Sur Laurence Tubiana, l’amie du climat et de la Chine

On apprend donc que le parti socialiste a proposé au poste de premier ministre une certaine Laurence Tubiana, dont je suis les activités proprement industrielles depuis fort longtemps ici. Ci-dessous, un extrait de mon livre Le grand sabotage climatique, que nos bouffons politiques – ils le sont tous – ne liront bien entendu jamais.

L’extrait

[Hollande] sort de sa torpeur – seulement d’un œil – à partir de 2015, car en novembre-décembre de cette année-là doit se tenir la COP21 en France, et il s’agit pour lui et ses équipes qu’elle soit historique. Mais il se contentera pourtant d’enfiler un nombre conséquent de perles, sans jamais aborder les questions concrètes, ce qui est bien plus prudent. Déjà le quatrième ambassadeur ? Ce sera une ambassadrice : Laurence Tubiana prend les rênes en 2014.

C’est une femme de gauche, ancien membre de la Ligue Communiste Révolutionnaire dans les années 70. Elle croise dès 1977 un certain Lionel Jospin, alors professeur dans un IUT, et devient son assistante. Elle deviendra sa conseillère pour le climat vingt ans plus tard quand Jospin sera Premier ministre. Après avoir obtenu un doctorat d’économie, et d’autres diplômes, elle devient enseignante à Sciences Po.

Elle ne quittera plus la question climatique, et sera par exemple en 2009, cheffe-adjointe de la délégation française à la calamiteuse COP de Copenhague. Mais son heure de gloire sera la préparation de la COP21 de Paris, en 2015. Aucun doute sur le sujet : elle a beaucoup travaillé, consulté, tenté de convaincre. À en croire le barnum publicitaire mis en place par le gouvernement français – Hollande-Fabius-Royal -, c’est un triomphe. Le climat est sauvé, car les 193 pays représentés, plus l’Union européenne, sont tombés d’accord pour limiter si possible à 1,5° l’augmentation moyenne de la température par rapport à l’ère pré-industrielle. Au pire, au-dessous de 2°. Labiche et son « Embrassons-nous, Folleville » n’auraient pas fait mieux.

La farce grandiose des Accords de Paris

C’est une farce, et elle est sinistre. Le Fonds mondial des fonds de pension – un comble – en tire aussitôt ce bilan : « l’objectif théorique de réduction des émissions de gaz à effet de serre n’engage en rien les États-membres des Nations unies – tous signataires de l’Accord de Paris sur le climat. Les gros émetteurs de CO2, États-Unis, Chine, Inde, Brésil, Canada et Russie, qui représentent à eux seuls plus de la moitié des émissions, sont censés réduire délibérément, par eux-mêmes, leur pollution carbone sans qu’aucun mécanisme de mesure efficace ne soit mis en place, et sans le moindre incitatif financier contraignant du type taxe carbone. En somme, un accord “juridique” sans obligation, qui pose pour postulat que l’objectif recherché par les signataires sera atteint : ce que les juristes romains appelaient une pétition de principe ».

Les États-Unis ont signé, mais Trump enverra les Accords aux pelotes en 2017. La Chine a signé, mais émet en 2021 le tiers des émissions mondiales. Elles étaient de 18,7% en 2005, et de 26,4% en 2019. Il faudrait diviser nos émissions, partout, et elles augmentent, partout. Nul ne sait exactement ce que sera la trajectoire, mais les scénarios s’accumulent, scientifiques, faut-il le préciser ? D’abord, l’objectif des Accords de Paris s’écrit déjà au passé. En fonction des politiques menées, l’augmentation de la température moyenne du globe atteindra 3° en 2100, ou 5°, ou 7°, ou même pour certains 13°. Une abomination.

Les efforts de madame Tubiana seraient-ils parfaitement inutiles ? Ce n’est évidemment pas ce qu’elle pense, et comme à chaque fois, à l’instar des autres membres de la si petite tribu climatique, elle continuera à penser et à dire que la COP21 a été une réussite. Faut-il insister ? Oui, rapidement. Madame Tubiana situe sa pensée et ses efforts dans un cadre qui interdit toute amélioration. On ne parle jamais, elle ne parle jamais de la prolifération des objets, du commerce mondial, du rôle délétère de la Chine, et l’on va comprendre pourquoi.

