L’art du flan (Greenpeace à Bali)

Non, décidément non. Je ne saurai marcher là-dedans, malgré mon amitié ancienne pour Greenpeace et sa présidente en titre, Katia Kanas. À dire le vrai, mon profond malaise s’étend au Réseau Action Climat (RAC) et à la fondation Nicolas Hulot, mais je n’ai jamais eu les mêmes liens avec eux.

Pourquoi ce préambule ? Parce que j’ai reçu un communiqué de Greenpeace – et des deux autres cités – dont le titre est réellement un programme : Allez Borloo ! Il est daté et signé de Bali, où se déroule une énième conférence mondiale sur le climat. Que disent les trois ONG ? Elles tiennent, entre autres, « à saluer le tournant pris depuis hier soir par la Conférence de Bali, suite au discours tenu par Jean-Louis Borloo devant les Nations unies.
Depuis l’intervention du ministre français de l’Écologie, du Développement et de l’Aménagement durables hier, il n’est question que de ça à Bali : les États-Unis doivent accepter de s’engager avec les autres pays industrialisés à réduire leurs émissions de 25 à 40 % d’ici à 2020 »
.

Je vous passe le reste, que je considère comme pur bla-bla. Sauf ceci, dans la bouche du directeur de Greenpeace en France, Pascal Husting : « Nous félicitons Jean-Louis Borloo de mettre ainsi les Américains au pied du mur et de rejeter fermement le processus parallèle qu’ils tentent d’instaurer et qui n’a qu’un seul objectif : torpiller Kyoto ».

De tels propos me semblent simplement tragiques. Je connais et j’apprécie Pascal Husting, mais pas toujours, la preuve. Il démontre ici qu’il a beaucoup à apprendre sur la politique des nations, sur la notion de (vrai) rapport de forces, et même sur la gravité de la crise écologique. Car évidemment, à supposer que Borloo soit décidé à autre chose que brasser de l’air, ce qui reste à démontrer, il est de toute façon dans l’impossibilité totale d’enclencher quelque mobilisation que ce soit.

Deux mots, alors qu’il en faudrait mille. Et d’un, Greenpeace – et les autres – se concentrent sur le protocole de Kyoto, négocié rappelons-le en 1997. Ce n’est pas parce que les politiciens du monde ont pris un retard inouï sur les faits que les ONG doivent saluer chaque pas de souris dans une direction aussi ridicule. Car Kyoto, qui n’a jamais été à la hauteur des événements, est aujourd’hui la (très) faible lueur d’une étoile morte. La plupart des glaciologues réunis, en ce moment même, au congrès de l’American Geophysical Union, qui se déroule à San Francisco, nous tiennent un propos sans appel. Les glaces de l’Arctique, y compris hélas la calotte du Groenland – qui décide en partie du niveau des mers -, fondent bien plus vite que prévu.

Des phénomènes très importants n’ont pas été pris en compte dans les modèles climatiques, ce qui rend les prévisions du Giec, pourtant très sombres, exagérément optimistes. Qu’un Borloo ou tout autre politicien, d’ailleurs, se serve des blocages planétaires pour relancer sa carrière propre, soit. Car c’est inévitable. Mais pourquoi diable faudrait-il lui offrir un marchepied ? Pourquoi semer la mortelle illusion qu’il suffirait de quelques mots pour enclencher enfin le cycle de vertueuses décisions ? La responsabilité de Greenpeace me paraît très lourde.

Autre point, qui ruine cette démarche faussement pragmatique, mais réellement – et au sens premier – décourageante. L’Indonésie, le pays de Bali, donc, est devenu cette année le troisième émetteur de gaz à effet de serre de la planète, après les États-Unis et la Chine. Pour quelle raison ? Parce que l’archipel asiatique brûle par millions d’hectares ses forêts tropicales, de plus en plus pour planter des palmiers à huile destinés à la fabrication d’agrocarburants.

La carbone qui était stocké dans les arbres repart dans l’atmosphère sous la forme de gaz carbonique. Et les tourbières, sur lesquelles poussent en partie ces forêts, libèrent elles aussi, après avoir été drainées pour laisser place aux plantations industrielles, des gaz à effet de serre. Nul ne sait combien au juste, mais des estimations sérieuses parlent de 600 millions à 1 milliard de tonnes de gaz carbonique chaque année. Pour la seule Indonésie. C’est colossal, c’est peut-être davantage que la totalité des engagements de réduction pris à Kyoto par l’ensemble des pays industrialisés.

