Il faut avoir une heure à perdre. C’est vous qui voyez. Et c’est moi qui parle
Archives de catégorie : Climat
Alors, et ce Rassemblement national ?
Bien sûr, barrer la route à ces crapules. Car ce sont des crapules. Racistes, ridiculement ignorantes, climatosceptiques. Les gens du Rassemblement national sont les maîtres incontestés de la laideur, et n’annoncent que la guerre de tous contre tous. Et la destruction de ce qui reste encore debout. Ils sont pour les pesticides, pour la bagnole et les routes, pour le béton jusque dans le moindre recoin, pour les radios et télés pourries jusqu’à l’os, pour la pire des industries, à la condition toutefois qu’elle se pare de plumes tricolores dans le cul. Ô comme je les vomis !
J’aimerais pouvoir dire un peu de bien du Nouveau Front Populaire, mais je ne peux. D’abord, un point d’histoire. J’ai chez moi une photo de mon père, les pieds dans l’eau de mer, quelque part en France. Il regarde l’objectif, il a l’air aussi heureux que déplacé. C’est juillet 1936. Les prolos viennent de débarquer sur les plages, et après une grève véritable, avec occupation de leurs usines, ils viennent d’obtenir la semaine de quarante heures. Et des congés payés, ce qui explique la photo de mon père.
Il y a de l’indécence à utiliser le même sigle pour parler d’un salmigondis rapprochant, le temps d’une élection, post-staliniens, écolos ma non troppo, socialos façon Hollande, soutiers et soumis de et à Mélenchon. Franchement, pour qui nous prennent-ils ? Ils proposent la poursuite du même, précisément ce qui a conduit au grand désastre en cours. Ce ne serait encore rien – oui, rien – si leur programme n’était à ce point franchouillard. Je l’ai lu. Il montre son indifférence radicale à la marche du monde réel.
Car je ne parle pas ici de l’Ukraine, mais de ces vastes régions de la planète qui deviennent inhabitables. Pour cause de chaleurs démentes. Et ce n’est hélas qu’un début. Or, faut-il le rappeler ici ? Le dérèglement climatique a été provoqué au départ par «notre» révolution industrielle, et constamment aggravé depuis plus deux siècles par notre frénésie, notre insatiable bonheur à consommer les colifichets les plus laids, les plus tristes, les plus imbéciles.
Leur programme ne dit un mot du nucléaire, pour ne pas embêter le PCF – ardent atomiste de toujours – et le PS, qui soutient depuis Mitterrand cette si grande aventure. Vous lirez, ou pas, ce qu’ils écrivent sur l’eau, qui est indigent. Vous lirez, ou pas, ce qu’ils écrivent sur la santé, qui n’est rien. Et sur le climat, qui est au bord extrême de la provocation. Cela fait une quarantaine que l’on sait l’essentiel, et je le sais bien, car j’ai écrit constamment sur le sujet, depuis plus de trente ans. Or la question ne les intéresse pas.
On chercherait en vain la moindre critique de la prolifération démentielle des objets matériels, de la bagnole électrique, des vacances à la neige, de la disparition accélérée des oiseaux communs, des insectes et papillons, des amphibiens. Cela n’existe pas. En revanche, et comme de juste, les compères misent tout sur une augmentation massive du pouvoir d’achat, fatal accélérateur de la crise climatique.
À mes yeux, ces gens ne feront jamais rien de sérieux contre la crise écologique et continueront d’insulter par leurs pantomimes les milliards de gueux de l’Inde et de l’Afrique, du Vietnam et du Brésil, de tous ces coins de la terre où l’on ne sait pas si l’on trouvera sa pitance du jour. Une insulte, comme l’écrivait Prévert, « à ceux qui ont le pain quotidien relativement hebdomadaire ». Quel terrible moment !
Grandeur et surtout décadence des Verts
Je sais, ils ne s’appellent plus ainsi depuis 2009. Et ils ne s’appellent pas davantage Europe-Écologie-Les Verts (EELV) depuis l’an passé. Je sais. Mais comme j’entends parler d’histoire, on me pardonnera. Peut-être.
