Quand le patron de Libération se lâche (Joffrin et l’écologie)

En préambule : malgré l’apparence, je crois que ce texte vaut la peine d’être lu. Oui, quand le patron du quotidien Libération livre ce qu’il a vraiment sur le cœur, cash comme certains disent désormais, il peut être intéressant de regarder d’un peu plus près. Je sais que beaucoup d’entre vous n’apprécient guère ce qu’ils jugent comme des polémiques inutiles et lassantes. Mais je suis d’un avis contraire. La pensée critique est le point de départ obligé d’un changement de direction éventuel des sociétés humaines. Il faut oser penser, fût-ce de manière approximative. Il faut oser contester le pauvre magistère qu’exercent tant de pâles étoiles intellectuelles. Il ne faut plus laisser passer l’omniprésente, l’obsédante, l’imbécile cuistrerie des défenseurs de la destruction du monde. Il faut donc ferrailler – oui, je le crois – avec un Laurent Joffrin. Bien que, et malgré tout.

Avant de vous livrer la prose de cet excellent personnage, une courte introduction me semble nécessaire. Joffrin est un archétype. On ne trouvera pas mieux pour exprimer l’esprit profond de la gauche social-démocrate de ce début de siècle. Il aura à peu près incarné toutes les faces d’un courant qui aspire à remplacer celui de notre bon souverain, Son Altesse Sérénissime Nicolas Sarkozy 1er. Oui, Joffrin a beaucoup fait tourner la roue du hamster. Vers 1975, alors qu’il a 23 ans, il est l’un des chevau-légers de Jean-Pierre Chevènement, qui incarne alors l’aile marxistoïde du parti socialiste de François Mitterrand. Ce n’est pas drôle ? Si, un peu tout de même, car Chevènement est à ce moment le plus fervent défenseur d’une alliance stratégique avec le parti stalinien de Georges Marchais. Mitterrand, qui a tant eu besoin de lui pour conquérir le PS en 1971, se méfie de sa fascination pour le « parti de la classe ouvrière », comme se désigne encore le PCF. En bref, Chevènement est un âne qui vient de faire la courte échelle à celui-là même qui veut étouffer les communistes, et qui y parviendra.

Joffrin, aidé par d’autres, dont un certain Denis Olivennes, aujourd’hui patron du Nouvel Observateur – phare incontesté de la pensée de gauche, lire ici -, mouille la chemise pour son grand homme de poche, qui dirige la tendance « de gauche » du PS, qu’on appelle le Ceres. Pourquoi réveiller de telles dépouilles ? Juste pour dire qu’il arrive à Joffrin de (lourdement) se tromper. La chimère Chevènement ayant disparu comme elle était apparue, Joffrin cesse d’être un militant et devient journaliste. En 1981, il rejoint Libération, créé en 1973 par des maoïstes. Mais si, cette engeance a elle aussi existé.

1981. L’année même d’un grand orage dans les rues de Paris, et d’une victoire électorale qui devait marquer l’échec total d’une génération politique. On commence alors, chez les anciens révoltés de pacotille, à trouver bonne mine au capitalisme multinational et même à Ronald Reagan, qui est devenu président américain après avoir fait cow-boy dans des westerns de basse série. Je ne calomnie personne, je rappelle des faits que tous ont oublié. En 1984, alors que la gauche s’est déjà couchée, qu’elle a oublié les banlieues, qu’elle laisse déferler les Tapie et le chômage de masse, Laurent Joffrin triomphe. Devenu chef du service Économie de Libération, il signe avec Serge July, dans un supplément au numéro 860 de la nouvelle formule du quotidien, un texte à proprement parler fantastique, sous le titre : « Vive la crise ! ».

Vous avez bien lu. « Vive la crise ! , ses restructurations à la hache, ses délocalisations, ses fantaisies spéculatives – déjà -, le déploiement transnational du capital, le creusement massif des inégalités. Les deux compères – l’ancien stalinien et maoïste July, l’ancien philostalinien Joffrin – précisent avec bonhomie dans leur appel : « Comme ces vieilles forteresses reléguées dans un rôle secondaire par l’évolution de l’art militaire, la masse grisâtre de l’État français ressemble de plus en plus à un château fort inutile. La vie est ailleurs, elle sourd de la crise, par l’entreprise, par l’initiative, par la communication ». Suit une émission de télé grand public, sur Antenne 2, où l’on verra Yves Montand, lui aussi ancien stalinien – décidément -, vanter les mérites du capitalisme le plus libéral qui soit. Il faut s’adapter, copiner avec ceux que l’on conspuait, réhabiliter l’argent et l’exploitation du travail d’autrui. L’air des cimes.