Or Borloo est, aux dernières nouvelles, le ministre de l’Écologie, tutelle de l’Ademe, agence pour l’environnement et la maîtrise de l’énergie. Laquelle, comme je le dénonce depuis des mois, abrite depuis 1994, dans la structure appelée Agrice, une part essentielle du lobby industriel français en faveur des agrocarburants. À ce compte-là, ma foi, Borloo peut bien faire quantité des bulles depuis les tribunes de Bali. Cela ne coûte strictement rien.
Tout cela n’est bien entendu que com’. Borloo a peut-être compris que la crise climatique était grave. Je m’en fous, totalement. La seule question qui vaille, c’est de savoir comment avancer. Et ma conviction profonde, c’est que Greenpeace recule. Et nous fait reculer. Désolé, ce n’est pas une bonne nouvelle.

15 réflexions sur « L’art du flan (Greenpeace à Bali) »

  1. quand t’es dans le désert, depuis trop longtemps, tu t’demandes à quoi ça sert toutes ces cartes un peu truquées,les jeux qu’on veut’t’faire jouer les yeux bandés…je la chantait quand j’étais môme .C’est le tube d’un journaliste des années 80. Depuis c’est toujours la télé qui crache la vérité quotidienne au bon peuple qui l’écoute, et les plus vulnérables (nature comprise) qui se font saigner un peu partout .Le bravo Mr Borloo est trop exhaustif c’est sûr, mais je pense que personne n’est dupe, ni chez greepeace ni dans les autres ong présentes ou non à Bali. On ne peut pas foutre en tôle ceux qui nous conduisent droit dans le mur, ça ne se fait pas dans nos « démocraties » vouées encore à servir d’exemples au monde futur qui s’entredéchirera pour de l’eau notamment (surtout au sud et à l’Est). On ne peut que râler (un peu) quand une décision va dans le mauvais sens (moratoire OGM…..) et « applaudir » quand ça semble partir dans la bonne direction, pas pour redorer les blasons des ministres, peut-être juste pour réveiller nos concitoyens . Nous sommes encore si peu nombreux !Ecoeurée je le suis tout autant, mais on gueule bien dans le désert pour le moment donc même si nous n’avons plus de temps devant nous, nous devons le prendre, pas le choix (où indiquez moi la route, je serai la première à courrir devant !)..ça n’empêche pas d’agir par ailleurs, ce que fait greepeace (peut-être plus made in england, mais bon..)

  2. Greenpeace envoûté? Un peu d’exorcisme, peut-être? « Borloo, sors de ce corps! etc. »
    Un grand moment très émouvant, en tout cas, Greenpeace saluant Borloo  » qui met les américains au pied du mur ». J’aurai vu ça dans ma pov’ vie! Wow! l’Amérique, si elle s’en relève – car elle n’est bien évidemment qu’un colosse aux pieds d’argiles comme chacun le sait- va sans aucun doute plier les genoux avant de se coucher devant la formidable détermination française ( argh, bonjour la métaphore!). Bon, pour Hulot, personne je crois ne se faisait plus guère d’illusions à son sujet, (Si? Ah bon? Dommage…) quant aux associations qui ont collaboré au « Grenelle » et ont été benoîtement roulées dans la farine par Borloo (et son mentor le miniconducator), les revoici les revoilà en train d’applaudir à tout rompre aux gesticulations, plongées en apnée et autres danses balinaises du même ébouriffé et ébouriffant avocat d’affaires. A moins qu’elles n’aient été en orbite autour de Saturne durant le laps de temps qui a séparé le « Grenelle » du « Bali », elles auraient dû lire les journaux et se tenir informées, disons, des glissements sémantiques successifs du ci-devant – ( » Encore un glaçon, Jean-Louis? ») – ministre de l’écologie concernant par exemple le mot  » moratoire ». Drôle de service, qu’elles nous rendent à tous, ces associations. Mais surtout quel bons services elles rendent aux médias et aux communicateurs de Borloo. A moins bien sûr qu’elles ne pensent se rendre service à elles-mêmes, dans la foulée, par ce genre de déclaration…  » On ne parle plus que de ça à Bali »! Au secours, René Dumont, reviens, ils sont devenus fous!

  3. elle est drole celle là ! ‘Borloo sors de ce corps’ ;o))
    d’accord avec fabrice, Greenpeace m’avait déjà déçu aprés le Grenelle en se félicitant des avancées … ok qu’il y en aura peut être un peu vraiment mais de là à communiquer (sur leur site) sans insister assez à mon gout sur tout ce qui serait à changer et qui ne l’est pas.
    idem quand ils reprennent des louanges sur Borloo…….
    je fais actuellement du bénévolat chez Oxfam et j’aimerais en plus faire quelque chose pour l’environnement (en dehors de mes changements personnels dans ma consommation etc ). je cherche donc une assoc ou ONG où je pourrais aller et il y en a plein , les différences entre elles sont pas toujours évidentes. j’avais pensé à Greenpeace mais justement leurs comptes rendus du Grenelle m’avaient refroidie. et ce que Fabrice vient d’écrire… encore plus!
    connaissez vous un endroit où je pourrais trouver des infos sur les assoc ou ong etc. ? j’habite prés de Lille dinch’nord

