Pierre Gattaz dit MERDE à l’écologie

Cet article a paru dans Charlie Hebdo le 7 août 2013

Gattaz, c’est du lourd. Président du Medef depuis le départ de Laurence Parisot, le « patron des patrons » conchie avec une belle vigueur toutes les contraintes. L’écologie ? Encore une invention des ennemis de l’industrie.

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Qui a dit sur RTL : « Je dis non à toute fiscalité écologique » ? Lui, Pierre Gattaz, nouveau chefaillon du Medef depuis que la Parisot a été balancée à la benne. Gattaz n’est pas la moitié d’un idiot. La preuve immédiate avec le diesel, qui ne tue jamais – prématurément – que 42 000 personnes par an en France (chiffres OMS). Selon lui, le taxer serait un crime contre la bagnole et ses acheteurs, qui perdraient du pouvoir d’achat. Sans compter que le coût du transport de la pacotille ne pourrait qu’augmenter. Il est mieux de mourir que de voir ça.

Les gaz de schiste ? C’est évidemment « une filière d’avenir », et il faut autoriser de toute urgence son exploration en France. La vieille croûte nucléaire de Fessenheim ? Il ne faut surtout pas fermer la centrale en 2016, comme l’a promis Hollande, car il ne s’agit, tout bien considéré, que d’une « décision politique ». En somme, carton plein. Parisot se foutait de l’écologie, Gattaz aussi, mais avec en plus la bave aux lèvres.

Ne pas croire pour autant qu’il serait un simple gogol. La « fiscalité écologique » est, sur le papier du moins, une bombe thermonucléaire susceptible de détruire l’édifice industriel tout entier, ce qui embêterait un chouïa le Gattaz. Essayons la simplicité, et citons pour commencer André Gorz, penseur défunt de l’écologie politique. On trouve dans Écologie et liberté (Galilée, 1977) ceci : « L’homo œconomicus (…) ne se pose jamais de questions de qualité, d’utilité, d’agrément, de beauté, de bonheur, de liberté et de morale, mais seulement des questions de valeur d’échange, de flux, de volumes quantitatifs et d’équilibre global ».

On aura reconnu pas mal de gens. L’industrie est intrinsèquement incapable de s’interroger sur le sens. Elle produit, vend, crache du flouze pour ses maîtres, et aimerait bien que la police de la pensée débarrasse le monde de ses détracteurs. Dans ces conditions, Gattaz a bien raison de refuser des taxes écologiques, car ce serait pour lui mettre le doigt dans l’engrenage.

La bagnole individuelle, pour ne prendre que cet exemple, n’existe que parce que ses innombrables coûts cachés ne sont pas pris en compte. Si l’on commence à demander des comptes pour les poumons des subclaquants du diesel, où s’arrêtera-t-on ? La bagnole enchaîne des foules au crédit, tue les villes du monde, contribue massivement au dérèglement d’un climat à peu près stable depuis 10 000 ans. La taxer sérieusement, c’est l’interdire. Un programme irrésistible.

Voilà où en est le Medef en cet été 2013 : surtout, on ne lâche rien. Gattaz, pour en revenir un instant à lui, est l’héritier de son bon papa Yvon, lui aussi « patron des patrons » entre 1981 et 1986, quand le Medef s’appelait le CNPF. Les deux, très proches, partagent une même vision du monde, qui nous ramène à des temps disons controversés. Le vieux, Yvon, a signé à l’été 2010, dans la revue Commentaires, un article réclamant gentiment la suppression des syndicats. Car en effet, écrivait-il, « les syndicats, menaçants, tragiques, démolisseurs, démoralisateurs, gréviculteurs, sont plus médiatiques que le bon patron caché dans sa province sans syndicat, à la recherche du bonheur social ». On a le droit de songer aux beaux discours de Vichy, qui rendaient les ouvriers tellement patriotes.

Quant à son fiston, Pierre, on sait qu’il arrive à la tête du Medef accompagné d’un revenant, Denis Kessler, auteur – décidément – d’un très remarquable article (Challenges, 4 octobre 2007), qui s’achève sur ces mots : « Il s’agit aujourd’hui de sortir de 1945, et de défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance ! ».

Avec de tels maîtres de la pensée, l’écologie est en de bonnes mains. Hollande, qui se moque du tiers comme du quart, a refilé le 2 avril la grand-croix de la Légion d’honneur au vieux. Et le jeune, de son côté, est raccord. Comme il le dit avec simplicité (Les Échos, 29 octobre 2010), « Nous disposons, en France, de tous les atouts. Mais pour retrouver la croissance, il faut renouer avec le temps des bâtisseurs et des conquérants ». Tout détruire, c’est forcément rebâtir.

