelques nuages à Springerville, Arizona, vers 35°N, en climat tropical semi-aride. À cela, en milieu (semi-)désertique, il faut ajouter les pertes dues au dépôt de poussières sur les capteurs, qu’il faudrait nettoyer très souvent, ce qui n’aurait rien d’évident s’agissant de giga-fermes énergétiques devant alimenter l’Europe, pour en revenir à ce point. D’ailleurs, l’auteur de l’article n’a pas peur d’aller dans un sens puis dans un autre : autonomie au niveau des foyers, mais aussi production mondiale régionalisée avant redistribution sur très longues distances. En provenance de régions par ailleurs très sûres politiquement, d’une grande stabilité, et où il n’existe pas de groupes à visées terroristes (même si on en fait peut-être un peu trop sur ce point), comme chacun sait…
    Bref, c’est un peu comme avec l’éolien, qui ne sert à rien quand le vent est trop faible ou trop fort, ce qui n’est jamais pris en compte quand on en fait la promotion, en ne montrant que des courbes de potentiel, jamais atteint dans la réalité.
    La seule chose sérieuse à faire, c’est d’abord tenter d’approcher ce que pourraient être de véritables besoins en énergie, débarrassés des pertes dues à une trop mauvaise isolation, à l’inefficacité énergétique de beaucoup d’objets utilisés, etc. ; une fois ce diagnostique réalisé, tâcher de voir comment et à quelle échéance il serait possible de faire les corrections possibles. Dans le même temps, et là c’est plus compliqué parce qu’il ne s’agit plus seulement d’aspects techniques, il conviendrait de débattre, avec le moins de passion possible afin de s’entendre réellement, au sens premier du terme, du type de société vers lequel on va ou pourrait aller (et non pas forcément vers lequel il faut aller -le dialogue serait rapidement impossible). Les désaccords seraient fatalement nombreux, mais n’empêcheraient en rien le premier point, qui conduirait à faire baisser le gaspillage, entendu non pas comme l’utilisation dispensable (au moins partiellement) de tel ou tel objet, notamment, mais comme la réduction de la consommation énergétique, toutes choses égales par ailleurs (qui fait donc fi de la création d’éventuels nouveaux besoins, à discuter par ailleurs comme déjà dit). Tout cela par des gens compétents et indépendants, ce qui n’est jamais facile à trouver. Tout cela ressemble beaucoup à un voeux pieux. On est pas prêt de parler sérieusement de ce type de sujet, pas plus que des autres, comme on le voit constamment, particulièrement en matière d’environnement, puisque c’est ce qui nous intéresse ici (mais c’est pareil pour le reste, pour autant que je puisse en juger).

    Kihelakayo

  2. Des alliés de taille à sensibiliser à mon avis : les agriculteurs, tous les agriculteurs.
    Dans un pays agricole comme le notre, ils ont absolument TOUT à perdre en cas d’accident nucléaire majeur.
    Les agriculteurs conservent un poids électoral de taille, nous devrions davantage leur faire prendre conscience du fiasco global à l’échelle de tout le territoire en cas de Fukushima sur Rhône, sur Seine, sur Garonne ou sur Loire…
    C’est un point de vue stratégique.

  3.  » Celui qui exploitera ne serait-ce qu’une partie du désert pour y produire de l’énergie solaire pourrait couvrir les besoins énergétiques de toute la civilisation  »

    Bien sûr, sauf qu’il n’y a rien de gratuit, même l’énergie solaire, quand on la capte et qu’on la distribue à des « clients », il faudra payer, et les revendeurs ne sont pas des philanthropes; ils risquent même de facturer très cher une énergie solaire nouvelle parce que l’énergie fossile aura disparu. Ou alors, on entre dans un autre type de civilisation, qui n’est plus celui du profit ?

    La décroissance drastique, l’arrêt du consumérisme restent de toutes façons les seules voies possibles dans ce monde en expansion démographique constante.

  4. Surfer sur le Net, envoyer un email, télécharger des documents, les partager : toutes ces actions ont un poids pour la planète, d’autant plus important que nous sommes actuellement 1,5 milliard d’internautes à naviguer sur le Web quasi quotidiennement, tant pour notre vie professionnelle que personnelle.

    Les technologies de l’information et de la communication (TIC) contribuent ainsi à hauteur de 2 % aux émissions européennes de gaz à effet de serre, selon un rapport de septembre 2008 réalisé par l’agence d’évaluation environnementale BIO Intelligence service pour la Commission européenne. Ce chiffre devrait doubler d’ici 2020, si nous ne changeons pas nos modes de vie. Afin de mieux connaître, comprendre et maîtriser l’impact environnemental des TIC, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) publie, jeudi 7 juillet, une analyse du cycle de vie (ACV) de trois de leurs usages emblématiques : les courriers électroniques, les requêtes effectuées sur Internet et les supports de transmission de documents tels que les clés USB.

     

    Les emails. Chaque jour, c’est une inflation de messages qui se bousculent dans nos boîtes : des courriels professionnels, des messages personnels mais aussi d’innombrables newsletters, chaînes de mails ou publicités. Au final, 247 milliards de courriers électroniques ont été envoyés chaque jour dans le monde en 2009, en incluant les spams, et ce chiffre devrait grimper à 507 milliards d’ici trois ans, selon le site Arobase.

    En France, chaque salarié, dans une entreprise de 100 personnes, reçoit en moyenne 58 courriels par jour et en envoie 33. A raison d’une taille moyenne d’1 Mo — chiffre de base des calculs, probablement excessif — l’Ademe a calculé que ces envois d’emails dans le cadre professionnel génèrent chaque année des émissions de gaz à effet de serre effarantes : pas moins de 13,6 tonnes équivalent CO2 à l’échelle de l’entreprise de 100 personnes — soit environ 13 allers-retours Paris-New York — ou encore 136 kg équivalent CO2 par salarié.

    En cause, l’utilisation d’énergie engendrée par le fonctionnement des ordinateurs de l’émetteur et du destinataire du mail, la production de cet ordinateur et notamment de ses composants électroniques — puisque l’ACV, contrairement au bilan carbone, étudie l’impact environnemental intégral d’un élément — ainsi que le fonctionnement des data centers, qui stockent et traitent les données.

    Le but de l’Ademe n’est bien sûr pas d’inciter à préférer les courriers traditionnels aux mails mais d’expliquer comment en faire usage d’une manière plus respectueuse de l’environnement. Pour réduire cette pollution, l’ACV pointe en premier lieu l’importance du nombre de destinataires. Ainsi, décupler leur nombre multiplie par 4 les émissions de gaz à effet de serre tandis que soustraire un destinataire permet de gagner 6 g équivalent CO2, soit 44 kg par an et par employé. Au final, « réduire de 10 % l’envoi de courriels incluant systématiquement son responsable et un de ses collègues au sein d’une entreprise de 100 personnes permet un gain d’environ 1 tonne équivalent CO2 sur l’année », note l’Ademe. Ce gain augmente évidemment avec la taille des courriels : pour des mails de 10 Mo et non plus 1 Mo, ce sont 8 tonnes d’équivalent CO2 qui sont économisées.

    Le stockage des mails et des pièces jointes sur un serveur est aussi un enjeu important : plus le courriel est conservé longtemps, plus son impact sur le changement climatique sera fort, assure l’Ademe. Enfin, plus attendu, l’un des postes majeurs d’émissions de gaz à effet de serre liés aux emails réside dans leur impression. Réduire de 10 % le taux d’impression permet d’économiser 5 tonnes équivalent CO2 sur un an dans une entreprise.

    Les requêtes Web. C’est le propre d’Internet : se balader de page en page et de lien en lien sans fin. Un internaute français effectue ainsi en moyenne 2,66 recherches sur Internet par jour, soit 949 recherches par an, selon l’institut Médiamétrie.

    Mais surfer sur le Net s’avère polluant pour l’environnement dans le sens où les serveurs consomment de l’électricité et dégagent de la chaleur. Selon l’Ademe, la recherche d’information via un moteur de recherche représente au final 9,9 kg équivalent CO2 par an et par internaute. Comment réduire cet impact ? Utiliser des mots clés précis lors des recherches, saisir directement l’URL lorsqu’on la connaît, enregistrer les sites que l’on utilise souvent dans ses « favoris » : autant d’actions qui permettent de gagner 5 kg éq CO2 par an et par personne.

    La clé USB. Ce dernier usage, jusqu’à présent moins étudié, concerne à la fois l’impact de la production d’une clé USB et la lecture des fichiers qu’elle permet de stocker. Au total, transmettre un document de 10 Mo à une personne via une clé USB de 512 Mo émet 11 g d’équivalent CO2. Dans le cas d’un fichier transmis à 1000 personnes, lors d’un colloque par exemple, les émissions grimpent et équivalent celles engendrées par un trajet de 80 kilomètres en voiture.