Vieux souvenirs ? Vieux souvenirs, oui, mais qui démontrent que l’intelligence d’un monsieur Joffrin peut aller bien loin dans la facétie. Car de vous à moi, il est manifeste que ces moments de vérité d’il y a un quart de siècle ont ouvert la voie, en grand, aux désastres financiers, mentaux, écologiques dans lesquels nous sommes par la force plongés. N’insistons pas davantage : les propos de Laurent Joffrin varient abondamment, et pourraient donner l’impression de la contradiction, de l’errance et même de la sottise la plus fate qui soit. Ouf, voici la fin d’un trop long préambule. Qui me conduit à vous faire lire, du moins je l’espère, l’éditorial signé Joffrin, et paru dans le numéro de Libération daté du vendredi  16 avril 2010. Voici :

Naïveté

Par LAURENT JOFFRIN

Choc des symboles, contradictions de la religiosité moderne… A juste titre préoccupée d’écologie et de protection de l’environnement, la conscience contemporaine avait fini, dans sa forme candide – ou extrême – à considérer la Terre comme une fragile victime de l’Homme. «Sauvez la planète» : le slogan utile comporte aussi sa part de naïveté. Ce qu’il faut sauver, en fait, ce sont les hommes menacés par la dégradation de leur environnement et non la Terre qui a survécu, telle une force indifférente, à des traumatismes autrement brutaux. Coup sur coup depuis le début de l’année, cet amendement à la vulgate planétaire est renforcé par trois chocs inégaux mais significatifs. Le séisme d’Haïti tue en quelques minutes plus de 200 000 personnes. A une tout autre échelle, mais en heurtant une région entière, la tempête Xynthia prélève un tribut douloureux. Et voici que le simple toussotement d’un volcan islandais interrompt le trafic aérien européen. Un nuage colossal surplombe le nord du continent et l’on parle déjà de pluies acides et de masques protecteurs. Quand cette éruption prendra-t-elle fin ? Personne n’en sait rien : certains volcans crachent de la fumée pendant des décennies. Dans ce cas, il faudrait entièrement repenser le trafic aérien sur l’Atlantique nord, ce qui en bouleverserait l’économie. Tout cela pour une légère fuite tellurique.

«Terre-Patrie», dit Edgar Morin. Mais aussi Terre ennemie.

Je reprends la plume. Je vous crois tout à fait capables de commenter seuls ce monument d’insignifiance. Mais je souhaite y ajouter quelques mots. Joffrin déteste en profondeur l’écologie, au sens que je donne en tout cas à ce mot. C’est-à-dire la découverte brutale de limites physiques qu’aucune aventure humaine ne pourra franchir. Lui se situe dans le monde d’avant, qui meurt, où l’homme pouvait rêvasser sur sa toute puissance. Comme il est patron de journal, comme il sait qu’une partie de son lectorat est tout de même très inquiète des destructions infligées aux écosystèmes de la planète, il commence son édito par une phrase convenue, politiquement impeccablement correcte, sur la nécessité de protéger. Mais avez-vous noté l’emploi, d’emblée, du mot religiosité ?

C’est un marqueur, qui disqualifie d’emblée ceux qu’il vise en réalité, c’est-à-dire les écologistes. Eh oui ! Dans l’esprit d’un Joffrin, défendre la vie – celle des hommes et de toutes les formes vivantes – ne peut s’apparenter qu’à la dévotion un peu niaise. Les mots sont très importants, croyez-moi. Joffrin mord à pleines dents, en mettant les mains devant sa bouche pour ne pas effrayer le chaland. Pour le reste, quoi ? Je ne goûte guère, moi-même, les appels rituels et sanglotants, entre deux petits fours au ministère de l’Écologie, à « sauver la planète ». Mais je n’y mets pas la même signification, on s’en doute, que Joffrin. Lui juge cela naïf, pour ne pas dire neuneu. Moi, j’en appelle à l’action immédiate.

