Les filouteries de l’agence européenne

Les bureaucraties sont globalement les ennemies de la vérité. Ce qui s’appelle enfoncer une porte ouverte. On devait plutôt prendre ses gouttes, au lieu de quoi, on pique sa millième crise de rage depuis disons le mois de juin. Mais parlons plutôt, puisqu’on ne peut pas l’étrangler, de l’Agence européenne de l’environnement (AEE). Cette structure de l’Union européenne (1) a pour but proclamé de « fournir des informations fiables et indépendantes sur l’environnement ».

Bon, on se doute déjà que c’est une blague, car par quel miracle, avec un tel fil à la patte, pourrait-on se montrer indépendant ? Mais n’importe : l’AEE vient de publier un rapport que vous trouverez sur son site. C’est simple : en Europe, la nature va très mal. Certes, on le sait, mais ça s’aggrave. 81% des habitats naturels étudiés sont dans un état mauvais ou médiocre. La dernière fois, il y a une courte poignée d’années, c’était 77%.

Le Lituanien Virginijus Sinkevičius, commissaire européen à l’Environnement, interrogé dans le rapport, enfile trois perles, déclarant : « Cette évaluation de l’état de la nature est le “bilan de santé” le plus complet jamais réalisé dans l’UE. Elle montre très clairement que nous continuons à perdre notre milieu vital ». Bon, la logique élémentaire devrait conduire à abandonner sa bagnole, son chauffeur, ses petits fours, son salaire mirobolant, ses innombrables avantages de fonction, non ? Et d’annoncer, flamberge au vent, qu’on se lance dans une croisade pour la reconquête de notre « milieu vital ». Non ?

Non. Ces gens sont perdus à jamais et nous abreuvent de textes émollients, passant de litotes en euphémismes. La raison en est très simple : ils se contrefoutent du sens premier, synonyme de cataclysme. Qu’attendent-ils ? Que 100% des habitats soient foutus pour un siècle ou dix ? Le rapport n’emploie même pas le mot de pesticide, sans doute parce qu’un des rédacteurs, plaisamment pris en main par un lobbyiste, aura estimé que toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire.

Dans le détail, c’est pire. Ce pourcentage de 81%, qui est de loin l’information capitale, est noyée au beau milieu de développements grotesques. On lit par exemple dans l’introduction, texto : « Le rapport de l’AEE montre une évolution positive des efforts de conservation ». Avant de comprendre, mais c’est volontairement confus, que l’on parle des minuscules zones protégées sous l’appellation « Natura 2000 ».

Et tout à l’avenant. L’expression « situation désespérée » est remplacée par « avenir incertain ». Ces aveugles volontaires nous l’assurent, « sur le plan politique, il y a également de l’espoir grâce à la nouvelle stratégie de l’UE en faveur de la biodiversité à l’horizon 2030 et à la stratégie «De la ferme à la table», deux éléments essentiels du pacte vert pour l’Europe ».

Mais bien entendu, il faut des études. Beaucoup d’études. Quand vous entendez un expert, parlant de la crise écologique, qu’il faut encore d’autres travaux, vous pouvez être certain qu’il est là pour embobiner, consciemment ou non. Extrait : « Actuellement, de nombreuses lacunes persistent en termes de données, notamment en ce qui concerne les espèces et les habitats marins ».

Quant à lui, le paragraphe « Perspectives » commence par cette phrase d’anthologie : « Le rapport met en évidence certaines évolutions positives, principalement à l’échelle nationale ou régionale. Un certain nombre d’espèces et d’habitats ont connu des améliorations, comme la grenouille agile en Suède, les lagunes côtières en France et le gypaète barbu au niveau de l’UE ».

Ne nous y trompons pas, c’est de la canaillerie. Propre sur elle, estampillée Union européenne, mais canaillerie tout de même. Comme ces désinformateurs sont habitués à ce que leurs chefaillons les félicitent de leurs douteux exploits, ils n’imaginent pas que quelqu’un les chope au col et leur demande des comptes. En quoi ils ont parfaitement raison. Les opinions, la nôtre de même, sont inertes, amorphes, complices pour dire toute la vérité du grand mensonge.

(1) eea.europa.eu/fr/about-us

—————————————————————

Ce ministre qui me crache à la gueule

Cadeau. Le 15 septembre, j’étais reçu avec des amis par Barbara Pompili, ministre de l’Écologie, pour lui remettre 1 135 000 signatures en soutien de l’Appel des coquelicots, pour l’interdiction des pesticides. Mais pendant l’été, j’avais aussi demandé rendez-vous à Julien Denormandie, ministre de l’Agriculture.