    Comment expliquer cet impact ? La production de la clé USB, qui nécessite beaucoup d’énergie, d’eau et de métaux rares, est le poste le plus polluant du cycle de vie. Vient ensuite la consommation énergétique de l’ordinateur sur lequel est utilisée la clé. Selon l’Ademe, si le temps de lecture du document n’excède pas 2 à 3 minutes par page, la lecture à l’écran est celle qui a le moins d’impact sur le changement climatique. Au-delà, l’impression du document en noir et blanc, recto-verso et 2 pages par feuille devient préférable pour réduire les émissions. »

    Article du journal « le Monde »

  5. Eglantine,

    je te comprend, on doit d’abord balyer devant sa porte, on doit se changer soi-même avant de changer le monde etc…… nous sommes tous attentif à cela je pense.

    mais ne crois-tu pas qu’il faut garder le sens des proportions ??????
    sans cet extraordinaire fourmillement d’information, nous ne serions pas en mesure d’informer de mobiliser les citoyens des pays « développés » sur les conséquences de Fukushima par exemple, et nous devrions nous en tenir aux infos de TF1 ou France 24, aucun de nous ne sourait rien du Régent, de la disparition des abeilles, des magouilles françaises en Afrique…. il n’y aurait pas d’analyse sérieuse concernant la crise financière, ni les agz de schiste, ni les plate forme pétrolières en mer, etc…….. je ne connaitrait pas Fabrice et j’aurais pas lu ses bouquins, et ceci est un coût dérisoire en carbone et autre, à côté de la destruction des forêts….;or tu recommande l’impression plutot que la lecture. Tu sais, je pense, qu’on détruit les plus vieilles forêts du Monde en Tasmanie pour faire des rames de papier pour ton imprimante.

    te rend-tu compte de l’ampleur du désastre mondial et du vaste foutage de gueule de notre fin de civilisation ?????? l’information est la dernière chance que nous avons de continuer à occuper un place dans l’aventure de l’évolution de la vie……
    se priver d’information aujourd’hui serait le dernier des renoncements. quelques petits zéro-virgules de pourcentage d’émission de carbonne pour espérer faire naitre une conscience collective……ça reste raisonnable non ????
    il nous reste si peu de temps !

  6. cet article me fait bondir! ainsi les vendeurs de chimie pourront continuer de vendre leur came! les bétonneurs de bétonner, et monsieur Lemaire de s’essuyer les pieds sur l’avis des apiculteurs :
    « C’est un couple parasite plus insecticide qui pourrait expliquer certaines des mortalités massives d’abeilles domestiques. Une étude publiée dans Plos One par une équipe du Cnrs et de l’Inra l’affirme.

    Ces mortalités soulèvent une vive polémique depuis plusieurs années. Des apiculteurs mettent en cause les produits phytosanitaires, tandis que les producteurs se défendent à coups d’expériences de laboratoire montrant l’innocuité de leurs molécules aux doses utilisées en champs par les agriculteurs. »
    Expérience italienne relayée par youris:

    http://www.youris.com/Environment/Bees/Bees_restored_to_health_in_Italy_after_this_springs_neonicotinoidfree_maize_sowing.kl

    http://www.youris.com/Environment/Bees/Italy_keeps_ban_on_neonicotinoid_seed_coating_to_save_bees.kl

  7. Revenons aux technologies anciennes de la communication : le pigeon voyageur et le coursier à cheval !
    Nous éviterons la bouteille à la mer, il y a assez de pollution sur nos côtes !

  8. Merci Eglantine pour ce message. On parle trop rarement de l’impact d’internet sur la consommation d’énergie. L’avant dernier numéro de la revue S!lence consacre son dossier à Internet, et c’est pas triste.
    De nombreux écolos l’utilisent pourtant et il est bien difficile de s’en passer.
    Encore une contradiction qu’il va falloir relever si on veut sortir la tête de l’eau.

  9. Le nucléaire a un bel avenir mondial devant lui si ses opposants se contentent des arguments de Beck. Fukushima, c’est quoi ? Une centrale plutôt ancienne, un gestionnaire pas fameux, un tremblement de terre doublé d’un tsunami, un accident de criticité et la formation d’un corium, une explosion d’enceinte. On n’est pas loin des pires conditions imaginables pour un accident et le bilan sanitaire n’a pourtant rien de catastrophique. Inversement, le bilan de la catastrophe naturelle dépasse les 25.000 morts. Mon arithmétique personnelle me dit que décidément, la lutte de l’homme pour la maîtrise de l’acariâtre nature ne fait que commencer.

    Beck suggère qu’il faut aller au-delà de Fukushima et considérer le pire accident possible. C’est une curieuse manière de procéder pour concaincre ses lecteurs. Voyons, j’essaie d’imaginer le pire accident possible : mes panneaux solaires tombent du toit sur le coin de ma tête, je suis mort (pas de solaire) ; l’éolienne de mon coin ne tourne pas quand je subis une opération chrirugicale, je meurs sur le billard (pas d’éolien) ; les pires prévisions du GIEC se révèlent correctes et je meurs comme des centaines de millions de mes contemporains (pas de fossile). Et ainsi de suite. Si un individu imagine le pire, il trouvera le pire sans difficulté. Quand on va assez loin dans les faibles probabilités, on trouve toujours un risque infini. Il y a ainsi un risque très faible qu’un astéroïde nous percute et fasse disparaître 99% du vivant, Homo sapiens compris. Pour autant, nous n’abandonnons pas tout ce que nous faisons pour construire séance tenante des bunkers géants sous terre ou des stations géantes en orbite.

    Les divagations sur le solaire démocratique ne valent pas mieux. Quand cette technologie sera mûre, elle s’imposera d’elle-même ; mais elle ne l’est pas. Elle est chère donc inégalitaire, elle est intermittente et « fatale » (non décidable), elle est polluante (il faut bien plus de transformation et de transport pour produire le même kWh). C’est la raison pour laquelle elle ne représente, selon les chiffres de Jancovici 2011, que 0,03% de l’énergie finale consommée dans le monde. Ses partisans s’extasient quand ils entendent qu’elle pourrait doubler en dix ans : le passage à 0,06% pour une source d’énergie est assurément un exploit sans précédent de l’humanité. Continuons à nous payer de mots, cela ne coûte pas cher. Beck ignore les ordres de grandeur et confond les séquences temporelles: il justifie une décision énergétique en 2011 au nom d’une hypothèse énergétique en 2031 ou 2061. Cela s’appelle lâcher la proie pour l’ombre. Mais dans la réalité (qui n’est pas très beckienne à mon avis), cela s’appelle : avoir un voisin nucléaire qui peut fournir du kWh au cas où, avoir des centrales thermiques sur son sol qui font le back-up de l’éolien, avoir d’excellents ingénieurs en centrale thermique gaz et avoir un voisin polonais qui s’appête à exploiter du gaz de schiste… Oui, la décision allemande est rationnelle, mais pas au sens où on l’entend ou l’espère ici.

  10. Skept,

    Je le répète, bien des choses me séparent de Beck. Et je n’aurais certes pas écrit ce texte-là. D’ailleurs, n’est-il pas conseiller de madame Merkel, qui n’est pas exactement ma tasse de thé ?

    Néanmoins, je ne regrette pas d’avoir reproduit son article, car l’exemple allemand a quelque chose de prodigieux, quel que soit l’arrière-plan politique de l’affaire. L’Allemagne ARRÊTE le nucléaire. Elle n’en parle pas, elle le FAIT. Avec des arguments qui ne me plaisent pas ? Peut-être. Mais elle a DÉCIDÉ ! Cela ne remet pas en cause vos interrogations, mais les place dans une perspective qui me semble neuve.

    Par ailleurs, et de manière annexe, je ne comprends pas votre argument sur le pire. Vous me semblez évacuer la caractéristique intrinsèque du nucléaire. C’est-à-dire sa capacité à frapper instantanément, et pour des milliers d’années.

    Bien à vous,

    Fabrice Nicolino

  11. @ Hacène;

    Recouvrir le désert de panneaux solaire; c’est aussi une perte de la bio-diversité; des écosystème bien particulier y vivent quand même! Et puis en dehors de la perte d’énergie pour le transport…Il faut aussi compter le coût de tous les câbles à construire (des tas de kilomètres!)…Le cuivre se raréfie; et son extraction n’est pas très éthique.

    Les solutions elle sont diverse et locales; la première effectivement consommer moins.

  12. … »Recouvrir le désert de panneaux solaire »…

    Avant tout, il faudra aussi demander l’avis des peuples, non ?
    Le désert n’est pas une terre vierge à conquerir !
    C’est marrant cette façon que nous avons, nous les « occidentaux », à jeter des idées fumeuses, comme nous l’avons fait par le passé, avec les colonies, nous voulions leur apporter la religion, la médecine, la « civilisation », etc…
    Et là, toc, on remet cela, exploiter le désert !
    Si les pays du « sud » vous proposaient de recouvrir le Larzac, les Causses, les Puys, et autres surfaces françaises très peu peuplées ?
    Tiens, on va recouvrir le désert des Agriates, en Corse ! Comme disait Hacène:
    « …où il n’existe pas de groupes à visées terroristes… »

  13. Si des critiques peuvent être apportées au billet,notamment sur le fait que l’énergie qui pollue le moins et celle qui ne consomme pas et la folie des grandeurs du projet saharien, cela n’enlève rien que le choix du nucléaire est mauvais que ce soit du point de vue économique, sanitaire ou écologique.

