Un livre très spécial

Amis et lecteurs de Planète sans visa, je ne donne pas si souvent de mes nouvelles. Au temps jadis, je crois bien que j’écrivais ici un article chaque jour, et ce rendez-vous attirait des milliers de visiteurs. Vous qui venez ici, vous êtes les durs à cuire de ce rendez-vous devenu irrégulier.

Je prends la plume électronique, ce lundi 28 août 2023, pour une raison qui me paraît impérieuse. Vers le 20 septembre, je publie en effet un livre aux éditions LLL, dont vous trouverez la couverture plus bas. Le grand sabotage climatique n’a rien d’un livre ordinaire. Je n’entends pas faire ici la vulgaire promotion de sa forme – en ce domaine, chacun est juge -, mais de son contenu explosif.

Explosif ? On a bien dû vous faire le coup cent fois. Mais à la vérité, c’est le mot qui convient. De quoi s’agit-il ? J’ai tenté de comprendre pourquoi la mobilisation contre le dérèglement climatique avait si lamentablement échoué. Car elle a échoué, vous en êtes d’accord ? On sait depuis des décennies qu’un phénomène inouï est en route, et rien n’aura été fait. Rien ? Rien. Si cela ne vous paraît pas stupéfiant, cessez donc de me lire ici.

Pourquoi, oui pourquoi tant de sommets de la terre, de réunions et tribunes, de COP 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27 ? J’ai cherché, et croyez-le ou non, j’ai trouvé la preuve que rien ne serait tenté, car rien ne pourrait l’être. Il ne s’agit nullement d’un complot – certains existent, la plupart sont imaginaires – mais d’un vaste simulacre. On a fait semblant, on aura fait semblant. Et on continue.

Je ne peux évidemment tout vous raconter, mais sachez, et croyez-moi, que tous les premiers rôles, dans les si mal nommées « négociations » climatiques, ont été tenus par des personnages qui avaient partie liée, intimement, avec l’industrie transnationale, dont on sait le rôle si délétère dans l’aggravation de la situation. Deux exemples ? Deux, mais il en est quantité d’autres. Le Canadien Maurice Strong, organisateur des sommets de la terre de Stockholm (1972) et Rio (1992), fondateur et premier directeur du Programme des nations unies pour l’environnement (PNUE), ordonnateur de la conférence de Kyoto en 1997, sous-secrétaire général de l’ONU, a mené pendant toutes ces années une carrière industrielle.

Et quelle carrière ! Sans vraiment se cacher, il a en même temps créé et dirigé des sociétés pétrolières au Canada ou aux États-Unis. Certes, pas des majors comme BP ou Exxon, mais tout de même de très profitables entreprises. Son adjoint à Rio, en 1992 ? Le Suisse Stephan Schmidheiny. Ce dernier a dirigé dans les années 70 l’entreprise Éternit, dont les usines italiennes ont tué plus de 3000 prolos. Par l’amiante, car c’était là le fonds de commerce d’Éternit. Le tribunal de Turin a finalement condamné Schmidheiny à 18 années de prison, peine criminelle s’il en est. Vous avez bien lu : 18 ans. Il n’a jamais osé mettre un pied en Italie, et ses avocats sont parvenus à convaincre la cour de cassation qu’il y avait prescription. Il n’empêche. 18 ans. Et Rio.

Mon livre démontre par des faits irrécusables que le système formé par l’ONU, les transnationales, les gouvernements, est corrompu de mille manières. Mais je n’oublie pas notre moindre part de responsabilité dans l’essor délirant du commerce mondialisé et l’achat compulsif de tant d’objets inutiles, qui rendent les solutions de moins en moins évidentes.

Ce que j’attends de vous ? De l’aide. Non pour moi – on a le droit de ne pas me croire -, mais pour aider à diffuser des informations que je crois fondamentales. Nous ne pourrons commencer à avancer qu’après avoir compris ce qui s’était passé. Cela demandera des efforts qui me paraissent pour le moment hors de portée, mais vous vous doutez à quel point c’est essentiel.

Lecteurs, amis de Planète sans visa, je vous demande un coup de main personnel. Et je ne m’y autoriserai pas si ce livre n’apportait pas des révélations sur un domaine opaque où nous avons tous le devoir de pénétrer. Faites connaître ces quelques mots, que vous lisiez ou non mon livre lorsqu’il sortira. Oui, diffusez ce qui est un appel à la conscience de chacun d’entre vous. Solennel ? Oui, solennel.