14 réflexions sur « Pierre Gattaz dit MERDE à l’écologie »

  1. Les cons ça osent tout c’est comme cela qu’on les reconnait, si l’on prend l’exemple de l’eau, le citoyen qui est responsable de 30 % de la pollution, paye environ les 2/3 de sa dépollution partielle (plus si l’on tient compte des problème de santé et des pertes de ressources), l’agro-industrie et l’industrie responsables d’environ 70 % de la pollution payent environ le 1/3 de la dépollution. Quand aux autres pollutions (diesel, benzène, PCB, amiante…) et à leur incidence sur la santé le rapport est encore plus défavorable,
    alors quand le président ose se plaindre d’une fiscalité écologique il franchit claude allègrement le mur du çon.

  2. Pour revenir à la résistance, il aurait été préférable de reprendre les biens de tout les nantis
    qui se sont enrichit avec l’occupant (beaucoup trop ont passé à travers les mailles du filet cf l’origine de la fortune des Bettancourt) plutôt que de tondre des femmes pour des affaires de coucheries.
    Une mesure intéressante serait d’annexer tout les biens malhonnêtement acquis (commerce avec des dictateurs, blanchiment d’argent…), si l’on revient au financement de la dette d’avant 1973, et sur les traités scélérats, le problème de la dette serait résolu.

  3. C’est curieux, finalement ce que Gattaz revendique c’est « d’exterioriser » la morale, de la sous-traiter, exactement comme on exteriorise ou l’on sous-traite les taches sales ou peu profitables.

    Peux-t-on ainsi « exterioriser » la morale de l’economie?

    Je sais par mon experience d’architecte que le mythe du « professionel purement technique » est impossible a atteindre. C’est alors meme que l’on croit etre le plus « neutre » que l’on se soumet le plus aveuglement a des forces de nature morale (ou plus exactement immorales).

    Exemple: Je peux concevoir une toiture dont je sais qu’elle recevra des plaques ondulees en amiante-ciment, ou rester passif devant la demande du client a traiter le batiment avec un anti-termite, ou laisser utiliser des peintures toxiques, et me dire que si je ne le fais pas le client le fera tout seul ou prendra un autre architecte et le fera de toute maniere.

    Point de vue d’apparence « professionel », « purement technique » et « neutre ».

    En fait, soumission a « l’extractivismo », au « capitalisme predateur » que Fabrice evoquait dans le billet precedent.

    Et soumission loin d’etre innocente, loin d’etre neutre puisque je me fais payer pour cela.

    Et soumission loin d’etre sans risque, puisque je peux me retrouver, ou mes enfants, a dejeuner dans un restaurant dont les conduits de climatisation vehiculent les fibres d’amiante issues de la demolition/reparation discrete de la couverture du local de clim, ou a me retrouver oblige de travailler plusieurs mois dans un local traite au produit anti-termite que je n’ai pas eu le courage de refuser.

    Ce qui revient a se demander, s’agit-il vraiment de courage seulement ou d’intelligence?

    Au fond, c’est peut-etre autant une affaire d’intelligence que de courage, vu avec le recul suffisant.

    Comme a dit Pierre Rabhi,

    « l’acte le plus revolutionnaire que l’on puisse faire aujourd’hui c’est de cultiver sa terre correctement »,

    et le menuisier Bertrand Louart: « ce qui est devenu le plus difficile est devenu faire son travail, tout simplement”,

    et Bruce Goff: « ma relation avec le courant principal? Mais je suis en plein dans le courant principal! Seulement, sur le long-terme… 1000 ou 2000 ans peut-etre! »

    et Anne J. et tant d’autres…

    Mais Gattaz, qui croit sans doute avoir gagne en intelligence en renoncant au courage, a perdu a la fois le courage et l’intelligence!

  4. « Exemple: Je peux concevoir une toiture dont je sais qu’elle recevra des plaques ondulees en amiante-ciment, ou rester passif devant la demande du client a traiter le batiment avec un anti-termite, ou laisser utiliser des peintures toxiques, et me dire que si je ne le fais pas le client le fera tout seul ou prendra un autre architecte et le fera de toute maniere. »
    Quand l’industriel nie et fait appel à des « scientifiques » pour nier une toxicité (amiante, pcb…) le plus longtemps possible, j’appelle cela de l’empoisonnement.

  5. Sur la soumission tout à fait d’accord, sans les millions de lampistes, ces escrocs, ainsi que les dictateurs ne seraient rien.