    Pour la balance commerciale d’un pays, la sortie du nucléaire, associée au développement du renouvelable et des économies d’énergie, présente un avantage onsidérable.
    Avant 1985, la France était à la pointe en matière de renouvelable et au niveau des économies d’énergie, depuis, il fallait engraisser les lobbys pétroliers et nucléaires, elle a pris du retard sur des pays comme l’Allemagne, le Danemark ou même la Chine, qui exportent les matériaux (éoliennes, briques isolantes, utilisation du biogaz, des algues…)
    Il faut aussi rajouter le coût du démantellement des centrales, estimé à plus de 500 milliards d’euros, celui des déchets peut être encore plus important.
    Et dans le cas d’un scénario pessimiste, accident, comment la France, qui serait privée de 2 de ses principales entrées de devises: l’agriculture et le tourisme,
    pourrait s’en sortir et faire aux problèmes de santé publiques engendrés par la contamination radioactive?

    Maintenant il est vrai que la sortie du nucléaire en Allemagne est plus intégré à une politique de compétitivité économique que de décroissance énergétique.

    Quand à la source d’énergie qui est et qui sera utilisée pour faire face aux périodes de manques (pas de vent…), les allemands utiliseront la ressource non renouvelable présente chez eux et la plus abondante au niveau mondial (réserves environ 20 fois supérieures à celles d’uranium) : le charbon. http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Energy_reserves_2008.jpg

    A ce sujet, l’électricité importée par la France pour faire face aux pénurie hivernale, provient essentiellement de la combustion du charbon.

  14. Hello,

    “Celui qui exploitera ne serait-ce qu’une partie du désert pour y produire de l’énergie solaire pourrait couvrir les besoins énergétiques de toute la civilisation.”

    Et puis quoi encore? Le désert doit rester le désert. Nous avons assez d’exemples d’endroits soi disant « désertiques » qui ont été exploités et laissés dans un état lamentables, sans parler des tribus nomades expulsées de force.

    N’est ce pas dans les panneaux photovoltaïque qu’il y a des terres rares? Les produits chimiques utilisés dans les étapes de raffinage du minerai ont en effet été responsables de maladies, d’intoxications, de pollution de rivières et de destruction de terrains agricoles. Il a par exemple été signalé que le raffinage d’une tonne d’oxyde de terre rare pouvait potentiellement produire 60.000 m3 de déchet gazeux contenant de l’acide sulfurique et fluorhydrique, 200 m3 d’eau acide et 1,4 t de déchets radioactifs.

    De plus, comme dans toute opération d’extraction, la production de terres rares nécessite une quantité considérable d’énergie qui s’ajoute à la liste des effets néfastes pour l’environnement que représente l’exploitation des terres rares.

    Merci Sylviane. Je suis de votre avis.

    Salutations, Léa.

  15. Fabrice,

    L’Allemagne sort du nucléaire, la Suisse ne renouvelle pas ses centrales, l’Italie confirme son rejet passé : tout cela ne fait aucun doute. A mon sens, ils y reviendront avec la même facilité si, le fossile venant à manquer plus vite que prévu, ils n’ont d’autres choix qu’électrifier leurs chauffages, leurs transports, leurs aciéries, leurs cimenteries et diverses autres choses. Ils n’échappent pas à vos commentateurs ni à vous-même que ce non au nucléaire n’est absolument pas un non à la croissance. C’est le pari que l’éolien, le gaz, le charbon, le gain d’intensité énergétique et les économies d’usage permettront de soutenir le développement allemand. A mon sens, c’est un bon pari pour la situation allemande mais on en reparlera quand même en 2020.

    Sur le nucléaire, vous me parlez de milliers d’années. Pour les déchets, cela me semble gérable (soit en les utilisant en surgénération, soit en les enfouissant) et surtout indécidable au bout de quelque temps (je doute que nos sciences et nos technologies en l’an 2300 soit les mêmes que celle de l’an 2000, a fortiori en l’an 5000). Pour la contamination à la suite d’un accident majeur, cela revient à créer une réserve naturelle (enfin, pas trop naturelle non plus) vide d’humains dans les zones où la radio-activité est trop forte. Ennuyeux. Mais enfin, si ce type d’accident très grave est aussi très rare, et qu’il reste de toute façon assez localisé, cela n’altère pas non plus l’ensemble de la présence humaine sur cette Terre. On le voit à Tchernobyl, on l’a vu à Hiroshima et Nagasaki, on le verra probablement à Fukushima. Dans un accident de centrale, les éléments les plus lourds à plus longue demi-vie sont les plus difficiles à projeter au loin, ou alors en très petites quantités qui ne sont guère plus nocives que les innombrables retombées des milliers d’essais nucléaires dans les années 1940-1960, menés un peu partout (déserts, atolls, stratosphère…) sans que l’on ait observé de variations significatives dans la santé humaine. Il faut garder à l’esprit qu’un réacteur nucléaire n’est pas optimisé comme une bombe, c’est assez improbable d’obtenir une puissante explosion.

    Mon propos vous horrifie peut-être. J’habite comme beaucoup de Français à portée de vent d’une centrale, pas tout près mais assez pour avoir des retombées. J’en connais les risques comme tout le monde depuis 1945 ou 1986. Je les accepte car ils me semblent minimes par rapport aux bénéfices.

    J’admets cependant que ce nucléaire est très grossier, très guerre froide et pour tout dire très gênant. J’en n’en suis pas fan : les accidents coûtent cher à la population, les Etats remboursent au lance-pierre les vies foutues en l’air, les travailleurs sous-traitants prennent des risques et en font prendre s’ils obéissent trop à la pression de la rentabilité (Beck n’a qu’à demi-raison, le nucléaire n’est pas assez socialiste, il devrait l’être du début à la fin). Aussi l’avenir de l’atome n’est sans doute pas dans la poursuite de ce type de technologie. J’espère que nous arriverons plutôt à des microcentrales scellées, contenant très peu de combustibles et n’impliquant quasiment pas de manutention, comme celles envisagées par Toshiba, Hyperion ou Terra Project. Ce serait plutôt de grosses piles nucléaires au pouvoir de nuisance infime, même dans la pire hypothèse.

    Bien sûr, toutes ces discussions n’ont de sens qu’en fonction de nos visions de monde. Je suis un pur Moderne, considérant le mouvement des deux derniers siècles comme une heureuse émancipation de la nature et de la tradition ; et pour l’avenir, mes inquiétudes concernent d’abord les capacités de production et de partage des richesses.

    Nous aurions donc vous et moi toutes les raisons de devenir les meilleurs ennemis du monde.

    Bien à vous.

  16. Skept,

    Ma foi, c’est exact. Nous avons tout pour être les meilleurs ennemis du monde. Je pointe chez vous, pour aggraver les choses, une singulière indifférence au grand massacre nucléaire, dont vous semblez largement ignorer les dimensions réelles. Vous n’êtes visiblement pas au courant du bilan possible – je crains qu’il n’ait été rendu définitivement impossible par les manoeuvres de la nucléocratie – de Tchernobyl. Combien de dizaines, de centaines de milliers de morts ? Combien de malades ? Combien de vies brisées à jamais ?

    En France, où la catastrophe est, à terme – dix ans, cent ans, plus ? -, certaine, un accident majeur changerait à jamais la configuration de ce pays. Je vous sens joueur, prêt à parier que. Pas moi. Je vous crois plus idéologue que moi – si -, porté par une vision des deux siècles passés qui me semble tragiquement archaïque.

    Bref, sinon ennemis, du moins adversaires définitifs.

    Fabrice Nicolino

  17. Skept,

    « Nous n’avons jamais été modernes », Latour non plus d’ailleurs, puisqu’il lui faudrait passer de corrélations de notions à une architecture de concepts falsifiable.

    Bref, on ne résout pas une question anthropologique, et pour l’essentiel morale, par une fuite en avant technologique et économistique.

  18. @Sylviane.
    Sur les « écosystèmes ». C’est pas un argument qui pèse grand chose. Simplement parce qu’au Sahara, on trouve de vrais vides. Le Tanezrouft, c’est plutôt l’absence de toute vie, même si certains y ont déjà vu une gerboise bleue. Évidemment, si on parle des déserts du SW américain, c’est autre chose, puisque ce ne sont pas de vrais déserts.
    Sur la matière première. Suis d’accord, mais pour ceux qui sont prêts à le faire, c’est juste la phase investissements, à amortir par la suite. C’est pas ça qui conduirait les promoteurs à s’abstenir. Cela ne me paraît donc pas non plus un argument de poids. Par ailleurs, pour ce qui concerne les seuls panneaux, qu’ils soient sur le toit de chaque maison ou autour des tropiques, ça ne change rien.

    Après avoir un peu plus épuisé la planète en naviguant sur le web, je trouve des infos nous montrant que la difficulté des pertes énergétiques lors du transport sera bientôt résolue, avec la nouvelle génération des lignes très haute tension : bientôt 800 000 V ! C’est pas beau, ça ? Y en a même qui écrivent : « En premier lieu, il faut construire en Afrique des centrales solaires thermiques », installations qui concentrent les rayons du soleil sur un grand miroir parabolique afin de produire de la vapeur d’une température de 400 degrés Celsius et sous une pression de 50 à 100 bars. Une turbine traditionnelle convertit ensuite cette chaleur en électricité. Un autre avantage de cette technologie: la chaleur se stocke beaucoup plus aisément que l’électricité. Y a plus qu’à épuiser les nappes fossiles…

  19. Skept: « je doute que nos sciences et nos technologies en l’an 2300 soit les mêmes que celle de l’an 2000, a fortiori en l’an 5000 »

    Vous ne croyez pas si bien dire ! Et c’est justement l’un des aspects les plus inquiétants du nucléaire.