Comment ne pas rechercher un poison

Christophe Béchu, ministre de l’Écologie, avec le nez rouge du comique professionnel. L’a pas l’air. Mais la chanson, si. Savourons une décision toute récente : le 27 juin paraît au Journal officiel un arrêté Béchu, qui demande à 5 000 entreprises de rechercher « sous trois mois, la liste des substances PFAS utilisées, produites, traitées ou rejetées par son installation ».

Les PFAS dont il est question sont appelées à un grand avenir, car ces mixtures chimiques ne disparaissent pas dans l’eau, l’air, les sols. Ou les corps. Et c’est pourquoi on les appelle des forever chemicals. Des produits chimiques éternels. Où trouve-t-on des PFAS ? Eh bien, partout, car leurs propriétés antiadhésives, imperméabilisantes, résistantes aux fortes chaleurs, en font des candidats parfaits pour les usages industriels. Ils sont utilisés aussi bien pour les poêles que pour les pesticides, dans les vêtements, les emballages alimentaires – miam – les mousses anti-incendie, les cosmétiques, et la liste continue jusqu’au bout de la terre.

Inventés dans les années Trente du siècle passé, ils ont vivoté jusqu’au 29 juillet 1967, date d’un grave accident sur le porte-avions USS Forestal, qui tue 134 soldats après un incendie géant. Des petits malins se disent que des mousses contenant des PFAS auraient été bien plus efficaces contre les flammes. Nul ne s’interroge sur rien, et l’aventure continue. Dans les années 70, on trouve dans le sang des personnels exposés des traces de PFAS. Et alors ?

En 2001, Giesy et Kannan montrent une contamination des ours polaires, des poissons, des oiseaux. Et alors ? On découvre dans la foulée, que le sang de toute la population américaine – il doit pouvoir rester deux ou trois épargnés – contient des PFAS. Et pareil en Europe. L’air des cimes en contient. La glace arctique aussi. Est-ce bien embêtant ? Un peu. On relie en effet les PFAS à des cancers des testicules, du sein, du rein. À des maladies thyroïdiennes, de l’intestin, à des lésions du foie, à de nombreux risques pour les fœtus, dont les effets ne se feront sentir qu’à la puberté, ou après.

À ce stade, résumons : on sait ce qu’il faut savoir depuis trente ans, et l’on se demande ce que nos ministres de la Santé et de l’Écologie ont bien pu faire pour contraindre si peu que ce soit l’industrie à la prudence. Oui, qu’ont donc tenté les responsables de la santé Kouchner, Douste-Blazy, Guigou, Mattei, Bertrand, Bachelot, Touraine, Buzyn ? Rien. Et pareil chez les ministres de l’Écologie Bachelot, Lepeltier, Jouanno, Kosciusko-Morizet, Batho, Martin, Royal, Pompili. Zéro plus zéro égale la tête à Toto.

Béchu a l’air bien parti pour suivre cette noble route. Revenons à sa décision historique du 27 juin : il donne trois mois à une petite fraction de l’industrie – 5000 entreprises – de déclarer s’ils utilisent des PFAS. Il connaît bien sûr la réponse, mais ça permet de gagner du temps, ce qui n’est pas rien. Lorsqu’on reparlera des PFAS, qui sait où il aura atterri ? À Angers, son fief électoral ? Au secrétariat d’État aux normes de la charcuterie et de la baguette réunies ? Loin du mistigri en tout cas, qu’il aura refilé à une autre préposé.

Au fait, les amis, savez-vous combien il y a de PFAS différents les uns des autres ? Tous les organismes officiels s’accrochent comme des noyés au chiffre ridicule de 4700 assemblages distincts. L’agence publique en charge de notre protection, l’ANSES, écrit ainsi sur son site calamiteux (2) : « Les substances per- et polyfluoroalkylées, également connues sous le nom de PFAS, sont une large famille de plus de 4000 composés chimiques ».

C’est tellement faux qu’on s’en pince la peau du bras. Le chiffre semble s’inspirer d’un rapport de l’OCDE, en 2007, qui dénombrait exactement 4730 PFAS. L’agence en charge de l’environnement aux États-Unis – l’EPA – en comptait 14 735 il y a trois ans. PubChem, sous la tutelle des National Institutes of Health, fait autorité, et en annonce…6 millions. On parle désormais de 7 millions. Bechu demande à 5000 entreprises d’en rechercher 20 en priorité. Nez rouge, oui. 