Que se passe-t-il avec la liste dite « écologiste » aux élections européennes de juin ? D’évidence, ce n’est pas une question de personne. Marie Toussaint n’est ni pire, ni meilleure qu’un(e) autre. Je ne sais quel score elle fera, mais tout annonce pour l’instant une raclée.
C’est le parti qui est en cause, cette structure perpétuellement décevante. Comme beaucoup l’ont oublié, je me permets pour commencer un peu d’histoire. Antoine Waechter, qui dirigeait alors les Verts, obtint aux élections européennes de juin 1989 10,59% des voix, nettement plus qu’une certaine…Simone Veil. En 1994, le parti chutait à 2,95%. En 1999, pourtant emmenés par Cohn-Bendit, 9,72%, moins donc que Waechter dix ans plus tôt. En 2004, 7,41%. En 2009, une nouvelle fois conduits par Cohn-Bendit, 16,28%, presque autant que les socialos. En 2014, 8,95%. En 2019, 13,5%.
Le premier constat est d’évidence : les Verts n’ont pas de socle électoral, et l’on vote pour eux au coup par coup, en fonction de considérations x, y et z, dont je gage – sans preuve il est vrai – qu’elles ont peu de rapport avec l’écologie. En outre, il semble que la décision se prenne au dernier moment. Et j’ajoute que leur score à l’élection présidentielle ne manque pas d’intérêt. Waechter en 1988 : 3,8%. Voynet en 1995 : 3,2%. Mamère en 2002 : 5,25%. Voynet en 2007 : 1,57%. Joly en 2012 : 2,31%. Jadot en 2017 se retire piteusement en faveur de Hamon, pour éviter une déculottée prévisible. Jadot à nouveau, en 2022 : 3,34%. C’est à pleurer. Les Verts obtiennent des scores dérisoires, malgré la permanence quotidienne du grand dérèglement climatique, mère de toutes les batailles humaines.
Je n’entends pas refaire ici toute l’histoire. Il y a quantité d’articles de Planète sans visa que l’on peut retrouver si l’on a envie, grâce au petit moteur de recherche intégré. Il y a trois choses plus importantes que d’autres. Un, ce parti est incapable de penser ce qu’il a vécu. Ainsi que l’écrivait le philosophe américain d’origine espagnole George Santayana, Those who cannot remember the past are condemned to repeat it. Ceux qui ne se souviennent pas du passé sont condamnés à le revivre.
Ce mouvement a connu des aventures internes délirantes. D’abord, dès 1984, avec Guy Cambot, homme de droite assurément, grand admirateur de l’armée française, qui assura, avec ce qu’il appelait lui-même « la famille », le succès à la tête du parti d’Antoine Waechter. Puis avec la montée en puissance de ce qu’il faut bien appeler le couple Duflot-Placé, qui régna une bonne dizaine d’années, à partir de 2005-2006 sur les Verts.
Lisons ensemble ce papier mien, tiré de Charlie : « La preuve que ce n’est pas un vain mot : Jean-Vincent Placé. Entre son arrivée chez les Verts, en 2001, et son départ, en 2015, on peut dire qu’il a régné. Entrée au bureau exécutif d’EELV – le sommet – dès 2011, adoubée alors par le duo Placé-Duflot, Sandrine Rousseau pouvait-elle ignorer ce que tout le monde savait et disait mezza voce ? Les constantes sorties « virilistes » de Placé, son inépuisable sac à artifices et à magouilles. En 2013, Cohn-Bendit et Besset décrivaient pour Charlie (no 1083) le système Placé-Duflot, fait de prébendes et de distributions de postes. Et la manière dont les mêmes avaient étouffé Europe Écologie au profit des Verts, Cohn-Bendit concluant : « Placé est d’un cynisme absolu. »
Pas seulement cynique. Profondément sexiste, comme le démontreront plus tard trois faits judiciaires. D’abord cette plainte non encore jugée de son assistante entre 2012 et 2016. Pour harcèlement et agression sexuels. Ensuite une condamnation en 2018 à la suite d’une virée dans un bar parisien, au cours de laquelle il insulte une femme ayant refusé de danser avec lui contre de l’argent. Enfin une condamnation en 2021 pour harcèlement sexuel.