    Exemple : EdF ne sait pas comment démanteler les vieilles centrales parce que les ingénieurs qui les ont conçues sont a la retraite, ou décédés. Comment faire ? Ce n’est pas comme démonter un transistor, avec la radioactivité qu’il y a la-dedans, travailler a tâtons n’est pas une option !

    Autre exemple : On s’est aperçu d’une erreur de conception fondamentale dans la machine de transfert du combustible de Superphénix, dès la première tentative d’utilisation. En tentant de remédier au problème on s’est aperçu que les plans étaient perdus, et personne n’a pu les reconstituer. Résultat: Réparation impossible, il a fallu entièrement concevoir et construire une nouvelle machine, a partir de zéro. Immobilisation de plusieurs années, frais énormes !

    Autre exemple : Nous ne savons pas comment les maçons du moyen-age concevaient la structure des cathédrales. Il nous faut des ordinateurs, et des maths un peu compliquées, ne serait-ce que pour analyser et vérifier ces structures. Sans même parler de les concevoir !

    Autre exemple qui nous remet au coeur du sujet : Les techniques les plus avancées de traitement des dechets ne peuvent pas etre appliquées aux déchets emballés il y a 20 ans. C’est trop compliqué. Si les techniques changent comme ça tous les 20 ans, si on ne sait pas comment garder les plans, sans parler des évolutions des normes graphiques, du langage même, l’archéologie du nucléaire risque d’être une science extrêmement compliquée. Un cauchemar d’ingénieur. Et dont la vie de centaines de milliers de personnes dépendra, pour chaque site nucléaire sur la planète. Parce que nous savons que la radioactivité et la chaleur accélèrent le vieillissement de tous les matériaux et qu’en l’absence d’un matériau éternel qui n’a pas encore été inventé, il faudra changer les emballages a intervalles réguliers.

  20. Fabrice,

    Au contraire, j’ai lu attentivement la version anglaise de Yablokov et Nesterenko (2007, 2009). Pour aller au-delà du bilan de l’OMS et pour parvenir à un chiffre astronomique de centaines de milliers de victimes, les auteurs appliquent en gros une règle de trois à la population mondiale en supposant un effet sans seuil déterministe des faibles doses déposées par le nuage. Mais ce n’est pas crédible au regard de ce que l’on sait sur les faibles doses, et la surmortalité ou surmorbidité ainsi supposée aurait été rapportée par des services sanitaires moins désorganisés et moins intéressés que le biélorusse ou l’ukrainien (en Scandinavie, Allemagne, Autriche et autres régions nettement plus touchées que la France pour les retombées). Ou alors on entre dans une spirale paranoïaque en faisant l’hypothèse que tous les systèmes de santé publique du monde sont aux ordres du lobby nuk et qu’ils effacent volontairement des données sur les leucémies, malformations et autres. En revanche, je suis plus convaincu par les chapitres de Yablokov consacrés à la désorganisation des données dans l’effondrement de l’URSS. Et comme la Biélorussie est dirigée par un fou dangereux, il ne serait pas improbable que le bilan local soit sous-évalué par rapport à ce que dit l’OMS.

    Vous me parlez d’indifférence. Il y a chaque année environ 50 millions de morts dans le monde, et vingt fois plus de charge morbide. Toutes ne sont pas des vieillards qui achèvent paisiblement leur existence dans leur lit, très loin s’en faut. Par exemple, il meurt 8 millions d’enfants de moins de cinq ans chaque année, dont beaucoup seraient évitables. Je n’ai pas envie de rentrer dans une concurrence victimaire ou un concours lacrymal, je fais une simple observation : si l’on analyse les contextes de souffrance dans le monde, le nucléaire arrive très très loin et la réalité n’est pas ce que diffuse en boucle la société du spectacle occidental. Le manque d’énergie, et non son excès, est associé à la misère et à la mort. Libre à vous de souhaiter partager ce manque sous forme de décroissance, mais si vous affirmez que c’est la voire radieuse pour le bonheur des générations présentes ou futures, nous serons en effet adversaires.

    Les fameuses générations futures, ce sont d’abord 9 milliards d’humains dont les besoins doivent être correctement satisfaits, et même pourquoi pas un peu plus, puisque notre court passage sur terre s’accompagne de désirs. Alors si quelqu’un imagine ici que nous parviendrons à cela sans nucléaire et sans fossile, je lui conseille fortement de publier ses idées dans une revue scientifique car il ne manquera pas de décrocher le Nobel dans la foulée.

  21. Précision : 9 milliards d’humains en 2050, bien sûr, mais dont la qualité de vie et la vie tout court dépendent des décisions que nous prenons aujourd’hui puisque ce sont nos enfants et petits-enfants.

  22. @Skept,

    « Je suis un pur Moderne, considérant le mouvement des deux derniers siècles comme une heureuse émancipation de la nature et de la tradition »

    « Pur scientiste » aurait été plus juste.

    « Malheureuse dépossession généralisée de la nature » et « clochardisation des exclus et soumission et aliénation par le technototalitarisme des heureux Ociidentaux aurait été plus juste aussi.

    N’oubliez pas que vous faites partie de la nature en tant qu’animal humain (oui vous le grand singe nu comme nous tous).

    La très longue tradition techno-industrielle, l’idéologie du progrès qui a du plomb dans l’aile, ça oui, vous en êtes imprégné jusqu’au trognon.

    Le progrès humain à faire est désormais d’en sortir.

    « et pour l’avenir, mes inquiétudes concernent d’abord les capacités de production et de partage des richesses »

    Effectivement jusqu’à présent le progrès scientifique que vous aimez tant et confondez allègrement avec le progrès scientifique n’est qu’une fuite en avant qui empile l’irréparable, les pollutions et qui booste les inégalités sociales et l’exclusion de partout dans le monde.

    Ce progrès technoscientifique n’a jamais servi et ne servira que l’économie capitaliste et l’armée.

  23. ooops!
    Effectivement jusqu’à présent le progrès scientifique que vous aimez tant et confondez allègrement avec le progrès humain.

    🙂

  24. Skept,

    J’en suis navré, mais je n’ai pas le temps d’une réponse détaillée, par conséquent convenable. Je maintiens, pour l’essentiel, que nous sommes séparés par un fossé qui s’approfondit chaque jour qui passe. Vous ne misez pas une sapèque, visiblement, sur la capacité des humains à infléchir le cours de leur histoire. C’est assez paradoxal pour qui vante l’extraordinaire rupture technique et mentale qu’a été la révolution industrielle.

    Je crois profondément que vous vous trompez. On peut, et d’ailleurs on doit, se débarrasser des énergies fossiles et du nucléaire. Mais un tel saut, prodigieux il est vrai, implique de combattre pied à pied le système industriel dont vous faites semble-t-il l’alpha et l’omega de l’idée de progrès. En oubliant au passage qu’il est différentes conceptions de cette puissante vision. Et en laissant de côté l’essentielle bagarre humaine contre la prolifération des objets matériels inutiles et leur obsolescence programmée par ceux qui les conçoivent, au service bien compris de leurs intérêts.

    Bien à vous,

    Fabrice Nicolino

  25. http://ecologie.blog.lemonde.fr/2011/07/07/combien-de-co2-pesent-un-mail-une-requete-web-et-une-cle-usb/ »

    Il ne s’agissait pas de ma prose mais d’un article d’Audrey GARRIC trouvé … sur le site du journal « le  Monde »! Le nom de l’auteur et le titre de l’article ont dû se perdre en route mais j’avais bien précisé ma source.
    Je suis bien d’accord, internet est un outil fabuleux. Ces données doivent pourtant nous inciter à faire plus attention, elles nous disent que le medium en question n’est pas 100% magique.    Je suis certaine que chacun d’entre nous peut limiter le gaspillage sans reculer de plusieurs millénaires.

    En ce qui concerne le nucléaire, je n’arrive pas à imaginer comment les « pro » font pour continuer de vouloir imposer un tel scénario à leurs enfants (s’ils pensaient au reste du monde, ils en seraient pas là), comment ils osent nier les risques et se laver de toute responsabilité? Vraiment, je n’y arrive pas.

    N’ayez crainte, je ne vais pas systematiquement ajouter des articles aux très bons articles écrits ici mais j’ai retrouvé un entretien -avec un ex « pro »- paru en juin dans « Télérama », et je trouve qu’il contient aussi une bonne synthèse et de bonnes réponses, notamment au sujet de l’Allemagne. Voici :

    >Le monde bouge >Bernard Laponche : “Il y a une forte probabilité d’un accident nucléaire majeur en Europe”

      QUELLE ÉNERGIE POUR L’AVENIR ? 
    ENTRETIEN
    Bernard Laponche : “Il y a une forte probabilité d’un accident nucléaire majeur en Europe”
    Le 19 juin 2011
         entretien     Bernard Laponche     politiques énergétiques
    LE MONDE BOUGE – Physicien nucléaire, polytechnicien, Bernard Laponche est formel : la France est dans l’erreur. Avec le nucléaire, elle s’obstine à privilégier une énergie non seulement dangereuse mais obsolète. Alors que d’autres solutions existent, grâce auxquelles les Allemands ont déjà commencé leur transition énergétique.
      