(1)https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000047739535

(2) https://www.anses.fr/fr/content/pfas-des-substances-chimiques-dans-le-collimateur

Le charbon, champion du monde de l’énergie et du mensonge

Le charbon habite le si vaste pays du mensonge. Officiellement, on rasera gratis demain, car on aura éliminé le charbon – gros émetteur de gaz à effet de serre -, par des énergies dites renouvelables. Mais c’est pipeau. En 2022, la puissance installée de toutes les centrales à charbon de la planète a augmenté de 19,5 GW. Elle aurait dû baisser, puisque des centrales à charbon ont été arrêtées – pour un total de 26 GW -, mais dans le même temps, de nombreuses installations ont été ouvertes, pour une puissance installée de 45,5 GW. 59% des centrales nouvelles se trouvent en Chine (1).

La Chine, qui prétend tout ce que les niais – et les corrompus – veulent croire, est une spécialiste de la désinformation, qui a très grossièrement truandé ses chiffres publics. On apprenait ainsi, le 4 novembre 2015, que la consommation de charbon était supérieure de 17% depuis des années à ce qui était annoncé. Pour la seule année 2012, 600 millions de tonnes avaient été dissimulées. Seules les dictatures accomplies sont capables de tels exploits.

L’Inde, au-delà de grandes différences, est sur une pente comparable Sa production a augmenté de 6,3% en 2021 – 805 millions de tonnes -, et même de 11% en 2022, correspondant à 893 millions de tonnes. On devrait atteindre dans deux ans le milliard. Mais ça ne suffit pas, tant la demande est grande. En 2022, la consommation a été de 1,027 milliard de tonnes, obligeant le pays à importer massivement cette arme de destruction massive du climat. Dans ces conditions, qu’attendre ? En 2022, selon l’Agence internationale de l’énergie, la consommation mondiale a encore augmenté de 1,2%, dépassant les huit milliards de tonnes.

Malgré les falbalas des tentures officielles et des Sommets de la Terre, le charbon reste, et de loin, le plus grand producteur d’électricité dans le monde. Ne pas oublier que l’électricité n’est pas un minerai ou un puits dans lequel plonger son tuyau. Pour en obtenir, il faut d’abord cramer une énergie dite primaire. Dont le gaz, le pétrole, l’hydro-électricité, l’uranium, etc. Mais le charbon, en 2022, est le champion incontesté, avec 35,9 % du total.

C’est un peu fâcheux, car selon Global Energy Monitor, un Observatoire américain, « le rythme mondial des arrêts de centrales devrait être quatre fois et demi plus rapide, afin de mettre le monde sur la bonne voie pour éliminer le recours au charbon dans le secteur électrique d’ici 2040, comme requis pour atteindre les objectifs de l’accord de Paris sur le climat ».

Il est assez douteux que cela s’arrange, car la situation fait penser aux fameuses boucles de rétroaction climatiques. On explique par un exemple : le dérèglement climatique a tendance à faire fondre le permafrost, ce sol gelé des immensités arctiques et sibériennes. Le permafrost relâche ainsi des gaz à effet de serre, dont le terrible méthane. Ce qui augmente le dérèglement global, qui accélère la fonte du permafrost, qui etc. Cette rétroaction dite « positive » – eh oui – est un emballement.

Or on le sait, la crise climatique provoque des phénomènes extrêmes, dont des sécheresses sans précédent. Comme en Chine l’été passé, où l’hydro-électricité – le tiers de la production mondiale -, s’est effondrée, obligeant à massivement augmenter la consommation de charbon. À une échelle moindre, l’Europe a fait pareil à cause de la guerre en Ukraine et des craintes sur l’approvisionnement en gaz.

Si on veut passer, malgré tout, un bon moment, on peut écouter (2) l’historien Jean-Baptiste Fressoz nous raconter à quel point la « transition énergétique » est un mythe. C’est lumineux. Il montre que dans l’histoire de l’énergie, on ne fait jamais qu’empiler les offres les unes sur les autres. Ainsi du bois-énergie, qui n’a pas été remplacé par le charbon. Ainsi du charbon, qui n’a pas été remplacé par le pétrole. Ainsi du pétrole ou du gaz, dont la consommation mondiale n’a jamais été aussi forte, malgré le solaire et le vent. Ainsi de ce nucléaire dont nous sommes si fiers, et qui ne change rien à l’augmentation sans fin de supposés besoins énergétiques.