Le 20 mai 2008, le journal Le Monde rapportait cette charmante anecdote au sujet du même : « C’est ainsi qu’au congrès de Bordeaux en 2006, Cécile Duflot, alors sa compagne, se retrouve secrétaire nationale bien que minoritaire au sein du parti. [Placé] lance à un Bruno Le Roux, député du PS, médusé : “T’as vu qui est secrétaire nationale ? Ma meuf ! C’est moi le patron maintenant.” »
Fin de la citation. Plus grave, bien plus grave, l’incapacité des Verts à mettre le dérèglement climatique au premier rang. De ce point de vue, les Européennes sont le triomphe du néant. Au lieu de balbutier sur l’Ukraine, ou de radoter sur Gaza – le sujet est très important -, Marie Toussaint aurait été avisée de répondre à l’éco-anxiété massive de la jeunesse. Mais il aurait fallu critiquer vraiment ce monde, à commencer par la prolifération des objets et la bagnole électrique. Sur ce dernier sujet, sachez que les Verts ont jugé positive cette monstruosité, sans avoir seulement organisé la moindre réunion sur le sujet. L’affaire est ancienne. Qu’on fait dans ce domaine Dominique Voynet et Yves Cochet quand ils étaient ministres entre 1997 et 2002 ? Rien. C’était le moment de lancer une action qui aurait pu être efficace, mais ils n’ont rien fait.
Enfin, mais c’est là secondaire, bien que lié, les Verts sont un mouvement petit-bourgeois blanc, caricatural de ce point de vue. Il compte très peu de vrais jeunes, aucun ouvrier, guère plus de Noirs et d’Arabes, dans une France où ils sont des millions. Les Verts auront claqué des fortunes pour des colloques sur le haschich, le vocabulaire inclusif, le sort des trans, mais n’a jamais essayé de recruter en-dehors de sa caste d’origine.
Bon, vous ferez ce que vous voulez. Je ne vote plus depuis des lustres, et voyez, je suis du parti majoritaire. Imaginons que les Verts fassent même 8% dimanche prochain. Eh bien, avec une moitié d’électeurs votants, cela ferait 4%. 4% alors que le monde flambe.
David Khayat dans le rôle de Claude Allègre
publié en octobre 2023
Nous allons gaiement vers l’abattoir. Deux chiffres pour commencer la tournée des grands-ducs. Entre 1990 et 2023 – l’année n’est pas terminée, mais l’estimation est officielle -, le nombre de nouveaux cas annuels de cancers est passé en France de 216 OOO à 433 000. Le double, alors que la population n’a augmenté que de 20%. Une épidémie, donc. Mais voilà la deuxième info, encore plus cinglée : selon une toute récente étude (1), les cas de cancer – cette fois dans le monde – ont explosé entre 1990 2019. De 79,1%. Chez les moins de cinquante ans. Derechef, épidémie.
Constatons qu’il existe chez nous une sorte de cancéroscepticisme, très voisin du déni climatique. Très. Avec dans le rôle de Claude Allègre l’inaltérable cancérologue David Khayat. Pour ceux qui ne situeraient pas le bonhomme, résumons. Il a créé et dirigé l’Institut national du cancer (Inca), conseillé Chirac, écrit je ne sais combien de livres sur le sujet, et comme Allègre, a bénéficié d’un rond de serviette dans les gazettes bien élevées – jusqu’à Libération -, les radios, les télés.