     

    Il est des leurs. Enfin, il était des leurs. Polytechnicien, physicien nucléaire, Bernard Laponche a participé, dans les années 1960, au sein du Commissariat à l’énergie atomique, à l’élaboration des premières centrales françaises. La découverte des conditions de travail des salariés de la Hague sera pour lui un choc : il prend conscience du danger de l’atome, qu’il juge moralement inacceptable. Dès les années 1980, Bernard Laponche, désormais militant au sein de la CFDT, prône la maîtrise de la consommation énergétique et le développement des énergies renouvelables. Les décennies suivantes lui ont donné raison. Mais la France, seul pays au monde à avoir choisi l’option du tout-nucléaire, s’obstine dans l’erreur, déplore-t-il, et s’aveugle : énergie du passé, sans innovation possible, le nucléaire ne représente pas seulement une menace terrifiante, pour nous et pour les générations qui suivront ; il condamne notre pays à rater le train de l’indispensable révolution énergétique.

     On présente toujours l’énergie nucléaire comme une technologie très sophistiquée. Vous dites qu’il s’agit juste du « moyen le plus dangereux de faire bouillir de l’eau chaude » (1) . C’est provocateur, non ?
    Pas vraiment… Un réacteur nucléaire n’est qu’une chaudière : il produit de la chaleur. Mais au lieu que la chaleur, comme dans les centrales thermiques, provienne de la combustion du charbon ou du gaz, elle est le résultat de la fission de l’uranium. Cette chaleur, sous forme de vapeur d’eau, entraîne une turbine qui produit de l’électricité. L’énergie nucléaire n’est donc pas ce truc miraculeux qui verrait l’électricité « sortir » du réacteur, comme s’il y avait une production presque spontanée…

    Pourquoi cette image s’est-elle imposée ?
    Les promoteurs du nucléaire ne tiennent pas à mettre en avant la matière première, l’uranium. C’est lié au fait qu’à l’origine le nucléaire était militaire, donc stratégique. Et puis en laissant penser que l’électricité est produite directement, ils lui donnent un côté magique, ainsi qu’une puissance trois fois plus élevée, car c’est la chaleur produite que l’on évalue, pas l’électricité. Or les deux tiers de la chaleur sont perdus, ils réchauffent l’eau des fleuves ou de la mer qui sert à refroidir les réacteurs.

    La centrale de Grafenrheinfeld, en Allemagne. – Photo : Jürgen Nefzger
    Parlons donc du combustible…
    Ce sont des crayons d’uranium, de l’uranium légèrement enrichi en isotope 235, pour les réacteurs français. La fission est une découverte récente (1938) : un neutron tape un noyau d’uranium qui explose, produit des fragments, donc de l’énergie, et des neutrons, qui vont taper d’autres noyaux – c’est la réaction en chaîne. La multiplication des fissions produit de la chaleur. Or les fragments de la fission sont de nouveaux produits radioactifs, qui émettent des rayons alpha, bêta, gamma… A l’intérieur des réacteurs, vous produisez donc de la chaleur, c’est le côté positif, mais aussi des produits radioactifs, notamment du plutonium, le corps le plus dangereux qu’on puisse imaginer, qui n’existe qu’à l’état de trace dans la nature. On aurait dû s’interroger dès l’origine : ce moyen de produire de l’eau chaude est-il acceptable ?

    Cette réaction en chaîne, on peut tout de même l’arrêter à chaque instant, non ?
    Dans un fonctionnement normal, on abaisse les barres de contrôle dans le cœur du réacteur : elles sont constituées de matériaux qui absorbent les neutrons, ce qui arrête la réaction en chaîne. Mais il faut continuer de refroidir les réacteurs une fois arrêtés, car les produits radioactifs continuent de produire de la chaleur. La nature même de la technique est donc source de risques multiples : s’il y a une panne dans les barres de contrôle, il y a un emballement de la réaction en chaîne, ce qui peut provoquer une explosion nucléaire ; s’il y a une fissure dans le circuit d’eau, il y a perte de refroidissement, la chaleur extrême détruit les gaines du combustible, certains produits radioactifs s’échappent, on assiste à la formation d’hydrogène, cet hydrogène entraîne des matières radioactives et peut exploser.

    “Puisque le point de départ, c’est la création 
    de produits radioactifs en grande quantité, la catastrophe 
    est intrinsèque à la technique. Le réacteur fabrique 
    les moyens de sa propre destruction.”

    Mais on multiplie les systèmes de protection…
    Vous avez beau les multiplier, il y a toujours des situations dans lesquelles ces protections ne tiennent pas. A Tchernobyl, on a invoqué, à juste titre, un défaut du réacteur et une erreur d’expérimentation ; à Fukushima, l’inondation causée par le tsunami. Au Blayais, en Gironde, où la centrale a été inondée et où on a frôlé un accident majeur, on n’avait pas prévu la tempête de 1999. Mais on a vu des accidents sans tsunami ni inondation, comme à Three Mile Island, aux Etats-Unis, en 1979. On peut aussi imaginer, dans de nombreux pays, un conflit armé, un sabotage… Puisque le point de départ, c’est la création de produits radioactifs en grande quantité, la catastrophe est intrinsèque à la technique. Le réacteur fabrique les moyens de sa propre destruction.

    Y a-t-il eu des innovations en matière nucléaire ?
    Aucun progrès technologique majeur dans le nucléaire depuis sa naissance, dans les années 1940 et 1950. Les réacteurs actuels en France sont les moteurs des sous-marins atomiques américains des années 1950. En plus gros. Les réacteurs, l’enrichissement de l’uranium et le retraitement, sont des technologies héritées de la Seconde Guerre mondiale. On a juste augmenté la puissance et ajouté des protections. Mais parce que le système est de plus en plus compliqué, on s’aperçoit que ces protections ne renforcent pas toujours la sûreté.

    On a du mal à croire qu’il n’y ait eu aucune innovation majeure…
    Si, le surgénérateur ! Avec Superphénix, on changeait de modèle de réacteur. Et heureusement qu’on l’a arrêté en 1998, car il était basé sur l’utilisation du plutonium. Le plutonium est un million de fois plus radioactif que l’uranium. Comment a-t-on pu imaginer faire d’un matériau aussi dangereux le combustible d’une filière de réacteurs exportable dans le monde entier ?

    Nicolas Sarkozy affirme que si l’on refuse le nucléaire, on doit accepter de s’éclairer à la bougie. Qu’en pensez-vous ?
    Il est lassant d’entendre des dirigeants qui n’y connaissent rien continuer à dire n’importe quoi. Nicolas Sarkozy ne croit pas si bien dire ; un jour, et pourquoi pas dès cet été, les Français s’éclaireront à la bougie : comme nous sommes le seul pays au monde à avoir choisi de produire 80 % de notre électricité avec une seule source, le nucléaire, et une seule technique, le réacteur à eau pressurisée, si nous sommes contraints d’arrêter nos réacteurs, nous retournerons à la bougie ! Pas besoin d’une catastrophe, juste un gros pépin générique, ou une sécheresse et une canicule exceptionnelles. Car on ne peut pas faire bouillir l’eau des rivières. En revanche, si l’on décidait de sortir du nucléaire en vingt ans, on pourrait démultiplier notre inventivité énergétique pour justement éviter la bougie.

    Les défenseurs du nucléaire disent qu’en France, avec notre nouveau réacteur, l’EPR, que l’on construit à Flamanville, on arrive à un risque quasi nul…
    Chaque pays assure que ses réacteurs sont mieux que les autres. Avant Fukushima, le discours des Japonais était le même que celui des Français. On en est déjà à cinq réacteurs détruits (Three Mile Island, Tchernobyl, et trois réacteurs à Fukushima) sur quatre cent cinquante réacteurs dans le monde, des centaines de kilomètres carrés inhabitables. La probabilité théorique, selon les experts de la sûreté nucléaire, devait être de un pour cent mille « années-réacteur » [une année-réacteur, c’est un réacteur fonctionnant pendant un an, NDLR], voire un million d’années-réacteur pour un accident majeur, type Tchernobyl ! La réalité de ce qui a été constaté est trois cents fois supérieure à ces savants calculs. Il y a donc une forte probabilité d’un accident nucléaire majeur en Europe.

    Une innovation majeure pourrait-elle vous conduire à revoir votre jugement ?
    Je ne vois pas de solution dans l’état actuel, non pas de l’ingénierie, mais de la connaissance scientifique. Je ne dis pas qu’un jour un savant ne trouvera pas un moyen d’utiliser l’énergie de liaison des noyaux de façon astucieuse, qui ne crée pas ces montagnes de produits radioactifs. Mais pour le moment, il n’y a pas !