  4. greenpeace ne serait desormais, plus independant des lobbis pour leur financement,il le cache,et il est desormais difficile d’acceder en transparence a tout leur financement, car leur image de marque en prendrait un coup,c’est Guillet qui me l’a dit,et oui,a part les Amis de la Terre dans ces grosses ONG,ils roulent tous desormais pour le bissness vert,et s’ecrasent devant ces minables,triste,je conseille a ce messieur d’aller dans des petites assoces de terrain ou aux Amis de la Terre qui eux restent eux même et sont economiquement pas dependants des industrialos,notre fondation a finançé beaucoup d’associations alternatives ecolo sur Europe ,vous pouvez allez voir sur notre site:terrehumaine.org

  5. je pencherais pour la deuxiéme version concernant les dirigeants… et 53 % se font manipuler soit par connerie soit par méconnaissance soit ils sont égoistes. mais heureusement il y a des dirigeants qui sortent un peu du lot et où il y a moins d’injustice et ceux là, même s’ils ne sont pas parfaits, se font bien descendre par les médias

  6. merci à terramorsi pour le site où j’y ai vu son nom d’ailleurs ainsi que le nom de quelqu’un bossant pour Politis, hebdo que j’achéte parfois et que je trouve trés bien.
    cela rejoint la réflexion que je me faisais hier soir en me disant que ce que j’aimerais faire c’est du concret local mais pas à Lille où il y a déjà pas mal d’activités mais sur ma ville Seclin (à 10 kms de lille) en tentant d’éveiller un peu les consciences écologiques des personnes , en faisant de petites choses comme justement un jardin potager communautaire, etc .. (j’ai vu des références sur le site de terramorsi). j’avais déjà cherché s’il n’y avait pas d’associations sur seclin de ce style mais rien vu à ce jour. alors peut être faut il tout simplement la créer. seule je ne m’en sens pas la force et me posant la question : avec qui ? je me dis que d’autres personnes dans ma ville doivent avoir des envies de ce style mais comment les rencontrer ? il y a quand même eu d’autres votants aux élections pour José Bové ou les verts. j’en suis à me dire que je devrais passer une annonce dans la revue à laquelle je suis abonnée ‘les quatres saisons du jardinage’. à voir . rencontrer quelques personnes localement pour discuter et voir ce qu’on pourrait faire . et en regardant le site signalé par terramorsi, ça rejoint certaines asso ailleurs. Pour Virage énergie signalé dans les asso aidées, je reçois leurs lettres et suis allée à des présentations lors de la journée anti EPR en mars. c’était trés intéressant!’

  7. salut Carole, créer une asso, ce n’est pas si compliqué .Bien entendu, il faut être trois pour le bureau.Tu peux te renseigner aussi sur les sites d’A.M.AP existant, certains, comme le fédération des A.M.A.P d’île de france donnent de bons outils et conseil pour avancer vite, après tu pourras organiser une réunion at home avec les gens de ta ville ou des alentours, et puis tu verras.Il existe aussi peut-être des petites asso locales de protection de tel ou tel site, ou demande conseil auprès des biocoops du coin…bon courage !

  8. merci pour les infos. la biocoop où je vais, je discute réguliérement avec eux mais toutes les activités sont sur lille….. mais je redemanderais quand même la prochaine fois. et j’ai fait partie d’une asso durant de nombreuss années donc j’en connais le principe. on a d’ailleurs arrêté il y a un an faute de personnes voulant reprendre le role de secrétaire ou présidente ou trésoriére. oui, j’en re-parlerais la prochiane fois à la biocoop, tu as raison où y mettre là, une annonce …. vu que c’est une ville proche.

  9. je voulais dire ou y mettre une annonce et non où ;o) je ne sais chez vous mais ici les oculeurs sont splendides aujourd’hui ! -4 à -5 degrés avec un peu de gelée blanche et un superbe ciel bleu hvivernal faisant ressortir les couleurs de nos briques du nord.

  10. carole
    notre site est le site de la Fondation,donc ce sont juste des noms d’assoces impeccables que nous avons finançé pour des projets precis,cree une assoce et si tu a s un projet alternatif propose le nous,on sait jamais pour demarrer,mais cela doit être radical et alternatif ,toutes les modalités a suivre sont mises sur le site,annonce: dans Biocontact,dans Lagefaire,etc
    bonne chance
    seule les petites assoces de terrain sont efficaces et pugnaces car independantes.

  11. pas toutes hélas, les petites assocs aussi sont quelques fois soumises et peureuses, c’est pour ça que seules quelques asociations indépendantes qui combattent en prennent plein la figure. je suis décue par Grenpeace. Pour se consoler, lire le site
    autun.morvan.ecolog.free

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