Adieu, veaux, vaches, cochons et buffles

Voilà qu’on apprend que le tiers des animaux d’élevage est désormais en voie d’extinction. Soyons mesuré : c’est déraisonnable. L’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a étudié au total 6.400 races de mammifères et d’oiseaux dans le monde entier : boeufs, chèvres, moutons, buffles, yaks, cochons, chevaux, lapins, poulets, dindes, canards, oies, pigeons et autruches.

Résultat donc : 740 races sont mortes et enterrées, deux autres disparaissent chaque semaine,  et 2255 suivront dans les vingt ans qui viennent. Le rythme s’accélère dans des proportions réellement fantastiques : en cinq ans, la proportion de races menacées de mort est passée de 23 à 35%. Est-ce fâcheux ? Très.

L’un des experts de la FAO, Keith Hammond, résume ainsi le problème :  » Nombre de pays en développement ont des climats chauds et stressants, secs ou humides, qui requièrent des races particulières. Il nous faut conserver ces races locales. Ceci permet aux agriculteurs de sélectionner le cheptel ou de développer de nouvelles races en réponse aux changements environnementaux, aux maladies et à l’évolution de la demande des consommateurs. La diversité génétique est une assurance contre les problèmes futurs et les menaces comme la famine, la sécheresse et les épidémies ».

C’est plus clair, n’est-ce pas ? En Sibérie, par exemple, le bétail Yakut est parfaitement adapté au froid glacial de la région. Seulement, il ne reste qu’un millier de têtes. Aux Philippines, la poule Banaba se protège des prédateurs en volant dans les arbres. Elle est en outre résistante aux maladies respiratoires et à la variole aviaire. Bon, on a compris : ils sont indispensables, mais ils meurent quand même.

Mais pourquoi diable ? Première explication avancée par la FAO : ils seraient ringards. Leur image est, figurez-vous, négative car ils ne vaudraient pas, en termes de productivité, les bestiaux des pays du Nord. Ces derniers – deuxième explication et complément de la première – se livrent à une guerre commerciale soigneusement dissimulée pour exporter massivement leurs animaux dans le Sud.

Ajoutons – cela, la FAO ne le dit pas – que leurs méthodes de propagande sont hélas bien connues. Conséquence et bientôt cause supplémentaire de ce massacre programmé : sur les milliers de races domestiques survivantes, seules 400 ont droit à des (coûteux) programmes de reproduction. Comme de bien entendu, presque toutes sont au Nord.

Est-ce plus important que le salon de l’auto, les 80 ans de Jean Daniel ou le match si passionnant de la cohabitation à la française ? A vous de voir.

Publié dans le numéro 630 de Politis, en décembre 2000

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