    Pourquoi vous opposez-vous à Iter, expérience sur la fusion menée à Cadarache, sous l’égide de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) ?
    La fusion, c’est l’inverse de la fission. On soude deux petits noyaux, deux isotopes de l’hydrogène, le deutérium (un proton et un neutron) et le tritium (un proton et deux neutrons), et cette soudure dégage de l’énergie. Mais il faut arriver à les souder, ces noyaux ! Dans le Soleil, ils se soudent du fait de la gravitation. Sur Terre, on peut utiliser une bombe atomique, ça marche très bien. L’explosion provoque la fusion des deux noyaux, qui provoque une seconde explosion beaucoup plus forte : c’est la bombe à hydrogène, la bombe H. Pour une fusion sans bombe, il faut créer des champs magnétiques colossaux afin d’atteindre des températures de cent millions de degrés. Iter, à l’origine un projet soviétique, est une expérience de laboratoire à une échelle pharaonique, des neutrons extrêmement puissants bombardent les parois en acier du réacteur, ces matériaux deviennent radioactifs et doivent d’ailleurs être remplacés très souvent. Je ne suis pas spécialiste de la fusion, mais je me souviens que nos deux derniers Prix Nobel français de physique, Pierre-Gilles de Gennes et Georges Charpak, avaient dit qu’Iter n’était pas une bonne idée. Ils prônaient les recherches fondamentales avant de construire cet énorme bazar. Personne n’a tenu compte de leur avis, et nos politiques se sont précipités, sur des arguments de pure communication – on refait l’énergie du Soleil – pour qu’Iter se fasse en France.

    Pourquoi ?
    Parce que les Français veulent être les champions du nucléaire dans le monde. Les Japonais voulaient Iter, mais leur Prix Nobel de physique Masatoshi Koshiba a dit « pas question », à cause du risque sismique. Je pense que ce projet va s’arrêter parce que son prix augmente de façon exponentielle. Et personne ne s’est posé la question : si jamais ça marchait ? Que serait un réacteur à fusion ? Comme disent les gens de l’association négaWatt, pourquoi vouloir recréer sur Terre l’énergie du Soleil puisqu’elle nous arrive en grande quantité ?

    Que répondez-vous à ceux qui pensent que l’impératif du réchauffement climatique, donc la nécessaire réduction des émissions de CO2, nous impose d’en passer par le nucléaire ?
    Tout d’abord, on ne peut pas faire des émissions de CO2 le seul critère de choix entre les techniques de production d’électricité. Faut-il accepter qu’au nom du climat, tous les cinq ou dix ans, un accident de type Fukushima se produise quelque part dans le monde ? Ensuite, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) a montré que si l’on voulait tenir nos objectifs de réduction des émissions de CO2, la moitié de l’effort devait porter sur les économies d’énergie. Pour l’autre moitié, le recours aux énergies renouvelables est essentiel, la part du nucléaire n’en représentant que 6 %. Il faut donc relativiser l’avantage du nucléaire.

    “Comme on a fait trop de centrales, il y a eu
    pression pour la consommation d’électricité, 
    en particulier pour son usage le plus imbécile, le
    chauffage, pour lequel la France est championne.”

    Vous avez commencé votre carrière au CEA et avez été un artisan de cette énergie. Que s’est-il passé ?
    J’ai même fait une thèse sur le plutonium, et je ne me posais aucune question. Tout est très compartimenté au CEA, je faisais mes calculs sur la centrale EDF 3 de Chinon, n’avais aucune idée des risques d’accident ni du problème des déchets. Je travaillais avec des gens brillants. Et puis j’ai commencé à militer à la CFDT, après 68, et on s’est intéressé aux conditions de travail des travailleurs de la Hague. Je me suis aperçu que, moi, ingénieur dans mon bureau, je ne connaissais rien de leurs conditions de travail, et que les gens de la Hague ne savaient pas ce qu’était un réacteur nucléaire. On a donc écrit, en 1975, un bouquin collectif qui a été un best-seller, L’Electronucléaire en France. Le patron du CEA de l’époque a d’ailleurs reconnu la qualité de ce travail. Pour cela, j’ai travaillé pendant six mois à partir de documents américains, parce qu’en France il n’y avait rien. La CFDT a alors pris position contre le programme nucléaire. J’ai commencé à travailler sur les alternatives au nucléaire et, en 1982, je suis entré à l’Agence française pour la maîtrise de l’énergie.

    Cela fait trente ans… Que prôniez-vous à l’époque ?
    Mais la même chose qu’aujourd’hui : économies d’énergie et énergies renouvelables ! Les principes de l’électricité photovoltaïque, donc des panneaux solaires, étaient déjà connus. Aujourd’hui, on ne parle que de l’électricité, mais ce qu’il faudrait d’abord installer partout, c’est des chauffe-eau solaires ! Rien de plus simple : un fluide caloporteur circule dans un tube sous un panneau vitré, et permet d’obtenir de l’eau à 60 degrés. L’Allemagne, pays moins ensoleillé que la France, a dix fois plus de chauffe-eau solaires. Dans le Midi, il n’y en a pas, ou si peu !

    Cela ne demande pas beaucoup d’innovation…
    L’innovation permet avant tout de réduire les coûts. L’éolien, sa compétitivité face au nucléaire est acquise. En ce qui concerne le photovoltaïque, les Allemands anticipent des coûts en baisse de 5 % chaque année. Il y a beaucoup de recherches à faire sur les énergies marines, les courants, l’énergie des vagues, la chaleur de la terre avec la géothermie. Les énergies renouvelables, sous un mot collectif, sont très différentes, et peuvent couvrir à peu près tous les besoins énergétiques. Les Allemands estiment qu’elles couvriront 80 % des leurs d’ici à 2050. C’est plus que crédible, à condition de toujours rechercher les économies d’énergie.

    Le fait qu’on ait produit de l’électricité à partir du nucléaire à un coût modique, ne prenant pas en compte les coûts du démantèlement et de la gestion à long terme des déchets radioactifs, a-t-il pénalisé les énergies renouvelables ?
    Oui, et comme on a fait trop de centrales nucléaires, il y a toujours eu pression pour la consommation d’électricité, et en particulier pour son usage le plus imbécile, le chauffage électrique, pour lequel la France est championne d’Europe. On construit des logements médiocres, l’installation de convecteurs ne coûte rien, cela crée du coup un problème de puissance électrique globale : en Europe, la différence entre la consommation moyenne et la pointe hivernale est due pour moitié à la France ! Résultat, l’hiver, nous devons acheter de l’électricité à l’Allemagne, qui produit cette électricité avec du charbon… Hors chauffage, les Français consomment encore 25 % de plus d’électricité par habitant que les Allemands. Qui n’ont pas seulement des maisons mieux isolées, mais aussi des appareils électroménagers plus efficaces, et qui font plus attention, car l’électricité est un peu plus chère chez eux.

    “Les Allemands étudient des réseaux 
    qui combinent biomasse, hydraulique, éolien, 
    photovoltaïque. Ils réussissent la transition 
    énergétique. Parce qu’ils l’ont décidée.”

    Quelles sont les grandes innovations à venir en matière d’énergie ?
    Les « smart grids », les réseaux intelligents ! Grâce à l’informatique, on peut optimiser la production et la distribution d’électricité. A l’échelle d’un village, d’une ville ou d’un département, vous pilotez la consommation, vous pouvez faire en sorte, par exemple, que tous les réfrigérateurs ne démarrent pas en même temps. Les défenseurs du nucléaire mettent toujours en avant le fait que les énergies renouvelables sont fluctuantes – le vent ne souffle pas toujours, il n’y a pas toujours du soleil – pour asséner que si l’on supprime le nucléaire, il faudra tant de millions d’éoliennes… Mais tout change si l’on raisonne en termes de combinaisons ! Les Allemands étudient des réseaux qui combinent biomasse, hydraulique, éolien, photovoltaïque. Et ils travaillent sur la demande : la demande la nuit est plus faible, donc avec l’éolien, la nuit, on pompe l’eau qui va réalimenter un barrage qui fonctionnera pour la pointe de jour… C’est cela, la grande innovation de la transition énergétique, et elle est totalement opposée à un gros système centralisé comme le nucléaire. Le système du futur ? Un territoire, avec des compteurs intelligents, qui font la jonction parfaite entre consommation et production locale. Small is beautiful. Les Allemands réussissent en ce moment cette transition énergétique. Parce qu’ils l’ont décidée. C’est cela, le principal : il faut prendre la décision. Cela suppose une vraie prise de conscience.

    Comment expliquez-vous l’inconscience française ?
    Par l’arrogance du Corps des ingénieurs des Mines, d’une part, et la servilité des politiques, de l’autre. Une petite caste techno-bureaucratique a gouverné les questions énergétiques depuis toujours, puisque ce sont eux qui tenaient les Charbonnages, puis le pétrole, et ensuite le nucléaire. Ils ont toujours poussé jusqu’à l’extrême, et imposé aux politiques, la manie mono-énergétique.