(1)https://www.connaissancedesenergies.org/centrales-charbon-un-parc-mondial-qui-se-moque-de-lagenda-climatique-230406

(2)https://www.youtube.com/watch?v=YbebLbnGyoU

Anna Karina, les pesticides et moi

Que ceux qui se souviennent d’Anna Karina dans Pierrot le fou lèvent le doigt. Dans ce film de Godard, sorti en 1965, on l’entend répéter, les pieds dans l’eau : « Qu’est-ce que j’peux faire, j’sais pas quoi faire ». Eh ben, au risque de surprendre, Anna Karina, c’est moi. Je ne sais plus quoi faire contre les pesticides. Cela fait bien 25 ans que j’écris sur le sujet, y compris dans des livres solides, mais rien ne bouge.


Ce qui bouge, ce sont les études, qui s’empilent. Celle publiée le 15 mai (1) apporte des informations inédites sur le déclin apparemment fatal des oiseaux communs en Europe. Les signataires – quatre chercheurs principaux – ont étudié en détail le sort de 170 espèces d’oiseaux sur 20 000 sites de 28 pays européens. En tentant de préciser l’impact de quatre « pressions anthropiques », c’est-à-dire provoquées par les activités humaines : changements dans le couvert forestier, changement climatique, urbanisation, intensification agricole.

Bien entendu les causes du massacre des oiseaux sont multiples. Même les chats, si nombreux, y jouent leur rôle, de même que les pales des éoliennes. Mais le très grand responsable, c’est l’usage massif des pesticides et des engrais de synthèse. Grâce à des techniques mathématiques récentes, les scientifiques sont parvenus pour la première fois à hiérarchiser les menaces. Interrogé par Le Monde, Vasilis Dakos, l’un des signataires de ce travail, estime qu’il « permet de révéler des liens de causalité ». Non pas seulement de corrélation, comme bien souvent, mais de causalité. Les insectes sont tués par les pesticides, et les oiseaux insectivores les suivent dans le néant : le bruant ortolan a perdu 93% de ses populations en Europe depuis les années 80.

Une autre publication (2) permet de retrouver un SDHI, le boscalid. L’agrochimie prétend contre l’évidence que les fongicides SDHI – ils s’attaquent aux champignons des récoltes – ne sont pas toxiques au-delà de leur cible (3). En réalité, le Pristine, mixture contenant du boscalid, réduit la durée de vie des abeilles ouvrières. Et des effets létaux ont été observés à des doses inférieures à celles utilisées dans les laboratoires pour obtenir une autorisation de mise sur le marché.

Passons à la grande et enivrante politique française. La rumeur m’est parvenue que Macron, quand il en éprouvera le besoin, pourrait remplacer Élisabeth Borne par l’ancien ministre de l’Agriculture Julien Denormandie. Ce ne serait pas la meilleure nouvelle de l’année. En septembre 2021, Macron, pour une raison restée inconnue, déclare : « Je veux que sur ce sujet des pesticides, la présidence française de l’Union européenne [qui commencera en janvier 2022] porte, et je m’y engage ici, une initiative forte, avec tous les collègues, de sortie accélérée des pesticides ».

Le lendemain, Denormandie, plus au fait, apparemment, des vrais rapports de force, recadre rudement Macron : «Nous sommes dans un marché commun, donc cette question doit être européenne ! Sinon, nous créons juste de la compétition déloyale, sur le dos de notre agriculture et de notre environnement !». Et aussi, mais surtout : « Notre position est toujours la même : pas d’interdiction sans alternative ». Et il n’y a pas d’autre choix. Pour eux.

(1)https://www.pnas.org/doi/10.1073/pnas.2216573120

(2)https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0269749120366537

(3)J’ai consacré un livre à l’effarant scandale des SDHI : Le crime est presque parfait (LLL)

(4)https://theconversation.com/pesticides-et-abeilles-comment-les-fongicides-sattaquent-a-la-reine-205070

(5)https://pubs.acs.org/doi/pdf/10.1021/acs.est.2c09591

Investissez chez Veolia et Suez !

C’est parti mon kiki, et les villes vont douiller. Les villes, c’est-à-dire le pékin. Il y a quelques semaines, Veolia, transnationale « française » de l’eau organisait un gentil voyage de presse – c’est la boîte qui paie, pas le journal – à Bergerac, en Dordogne. L’occasion était trop belle, car pour une des premières fois en France, un camion-citerne nettoyait les rues avec de l’eau « usée », au lieu d’utiliser l’eau potable habituelle.