Premier arrêt en 2001, au moment de la création de l’Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI), que madame Tubiana présidera jusqu’en 2014. À cette date, elle conseille le Premier ministre Lionel Jospin, son ami, et l’on ne sait pas ce qu’elle lui aura suggéré au sujet du climat, mais en tout cas, aucune décision se sera prise entre 1997 et 2002. Qui trouve-t-on dans le collège des fondateurs de l’IDDRI, représentée aujourd’hui par madame Claire Tutenuit ? Un machin discret qui n’apparaît que sous le sigle anodin EpE, qui signifie Entreprises pour l’environnement. En font partie des amis déclarés du climat : TotalÉnergies, Solvay, Bayer, BASF, Airbus, Plastic Omnium, Lafarge, des banques bien sûr, qui financent allègrement les projets d’exploration pétrolière. Ah ! EpE est sans surprise correspondante en France du World Business Council for Sustainable Development (WBCSD), le vaste lobby patronal imaginé par Stephan Schmidheiny.

Madame Tubiana conseillère de la dictature chinoise

Et c’est évidemment logique et imparable, comme l’explique très bien madame Tubiana dans un entretien de 2015 avec le magazine Elle : « Il y a quand même une prise de conscience aujourd’hui et l’écologie est devenue un argument politique. Les gros trusts sont entrés dans la boucle. Ce n’est plus seulement une attitude de façade. C’est même devenu une source d’opportunités économiques pour certaines grandes entreprises. Et on n’obtiendra  pas de changement sans discuter avec les grands groupes ».

Plus tard, Madame Tubiana deviendra présidente de l’Agence française de développement (AFD), héritière en ligne directe de décennies de Françafrique. Elle n’est pas responsable ? Elle ne l’est pas. Mais quand on préside un machin pareil, il me semble qu’on engage sa réputation, d’autant que le « développement » vu par l’AFD n’a vraiment rien à voir avec la lutte résolue contre le dérèglement climatique. Enfin, et c’est encore plus grave selon moi, elle est devenue sans le claironner sur les toits une conseillère officielle du gouvernement totalitaire chinois, précisément le China Council for International Cooperation on Environment and Development (CCICED).

J’en ai déjà parlé, car de nombreux hauts-cadres onusiens des négociations climatiques – Inger Andersen, Achim Steiner, Erik Solheim – en font partie aussi. Notons que Marco Lambertini, chef du WWF-International, en est aussi, ainsi que Peter Bakker, qui préside à la suite de Schmidheiny le WBCSD. J’imagine que la place est bonne, et qu’on en oublierait presque que le CCICED est présidé par le vice-premier ministre chinois Han Zheng.

Je n’insiste pas sur l’Apocalypse écologique de la Chine actuelle, déjà présentée dans un autre chapitre. Ses dizaines de milliers – ce sont des chiffres officiels – de cours d’eau asséchés par le « développement » cher au cœur de madame Tubiana. Les villages du cancer. L’avancée du désert aux portes de Pékin pour cause de déforestation cinglée. L’air des villes devenu mortel. Les barrages partout, détruisant des écosystèmes uniques et chassant les habitants par millions. Comme si cela ne suffisait pas, la Chine pille comme jamais les ressources naturelles de continents entiers. Le pétrole, le gaz, les terres d’Afrique. Les forêts extraordinaires du Laos ou du Cambodge. La main-mise sur le grand Mékong, etc, etc, etc. Je ne sais aucun autre exemple de destruction écologique aussi concentrée dans l’histoire des hommes.

Et bien sûr, le climat. Les dirigeants communistes chinois, qui ont d’autres choses dans la tête que faire plaisir à madame Tubiana, ont grossièrement truqué leurs chiffres sur la consommation du charbon. Le New-York Times l’annonce le 4 novembre 2015, quelques jours avant la triomphale COP21 si minutieusement préparée par madame Tubiana. En réalité, cette consommation était supérieure d’environ 17 % à ce qui était annoncé. Pour la seule année 2012, l’arnaque se montait à 600 millions de tonnes oubliées en route. Et les sources du journal sont officielles, car elles proviennent du gouvernement chinois lui-même !

Alors, et ce Rassemblement national ?

Bien sûr, barrer la route à ces crapules. Car ce sont des crapules. Racistes, ridiculement ignorantes, climatosceptiques. Les gens du Rassemblement national sont les maîtres incontestés de la laideur, et n’annoncent que la guerre de tous contre tous. Et la destruction de ce qui reste encore debout. Ils sont pour les pesticides, pour la bagnole et les routes, pour le béton jusque dans le moindre recoin, pour les radios et télés pourries jusqu’à l’os, pour la pire des industries, à la condition toutefois qu’elle se pare de plumes tricolores dans le cul. Ô comme je les vomis !