    Cela vient de notre pouvoir centralisé ?
    Complètement ! Dans les années 1970, un chercheur suédois a écrit une étude sur le fait que le nucléaire marche dans certains pays et pas dans d’autres. Et il en a conclu qu’une structure politico-administrative autoritaire et centralisée avait permis qu’il se développe dans deux pays : l’URSS et la France. Pour de fausses raisons – indépendance énergétique, puissance de la France –, on maintient le lien entre le nucléaire civil et militaire – le CEA a une branche applications militaires, Areva fournit du plutonium à l’armée. Ce complexe militaro-étatico-industriel fait qu’ici on considère madame Merkel comme une folle. Au lieu de se dire que si les Allemands font autrement, on pourrait peut-être regarder… Non, on décide que les Allemands sont des cons. Nos responsables claironnent qu’on a les réacteurs les plus sûrs, que le nucléaire c’est l’avenir, et qu’on va en vendre partout. C’est l’argument qu’on utilise depuis toujours, et on a vendu péniblement neuf réacteurs en cinquante ans, plus les deux qui sont en construction en Chine. Ce n’est pas ce qui était prévu… En dix ans, les Allemands, eux, ont créé près de 400 000 emplois dans les énergies renouvelables.

    En dehors des écologistes, personne, y compris à gauche, ne remet en cause le nucléaire…
    Les choses évoluent vite. Fukushima ébranle les pro-nucléaire honnêtes. Je pense que la décision allemande aura une influence, pas sur nos dirigeants actuels, mais sur nos industriels et aussi sur les financiers. Ils doivent se dire : vais-je continuer à mettre mes billes dans un truc comme ça ? Il y avait jadis l’alliance Areva-Siemens pour proposer des réacteurs EPR, mais Siemens en est sorti depuis des années. On peut toujours se rassurer en pensant que les Allemands se trompent, mais on peut difficilement soutenir qu’ils aient fait ces dernières décennies de mauvais choix et que leur industrie soit faiblarde…

    Les écologistes peuvent-ils peser sur les socialistes ?
    Bien sûr. Déjà, en 2000, tout était prêt pour l’EPR, mais Dominique Voynet, ministre de l’Environnement, a dit à Lionel Jospin : « Si tu fais l’EPR, je démissionne. » C’est la seule fois où elle a mis sa démission dans la balance et l’EPR ne s’est pas fait à l’époque. Je travaillais auprès d’elle comme conseiller sur ces questions, j’ai pondu trois cent cinquante notes. Il y avait une bagarre quotidienne entre le ministère de l’Environnement et le ministère de l’Industrie, qui se moquait complètement de la sécurité. Malheureusement, l’EPR est reparti avec Chirac en 2002. Et il va nous coûter très cher. En un demi-siècle, on a gaspillé l’énergie, on a fait n’importe quoi. Il est urgent de choisir une civilisation énergétique qui ne menace pas la vie.

    Propos recueillis par Vincent Remy
    Télérama n° 3205
    (1) Titre d’une contribution dans les pages Rebonds de « Libération » (24 mars 2011).

      

     

  26. « Les écologistes peuvent-ils peser sur les socialistes ? »
    Cela paraît difficile,si dans un gouvernement ils agissent de la même manière qu’en région Provence Alpes Ce d’Azur.
    Voir la lettre ci-dessous adressée aux élus de cette région par la Coordination Antinucléaire 13.

    Lettre Ouverte du Collectif Antinucléaire 13 aux élu(e)s Europe-Ecologie-Les-Verts

    Marseille, le 8 juillet 2011

    Depuis le début de la catastrophe de Fukushima, EELV et tous les écologistes s’indignent , dénonçant les conséquences inacceptables de cette tragédie humaine. Toute la mouvance écologiste demande une sortie du nucléaire, EELV en tête ! Le positionnement semble clair…Et pourtant !

    – Le 25 novembre 2009 (date à laquelle vous vous étiez déjà largement et depuis longtemps indignés sur la catastrophe de Tchernobyl), afin de  « sauver le climat » les députés Europe-Écologie et les Verts au Parlement Européen ont voté, à une exception près, un texte entérinant l’extension « du marché carbone mis en place en Europe à l’ensemble de la planète » (1) et votent une résolution qui inclut le terrible paragraphe : «36. souligne que le passage, à l’échelle internationale, à une économie à faible intensité de carbone conférera à l’énergie nucléaire un rôle important dans le bouquet énergétique à moyen terme ; »(2)
    – Vous vous dites contre le projet ITER, à y regarder de plus près cependant, vos décisions politiques et vos déclarations ne sont guère convaincantes :
        . les Verts siégeant au conseil Régional PACA ont depuis longtemps proposé le tristement célèbre compromis « 1 euro pour ITER, 1 euro pour les renouvelables », au lieu de s’opposer frontalement au projet.

        . Le 10 octobre 2010, réunis devant Cadarache, les élues EELV déclarent tout à tour : « les priorités, c’est le réchauffement climatique », « Iter, inutile : on ne peut pas répondre par oui ou par non à cette question aujourd’hui, « Iter coûteux : je crois que le rapport investissement sur retour sur investissement est insuffisant ». (4)

        . puis, récemment, pendant qu’en mai dernier les antinucléaires manifestent de bonne foi à Aix-en-Provence devant l’hôtel où sont réunis les députés européens pour décider de la rallonge budgétaire à accorder au projet ITER,  une élue européenne EELV se prononce pour « un moratoire », ce qui revient à repousser la décision aux calendes grecques.
    – Vous vous indignez à juste titre de la toute récente prolongation de 10 ans de Fessenheim, mais l’avis de prolongation de 10 ans du réacteur n°1 de Tricastin le 13 décembre 2010 n’a provoqué aucune réaction de votre part alors même que certains de vos élus siègent à la CLIGEET (Commission Locale d’Information de Tricastin). De même la troisième visite décennale pour le réacteur n°2 de Tricastin s’est déroulée dans le silence le plus absolu et l’accord pour sa prolongation de 10 ans est imminent.
    – Egalement, tout en expliquant que le nucléaire est dangereux, coûteux, antidémocratique, vous mettez en avant le scénario Negawatt (5) et vous vous prononcez pour une sortie progressive à 20 ans, 30 ans, voire plus. Vous nous expliquez aussi que votre objectif prioritaire est de battre Nicolas Sarkozy et de négocier le meilleur accord avec vos partenaires de la « gauche », dont certains farouchement pro-nucléaires.
    – Enfin, vous promettez une sortie du nucléaire grâce à une hypothétique politique d’ économies d’énergie et de recours aux énergies renouvelables
    Nous pensons qu’il n’est pas responsable d’expliquer à vos futurs électeurs, à la fois que le nucléaire représente un danger inacceptable, et de proposer comme seule solution une sortie en 20, 30 ou 40 ans selon les négociations qui seront engagées avec vos partenaires. Nous pensons que proposer une sortie en 20 ans, 30 ans ou 40 ans revient à proposer la poursuite du nucléaire pendant encore 20, 30 ou 40 ans.

    Nous pensons que le nucléaire est dangereux, qu’il risque d’anéantir la civilisation humaine, et que dès lors, tous les atermoiements sont coupables.

    Nous pensons qu’il faut arrêter le nucléaire maintenant et mettre en place les solutions de remplacement qui s’imposent en urgence sans attendre la prochaine catastrophe. A danger imminent, solution immédiate ! Et s’il nous faut en passer par l’utilisation du gaz, du charbon et du pétrole en attendant un monde idyllique fait d’économies d’énergies et d’éoliennes, alors faisons-le ! Rien ne nous empêchera de réfléchir en parallèle à la sortie de ces énergies « sales » et à la trilogie Negawatt.

    Le mode de production d’énergie est lié à une question sociétale et à notre mode de vie productiviste. Les émissions de gaz à effet de serre sont liés à la gabegie économique et la croissance effrénée. Pour les réduire, arrêtons de toute urgence la déforestation massive, l’agriculture et l’élevage intensifs, redéfinissons nos politiques d’urbanisation, de transports. Tout ceci n’a rien à voir avec le nucléaire.

    Car le nucléaire n’est pas au final une question de production d’énergie, et c’est une supercherie de le faire croire. Le nucléaire est une question de morale et d’éthique. Et nous nous battrons, nous, « antinucléaires radicaux », parce qu’à tout instant le nucléaire risque d’éradiquer la civilisation humaine.

    La souffrance du peuple japonais comme celle de toutes les populations touchées par les catastrophe du nucléaire n’ont pas de prix. Se cacher derrière des coûts, une faisabilité technique, derrière des expertises énergétiques, à seule fin, peut-être, de reculer des prises de décision politiques, n’est pas responsable.

    Néanmoins, nous considérons que vous êtes garants en tant qu’élus de notre sécurité et de notre santé. Vous portez et porterez une lourde responsabilité dans les conséquences de la prochaine catastrophe. Vous qui connaissez et dénoncez depuis tant d’années les dangers invraisemblables du nucléaire, quelles mesures concrètes allez-vous prendre pour qu’enfin cesse la barbarie ?

    Aujourd’hui, nous vous demandons des actes, du concret et a minima que vous restiez fidèles à votre parole donnée le 20 mars (6). Nous vous demandons de prendre, maintenant, toutes les mesures  pour « l’arrêt de tous les projets électronucléaires en cours….(…ITER..) » et pour  « Le renoncement à la prolongation de l’exploitation des réacteurs ayant atteint ou dépassés les 30 ans de fonctionnement », c’est à dire techniquement l’arrêt des quatre réacteurs de Tricastin.