Allons à l’essentiel. Que veut nous dire Joffrin en rapprochant trois manifestations concrètes – un tremblement de terre, une éruption, une tempête – de l’activité ordinaire de notre planète ? Que l’économie est à la merci d’un nuage. Et cela, même s’il ne le dit pas explicitement, lui paraît un scandale. Une abomination. Chez cet homme indécrottablement de gauche – tendance DSK et consorts -, pas touche aux affaires, à l’investissement, au profit. Time is money. Or, les avions ne pouvant décoller, on perd bel et bien un temps qui eût pu être utilisé à signer des contrats. J’en rajoute ? Certes, j’en rajoute. Mais un homme à ce point obsédé par l’économie, synonyme à mes yeux de destruction, l’aura bien cherché.

Relisons pour conclure la dernière ligne de Laurent Joffrin : « “Terre-Patrie”, dit Edgar Morin. Mais aussi Terre ennemie ». Je m’aventure un peu plus, à mes risques et périls. Je fais le pari que notre homme n’a pas ouvert le livre de Morin, écrit avec Anne Brigitte Kern (Terre-Patrie, Le Seuil, 1993). Et qu’il le cite pour le plaisir de faire un mot. S’il l’avait lu, je gage qu’il se serait abstenu d’en parler. Voyez plutôt ce que dit Morin, page 211 : « Maîtriser la nature ? L’homme est encore incapable de contrôler sa propre nature, dont la folie le pousse à maîtriser la nature en perdant la maîtrise de lui-même. Maîtriser le monde ? Mais il n’est qu’un microbe dans le gigantesque et énigmatique cosmos ». Pas si mal, si vous m’autorisez à passer après Kern et Morin.

Dernier mot. Pour Joffrin, et tout se résume à cela, la terre est une ennemie. Il la dote donc d’une forme de conscience d’elle-même. Pour le moins d’une certaine intentionnalité. Un ennemi vous « veut » du mal. On appelle cela une personnification. La terre est donc une ennemie, personnage militaire qu’il s’agit, par définition, de réduire. Ou pire encore, car sauf grave erreur, lorsqu’on combat un ennemi, c’est pour qu’il rende gorge. Pour qu’il plie, et meure si nécessaire. Voilà le point où en est rendu le patron d’un de nos derniers journaux dits « de gauche ». À considérer que la vie est un ennemi de l’homme. Eh bien, je vois le chemin qui reste à parcourir, et il serpente fort loin, au-delà même de l’horizon que je suis capable d’entrevoir. L’écologie, pour reprendre une expression chère au théoricien italien Gramsci, et que je chéris moi-même, est encore bien loin de toute « hégémonie culturelle ». Mais cela viendra. Peut-être.

29 réflexions sur « Quand le patron de Libération se lâche (Joffrin et l’écologie) »

  1. Personnellement, je me suis plutôt arrêté sur ce passage: « Ce qu’il faut sauver, en fait, ce sont les hommes menacés par la dégradation de leur environnement et non la Terre qui a survécu, telle une force indifférente, à des traumatismes autrement brutaux. »

    N’y a-t-il pas une profonde vérité à dire que la Terre possède une capacité de résilience que nous ne pouvons même pas concevoir? En tant qu’entité vivante, elle réagit aux agressions, par des tremblements de terre ou des éruptions volcaniques, et peut-être qu’un jour, sa réaction sera si forte qu’elle détruira l’espèce humaine…

    Évidemment, cela ne signifie pas que nous avons le droit de l’agresser, au contraire! Pour enfin accéder à un niveau supérieur de conscience, il nous faut commencer par respecter tout être vivant, fourmi ou montagne, souris ou océan, ver ou jungle.

  2. Oui Greg, c’est là où le message de Joffrin est retord.Il veut nous démontrer que nos combats pour l’environnement sont inutiles puisque la terre est beaucoup plus forte que nous, et qu’en plus, elle nous tue ! Nous sommes donc de grands naïfs à vouloir la protéger…
    C’est triste quand on devient vieux en perdant la réalité de la vie.Il me fait pitié ce monsieur Joffrin.