J’aimerais pouvoir dire un peu de bien du Nouveau Front Populaire, mais je ne peux. D’abord, un point d’histoire. J’ai chez moi une photo de mon père, les pieds dans l’eau de mer, quelque part en France. Il regarde l’objectif, il a l’air aussi heureux que déplacé. C’est juillet 1936. Les prolos viennent de débarquer sur les plages, et après une grève véritable, avec occupation de leurs usines, ils viennent d’obtenir la semaine de quarante heures. Et des congés payés, ce qui explique la photo de mon père.

Il y a de l’indécence à utiliser le même sigle pour parler d’un salmigondis rapprochant, le temps d’une élection, post-staliniens, écolos ma non troppo, socialos façon Hollande, soutiers et soumis de et à Mélenchon. Franchement, pour qui nous prennent-ils ? Ils proposent la poursuite du même, précisément ce qui a conduit au grand désastre en cours. Ce ne serait encore rien – oui, rien – si leur programme n’était à ce point franchouillard. Je l’ai lu. Il montre son indifférence radicale à la marche du monde réel.

Car je ne parle pas ici de l’Ukraine, mais de ces vastes régions de la planète qui deviennent inhabitables. Pour cause de chaleurs démentes. Et ce n’est hélas qu’un début. Or, faut-il le rappeler ici ? Le dérèglement climatique a été provoqué au départ par «notre» révolution industrielle, et constamment aggravé depuis plus deux siècles par notre frénésie, notre insatiable bonheur à consommer les colifichets les plus laids, les plus tristes, les plus imbéciles.

Leur programme ne dit un mot du nucléaire, pour ne pas embêter le PCF – ardent atomiste de toujours – et le PS, qui soutient depuis Mitterrand cette si grande aventure. Vous lirez, ou pas, ce qu’ils écrivent sur l’eau, qui est indigent. Vous lirez, ou pas, ce qu’ils écrivent sur la santé, qui n’est rien. Et sur le climat, qui est au bord extrême de la provocation. Cela fait une quarantaine que l’on sait l’essentiel, et je le sais bien, car j’ai écrit constamment sur le sujet, depuis plus de trente ans. Or la question ne les intéresse pas.

On chercherait en vain la moindre critique de la prolifération démentielle des objets matériels, de la bagnole électrique, des vacances à la neige, de la disparition accélérée des oiseaux communs, des insectes et papillons, des amphibiens. Cela n’existe pas. En revanche, et comme de juste, les compères misent tout sur une augmentation massive du pouvoir d’achat, fatal accélérateur de la crise climatique.

À mes yeux, ces gens ne feront jamais rien de sérieux contre la crise écologique et continueront d’insulter par leurs pantomimes les milliards de gueux de l’Inde et de l’Afrique, du Vietnam et du Brésil, de tous ces coins de la terre où l’on ne sait pas si l’on trouvera sa pitance du jour. Une insulte, comme l’écrivait Prévert, « à ceux qui ont le pain quotidien relativement hebdomadaire ». Quel terrible moment !

Élections poils au menton

Que vous dire de sincère ? Macron a dissous l’Assemblée nationale et court ainsi le risque de voir la France dirigée par l’absurde Jordan Barbella, ignorant de tout, partisan pathétique de l’Europe des nations à l’heure où les écosystèmes flambent. Ce n’est pas seulement un protofasciste, c’est un adversaire, un ennemi même de toutes les causes défendues depuis 2007 sur Planète sans visa. Arriverait-il au pouvoir qu’il ferait pire encore que Macron, ce qui semble impossible, mais demeure vrai. Il est climato-sceptique, il est pour l’industrie, il est pour toutes les pollutions chimiques, il se moque du sort des bêtes et des plantes. Ce qu’il veut, c’est gagner. Le reste est sans importance.

Macron ne vaut guère mieux. Cet homme que j’ai tant de fois conspué, mérite notre mépris. Il s’est cru puissant alors qu’il n’était que paltoquet. Faites l’effort de le comparer mentalement aux quelques grands hommes authentiques que vous connaissez, et je crois que vous comprendrez. Sa nullité est d’un ordre supérieur. On ne fera pas mieux. Hollande, que je tenais pour indépassable, paraîtrait presque, à ses côtés, présentable.