  6. Et Philippe Martin, que dit-il, lui, à l’écologie?

    Aux membres du collectif anti OGM du Gers, aux sympathisant-es, citoyen-nes

    Bonjour

    A FAIRE CIRCULER largement dans vos réseaux locaux, régionaux et nationaux

    en pièce jointe et ci dessous

    en communiqué, la LETTRE OUVERTE du collectif anti OGM du Gers adressée à Monsieur Philippe MARTIN Ministre de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie

    Cordialement à bientôt

    Christian PONTICELLI, Pierre WIART

    Le Collectif anti-OGM du Gers :

    Confédération Paysanne, GABB32, ATTAC 32, Union syndicale Solidaires du Gers, CNT, Faucheurs volontaires, UFC « Que choisir 32 », les Amis de la Terre, NPA 32, les Alternatifs, les Verts

    Contacts collectif anti OGM du Gers :

    06 62 05 30 37

    05 62 61 84 00

    —————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————————

    Collectif anti OGM du Gers

    Maison des ensembles chemin de baron

    32 000 AUCH

    Contact : 05 62 05 30 37 – 05 62 61 84 00

    Auch le 12 août 2013

    LETTRE OUVERTE à : M Philippe MARTIN Ministre de l’Ecologie,

    du Développement Durable et de l’Energie

    Moratoire …

    Nous avons pris bonne note des assurances données par M. le Président de la République, M. le Ministre de l’Agriculture et par vous-même dès la décision du Conseil d’Etat connue. Un nouveau moratoire du MON 810 sera mis en place avant la période des prochains semis. Nous serons très attentifs à l’application de cette décision nécessaire mais minimaliste.

    Minimaliste pour plusieurs raisons, d’une part parce que :

    le MON 810 est dans une sorte de « no man’s land juridique » inacceptable. Il reste autorisé par l’Union Européenne, (mais sans autorisation formelle depuis 5 ans), faute de renouvellement par la Commission Européenne. Laquelle autorisation n’aura pas a appliqué le nouveau règlement européen plus restrictif… et cette aberration a été validée par le gouvernement français actuel ;

    la décision du Conseil d’Etat ne semble pas mettre en application l’article 5 de la Charte de l’Environnement qui instaure le principe de précaution : d’un côté il nie la caractérisation d’un risque environnemental et de l’autre il affirme que l’utilisation des zones refuges « permet de retarder » ce risque (nié précédemment) ;

    Enfin et surtout parce que le Conseil d’Etat précise qu’il n’y a pas d’antagonisme entre cet article 5 ou l’article 191 du traité sur le fonctionnement de l’UE et l’article 34 du règlement 1829 qui impose un risque grave et une urgence à agir…

    Minimaliste, parce que, le combat vient de changer de terrain : la négociation pour un accord de libre échange UE / USA dite «TTIP» concernant le commerce mais également les investissements, les normes etc… vient d’être lancée.

    Dès le lendemain du feu vert des gouvernements européens, dont celui de la France, pour la négociation, le président de l’American Farm Bureau déclarait : « Le mauvais usage des protections sanitaires et phytosanitaires, y compris les restrictions européennes sur les OGM, a été longtemps une tactique pour faire obstacle au commerce. Nous allons surveiller ces négociations pour mettre fin à ces tactiques de distorsion du commerce ».

    D’autres organisations américaines lui ont emboité le pas à propos des produits laitiers, des hormones, des produits dopants et autres additifs chimiques dans les viandes… Or, l’approche de la régulation est différente : les Américains préfèrent la voie des tribunaux et des litiges « ex post » avec les « class actions » et dédommagements pharamineux, au mode règlementaire « ex ante » fondé sur le principe de précaution qui a la faveur des Européens. Alors que la négociation s’engage à peine, le Conseil d’Etat semble avoir d’ores et déjà prévu et entériné son résultat ! Polluons, détruisons, faisons des affaires on paiera, plus tard… peut-être !

    Minimaliste parce le TTIP prévoit la création d’un mécanisme de règlement des différents qui de fait soumet les pouvoirs publics aux entreprises privées. Comme le soulignait la Commission des Affaires européennes du Sénat, dans un rapport du 15 mai dernier : « le recours à un arbitre privé pour régler un différend entre un État et un investisseur risque de remettre finalement en cause la capacité à légiférer des États ».

    A d’autres fonctions, mais sur le même sujet des OGM, vous avez été à la pointe de l’innovation «législative» pour tenter d’obtenir un référendum dans le Gers, en donnant les moyens de sa concrétisation et malgré de très fortes oppositions, 16 000 citoyennes et citoyens avaient formellement réclamé ce référendum pour rejeter les OGM.