  3. Je ne suis pas un adepte de Joffrin ni un philosophe mais il me semble que quand il parle de religiosité, il ne se trompe pas. Je crois que Derrida a d’ailleurs écrit quelque chose là-dessus. Je veux pas l’utiliser comme caution. je l’ai jamais lu.Mais l’homme crée sa sacralité. Pachamama, Gaia ou ce que vous voulez, y a un transfert, une terre déesse, à protéger mais sans Dieu. La pûreté de la nourriture, la beauté d’une plante verte etc. C’est des valeurs du domaine du sacré Il faut bien que l’on se cherche des valeurs référentes et certains les trouvent dans l’écologie. Je dis ça alors que je me sens concerné par votre combat.
    Bon, pour le coup, c’est vrai qu’il l’utilise peut-être pour dénigrer mais quand-même c’est une réalité.
    Je trouverais plus pertinent de ne pas s’attaquer à une personne comme ici même si son discours est symptomatique mais de démonter un discours global. Cela aurait plus d’impact.

  4. Antoine,

    Là, je dois dire que je ne comprends pas. Je n’attaque pas la personne privée appelée Laurent Joffrin, dont je ne sais rien. Il est peut-être bien un époux et un père d’exception. Je critique la personne publique, qui écrit publiquement dans un journal public qu’il dirige. Faudrait-il attaquer des idées éthérées, sans le moindre rapport avec leurs émetteurs ? Cela nous mènerait à une bien étrange bibliothèque. Heureusement, cette dernière n’existe ni n’existera jamais.

    Est-il besoin de le préciser ? Je ne me contente pas d’assumer. Je revendique.

    Fabrice Nicolino

  5. la nature sous toute les forme symbolise l’hostilité,et l’éventuelle perte en économie est vu comme une catastrophe,un ralentissement vers la progré,et la croissance hystérique,névrotique.la société formate automatiquement des personnages comme celui-ci,pour qui les forets disparut ,les espèces aussi,sont un détail,et le bloquage des avions,ou des voitures sont un péril pour l’homme préssé comme dirait un certain chanteur.sont regard est symptomatique d’une société qui devient froide comme une machine,qui voit le paysage,la vie, comme une forme d’utilité immédiate,ou comme une menace,et qui fait semblant d’etre triste pour les personnes victimes des aléas de ce monde.l’hypocrisie a je crois jamais atteint de telle altitudes.soucieux de ^plaire ,ces dirigeant manipulent la population qui ne réflechie guère.

  6. Je pense que Joffrin est en conformité avec la « pensée » des « élites » qui dirigent le monde.Que je désignerais par « pensée occidentale »,vision du monde trés dualiste, qui a gangrené quasiment la terre entière: le monde, ou la nature d’un coté et l’homme de l’autre et au dessus. Pour l’homme annimé par cette « pensée » il faut dominer, maitriser, exploiter la nature et s’en protéger, elle n’est qu’un objet à sa disposition; il ne se sent pas membre de celle-ci. Ce qu’écrit Laurent Joffrin ne me surprend pas trop!

  7. Joffrin a été élevé dans le culte de la faucille et du marteau qui ont permis de bétonner les sols ukrainiens riches en blé et d’assècher des lacs immenses pour produire du coton. Les Farmers américains eux avaient au moins l’excuse du capitalisme !

    Le productivisme fait partie de l’idéologie d’une certaine gauche. L’Homme d’abord, la Terre après…, sauf que Joffrin n’a rien compris: la Terre n’a pas besoin de l’Homme, elle vit très bien sa vie pour peu qu’on la respecte, par contre sans la Terre avec ses volcans, ses séismes, ses orages, sa foudre, etc… l’Homme n’est rien.

    D’accord avec Greg et Guy, et surtout avec Fabrice qui nous dit, contrairement à beaucoup d’écologistes calfeutrés derrière leurs écrits d’antan:  » Moi, j’en appelle à l’action immédiate « 

  8. Comme Guy, l’extrait cité a retenu mon attention, à m’en faire sursauter. Effectivement les mots « la Terre qui a survécu, telle une force indifférente, à des traumatismes autrement brutaux », sortis de leur contexte et prononcés par tout autre personnage peuvent refléter une réalité. Mais dans ce cas précis, ces mots, associés à ceux qui précède, deviennent dangereux.

    Cette Terre, qui se « relève », qui survit : jusqu’à quel point ? à quel prix ? Nous n’en savons strictement rien. Car cette résilience peut être bien longue, dans des conditions où, à moins d’être microbe, il ne fait pas bon mettre le nez dehors…
    C’est aussi un des arguments préférés de ceux qui pensent qu’on ne doit surtout rien changer à nos modes de vie et qui ridiculisent ceux qui tentent d’éveiller les consciences.
    Enfin, le plus insupportable peut-être, cette phrase, héroïque, renverse les rôles et place l’être humain en situation de victime. Pauvres êtres humains, « menacés par la dégradation de leur environnement ». Pour le coup, la menace devient fantôme, abstraite, « dépersonnifiée ». Comme c’est pratique.