Or donc, des élections générales. Dans quelques jours. Elles m’indiffèrent passablement, car elles se déroulent dans un cadre forclos. C’est reparti pour un tour, quel que soit le résultat. Pendant des mois, sinon des années, avant que ne débute le formidable – humour – combat pour les municipales de 2026, on parlera retraites, pouvoir d’achat, insécurité. Tout plutôt que d’admettre l’évidence d’une crise inédite dans l’histoire des hommes, qui commanderait une levée en masse, et des héros. Oui, des héros.

Le cadre de leurs pensées – à tous – nous contraint à ne pas considérer la réalité. Ce qu’ils disent, tous, n’est pas la réalité. C’est pure foutaise. J’ai déjà évoqué ici un petit livre bancroche, celui de la campagne Dumont de 1974. Le texte en était mauvais. Les pages en étaient faibles. Et pourtant, au moment où Giscard, Chirac, Mitterrand, Marchais péroraient et occupaient l’espace, Dumont disait la vérité essentielle de ce monde sur l’eau, le climat, la biodiversité, accessoirement la bagnole.

Telle est la situation en ce printemps 2024. Telle devrait-elle être si les pseudo-écologistes du parti officiel avaient joué leur rôle historique. Mais ce n’est pas le cas. Le point de vue écologiste sur le monde dit le vrai, mais il n’est pas entendu. Et quand je parle de « point de vue écologiste », je veux parler de tout autre chose que des pantomimes habituelles. Je veux parler d’un point de vue révolutionnaire. Je veux parler du souffle de 1789, le seul capable encore de poser les vraies questions. Sommes-nous trop vieux ? Sommes-nous trop riches ? Sommes-nous mille fois trop gavés ? C’est bien possible. Mais il n’existe aucune autre voie.

Macron-le-petit en campagne

Vous le savez, Macron-le-petit renie les vagues promesses qu’il avait faites, depuis son fameux et risible Make our planet great again, de juin 2017. Il prétendait alors faire la leçon à Trump et moquer son Make America great again. Depuis, il s’est couché devant l’agriculture industrielle – voyez les cadeaux faits à la FNSEA – et tente de détruire le peu de choses encore debout, du recensement des pesticides à la surveillance du nucléaire, de la biodiversité des forêts à la protection du Loup et de l’Ours. Cet homme est d’une telle dimension – catégorie nain de jardin – que nul commentaire ne saurait le qualifier vraiment. Je n’ai pas grand-chose à ajouter à ce que j’écrivais ici il y a…sept ans.

Et j’apprends aujourd’hui qu’il va livrer des avions de combat Mirage à l’Ukraine. Avec un tel chef de guerre, nous irons tous fort loin. Et trop, sans l’ombre d’un doute. Ce qui suit n’indique en rien ce qui va se passer, mais quelques éléments d’histoire ne sont pas à dédaigner. Regardons ensemble le passé récent de cette armée à laquelle notre si bon maître vient d’accorder 413 milliards d’euros sur cinq ans, en attendant bien plus.

Depuis 1939, la sottise et l’aveuglement sont aux commandes. La ligne Maginot, prétendument construite pour empêcher tout mouvement de la Wehrmacht, était en réalité un mirage. Les troupes nazies ont traversé les Ardennes, que l’armée de Gamelin jugeait impraticables, et contourné cette même ligne Maginot par la Belgique, car les casemates en béton s’arrêtaient à la frontière. La Belgique ne pouvait bien entendu être attaquée, puisqu’elle s’était déclarée neutre.

La suite est bien agréable. La France a lancé en 1946 une guerre atroce contre l’indépendance vietnamienne, qui se poursuivra par la première guerre écologique – américaine, celle-là – de l’histoire. Encore bravo à nos états-majors, défaits à Dien Bien Phu par une armée de paysans chaussés de morceaux de pneus.

L’Algérie ? Après s’être déshonorée par la torture de masse, l’armée a bien failli basculer du côté des fascistes de ce qui n’était pas encore l’OAS. Le « quarteron » des généraux Salan, Challe, Jouhaud et Zeller représentait bel et bien une part importante de notre belle armée. D’autres massacres moins connus, comme celui mené par nos hélicos de guerre au Cameroun ou à Madagascar, donnent une idée de la valeur morale, mais aussi opérationnelle de nos unités militaires.

Depuis, et je ne peux entrer dans trop de détails, l’armée a perdu la partie face à l’expansion de l’islamisme armé en Afrique. Où veux-je en venir ? À cette évidence que nous devons avoir confiance dans de tels chefs. J’imagine sans peine les réunions au sommet entre Macron-le-petit, dont l’expérience de la vie et de ses problèmes est proche de zéro, et les hauts gradés de cette Grande Muette aux paroles si risibles. Pas vous ?