    Enfin, tout comme nous ne nous satisferons pas de compromis, nous ne nous laisserons pas confisquer la parole par les partis politiques ou les réseaux institutionnalisés. La parole antinucléaire appartient à chacun d’entre nous, individus, citoyens, futurs cobayes et victimes potentielles.

    Nous continuerons à prendre cette parole pour dire haut et fort qu’il n’y a pas d’autre solution aujourd’hui que l’arrêt immédiat, inconditionnel et définitif du nucléaire !

  27. Hé, hé, quand je lis Skept, j’ai l’impression de relire notre camarade krolik. 😮

    Skept, quand vous parlez de la science de l’an 5000, vous faites le même pari qui n’est qu’une forme plus subtile car cryptée du « la science / nos descendants trouvera(ont) une solution » qu’on entend régulièrement. Irresponsable (au sens premier, puisque cela dédouane de sa responsabilité présente sur le futur), et absurde (au sens logique, car les choix effectués augmentent la probabilité de catastrophe, alors qu’on postule sa non apparition pour augmenter ses chances de résolution avec le temps).
    Vous ignorez aussi le fait que le nuk est une énergie fossile par son combustible, donc limitée dans le temps, ainsi que les coûts de démantèlement que d’autres n’ont pas manqué de pointer.

  28. Fabrice : pas grave pour votre manque de temps, je vous remercie d’en prendre déjà pour cet échange. Au contraire, les humains peuvent infléchir le cours de leur histoire – il me serait difficile de me dire moderne si je pensais le contraire. Les humains divergent sur le sens de l’inflexion à donner à leur histoire : il existe des visions antagonistes du bien, du bon et du juste. Nous habitons le même monde, mais nous n’identifions pas les mêmes formes d’aliénation ou d’émancipation. Je ne parviens pas du tout à comprendre que l’on désigne comme « ennemi » le système industriel – remarquez, pas plus l’agriculture, la chasse, la cueilletteou ce que vous voulez comme mode de production. L’homme cherche des moyens de satisfaire des besoins, il y parvient de façon plus prévisible et plus abondante avec l’industrie que sans elle. Ensuite, toute industrie particulière présente des avantages et des inconvénients, on essaie de dépasser les seconds ou on l’abandonne pour une autre. Je ne vois pas cela comme traumatique en soi. Ce qui peut l’être, c’est plutôt le partage de ce qui est ainsi produit, les règles du jeu entre gagnants et perdants d’un ordre social donné.

    Lionel : à vous lire, notre société est la pire que l’histoire ait produite et elle n’apporte aux humains que des désavantages. Cette radicalité est un peu bizarre, on se demande pourquoi nous agissons ainsi en sens contraire de nos intérêts et de nos goûts. Vous avez une explication ?

  29. Skept, votre vision oublie un effet important qui ruine votre raisonnement : le système productif (l’industrie, en l’occurence) ne se contente pas de répondre à des besoins, il fait tout pour les amplifier. Tout le monde comprend que le but de l’industrie n’est pas de satisfaire les besoins matériels, mais les besoins de profits, qui eux n’ont pas de limite physique. C’est une rétro-action de signe positif, le système s’emballe.

    L’industrie est une nouveauté dans l’histoire, l’expérience n’a pas été tentée auparavant; on ne peut donc pas postuler qu’elle réussisse. Ni socialement, ni physiquement. Jusqu’à présent, les sociétés industrielles s’endettent auprès de la biosphère mais les remboursements n’ont pas commencé.

  30. miaou : je ne sais pas trop ce que signifie « amplifier un besoin ». Je considère que les gens (dont vous et moi) sont généralement assez grands pour savoir s’ils veulent travailler / consommer plus ou moins. J’observe que notre société nous en donne la liberté – puisque je fais le choix personnel de travailler et consommer moins, pour avoir plus de temps libre. Je serais bien ingrat d’en vouloir à un système qui me donne ce luxe. Et je n’éprouve pas de mépris pour autrui s’il fait des choix de vie différent des miens.

    Sur l’industrie comme nouveauté historique : avant de savoir si elle réussira à l’avenir, je propose d’abord de faire un inventaire sur ce qu’elle a réalisé. Pour moi, il n’y a pas photo entre une société traditionnelle et une société industrielle : dans la seconde, les multitudes gagnent en prospérité, santé, éducation, mobilité, confort, libertés… à peu près tout ce qui désigne une existence agréable dans l’histoire, et qui était l’existence des seules élites dans les sociétés traditionnelles post-néolithiques. Je comprends la négation de cette émancipation moderne chez les réactionnaires et conservateurs qui ont les masses en horreur, mais pas chez les progressistes ou supposés tels.

    Sur l’industrie comme exploitation de la biosphère : nous sommes bien d’accord sur la réalité de cette exploitation. Mais pas sur l’idée de dette. Du point de vue rationaliste et matérialiste qui est le mien, il n’y a aucune dette de l’homme envers une entité générique, vaguement magique, qui s’appellerait Vie, Nature, Gaïa, Être ou ce que vous voulez. Cela ne signifie pas qu’il faut raser toutes les forêts pour faire des parkings, mais que nos choix (même s’ils visent à protéger tel milieu, telle espèce) procèdent toujours en dernier ressort de notre volonté autonome.

    Sur l’avenir de l’industrie : je ne projette pas très loin et je ne postule rien. Si des ressources manquent, elles manqueront et nous ferons autre chose. Pour autant, il n’y a pas d’intérêt à inventer des limites aux ressources là où elles n’existent pas réellement. C’est un point rarement clair dans la critique des sociétés industrielles : on mêle les registres physiques, moraux, esthétiques et politiques dans la critique du système. S’aventurer sur le registre physique est (à mon avis, forcément extérieur) une erreur. Les écologistes essaient de capitaliser sur certains discours scientifiques (typiquement le climat), mais cette stratégie est à la fois schizophrène (car ce discours climatique est en dernier ressort celui de la technoscience qui observe et modélise le monde) et incertaine (car si la recherche vient à modifier ses conclusions, ce qui est son cours habituel, il sera difficile de faire machine arrière).

  31. @Skept,

    « Lionel : à vous lire, notre société est la pire que l’histoire ait produite et elle n’apporte aux humains que des désavantages. Cette radicalité est un peu bizarre, on se demande pourquoi nous agissons ainsi en sens contraire de nos intérêts et de nos goûts. Vous avez une explication ? »

    ♫♪ »The answer, my friend, is blowin’ in the wind »♫♪
    comme le dirait Bob (ici : http://www.wat.tv/video/bob-dylan-blowin-in-the-wind-185zm_2gh7d_.html )

    Plus sérieusement, soit vous êtes un ingénu et vous allez vous tirer des baffes quand vous ouvrirez les yeux sur la modernité chérie, soit vous êtes un troll comme certains l’ont détecté en vous assimilant Krolik ou Pilet14 et vous feriez mieux d’aller sur des sites de transhumanisme pour roucouler des bienfaits de la technoscience.

    Dans tout les cas il faut partir de tellement loin que je n’ai pas envie de vous répondre. Lisez donc les anciens billets de Fabrice ou allez sur le site de PMO pour vous conscientiser :
    http://www.piecesetmaindoeuvre.com/

  32. lionel : il est vrai que ma question était un peu générique, désolé. Sur le site de PMO, je lis notamment dans la déclaration d’intention : « nous savons qu’on ne gagne pas toujours avec le nombre, mais qu’on ne gagne jamais sans lui, et moins encore contre lui. Nul à ce jour n’a trouvé d’autre moyen de transformer les idées en force matérielle, et la critique en actes, que la conviction du plus grand nombre ». Cela me semble une bonne base pour nos temps démocratiques. Je suggère simplement qu’un excès de langage dans la description du réel n’est pas susceptible de produire autre chose qu’un décalage entre son énonciateur et le grand nombre. Plus précisément, vous obtenez par la radicalité un effet de scandale qui augmente un temps l’audience (votre image devient exploitable pour un système de réputation superficielle), et puis plus rien d’autre. La multitude n’a jamais été radicale – on peut faire l’hypothèse qu’il s’agit d’une propriété intrinsèque des grands nombres où ce sont presque toujours des préférences centrales qui surnagent. Beaucoup de minorités éclairées ont voulu parler et agir au nom du grand nombre endormi par quelques opiacés, mais avec de piètres résultats. Bien sûr, ce que je dis vaut pour vos symétriques transhumanistes, extropiens et autres mutants, qui vivent dans un discours et une image me semblant tout aussi éloignés des réalités.

  33. Skept vous nous dites :
    miaou : je ne sais pas trop ce que signifie “amplifier un besoin”
    Vous vous moquez (ou vous provoquez), ou alors vous êtes le dernier des naïfs. Dans les deux cas vous consolidez le système dont nous montrons les tares. En conséquence : oui, vous êtes un troll, maintenant, c’est évident.
    Si au moins vous aviez répondu à des remarques précédentes, mais pas encore.

  34. Conseil de lecture à Skept : « Manifeste sur la société industrielle » de théodore Kasinsky (unabomber), mathématicien américain, en prison à vie

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