  9. PS : toutes mes confuses, c’est Greg, et non Guy, qui commente cet extrait.

    Et pour plus de clarté, la phrase en question est : « Ce qu’il faut sauver, en fait, ce sont les hommes menacés par la dégradation de leur environnement et non la Terre qui a survécu, telle une force indifférente, à des traumatismes autrement brutaux. »

  10. Le plus rigolo, ce sont les têtes des gens devant la télé diffusant ses reportages sur le volcan (mon boulot m’amène souvent à croiser des gens en pleine diffusion du « 20 heures ») : ils plaignent de tout coeur ces pauvres touristes coincés sur leurs lieux de vacances… C’est tout juste s’ils ne trouvent pas scandaleux qu’on les empêche de mourir éventuellement en avion. Moi j’dis : « Vaut mieux être coincé que mort, non ? »… mais ça ne fait pas toujours rire.

    La culture du tu m’est dû et si j’l’ai pas j’fais une colère (ou un procès) a encore frappé.

  11. Le probleme vient peut etre d’un degré d’agressivité qui fait cette faille dans notre psychisme ,qui engendre un esprit qui ne vit que dans la confrontation,le mimétisme,et pas (pour la majorité)dans l’observation singulière des évenements,et la pensée critique.Cette société de consommation créer et façonne des individus qui ne se sentent existé que par le travail(ce qui est aussi un bien),et par le résultat immédiat,dans une compétition ou le moi,se dilue dans le désir ,et l’obsession d’exister dans le regard des autres,et surtout des winners.

  12. Voici un commentaire lu sur le site du Point à propos de ce week-end sans avion :
    « Le volcan, évènement imprévu, nos économies de co2 paraissent bien ridicules en comparaison avec la pollution générée par cette éruption. Les écolos vont sans doute demander de mettre des pots catalytiques sur les volcans. »

    Cette remarque reflète en partie l’état de « l’opinion » qui brille pas son incapacité à remettre en question ne serait-ce qu’un instant la dépendance de notre économie aux transports et au pétrole et qui s’empresse de stigmatiser plutôt que de prendre un peu de recul. Pas un soupçon d’humilité devant le déploiement de ces forces qui nous dépassent de très loin, les volcans nous renvoyant à notre finitude et à notre quasi insignifiance. J’ai plutôt envie de demander ironiquement : « mais que fait la techno-science contre ces éruptions intempestives ? Quand allons-nous enfin trouver un moyen de boucher ces troubles-fêtes qui nous empêchent d’aller passer un week-end à New-York ! »

  13. J’ ai étudié un peu quelques pensées d Edgard Morin, dans le cadre de l optimisation de l’entrainement en sport, c’est très instructif, vaste et complexe, et à lire vraiement et effectivement pas du tout réductible à une simple phrase sortie de son contexte complexe.

  14. Les propos de Laurent Joffrin ne sont pas vraiment surprenants, si l’on considère que, depuis des siècles, l’éducation – notamment avec l’ Eglise catholique– place l’homme au centre de la création avec une nature qui lui est totalement soumise ou qu’il peut soumettre. Cette conception du monde a été universellement adoptée. Joffrin adhère à l’idéal prométhéen ; en cela, il ne se distingue pas de la majorité des occidentaux. Il est productiviste, comme tous les gens de gauche, car le productivisme appartient à l’idéologie de toute la gauche et non d’une certaine gauche. Mais il ne faudrait pas oublier que le productivisme appartient malheureusement aussi à l’idéologie d’ un grand nombre de celles et de ceux qui se présentent à des mandats électifs sous l’étiquette d’écologistes ou de Verts.

    On peut lire l’histoire de l’idéal prométhéen dans  » Le crépuscule de Prométhée  » du philosophe François Flahault, qui n’est autre que l’arrière-petit-neveu du botaniste Charles Flahault, fondateur de l’Institut botanique de Montpellier et cocréateur de l’arboretum du Mont Aigoual. Une lecture dont Laurent Joffrin pourrait tirer profit.
    Je viens d’apprendre que l’éruption du volcan islandais, si elle se prolonge, pourrait avoir des répercussions négatives sur la croissance: voilà une bonne nouvelle pour notre terre.