On ne peut tout écrire, il y faudrait un livre. Choisissons pour commencer un propos tenu le 21 novembre 2005 sur France Inter. Ce jour-là, Khayat est invité pour la dixième – centième ? – fois, et déclare : « Les causes de nos cancers, c’est quoi ? C’est parce que nous fumons. C’est parce que nous mangeons mal. C’est parce que nous avons exposé nos enfants au soleil. C’est parce que nous n’allons pas faire du dépistage. C’est parce que des femmes attrapent une maladie sexuellement transmissible par un papillomavirus qui donne un cancer du col. C’est parce que nous avons une bactérie dans l’estomac qui s’appelle Helicobacter et qui donne le cancer de l’estomac. Etc .» Et pour les sourds et malentendants, ajoute : « La pollution [comme cause des cancers], c’est-à-dire ce que nous, en France, nous appelons l’“environnement”, ce n’est presque rien. »
On remarquera sans l’ombre d’une polémique, que pour Khayat, le cancer, c’est la faute de celui qui l’attrape. Pas à l’industrie, pas à cause des politiques publiques. Le cancer, c’est une affaire personnelle. Notons qu’il a bien raison, puisque les Académies de vieux birbes – celle de Médecine, celles des Sciences – signent la même année, avec quelques autres sommités, un rapport sur les causes du cancer en France (2). Ça déménage. Par exemple, l’explosif cancer du sein est lié à la sensibilité de la mammographie. Par exemple, la mortalité par cancer chez les hommes n’est attribuable aux « polluants » qu’à hauteur de…0,2%. Le reste sent très fort son Khayat. Le cancer, c’est l’âge, l’alcool, le tabac, le surpoids, l’inactivité physique, le soleil, les traitements de la ménopause.
Mais revenons aux études précitées. En France, la consommation d’alcool est passée 26 litres d’alcool pur par habitant de plus de 15 ans en 1961 à 12 en 2017. Chez les hommes, 59 % clopaient en 1974 et 31,8 % en 2022. Comme Khayat et ses amis font de l’alcool et du tabac des déclencheurs souverains du cancer, l’incidence de ce dernier devrait diminuer. Mais non, il flambe, même chez les moins de 50 ans.
En mai 2004, d’autres scientifiques que ceux de la bande à Khayat lancent « L’Appel de Paris », dont voici un extrait : « Constatant que l’Homme est exposé aujourd’hui à une pollution chimique diffuse occasionnée par de multiples substances ou produits chimiques ; que cette pollution a des effets sur la santé de l’Homme ; que ces effets sont très souvent la conséquence d’une régulation insuffisante de la mise sur le marché des produits chimiques et d’une gestion insuffisamment maîtrisée des activités économiques de production, consommation et élimination de ces produits… »
Mais au fait, qui est ce bon docteur Khayat, dont l’un des derniers livres fait du stress un grand responsable du cancer ? Un lobbyiste. Un pur est simple lobbyiste embauché par le cigarettier Philip Morris pour vanter les bienfaits du tabac chauffé. Soyons sport, il « conseille » aussi Fleury-Michon et Auchan (4). Est-ce possible ? C’est.
(1)https://bmjoncology.bmj.com/content/2/1/e000049
(2)https://www.academie-sciences.fr/archivage_site/presse/communique/rapport_130907.pdf
(3)https://www.inserm.fr/dossier/alcool-sante/
Deuxième papier
À tous ceux qui n’auront jamais la clim’
Avis personnel : je connais des gens, proches, qui vivent dans des banlieues pouilleuses, dont le béton des immeubles brûle la peau en été. Pas de clim, pas d’évasion possible, juste l’enfer. Une petite enquête du site américain ABC News (1) revient sur la chaleur dans les villes. Cela ne va pas, cela ira de mal en pis.
Le béton, la minéralisation de tous les espaces urbains, les plantations si maigrichonnes d’arbres et de plantes annoncent un avenir radieux. Malgosia Madajewicz, chercheuse à l’université de Columbia : « Non seulement les habitants et les infrastructures subissent une hausse constante des températures moyennes, mais lorsque les vagues de chaleur extrême arrivent, elles représentent un danger encore plus grand ».
Qui morfle en priorité ? La surprise est grande : les pauvres. On l’oublie à force d’images frelatées – les films, les séries -, mais tout le monde n’a pas la clim’ aux États-Unis. Et ceux qui en ont n’ont pas forcément l’argent pour la faire marcher jour et nuit. Rachel Cleetus, directrice du programme Climat et Énergie à l’Union of Concerned Scientists : « Les chaleurs estivales extrêmes accablent les populations vulnérables, en particulier les communautés de couleur à faibles revenus .» Des relevés cartographiques montrent les inégalités territoriales, sociales, raciales dans l’accès à la climatisation (2).
