Archives de catégorie : Climat

Le charbon, champion du monde de l’énergie et du mensonge

Le charbon habite le si vaste pays du mensonge. Officiellement, on rasera gratis demain, car on aura éliminé le charbon – gros émetteur de gaz à effet de serre -, par des énergies dites renouvelables. Mais c’est pipeau. En 2022, la puissance installée de toutes les centrales à charbon de la planète a augmenté de 19,5 GW. Elle aurait dû baisser, puisque des centrales à charbon ont été arrêtées – pour un total de 26 GW -, mais dans le même temps, de nombreuses installations ont été ouvertes, pour une puissance installée de 45,5 GW. 59% des centrales nouvelles se trouvent en Chine (1).

La Chine, qui prétend tout ce que les niais – et les corrompus – veulent croire, est une spécialiste de la désinformation, qui a très grossièrement truandé ses chiffres publics. On apprenait ainsi, le 4 novembre 2015, que la consommation de charbon était supérieure de 17% depuis des années à ce qui était annoncé. Pour la seule année 2012, 600 millions de tonnes avaient été dissimulées. Seules les dictatures accomplies sont capables de tels exploits.

L’Inde, au-delà de grandes différences, est sur une pente comparable Sa production a augmenté de 6,3% en 2021 – 805 millions de tonnes -, et même de 11% en 2022, correspondant à 893 millions de tonnes. On devrait atteindre dans deux ans le milliard. Mais ça ne suffit pas, tant la demande est grande. En 2022, la consommation a été de 1,027 milliard de tonnes, obligeant le pays à importer massivement cette arme de destruction massive du climat. Dans ces conditions, qu’attendre ? En 2022, selon l’Agence internationale de l’énergie, la consommation mondiale a encore augmenté de 1,2%, dépassant les huit milliards de tonnes.

Malgré les falbalas des tentures officielles et des Sommets de la Terre, le charbon reste, et de loin, le plus grand producteur d’électricité dans le monde. Ne pas oublier que l’électricité n’est pas un minerai ou un puits dans lequel plonger son tuyau. Pour en obtenir, il faut d’abord cramer une énergie dite primaire. Dont le gaz, le pétrole, l’hydro-électricité, l’uranium, etc. Mais le charbon, en 2022, est le champion incontesté, avec 35,9 % du total.

C’est un peu fâcheux, car selon Global Energy Monitor, un Observatoire américain, « le rythme mondial des arrêts de centrales devrait être quatre fois et demi plus rapide, afin de mettre le monde sur la bonne voie pour éliminer le recours au charbon dans le secteur électrique d’ici 2040, comme requis pour atteindre les objectifs de l’accord de Paris sur le climat ».

Il est assez douteux que cela s’arrange, car la situation fait penser aux fameuses boucles de rétroaction climatiques. On explique par un exemple : le dérèglement climatique a tendance à faire fondre le permafrost, ce sol gelé des immensités arctiques et sibériennes. Le permafrost relâche ainsi des gaz à effet de serre, dont le terrible méthane. Ce qui augmente le dérèglement global, qui accélère la fonte du permafrost, qui etc. Cette rétroaction dite « positive » – eh oui – est un emballement.

Or on le sait, la crise climatique provoque des phénomènes extrêmes, dont des sécheresses sans précédent. Comme en Chine l’été passé, où l’hydro-électricité – le tiers de la production mondiale -, s’est effondrée, obligeant à massivement augmenter la consommation de charbon. À une échelle moindre, l’Europe a fait pareil à cause de la guerre en Ukraine et des craintes sur l’approvisionnement en gaz.

Si on veut passer, malgré tout, un bon moment, on peut écouter (2) l’historien Jean-Baptiste Fressoz nous raconter à quel point la « transition énergétique » est un mythe. C’est lumineux. Il montre que dans l’histoire de l’énergie, on ne fait jamais qu’empiler les offres les unes sur les autres. Ainsi du bois-énergie, qui n’a pas été remplacé par le charbon. Ainsi du charbon, qui n’a pas été remplacé par le pétrole. Ainsi du pétrole ou du gaz, dont la consommation mondiale n’a jamais été aussi forte, malgré le solaire et le vent. Ainsi de ce nucléaire dont nous sommes si fiers, et qui ne change rien à l’augmentation sans fin de supposés besoins énergétiques.

(1)https://www.connaissancedesenergies.org/centrales-charbon-un-parc-mondial-qui-se-moque-de-lagenda-climatique-230406

(2)https://www.youtube.com/watch?v=YbebLbnGyoU

Raoni en vitrine publicitaire de Macron-le-petit

Qui est derrière la belle photo ? Le 4 juin, Macron-le-petit reçoit à l’Élysée le chef amérindien du Brésil, Raoni. Embrassades, effusion, énième engagement solennel pour la sauvegarde de l’Amazonie. Et si l’entremetteur Robert Dardanne était à la manœuvre ? C’est ce qu’affirme l’association Maïouri Nature Guyane (1) et disons d’emblée que cela tient la route. Dardanne s’est en effet décerné le titre de président de l’association « Forêt Vierge », et a réussi un coup de maître en approchant Raoni dès 2016, lui faisant faire une tournée européenne en 2019. Il a bel et bien joué son rôle dans la rencontre Macron-Raoni.

Est-il sincère ? Passons à la question suivante, et démêlons les fils. La Guyane dite française – 285 000 habitants – manque d’électricité. Actuellement, pour en produire, il faut compter sur le fioul – la centrale de Cayenne – le barrage du Petit-Saut, divers petits ouvrages. Sans oublier ce dont on va parler, c’est-à-dire les centrales à biomasse. Retenons à l’arrière-plan l’existence de la base de fusées de Kourou, qui consommerait, selon des chiffres officiels, 18% de l’électricité guyanaise. Insistons sur l’adjectif officiel, car tout ce qui concerne Kourou est le plus souvent secret d’État.

Revenons à Dardanne. Il se présente comme un écologiste, mais son itinéraire vrai montre un businessman opportuniste, constamment à la recherche d’un coup. Dans l’immobilier, dans le transport aérien, dans l’informatique, dans le soin aux vieux dans les maisons de retraite. En 2005, il crée avec d’autres la société Voltalia – il en était le P-DG et y reste influent -, qui entend développer la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables (2). Dont en Guyane la biomasse. En deux mots, on crame du bois et des déchets végétaux, dont la combustion chauffe de la vapeur d’eau. Cette dernière, sous pression, actionne une turbine qui fait tourner un alternateur. Chouette, hein ?

Ben non. Les opposants locaux parlent d’une opération qui menace l’équilibre agricole et forestier d’un joyau : la Guyane est couverte à 96 % d’une forêt équatoriale humide. Voltalia possède deux des trois centrales à biomasse de Guyane, et se bat avec des concurrents comme Idex, qui en installe deux nouvelles à…Kourou l’insatiable. Les gens d’Idex présentent leur groupe (3) comme « un acteur indépendant engagé depuis 60 ans dans la décarbonation des territoires ». Soit depuis…1963. Bien inventé.

Maintenant, l’essentiel. Un lobby informel d’une rare intensité travaille depuis des années, qui réunit notamment, côté public, l’Ademe, l’Agence française de développement (AFD), la Direction de l’alimentation, de l’agriculture et de la Forêt (DDAF). Soutenant comme de juste l’industrie par des subventions, il a obtenu l’incroyable : l’Europe a accepté le maintien d’une dérogation scélérate (4). Résumé incomplet : on pourra, en Guyane, utiliser 15% de la surface agricole pour « faire » de la biomasse, contre 3% en France métropolitaine. Ce que ne disent pas les lobbyistes, c’est qu’on produira massivement des biocarburants, en détournant du marché alimentaire des plantes comestibles. En Guyane, les « plantations à vocation énergétique » pèsent 70 000 tonnes, mais pourraient atteindre 160 000 tonnes en 2030.

Qui va morfler ? D’évidence, la forêt. Tous les gens intéressés à cette belle aventure le nient, mais l’engrenage finira par emporter le bras, et le reste. La Guyane dispose de politiciens de classe, comme ce monsieur Thibault Lechat-Vega, qui se prétendait l’an passé proche de la France insoumise. Devenu vice-président de la Communauté territoriale de Guyane (CGT), il soutient à fond l’usage de la biomasse. Citation : « Quand est-ce que l’on va arrêter de nous mettre sous cloche alors qu’un quart des Guyanais n’a pas accès à l’électricité ? ».

Il y aurait bien une solution ou plutôt deux. Le soleil, omniprésent – à quand des chauffe-eau solaires pour tous les habitants ? – et le vent, fort et stable, au moins sur le littoral. Ne manque que le courage politique.

(1)https://blogs.mediapart.fr/maiouri-nature-guyane/blog/040623/les-pyromanes-de-lamazonie-guyanaise-profitent-de-limage-du-leader-raoni

(2)https://www.voltalia.com/fr

(3)https://www.idex.fr/

(4)https://www.euractiv.fr/section/energie/news/biomasse-en-europe-l-exception-guyanaise-qui-fait-grincer-des-dents/

Sornettes coutumières au sujet du plastique

Je tempête tant, intérieurement, que j’hésite à poursuivre ce texte. On verra. Vous le savez certainement, un pompeux sommet mondial commence ce 29 mai 2023 à Paris, censé préparer le terrain à un éventuel traité sur l’usage du plastique. On parle de 175 États représentés. On parle d’un agenda. On parle de 2040, et je gage ici qu’on parlera plus tard de 2050. Mais ce n’est pas même un problème de date.

Qui reçoit en notre nom ? Christophe Béchu, ancien président du conseil départemental du Maine-et-Loire, ancien sénateur, ancien maire d’Angers. Pourquoi est-il là ? Parce qu’il a tapé dans l’œil de Macron pour une raison qu’on ignore. Il n’a jamais, jamais, jamais montré le moindre intérêt pour la nature et l’écologie, ce qui le désignait probablement pour cette tâche.

J’ai déjà dit du bien, c’est-à-dire du mal de ce monsieur ailleurs, et je vous en fais part immédiatement : « L’examen non exhaustif du cabinet de Béchu n’incite pas au compliment. Directeur de cabinet : Marc Papinutti, ingénieur des Ponts, des Eaux et des Forêts. Directeur adjoint  : Alexis Vuillemin, ingénieur des Ponts, des Eaux et des Forêts. Directrice adjointe : Amélie Coantic, ingénieure des Ponts, des Eaux et des Forêts. Qui s’occupera de la nature, dans ce vaste conglomérat ? Guillaume Mangin, « conseiller prévention des risques, santé, environnement, urbanisme et aménagement ». Notons l’encerclement du mot environnement par la santé et l’urbanisme. Pas l’écologie, l’environnement. L’écologie oblige à considérer l’homme en relation avec d’autres existants. Pas l’environnement, qui comme son nom l’indique, s’en tient à ce qui environne l’homme, placé de facto au centre. Mais ce n’est pas le pire : Mangin est lui aussi ingénieur des Ponts, des Eaux et des Forêts.

Voici venue la minute pédagogique. Les Ponts et le Génie rural, les Eaux et Forêts ont fusionné en 2009. Les premiers, dont le corps a été fondé en…1716, sont à peu près derrière toutes nos si belles constructions. Les routes et autoroutes, les cités de banlieue et leur urbanisme guilleret, les villes nouvelles, de nombreux centres commerciaux géants – Rosny 2 -, et jusqu’aux châteaux d’eau hier et les ronds-points inutiles aujourd’hui. Ils bâtissent, et gagnent de l’argent en coulant du béton. Les Eaux et Forêts aiment à faire remonter leur origine à un édit de Philippe-Auguste, en…1219. On leur doit, depuis la guerre, la atteintes les plus graves à la biodiversité qu’a connues ce pays. À la tête du ministère de l’Agriculture et des anciennes et surpuissantes directions départementales de l’agriculture et de la forêts (DDAF), ils ont tout remodelé.

Ils nous auront tout fait : les plantations de résineux en monoculture, le remembrement et l’arasement des talus boisés – 400 000 km pour la seule Bretagne -, le recalibrage à la hache de milliers de cours d’eau, consistant en des travaux lourds destinés à augmenter la productivité. Et bien sûr, soutenu de toutes leurs forces l’usage massif de pesticides et d’engrais industriels. Les deux Corps qui ne font plus qu’un sont en tout cas nés sous l’ancien régime, et ont résisté aux guerres et aux tumultes. Sont-ils au service de la République ? Ils le disent. Sont-ils au service de leur Corps qui, de manière féodale, maintient des liens de suzerain à vassal ? Ils le nient férocement. Notons un dernier point, décisif : ce corps de la « noblesse d’État » (Bourdieu) détient, avec celui des Mines, un monopole de l’expertise technique. Tout projet public d’importance passe entre leurs mains avisées. Qu’on ne peut contester ».

Revenons à la farce du sommet sur le plastique. On est fort loin d’un traité – compter dix ans, ou vingt -, mais s’il était signé, il ne servirait à rien, car il n’est pas question de s’attaquer vraiment à cette plaie universelle, mais de réduire. Un peu, on ne sait combien. C’est très engageant, car les centaines de millions de tonnes de plastique déjà répandus sur les sols et les mers, dans l’eau des lacs et des rivières, dans notre alimentation et notre eau de boisson, ont une espérance de vie qui se compte en siècles.

Diminuer, donc. Pour juger le sérieux d’un Béchu, notons qu’il propose, très décidé, qu’on n’utilise pas de plastique au moment des JO de Paris de 2024. En tribunes, précisons, c’est-à-dire sous le regard des caméras. Ailleurs business as usual. Autre proposition baroque : le ministre veut un GIEC du plastique. Ça ne mange pas de pain, mais ça reste grotesque, car de vous à moi, depuis 1988 – date de sa naissance – le GIEC n’aura servi à rien d’autre qu’à remettre des rapports, aussitôt digérés, car la machine aime manger. Or, et bien que les chiffres soient incertains, la production mondiale de plastique approche les 500 millions de tonnes, et pourrait au rythme divin de la plasturgie, tripler encore d’ici 2060. En 1950, selon les sources, elle oscillait entre 1 million et 1,5 million de tonnes.

Visiblement, Béchu commence à s’y croire. Ses communicants ne doivent pas être si mauvais, puisque les journaux le placent pour un instant dans la lumière. On trouve même dans l’article d’une gazette ces quelques mots d’ouverture, qui ressemblent – sans en être – à un publireportage : « Plastic Béchu. Le ministre de la Transition écologique part en guerre contre le plastique ». Nul ne part, nul ne partira en guerre. Le plastique, on l’oublie le plus souvent, est tiré du pétrole, et sera donc défendu par des intérêts colossaux, les mêmes qui interdisent tout combat véritable contre le dérèglement climatique. C’est piteux ? Pire encore.

Si nous disposions des géants qui nous manquent tant, au pays des nains de jardin, il y aurait déjà une coalition mondiale pour l’interdiction du plastique, dont les humains se sont agréablement passés pendant deux millions d’années, disons depuis Homo habilis. Et une considérable flottille – elle existe – serait en ce moment en Méditerranée et dans le Pacifique à ramasser ce plastique qui tue massivement les écosystèmes marins. Rien ne résume davantage la misère de la politique. Elle est incapable de poser le problème dans sa vérité. Quant à imaginer le régler, je pense qu’on peut avoir toute confiance dans Plastic Béchu, l’as des as. Non ?

Quand l’eau ne coule plus au parc de la Doñana

Il y a des années et des années, j’ai passé du temps dans l’un des lieux les plus beaux de ma vie : le parc national de la Doñana. 122 000 hectares au total, dont 54 000, moins protégés, appartiennent à ce qu’on nomme en Espagne un parque natural. Comment expliquer ? Le lieu est l’ancien delta du Guadalquivir, avec Séville au nord, Huelva à l’ouest, et Sanlúcar à l’est. En Andalousie comme ailleurs, la ville pousse de tous côtés.

J’y ai vu des flamants roses, bien sûr, qui passent ici par dizaines de milliers. J’y ai vu l’aigle impérial ibérique, une espèce endémique, qu’on ne trouve donc pas ailleurs. Je n’ai pas vu, mais j’a croisé grâce à un garde les traces du lynx ibérique, dans les dunes boisées au ras de l’Atlantique. Je crois que je pourrais écrire sans m’arrêter sur ces cuvettes sans limites apparentes, creusée de trous d’eau, de rigoles, de fossés, de petits étangs et dépressions. On les appelle selon les cas ojos, lucios, caños, qui forment la contrée des marismas, ces marais mélangeant eaux douces et saumâtres où la vie explose. Six millions d’oiseaux migrateurs y font une halte sur leur chemin aller ou retour.

Doñana a connu bien des attaques au cours des siècles, et connu quantité de menaces. Mais ce qui se passe désormais est d’un ordre différent, car cela s’appelle la mort. Il y a la sécheresse, bien sûr, qui transforme d’année en année l’Espagne en désert. En ce moment, au moins 30 000 hectares devraient être sous l’eau. À peine 300 le sont. Mais il y a aussi l’agriculture, qui pompe en Espagne 80% de l’eau chaque année. Et elle est surtout intensive en Andalousie, qui produit légumes et fruits pour toute l’Europe, dans un univers dantesque de serres plastiques entretenues par des semi-esclaves – surtout des femmes – venus du Maroc, de Pologne, de Roumanie, voire du lointain Équateur.

Les fraises surtout, celles qui arrivent en France dès février – parfois avant – volent à Doñana une grande part de l’eau qui lui manque tant. De nombreux « exploitants » – riches, au demeurant – sont aux limites du parc et pompent tant qu’ils peuvent dans une nappe qui ne se recharge plus. Par un phénomène connu de tous, il faut creuser de plus en plus profondément, pour en sortir toujours moins d’eau. Un reportage du quotidien El País montre ce que la situation a de désespérée (1). Le biologiste Eloy Revilla, directeur de la Station biologique de Doñana : « On est en train de perdre les lagunes, et la question est de savoir si on pourra les retrouver ». À côté du scientifique, un chêne-liège monumental de trois siècles, qui a traversé toutes les épreuves, et cette fois rend l’âme. Au moins 60% des lagunes ont déjà disparu.

Il y a les puits légaux, plus ou moins contrôlés, mais surtout les puits non déclarés, qui se comptent en centaines. Beaucoup ont été régularisés en 2014 – par la gauche -, mais bien sûr, cela n’a pas de fin. La cour européenne de justice à condamné l’Espagne en 2021 pour n’avoir pas su protéger le parc national, mais en Espagne, on pisse aussi bien dans un violon qu’ici. D’autant que la politique la plus vile s’en mêle. Des élections municipales ont lieu le 28 mai 2023, et en Andalousie, une coalition faite du Parti populaire – la droite – et de Vox, parti défendant l’héritage franquiste, dirige la région.

Les deux larrons, avec l’aval du gouvernement andalou, mitonnent une loi qui prévoit d’élargir la zone irrigable au nord de Doñana, malgré les menaces de lourdes amendes de l’Union européenne. Avec un peu de chance pour ces crapules, la loi devrait être votée à la moitié de ce mois. Et la plupart des puits illégaux du périmètre en seraient régularisés une nouvelle fois.
Je préfère me souvenir un instant de ce jour de bonheur passé en compagnie d’un gars appelé Juan Valladolid. Nous étions montés sur le point culminant du parc – 35 mètres de haut – appelé le Cerro de los Ánsares, la colline aux oies. Des milliers d’oies cendrées sont passées juste au-dessus de nos têtes. C’était un flot, une folie de plumes, ce que les Espagnols appellent algarabía. Une langue aussi somptueuse qu’incompréhensible.

(1)https://elpais.com/clima-y-medio-ambiente/2023-04-16/teresa-ribera-lo-de-donana-es-un-engano-no-va-a-haber-agua.html

La malheureuse piscine de M. et Mme Sarkozy

Magouilleur, je te plains (un tout petit peu), car tu vas te faire choper (beaucoup). Le fisc, utilisant l’arme torve de l’intelligence artificielle, va débusquer, après analyse de photos aériennes, les piscines qui n’auront pas été déclarées. On parle de 100 000 contrevenants et de 50 millions d’euros de redressement. Par ailleurs, et dans un nombre croissant de départements, il est interdit de remplir sa piscine. On annonce même des amendes qui vont sûrement dissuader les ultrariches du cap Bénat ou du cap Nègre, là où le couple Bruni-Sarkozy adore barboter dans une piscine installée à trois centimètres et demi de la mer. La première fois qu’on trichera, 1500 euros. La seconde, 3000 euros.

Le magazine Capital pose la question qui brûle les lèvres (1) : la crise de l’eau et les mesures de restriction vont-elles faire chuter le prix d’un bien immobilier ? Eh bien, je n’ai pas la réponse, car le reste de cet article si prometteur était payant, et je suis passé à autre chose. Il me semble avoir subodoré que cela pourrait bien advenir si les choses s’aggravent. En attendant, la surcote d’une maison atteint 20% quand elle dispose d’une piscine. Ça fait rêver.

Et sinon ? Au cours des deux décennies, 80 métropoles du monde entier ont connu des limitations de consommation de l’eau, à cause des sécheresses, mais aussi d’un gaspillage phénoménal de la ressource. Le Cap (Afrique du Sud) est passé très près de la panne sèche en 2018, et semble être parvenue depuis à réduire sa consommation. Mais comme on va le voir, rien n’est réglé pour autant. Une équipe de l’université suédoise d’Uppsala (2) s’est justement intéressée de près au Cap, s’appuyant sur un recensement de 2020 qui divise la population en cinq segments. Un classement qui rend un son un peu étrange à nos oreilles, nous pauvres pékins de France, mais passons. D’abord, ces supposées « élites ». Dans le cas du Cap, elles forment 1,4% de la population ; puis ceux disposants d’un revenu moyen-supérieur ; suivis des revenus moyens-inférieurs, et des faibles revenus : enfin le vaste secteur des informels.

Les habitants du Cap disposant d’une vraie maison avec jardin et piscine – les deux catégories les plus riches du tableau – ne rassemblent ensemble que14% de la population, mais consomment déjà 51% de l’eau. Les gueux – les deux catégories les plus « basses » -, ces pauvres ratés qui doivent gagner leur pain chaque jour, forment environ 62% de la population, mais n’ont droit qu’à 27% de l’eau distribuée.

Le modèle utilisé – il y a toujours un modèle informatique qui traîne – estime que chaque foyer de « l’élite » consommerait chaque jour 2 161 litres d’eau, et chaque ménage de la « classe moyenne supérieure », 988 litres. À l’autre bout, en moyenne – 61,5% de la population -, 188 litres.

Mais revenons aux piscines, ça nous rafraîchira le poil. Les piscinistes – le nom officiel de ceux qui te vendent ces saloperies -, ne sont pas du tout contents. Y a plus d’eau ? Et alors ? Lisons ensemble ce reposant storytelling (3) – l’art de raconter des salades – du président de l’Association Française des Pisciniers et Piscinistes, Thierry d’Auzers : « Une fuite de robinet, c’est 18 mètres-cubes par an, quand une piscine consomme 10 mètres-cubes par an ». Et aussi, et c’est admirable : « Aujourd’hui, on montre du doigt les propriétaires de piscines qui seraient des vilains petits canards. Il faut juste remettre l’église au centre du village : aujourd’hui, et ça n’a pas bougé depuis des dizaines d’années, on a des fuites sur les canalisations d’eau qui représentent à peu près pour la France un milliard de mètres-cubes ».

On n’a visiblement pas prévenu le monsieur que l’accaparement privé d’un bien commun pose des questions de principe. Il y aurait 3,2 millions de piscines privées en France, et notre pays est dans ce si beau domaine le leader européen. En 2021, les Français altruistes ont fait construire 244 000 piscines nouvelles, et le chiffre d’affaires du secteur a augmenté de 32% sur un an. Joie.

(1)https://www.capital.fr/immobilier/les-restrictions-deau-peuvent-elles-faire-chuter-les-prix-des-maisons-equipees-dune-piscine-1464468

(2)https://www.nature.com/articles/s41893-023-01100-0

(3)https://www.francebleu.fr/infos/environnement/journee-mondiale-de-l-eau-faut-il-limiter-le-remplissage-des-piscines-privees-pour-preserver-la-ressource-5258212