  15. @Chaperon Rouge
    Vous avez raison, cette phrase de la Terre qui s’en remettra toute seule est bien souvent prononcée par ceux qui ne veulent rien faire. Non pas par amour de la technologie et du marché, mais par défaitisme et haine de l’homme.
    Je le dis souvent moi-même, face à ceux qui considèrent que le terrorisme écologiste est à craindre, ou que l’écologie, c’est ne pas aimer les hommes. Si nous n’aimons pas l’homme, nulle raison d’agir, car la Terre s’en remettra bien…

  16. Il aurait pu dire aussi « Finnis terrae ». (titre de la dernière publication de Bernard Charbonneau aux éditions « A plus d’un titre » 04/2010.

    Il saurait alors que la terre est finie (au sens a des limites) et que nous devons nous apprendre à nous fixer des limites.
    Sinon, comme lui, nous risquons de développer les fantasmes les plus régressifs comme le culte de la toute puissance ou l’idée d’un monde sans limite (Ariès) si chers à « maman l’économie » (1) du socialisme de marché mondialisé auquel il tient tant et qu’il croit mal en point à cause des petits navions au sol.

    :))
    Note :
    1 : B. Charbonneau : Bien aimer sa maman (2006)

  17. « Maîtriser la nature ? L’homme est encore incapable de contrôler sa propre nature, dont la folie le pousse à maîtriser la nature en perdant la maîtrise de lui-même. Maîtriser le monde ? Mais il n’est qu’un microbe dans le gigantesque et énigmatique cosmos »

    Merci pour cette belle citation d’Edgar Morin. Voilà exposée de fort belle manière la vision étriquée, cette vision dualiste, comme le souligne Guy un peu plus haut, qu’ont du monde les innombrables Joffrin d’ici et d’ailleurs.
    Faire de la terre l’ennemie de l’homme, c’est comme faire du corps humain l’ennemi de la cellule.
    Où se trouve la frontière entre le sujet à protéger et le monde extérieur ? Aux frontières de mon corps, quand beaucoup d’individus s’identifient à leur maison, à leur voiture..? A mes idées, quand des millions d’autres individus partagent les mêmes ?
    Cette frontière existe-t-elle vraiment ? Et si elle n’existe pas, pourquoi alors vouloir séparer à tout prix la nature humaine de la nature tout court ?

    Et qu’il est bon de lever la tête et apprécier pleinement un ciel limpide, sans aucune traînée blanchâtre ! Profitons-en en attendant un probable retour à l’anormal dans quelques jours…

  18. Cher Fabrice.
    J’aurais préféré lire le texte de Joffrin et ensuite le préambule (qui n’en aurait été plus un).
    Car en lisant le préambule puis le texte , on savait bien où tu voulais en venir à propos de cet homme là et de son écrit, et donc mon jugement sur ce texte a été dirigé, même si j’en doute terriblement.

    continuons de revendiquer et continuons d’agir

  19. @ René, je me permets une remarque: bien sûr il y a une certaine part de réalité dans le désir de beaucoup de maîtriser la nature, même chez les « croyants ». Mais si on revient au texte de la Genèse, il faudrait lire que Dieu à créé l’Homme, littéralement, « pour la servir et la garder ». et c’est de cette traduction-là, que j’essaye de m’inspirer.

    Pour ce qui concerne les avions et le volcan, mon mari disait ce matin qu’il espérait bien que cela allait durer encore un bon moment pour nous obliger à remettre en question le fonctionnement de notre économie, et voir le non-sens qu’il y a à faire transiter tant de marchandises par la voie des airs, venant de partout, au lieu de relocaliser. Oui, si seulement cela nous permettait une prise de conscience, au-delà des soucis de touristes coincés dans des paradis qui deviennent tout à coup l’enfer (!).
    Comme quoi, ce n’est pas si bête, de mettre en place des solutions locales pour un désordre global (merci Coline Serreau!).

  20. On entend aussi les riverains de ces aéroports parler de paradis! et de fatal retour à l’enfer..comment peuvent-ils vivre ainsi avec un 1 avion toutes les secondes (je crois)! ..Par les informations qui nous sont transmises (nombre d’aéroports, nombre de voyageurs, pays, cause des voyages..) cet événement imprévu, permet en retour de mesurer le fossé, que dis-je le gouffre séparant les « actions et les discours écolos », ici et là, lus, écrits..et la réalité quotidienne, la dure réalité, en tout cas celles des voyages aériens, partie de la réalité du ciel et qui correspond à de radicaux et féroces intérêts polyvalents (affaires..tourisme)..les faiseurs d’opinion étant ce qu’ils sont et aussi un reflet des gens. Détruire çà? bonne chance.