À Bergerac, le projet reste modeste, mais l’idée est en train de flamber partout. À Sainte-Maxime (Var), à Deauville (Calvados), en Vendée, où Veolia a vendu à l’agglomération des Sables d’Olonne et à Vendée Eau – distributeur public – le programme Jourdain (1). Jourdain comme le fleuve martyrisé d’Israël, comme ils sont drôles. Les choses sont loin d’être simples, mais enfin, il s’agit de développer un système dont on parle chaque jour un peu plus, le REUT, pour Réutilisation des eaux usées traitées. La promesse Jourdain – on en reparlera à l’arrivée, au mieux en 2027 – consiste à récupérer dans une station d’épuration une fraction de l’eau et de la réinjecter en amont du barrage du Jaunay par une canalisation de 27 km. Les subventions publiques atteignent déjà 7,7 millions d’euros, mais ce n’est, on l’espère pour Veolia, qu’un tout petit début. Pour la transnationale, mais on l’avait compris, le système REUT est, comme l’indique son site, « une nouvelle réglementation, de nouvelles opportunités ». Sur fond de sécheresse chronique, l’argent public ne peut que couler à flots.

À Nice, Christian Estrosi, maire désormais macroniste, vient d’annoncer un plan de 700 millions d’euros pour la station d’épuration d’Haliotis 2, dont une bonne part pour l’utilisation des eaux usées. Cette fois, ce n’est pas Veolia qui profitera de l’aubaine publique, mais sa sœur jumelle et concurrente, Suez. La version officielle annonce : « La Métropole de Nice disposera dès 2028 d’une unité industrielle de Réutilisation des Eaux Usées Traitées capable de recycler 5 millions de mètres cubes d’eau par an sur le territoire ».

Pour mieux comprendre les enjeux de ce énième putsch sur les ressources publiques, garder dans un coin de la tête que la France « produit » 8,4 milliards de m3 d’eaux usées chaque année, dont moins de 1% est à nouveau utilisé. Or le plan Macron annoncé ce printemps (3) prévoit de multiplier par 15 ce pourcentage d’ici 2030. Miam Veolia. Miam Suez. La manne servira massivement pour les besoins de l’agriculture industrielle : arrosage des grandes cultures et arboriculture notamment.

Mais voici l’heure d’une explication de base. Il y a plus d’un traitement de l’eau, on s’en doute. Rappelons à ce stade que l’eau du robinet est déclarée potable sur simple décision politique. L’exemple le plus récent est celui du chlorothalonil, pesticide cancérogène probable, interdit en Europe depuis 2019. Tous les pesticides créent des produits de dégradation par milliers, dont très peu sont recherchés dans l’eau dite potable. Ces métabolites peuvent être, et sont souvent plus toxiques que les molécules de départ. Dans le cas du chlorothalonil, un seul de ces métabolites – le R471811 – rend la consommation d’eau non conforme dans le tiers de la France. Que fait-on ? Rien.

Et tout est à l’avenant à la sortie des stations d’épuration. Il reste dans l’eau du robinet des quantités faibles mais réelles de joyeusetés comme les microplastiques – mais oui -, des résidus de médicaments, de métaux lourds, de pesticides bien sûr, de cosmétiques, de sous-produits du chlore. Tous sont potentiellement dangereux, et nulle autorité n’est capable de seulement penser leur synergie – l’effet cocktail – quand ils sont avalés par un consommateur quotidien.

Mais ce n’est rien encore avec le système REUT, dont les eaux seront bien plus farcies de polluants non traités. Qui se retrouveront dans les nappes, dans les sols, dans les goûteuses cerises. Il y aurait bien une autre voie, celle d’une nouvelle culture de l’eau, entraînant la société sur des chemins nouveaux. Mais que diraient Veolia et Suez ?

(2)https://www.actu-environnement.com/ae/news/reutilisation-eaux-usees-traitees-bergerac-41679.php4

(3)https://www.huffingtonpost.fr/environnement/video/le-plan-eau-de-macron-veut-accelerer-la-reutilisation-des-eaux-usees_215933.html

(4)https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/04/05/l-eau-potable-en-france-contaminee-a-vaste-echelle-par-les-metabolites-du-chlorothalonil-un-pesticide-interdit-depuis-2019_6168450_3244.html