    Il est très clair que sans une « innovation politique » très forte il ne sera bientôt plus possible de faire respecter les choix des citoyens européens, ni l’application des lois votées par leurs élus nationaux.

    Hormis sur le plan de l’exception culturelle, mais qui reste temporaire et pourra être « rediscutée », pour l’instant la France s’est engagée dans une impasse.

    Nous vous demandons très solennellement de tout faire afin que la France sorte d’une tactique minimaliste, dorénavant sans issue, et provoque chez ses partenaires européens les réactions nécessaires à l’indépendance de l’Europe. Entre partenariat et soumission se joue très concrètement l’avenir de l’humanité.

    C’est par l’engagement, la capacité à faire un pas de côté, à innover, à entendre et accompagner les citoyens dans la lutte que vous êtes parvenu aux fonctions qui sont les vôtres, nous attendons que vous mainteniez fermement ce cap.

    Soucieux comme vous de l’intérêt général, nous restons mobilisés, disponibles pour une rencontre et vous assurons de notre soutien à toute initiative courageuse.

    Le Collectif anti-OGM du Gers

    Confédération Paysanne, GABB32, ATTAC 32, Union syndicale Solidaires du Gers, CNT , Faucheurs volontaires , UFC « Que choisir 32 », les Amis de la Terre, NPA 32, les Alternatifs, les Verts

  7. Bonjour Fabrice,
    en général ta prose bien tournée et un peu verte me fait sourire; mais lorsque tu traites M. Gattaz de « gogol » tu franchis une limite : tu n’es pas sans savoir que ce terme désigne les personnes trisomiques autrefois appelées des « mongols » et que l’abréviation est devenue une terrible injure. Avec ce que véhicule cette expression, elle est blessante pour ces personnes… or, pour en connaître un certain nombre je voudrais témoigner ici de leur beauté et de leur profonde humanité, malgré les déficiences qui peuvent les toucher. Elles ont été et sont pour moi des maîtres en humanité.
    Merci de les respecter y compris dans leurs différences et de ne pas se servir de leur nom, même dans une version déformée, pour insulter des personnes qui me paraissent, en effet, comme M. Gattaz, bien loin de cette humanité.
    Désolée Fabrice, mais la colère ne permet pas tout…

  8. Ah, l’ahurissante arrogance de ces fanatiques du Marché (béni soit Son Nom !) qui les a amenés jusqu’à renverser toutes les règles de la science de l’évolution en s’appropriant joyeusement ce terme d’Homo oeconomicus. Par la simple puissance de leur pensée mathématique, ils sont à l’origine de la mutation d’une espèce en une autre. A côté de ces grands hommes, Darwin est un nain. Ils ont juste mal choisi le nom : Homo locustus eut été plus pertinent : le corps d’un homme avec la cervelle d’un criquet pélerin dedans. Rappelez-vous l’alien du film Independence Day : on dévaste tout et puis on déménage une fois qu’il n’y a plus rien à exploiter. Il y a juste une erreur de casting dans le film : ce sont les amerloques qui sauvent la planète.
    Aujourd’hui, les économistes médiatiques sont à l’économie ce que les islamistes sont à la religion musulmane. Milton Friedman est le Ben Laden de l’économie (ceux qui en doutent n’ont qu’à lire « la stratégie du choc » de Naomi Klein) et le Medef est le corollaire économique des Frères Musulmans et autres Hamas.
    « Allah Akbahr » et « Business über Alles » sont dans un bateau. Peu importe celui qui tombera à l’eau, Homo sapiens l’aura dans le baba !
    La Main du Marché (Loué soit son infinie grandceur) » est peut-être invisible, en tout cas on la sent bien passer et c’est de plus en plus difficile de s’asseoir.

  9. Christine L,

    Désolé, mais je ne suis absolument pas d’accord. Comme je me connais un peu, je suis certain de regarder les gosses trisomiques d’une manière qui ne saurait les gêner, eux ou leurs parents. Je n’ai aucune inquiétude sur le sujet.

    L’usage de la langue, quand elle est vivante, est une affaire complexe, et qui veut la contrôler mène à mon avis un jeu dangereux. On ne parle plus ainsi, pour ne donner qu’un exemple lointain, de black – qui serait péjoratif -, mais d’Africain-Américain. Je suis pour ma part convaincu que le racisme y trouve son compte. Quant au mot gogol, sache que je l’utilise depuis mon enfance banlieusarde, mais que je n’ai jamais rencontré quiconque l’employant pour se moquer des trisomiques.

    Bonne soirée,

    Fabrice Nicolino

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