  21. Une amie islandaise vient de m’adresser un mail dans lequel elle précise que la probabilité pour qu’un second volcan bien plus virulent entre en éruption devient forte.

    Ceci l’inquiète fortement car cela pourrait avoir des conséquences très néfastes en terme de santé publique.

    Pour le reste, j’approuve totalement le billet de Fabrice et les commentaires notamment sur le rêve Prométhéen si bien décrit par les philosophes cités.

    J’y rajouterai la notion de « honte prométhéenne » développée par Anders qui explique le désarroi de l’Homme face à sa perte de contrôle de ses inventions techniques du fait de la complexité des leurs effets non initialement imaginés (OGM, nucléaire, machines thermique, nanotechnologies, etc…)

    Même ici à Toulouse, les trainées d’avion ont disparu et cela fait plaisir à voir.

    Quant à Joffrin, je rappelle que le mensuel Plan B le surnomme d’un qualificatif peu flatteur que je ne reprendrai pas par pure pitié en sa personne publique.

  22. je crois que les islandais peuvent s’attendre à déménager sous peu. je n’ai pas la télé, mais dans aucun média (radio, internet, je ne trouve les conséquences de l’éruption sur la vie des populations plus touchées que nous, dans l’europe du nord.

    « L’éruption du volcan situé sous le glacier Eyjafjallajokull en Islande, qui perturbe considérablement l’Europe du nord actuellement, pourrait devenir un phénomène de plus en plus fréquent dans les années à venir à cause du réchauffement climatique et de la fonte de calotte glaciaire., à lire sur
    http://www.actualites-news-environnement.com/23401-rechauffement-climatique-volcans-islandais.html

  23. Il faut vivre avec, pour et par la nature et non contre elle. Quand allons-nous enfin comprendre que nous en faisons partie et que l’agresser c’est nous agresser. Quand donc l’être sera-t-il plus important que le paraître.

  24. @ Kellia

    « Et Dieu créa l’homme à son image. Il l’a créé à l’image de Dieu. Il les a créés mâle et femelle.

    Et Dieu les bénit , et Dieu leur dit : Fructifiez et multipliez et remplissez la terre et SOUMETTEZ-LA*, et assujettissez-vous les poissons de la mer et les oiseaux des cieux et tout animal qui se meut sur la terre. » Genèse 1, versets 27 et 28. (dans la traduction de la Bible que je possède).

    On ne peut être plus clair et, « les mots sont très importants », comme le souligne très justement Fabrice.

    * C’est moi qui souligne.

  25. Fabrice, je vous dis bravo pour votre préambule mais pas pour votre lecture très orientée de Joffrin (dont je me moque par ailleurs, je ne suis pas proche ni de lui ni de Libération).
    Tout le premier paragraphe de Joffrin (hormis la religiosité, je vous l’accorde qui n’est pas très heureux) ne me fait pas tomber de ma chaise. Oui, il a raison : à force de faire n’importe quoi, les humains (et les êtres vivants)font morfler. La terre, elle, s’en fout !
    Vous en faite tout un plat, insister sur les mots qui sont importants. Je préfère me faire une idée par moi même et ne pas avoir un professeur pour m’aider à lire un texte. Votre côté donneur de leçon parfois est exaspérant !

  26. A aucun moment, je n’ai ressenti un côté « donneur de leçon ». Fabrice a seulement exprimé ce qu’il pensait du texte de Joffrin, sans pour autant vouloir imposer son point de vue.

  27. mais peut-être que ce message « soumettez-la » avait une pertinence à cette lointaine époque ou les humains pouvaient se faire bouffer par le premier gros prédateur venu;..crever de froid avec la neige, ou de chaud..bref; on ne pesait pas bien lourds face à toutes ces forces naturelles

    mais les temps ayant bien changé et les hommes étant faibles il faut et en urgence : un nouveau message.
    Comment va-t-il parvenir à ces coeurs durs, à ces peaux endurcies et à ces sourds et ricanants?
    Mystère.

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