Le 31 juillet, j’adresse un mail au directeur de cabinet de Denormandie, Fabrice Rigoulet-Roze. J’écris : « Nous souhaitons vivement remettre ces signatures à monsieur Denormandie (…) Il nous semble que le grand mouvement démocratique que nous avons suscité doit pouvoir s’exprimer devant monsieur le ministre. Dans une atmosphère de respect mutuel ».

Le 6 août : « Je vous adresse à nouveau mon message du 31 juillet, qui se sera peut-être perdu en route ». Réponse : « Elle est en en effet bien parvenue et j’avais quelques urgences à gérer avant de vous répondre ». Le même jour, Victor Schmidt, chef de cabinet : « J’ai bien pris connaissance de votre message et de votre demande d’entretien, mais il ne m’est pas possible d’y accorder une suite favorable pour le moment ».

Je réponds : « Merci de votre réponse (…) Le mois d’août est en effet particulier, et c’est pourquoi j’ai pris soin de présenter ma demande de longues semaines à l’avance » Et puis silence total. Le 7 septembre, j’écris aux deux : « Je m’étonne beaucoup de ne pas avoir reçu de réponse à ma demande de rendez-vous avec M.Denormandie. Je vous rappelle que je suis le président du mouvement « Nous voulons des coquelicots », et que mon premier courrier date du…31 juillet ». Le 11, j’insiste : « Est-ce que la politesse républicaine ne commanderait pas, au moins, d’accuser réception de mes courriers ? Le mépris dont vous faites preuve à mon égard, qui représente 1 100 000 citoyens de ce pays, ce mépris n’est pas digne de ce pays. Du moins dans l’idée que je m’en fais ». Réponse de Schmidt : « Nous tâchons dans la mesure du possible de répondre à chacune des sollicitations, dans des délais aussi raisonnables que possible ». Et puis silence définitif.

———————————————————————–

Le soleil au service de la destruction

Jusqu’où ira la malignité ? À Oradour-sur-Vayre, dans le Limousin – 40 km au sud-ouest de Limoges – une saloperie se prépare. Allons-droit au but : un proprio – il habite l’Aveyron – veut sacrifier 47 hectares où l’on produit du sarrasin bio. En y installant une immensité de panneaux photovoltaïques (1). Le mec qui les installerait, prenant sans doute les habitants pour de braves couillons (2) s’essaie à une grossière désinformation : « Le projet photovoltaïque va non seulement permettre la poursuite de la culture du sarrasin, mais va aussi permettre le développement d’autres pratiques agricoles ». Tu parles, Charles.

On préférera sûrement écouter Jean-Pascal Farges, de Vox Plebeia (3) : « Il n’y avait surement pas d’autres endroits que celui de ces champs (…), près d’un village de quelques dizaines d’habitants, dans une commune d’un peu plus de 1 500 âmes où même les GPS se perdent. L’industrie verte n’aime pas la campagne et se fout des bouseux qui y vivent encore. Mais le plus incroyable c’est que l’industriel prétend conserver voire sanctuariser la nature qu’il recouvre. En Haute-Vienne, l’agence de la transition écologique, l’ADEME, a identifié plus de 115 sites propices à l’implantation d’usines solaires (friches industrielles, parkings, etc.) Mais non, ce sont les cultures bio qui les branchent, c’est la dévastation des terres agricoles qui les font vibrer (…) Les habitants, les riverains, les associations, les agriculteurs ? Pas consultés ; ça serait sans doute trop démocratique ! ».

(1) On peut contacter, mais faut se magner, Oradour Défense Environnement. Tel : 06 08 17 63 56. vodeasso87@gmail.com.

(2) https://france3-regions.francetvinfo.fr/nouvelle-aquitaine/haute-vienne/au-pays-arbre-eau-panneaux-solaires-sont-ils-bienvenus-1876844.html

(3) youtube.com/channel/UCBp64IrWs6CRlLvIiEw003w

1 réflexion sur « Les filouteries de l’agence européenne »

  1. Il n’y aura jamais assez de données…
    Tout comme il n’y aura jamais assez d’argent.

    Dans cette « civilisation » les humains n’ont jamais assez.

    Le jour où ils en auront assez sonnera la fin de cette « civilisation » qui entretient la frustration comme mécanisme de son maintien lui-même… sous réserve bien entendu que les effets « secondaires » de cette chasse au « toujours plus » n’en viennent à la détruire avant.
    Arf.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *