Archives mensuelles : décembre 2009

Connaissez-vous l’Ageca (un one-man-show parisien) ?

Appelons cela de l’autopromotion, domaine dans lequel je crois rester discret. En tout cas, ce vendredi 11 décembre, à 20h30, je causerai de mon livre Bidoche à Paris, à l’invitation de Catherine Chalom, qui a ouvert un très beau magasin bio (ci-dessous).

Le retour à la terre

Vitrine du magasin

Le Retour à la Terre
114 avenue Philippe Auguste
75011 Paris
01 44 93 81 81

La soirée a lieu dans une salle appelée Ageca, qui se trouve 177 rue de Charonne, dans le 11ème parisien, au métro Alexandre Dumas. J’essaierai d’être là vers 20 heures, et si quelques-uns d’entre vous veulent se joindre à nous, ce sera avec un vrai plaisir de mon côté. Un dernier point : il serait préférable de s’inscrire à l’adresse suivante : bidoche@leretouralaterre.fr

Cette fois, je vous ai tout dit. Portez-vous bien.

Frédéric Nihous, chasseur de borloo (le petit oiseau va sortir)

Je rajoute une couche amère au débat sur la chasse. Tandis que certains – je ne cite personne, mais suivez tout de même mon regard – ne veulent plus entendre parler de la moindre confrontation, d’autres astiquent leurs gibecières. Tel est le cas d’un pauvre gars bien de chez nous appelé Frédéric Nihous. Ne lui faites pas mal ! N’y touchez pas ! Il est la campagne française, celle qui ne ment pas lorsqu’on tire sur le perdreau. Il est l’âme rurale du pays, malmenée par ces forbans des villes. Il est le président de Chasse, pêche, nature et traditions (CPNT), le parti des chasseurs.

Le pari n’était pas gagné, car ce commandant en chef a d’abord été un simple soldat de la Grande Armée. Né en 1967, il « touche » son premier fusil à l’âge de quatorze ans, des mains de son papa. Ensuite il fait de la politique – au RPR, ancêtre de l’UMP -, ensuite il fait de la politique, à CPNT. Nihous, attention les yeux, a fait des études, et possède deux DEA, mais si. Et il a réussi à éliminer l’ancienne tête de CPNT, l’inénarrable Jean Saint-Josse. Le voilà donc roitelet au pays des palombes et des grosses bedaines. Ma foi, encore bravo.

Mais Nihous n’a jamais oublié un précepte de base de la politique telle qu’il l’a pratiquée, telle qu’il la pense encore. Pour peser sur quelqu’un, il n’y a rien de tel que de le tenir par les couilles. Cela paraît paradoxal, et c’est sans nul doute grossier, mais pensez-vous qu’on parle autrement dans les huttes de chasse ? Je crois que c’est un poil pire. Donc, Nihous, et une paire de couilles. Laquelle ? Mais celle de Jean-Louis Borloo, bien sûr ! Tandis que notre ministre fait le beau à Copenhague – comme il est crédible, dans son rôle de sauveur, n’est-ce pas ? -, Nihous aligne ses comptes d’apothicaire sur un coin de table mal éclairée. On imagine la toile cirée, la lampe à huile, le père et la mère qui se réchauffent au coin de la cheminée. Ambiance ruralité.

Vous lirez dans la partie Commentaires ci-dessous le texte complet d’une lettre adressée par Nihous à Borloo. Elle est insultante, non pour ce dernier, qui ne compte guère, mais pour la République. Nihous y écrit, tel un maître-chanteur, que si Borloo ne tient pas les engagements précis qu’il aurait pris devant les gens de CPNT, il y aura des représailles électorales en mars, au moment des régionales. C’est d’une bassesse déconcertante, d’une vulgarité à peu près sans égale. Borloo, à en croire Nihous, aurait promis au moins trois choses, qui seraient autant de trophées à placer au-dessus du buffet du salon.

1/, « Le premier de ces symboles attendu impatiemment par les chasseurs français est la chasse des oies et de quelques canards de surface (notamment le siffleur) en février ». N’est-ce point magnifique, de vouloir s’attaquer à des oiseaux qui préparent dans le froid leur saison nuptiale ?

2/,« Le deuxième symbole important est la chasse ardéchoise du pigeon ramier début mars ». Cela vise en effet un symbole, qui s’appelle col de l’Escrinet. Une directive européenne – une loi, donc – de 1979 protège le passage des oiseaux revenant d’Afrique, mais depuis des lustres, les chasseurs locaux braconnent le ramier à l’Escrinet avec la complicité de l’administration. On comprend que Nihous veuille une autorisation en bonne et due forme. Et j’ajoute que la Ligue ROC – ça y est, je récidive – compte parmi ses membres Gilles Pipien, qui fut directeur de cabinet de Roselyne Bachelot quand elle fut ministre de l’Environnement après 2002. Un Gilles Pipien qui vint à l’Escrinet, en mars 2003, pour…y soutenir les chasseurs bracos.

3/,« Enfin, concernant un autre dossier symbolique, le bon sens impose lui aussi que la chasse ne puisse être freinée en montagne au motif de la présence soit d’espèces chassables (quel paradoxe !) comme le grand tétras, soit par vitrification de la montagne pour éviter le dérangement de quelques spécimens lâchés (comme l’ours) mais qui a pour effet du coup de créer de nouveaux problèmes sur des activités ludiques et traditionnelles (notamment la chasse) qu’économiques et sur la vie des “gens de montagne” ». Ben oui, pourquoi y a-t-il encore des entraves en montagne ? Que foutent donc les bouffeurs de tétras tout cru ? On se le demande.

C’est donc ce Nihous-là qui, serrant très fort los cojones du ministre, achève – oui, le mot juste – sa lettre de menace par ces mots : « Comment croire enfin que les chasseurs-électeurs pratiquant cette chasse populaire, notamment dans les régions intéressées, puissent aller voter le 14 mars pour les listes de la Majorité, UMP en tête, quelques semaines seulement après que cette même Majorité leur aurait refusé ces symboles permettant une chasse raisonnée et durable en … février et début mars ? Ceci serait proprement impensable et illusoire !

« Les chasseurs, plus encore dans les régions concernées, ne pourraient assurément avoir un comportement électoral raisonnable face à une (non)décision irraisonnable prise en dépit du bon sens et qui ne pourrait être considérée que comme un « coup de couteau dans le dos » et un argument électoral de premier choix pour la gauche dans les régions.

« Vous m’aviez fait part le 7 octobre, comme lors de votre discours devant la FNC en mars dernier, de votre volonté ferme et résolue de régler les problèmes, de corriger les erreurs passées, et de rétablir la chasse, en tant qu’acteur à part entière de l’écologie et de la ruralité, dans nombre de ses droits légitimes ».

Et voilà où nous en sommes. Chantage. Menaces. Tentative d’extorsion de décision publique (j’ignore si ce dernier point existe en droit). Mais il faudrait donc se montrer raisonnable et conciliant. Moi, je préfère penser aux oiseaux. Le programme scientifique STOC montre que, de 1989 à 2007, les oiseaux communs ont vu leur nombre baisser de 18 %. Une moyenne incroyable de 1 % par an. Cela ne leur suffit pas. Cela ne leur suffira jamais.

Faut-il laver son linge sale en famille (ou non) ?

Ce court billet a été écrit en commentaire de mon texte précédent. Je sais que je trouble une partie des lecteurs de Planète sans visa à chaque fois que j’attaque une association ou un responsable écologistes. Je rappelle que l’écologie est ma famille. Certes, j’y suis un marginal, mais j’en fais partie. Après réflexion, j’ai décidé de considérer mon commentaire comme un court article. Le voici :

À tous,

Je reprends la parole une seconde. Il n’est pas de bon ton de critiquer son propre mouvement, ce que je fais pourtant avec une certaine obstination. Je ne dis pas que j’ai raison, je dis que j’aurais tort de ne pas exercer un droit de regard et de critique sans lequel nous n’avons aucune chance de parvenir où que ce soit.

Je comprends que cette critique adressée à des monuments comme le ROC puissent tournebouler. Mais enfin ! un peu de sens commun. La planète est à feu et à sang, nous allons droit à des dislocations physiques et politiques – euphémisme -, et il ne faudrait surtout pas toucher aux bibelots disposés sur le buffet de la salle de séjour ?

Je ne me moque de personne, je le jure solennellement. J’ai bien connu Nelly Boutinot et Christophe Aubel, de la Ligue Roc et j’ai eu avec eux des relations très sympathiques. J’ai interviewé Hubert Reeves, et je lui trouve toujours autant de qualités qu’auparavant. Et alors ? Les structures vieillissent, souvent mal. Avant d’être une prise de tête psychologique, il s’agit pratiquement d’une loi biologique.

La critique est l’arme la moins mauvaise qu’on ait pour secouer les conservatismes et préparer le terrain au neuf. Car toute la question se résume à cela : avons-nous besoin de neuf ? Si votre réponse est non, gardons ce mouvement, qui n’a cessé de reculer depuis quarante ans, incapable qu’il a été de stopper quelque destruction que ce soit. Je m’inclus personnellement dans ce bilan, sans en faire des cauchemars. Oui, nous avons TOUS été impuissants.

Mais est-ce bien une raison pour l’être à jamais ? Ne faut-il pas au contraire rêver, imaginer en tout cas, créer sans doute, réussir peut-être ? L’avenir commande la liberté. Notre futur exige des miracles. Commençons par une authentique discussion.

Mésaventures du ROC (de Théodore Monod à Hubert Reeves)

Je vous prie de faire circuler ce texte dans tous les réseaux que vous connaissez, car l’ignorance est la pire des entraves.

Je pensais ne pas avoir de temps avant la semaine prochaine, mais il apparaît que ce temps rêvé n’existe pas. Ce sera pire qu’aujourd’hui, et je me dépêche donc de vous envoyer ce qui suit. Le Rassemblement des opposants à la chasse (ROC) a été créé en janvier 1976 par des militants – le mot signifiait quelque chose – du nom de Serge Boutinot, Jean-Claude Nouët, Théodore Monod, Bernard Groslier, Paule Drouault. En cette époque engloutie, le dessinateur Reiser, dans Charlie, ne manquait jamais une occasion de flinguer ces connards de viandards. Nul n’avait encore peur d’appeler un chat un chat. Et un chasseur un tueur de vie.

Théodore Monod, un homme que j’ai toujours chéri, écrivait ceci : « Je n’aime pas la chasse parce qu’elle est devenue un passe-temps, un divertissement, un jeu : on continue, hélas, à tuer, et avec des armes de plus en plus efficaces, mais désormais par simple plaisir, pour s’amuser…

On souhaiterait ne plus voir ressassée indéfiniment l’objection banale : avant de secourir les animaux, il faudrait songer aux hommes… Comme s’il s’agissait, parce que l’on veut mettre fin à des massacres de baleines, de jeunes phoques, de panthères ou d’orangs-outangs, d’oublier la détresse des enfants, les pauvres maisons écrasées par les bombes ou les cris des torturés…Il ne s’agit pas de ceci ou de cela, et l’on voudrait être bien certain que les infatigables ressasseurs de ce misérable et si commode argument, s’ils refusent la pitié pour les bêtes au nom d’une priorité, se trouvent bien eux-mêmes aux avant-postes dans le combat pour l’homme. Ce n’est pas évident. Pour beaucoup d’entres eux, ce n’est pas, on peut le craindre, l’un ou l’autre mais bien : ni l’un ni l’autre ». Et le professeur Jean-Claude Nouët : « L’homme n’a aucun droit naturel d’utiliser la biosphère selon sa fantaisie, au gré de son profit et de son divertissement; le faisant, il abuse d’un droit qu’il s’est attribué à lui-même et qui s’apparente au “droit du plus fort”, c’est-à-dire au plus abominable des droits ».

Puis l’eau a coulé sous les ponts. Puis est arrivé à la présidence du ROC un certain Hubert Reeves, qui a imposé un changement de nom. Il était déjà l’heure de po-si-ti-ver. Le ROC est ainsi devenu la « Ligue ROC pour la préservation de la faune sauvage et la défense des non-chasseurs (ici) ». J’ai eu l’occasion de dire mon sentiment sur cette évolution (ici), qui est navrante en tout point. Cette Ligue, jadis association vivante, aujourd’hui très proche des dirigeants de FNE, dont elle est d’ailleurs membre, marche dans les arrangements du Grenelle de l’Environnement sans jamais regarder derrière elle. Et c’est rude.

Je rappelle rapidement mon point de vue. Sarkozy et Borloo ont monté une formidable machine de guerre politique appelée Grenelle de l’Environnement. Il s’agissait, il s’agit toujours d’apparaître comme de véritables écologistes, et pour cela d’intégrer pratiquement à la machine étatique le plus grand nombre possible d’associations écolos. En échange de clopinettes, celles-ci ont accepté, à des degrés très divers, il est vrai, de légitimer ce processus politicien. Lequel n’a qu’un but : permettre à Sarkozy,  au premier tour des présidentielles de 2012, de siphonner des voix écologistes très précieuses pour creuser l’écart avec l’adversaire principal, qu’il s’appelle Bayrou ou qu’il soit socialiste.

Bien entendu, il y a nécessairement un peu de sincérité des deux côtés de la table, faute de quoi rien ne marcherait. Mais l’essentiel est calcul, médiocre, comme tout ce que touche ce pouvoir. Une association comme la Ligue Roc, pour cause de bonne conduite, a désormais toutes ses entrées dans les ministères, et jusqu’à l’Élysée. Pensez ! Quel tableau de chasse ! La Ligue Roc à fond dans le jeu présidentiel, mais cela vaut de l’or. Pendant ce temps, l’association a été soigneusement vidée de toute substance. Elle n’est même plus l’ombre de ce qu’elle fut. Elle en serait plutôt le fantôme, et je n’exclus pas que le grand Monod revienne un jour secouer ces lamentables joueurs de bonneteau. Car il y a du bonneteau, dans cette façon de parler de biodiversité et de nature sans que jamais aucune vraie victoire contre la destruction ne soit annoncée.

En tout cas, pour la première fois à ma connaissance, la Ligue nouvelle manière craque enfin aux yeux de tous. Dans une lettre ouverte cinglante, cinq administrateurs de l’association en démissionnent avec fracas. Il s’agit de Michèle Barberousse, adhérente depuis 1977; de Francis de Frescheville, adhérent depuis 1988; de Pierre Jouventin, démissionnaire depuis février 2009; de Viviane Laurier, adhérente depuis la création en 1976; de Jean-Paul Péronnet, adhérent depuis 2000. Leur texte est sans appel, et vous pourrez le lire (un peu plus tard ) dans la partie Commentaires ci-dessous, en son intégralité.

Disons calmement que c’est grave. Ou ces gens-là disent vrai, ou ils mentent. Mais s’ils disent vrai, ce que je crois bien entendu, il faut oser parler de captation d’héritage. Est-il seulement concevable que dix personnes, dont deux salariées de l’association, puissent, dans le cadre d’une Assemblée générale, représenter les deux tiers du vote des membres ? Lisez donc cet extrait : « À la demande d’Hubert Reeves, la Ligue Roc ne s’oppose plus. Elle sert de caution aux ministères. Malgré les revers et les affronts subis, elle persiste à rencontrer autour d’une table ronde les représentants des chasseurs, de plus en plus favorisés par les pouvoirs publics ». Un autre : « La Ligue Roc n’est plus, comme avec Théodore Monod, une association militante d’opposition à la chasse ou à ses méfaits, mais de plus en plus une fondation suiviste qui a renoncé à promouvoir des idées non politiquement correctes et qui rend plus de comptes à ses sponsors qu’à ses adhérents. Ce grand tournant s’est fait à l’insu de ces derniers, les démissions précédentes ayant été discrètes. Les anciens adhérentes du ROC doivent tout particulièrement être informés ».

Enfin : « La vice-présidente, Nelly Boutinot, contrôle totalement le fonctionnement de l’association : les administreurs ne peuvent correspondre avec leur président [Hubert Reeves] que par son intermédiaire. Les administrateurs ne peuvent pas correspondre avec le comité d’experts qu’elle a mis en place, ni réciproquement. Les administrateurs ont interdiction de correspondre entre eux sans en informer le directeur salarié [Christophe Aubel]. Bien qu’il ne participe pas aux Conseils d’administration, Hubert Reeves en impose l’ordre du jour, sans que les administrateurs puissent y faire inscrire tous les sujets qu’ils jugent importants, par exemple la politique suivie ». Les choses sont-elles assez claires comme cela ? Je le crois. Je suis même sûr que vous trouverez un usage idoine pour ces informations très dérangeantes, et même un petit peu davantage. Je le dis pour la énième fois : le mouvement de protection de la nature en France, disons le mouvement écologiste, est à repenser de fond en comble. Première nécessité : un vrai bilan, aussi délicat à tirer qu’il puisse être. Deuxième ardente obligation : inventer quelque chose de neuf. Et de mieux. Vite.

Rien ne va plus à France Nature Environnement (sur la forêt)

Je vous prie de faire circuler ce texte dans tous les réseaux que vous connaissez, car l’ignorance est la pire des entraves.

Comme je souhaite être aisément compris, on me pardonnera de récapituler nombre d’articles précédents de Planète sans visa. Ce qui nécessite, avant de délivrer l’information du jour, si dérangeante, d’en revenir au passé. France Nature Environnement (FNE) est la grande fédération de protection de la nature en France. Héritière des sociétés savantes de professeurs du XIXème siècle, elle a pris son essor après les événements de mai 1968, rencontrant alors une jeunesse vivante et insolente qui allait créer ou vivifier quantité de structures locales et régionales. C’est ainsi qu’est née la Frapna, dans la région Rhône-Alpes. C’est ainsi que se renforça Bretagne Vivante, ci-devant la SEPNB.

Chaque région compte une structure à sa dimension qui rassemble la plupart des associations locales de protection de la nature. Et à Paris, longtemps abritée par le Muséum national d’histoire naturelle, FNE s’est imposée comme la fédération de ces fédérations régionales. Comme une représentation centralisée des actions menées sur le terrain. Avec un conseil d’administration censé représenter les provinces. Bon, ce que je pense, et que j’ai déjà beaucoup écrit, c’est que FNE, dont les finances sont essentiellement liées aux relations entretenues avec le ministère de l’Écologie et l’État, s’est simplement bureaucratisée. Cela arrive partout, presque toujours. Il arrive un moment  où seul un grand coup de torchon peut permettre de revitaliser le malade.

Seulement, certains peuvent avoir intérêt à ce que la maladie perdure, ou s’aggrave. Un groupe qui ne compte pas plus de dix personnes ne souhaite visiblement pas qu’on puisse venir déranger son étonnante gestion de la structure. J’ai écrit une série au vitriol sur FNE, et j’invite ceux qui auraient le temps à y jeter un regard (ici en quatre parties). Ils y verront jusqu’où sont allés certains responsables dans l’aide concrète à la déforestation massive dans les forêts tropicales du monde. Celles dont on parle avec des trémolos du haut des tribunes.

Je ne sais pas s’il existe un lien, fût-il ténu, mais je dois avouer que je l’espère. Cette série d’articles a beaucoup circulé, et j’en suis heureux, car tel est bien mon rôle : rendre publiques des informations qui ne trouvent pas leur place dans l’univers des médias officiels. Et même si je n’y suis pour rien, je suis de toute façon satisfait de voir enfin bouger les choses. D’abord, sur la forêt. Les mamours que la bureaucratie de FNE accorde aux gestionnaires et proprios de la forêt française semble n’avoir plus de limites. Dans un document non public, je lis des choses incroyables à mes yeux. Il s’agit d’une version très avancée d’un protocole d’accord – à l’heure qu’il est, il est probablement signé – entre FNE, la Fédération Nationale des Communes Forestières de France (FNCOFOR), les Forestiers Privés de France (FPF) et enfin l’Office national des forêts (ONF).

Les trois derniers cités sont évidemment les acteurs majeurs de la sylviculture en France. Leur point de départ et d’arrivée est le même que celui des zootechniciens dans le domaine de la bidoche industrielle : comment gagner le plus possible d’argent avec un minimum d’investissements et d’emmerdements. Parapher un texte avec ces gens-là pourrait avoir un sens s’il s’agissait de les amener, de gré ou de force, sur le chemin de la protection. Mais c’est exactement l’inverse qui s’est produit. FNE, obsédée par la reconnaissance, et tout ce qui peut l’accompagner, FNE a contresigné un texte indigne.On y parle de la forêt, lieu de beauté et d’harmonie, dans la langue épouvantable de l’adversaire. Car, désolé, il reste des adversaires. Deux exemples, parmi tant d’autres : « La mobilisation des stocks en forêt offre un potentiel de développement de la production de bois, matériau ou source d’énergie (…) Le prix des énergies fossiles est tendanciellement haussier, même si des fluctuations parfois brutales se produisent. Cette évolution donne une nouvelle valeur au bois énergie et permet l’émergence d’exploitations jusqu’ici non rentables ».

Ce ton me donne envie de vomir. FNE est donc d’accord pour « exploiter » des forêts jusqu’ici épargnées. Au nom de la « rentabilité ». Beuark ! Second extrait : « En dehors des réserves intégrales, nécessaires pour étudier les dynamiques naturelles, les forêts françaises ont vocation à être gérées pour optimiser les différents usages et assurer le renouvellement des peuplements ». Lisez, je vous en prie, avec moi. Sachez, avant tout, que les réserves intégrales sont des confetti. Peut-être quatre mille hectares dans toute la France, à comparer aux près de 16 000 000 d’hectares de forêts que compte notre pays. Donc, rien. Mais ce n’est pas encore suffisant, car il est précisé que le rôle de ces malheureuses réserves est seulement « d’étudier les dynamiques naturelles ». Pas de laisser des lieux uniques à la postérité et à l’admiration, oh non ! Étudier. Étudier quoi ? Mais bien entendu le moyen de « gérer » tout le reste. Ce bout de phrase, à lui seul, légitime l’irruption de la tronçonneuse dans pratiquement toutes les forêts de chez nous. Sous la signature de FNE. Quand les choses sont à ce point devenues folles, il ne reste plus qu’à crier : Au fou !

Cette régression n’a heureusement pas échappé à tout le monde. Dans la région Rhône-Alpes, où tant de valeureux militants de la nature – eh, Daniel Ariagno, vive le pont de l’Université ! –  se battent depuis des décennies, l’accord entre FNE et tronçonneuse ne passe pas. Du tout. Six, parmi les plus valeureux, membres du réseau Forêts de FNE (via la Frapna), viennent d’envoyer ce qu’il faut appeler une lettre de révolte et de rupture. Leurs noms sont connus dans tout le milieu naturaliste, et je les salue d’un bravo : Pierre Athanaze, Philippe Lebreton, Gilbert Cochet, Hubert Tournier, Jean André, Philippe Cochet. Je vous mettrai dans la partie Commentaires, ci-dessous, le texte intégral, pour que vous puissiez juger par vous-même. Et me contenterai de quelques extraits, qui résonnent comme autant de coups de bâton :

« Nous sommes (à moitié) étonnés, mais stupéfaits et attristés de constater la dérive de ceux qui, loin du terrain, recherchent un “consensus forestier à tout prix”. Une première remarque, plus que symbolique, est que, dans les trois documents du projet de plateforme couvrant 15 pages, n’apparaissent à aucun moment les mots-clés NATURE et PROTECTION : les avez-vous oubliés, devrions-nous en avoir honte ? Nous pouvons en un sens vous remercier de les abandonner à notre usage ; ce sera déontologiquement plus clair.

« Puisque la collaboration avec le monde forestier vous paraît normale et riche de perspectives, pourquoi ne pas faire de même avec AREVA ou le CEA, tellement soucieux eux aussi, dans leurs discours, de croissance verte et de développement durable, tellement convaincus d’apporter la solution au réchauffement climatique ? Dans les deux cas, depuis le Grenelle, ne serions-nous pas abusés puis récupérés par des intérêts technocratiques, corporatistes  et pseudo-économiques ? ».

Je pense que tout est dit, et bien dit. La critique ne vient plus seulement d’un écologiste isolé que l’on traite par le mépris du silence – moi -, mais désormais de l’intérieur le plus profond du mouvement bureaucratisé. La rébellion des six annonce d’autres craquements. J’ai une autre histoire à raconter sur le même sujet, mais il faudra attendre un jour ou deux. Elle concerne la Ligue ROC, qui s’appelait jadis le Rassemblement des opposants à la chasse (ROC), du temps où l’immense Théodore Monod en était le président. Comme vous le verrez, les choses ont changé, et de manière désastreuse. La Ligue ROC, je le précise, est l’un des socles de FNE. Elle a perdu toute légitimité populaire, mais sa puissance augmente d’année en année. Il faut dire que dans le même temps, elle n’a cessé de se rapprocher des ors de la République, petits fours compris. Ceci explique peut-être cela. La suite bientôt.