On en a peu parlé à l’époque, mais une conférence internationale s’est déroulé au Qatar en mai dernier. Deux jours sur le stress thermique au travail (3), qui ont permis d’enfoncer pas mal de portes ouvertes : la température extrême provoque des coups de chaleur, augmente l’incidence des cancers, entraîne des maladies rénales, cardiaques et pulmonaires. En première ligne, le milliard d’ouvriers agricoles trimant dans les champs, accompagnés de dizaines de millions de prolos travaillant dehors. Dont bien sûr ceux du bâtiment. Oh ! Macron n’en pas dit un mot dans son distrayant discours sur “sa” transition écologique à lui. Ce sera pour une autre fois.
(1)https://abcnews.go.com/US/climate-week-nyc-large-cities-forefront-climate-change/story?id=103184987
(2)https://www.ucsusa.org/resources/killer-heat-united-states-0
(3)https://www.ilo.org/beirut/countries/qatar/WCMS_874714/lang–en/index.htm
troisième papier
Officiel : le bouchon de Volvic est « solidaire »
Prenons dans les mains une bouteille de Volvic. Les communicants se sont surpassés. Parmi les mensonges publicitaires de l’étiquette, ceci : « la force de la nature a créé Volvic .» On croyait bêtement que cette eau datait de sa commercialisation en 1938. Je m’ai trompé.
Le mieux est ailleurs. Désormais, le bouchon est dit « solidaire » – texto -, car il est retenu à la bouteille par une bague en plastique vert qu’on ne peut arracher qu’avec de forts ciseaux. D’où vient l’idée ? D’une directive européenne qui impose ce type de fermeture au plus tard le 3 juillet 2024. Ça coûte bonbon : le géant Tetra Pak aurait investi 100 millions d’euros dans son usine de Châteaubriant (Loire-Atlantique). Cristaline a montré le vertueux chemin dès 2016 et tous les autres ont suivi ou suivront dans les prochains mois.
La raison de cette grande réforme mérite d’être rapportée, car il s’agit de protéger la nature. Extrait de la directive européenne : « Les bouchons et les couvercles en plastique utilisés pour des récipients pour boissons figurent parmi les articles en plastique à usage unique les plus fréquemment retrouvés sur les plages de l’Union .» Notons que le simulacre est somptueux : selon l’OCDE, « la consommation mondiale de plastique passera de 460 millions de tonnes (Mt) en 2019 à 1 231 Mt en 2060. »
Ajoutons un petit grain de sel. Il est inévitable qu’en branlottant ainsi ces bouchons « solidaires », on produira une quantité x de microplastiques invisibles à l’oeil, et qu’on retrouvera dans l’eau. Goûteux.
Du plomb dont on fait des neuneus
Publié en juillet 2023
Ainsi va le monde, tandis que nous hésitons sur la marque de notre prochain téléphone portable. La Burkinabée Nafisatou Cissé dirige une ONG internationale qui lutte contre l’intoxication par le plomb (1). Et elle vient de signer un article (2) dans la revue Nature qui fait le point sur ce si grand désastre. C’est très difficile à croire, et pourtant. Extrait : « Dans le monde, 815 millions d’enfants – 1 sur 3 – ont des niveaux dangereux de plomb dans le sang, suffisants pour provoquer des lésions cérébrales irréversibles, des déficiences intellectuelles, une baisse du niveau d’éducation, des troubles du comportement, une diminution des revenus tout au long de la vie, de l’anémie, des maladies rénales et des maladies cardiovasculaires ».
D’ou vient cet enfer toxique ? Des ustensiles de cuisine en aluminium, des céramiques, des épices, des cosmétiques et des piles, du recyclage des déchets électroniques et des batteries au plomb. Et bien sûr des peintures auxquelles on ajoute du plomb pour accélérer le séchage et donner de la couleur. On s’en doute un peu, il est très facile, comme dans les pays du Nord, de s’en passer. Le plomb, combien de morts dans le monde ? Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), près d’un million chaque année. Et, ajoute Nafisatou Cissé, « on estime que les effets du plomb sur le développement cognitif entraînent chaque année une perte de revenus de près de 1 000 milliards de dollars dans les pays à revenu faible et intermédiaire ».
Vous avez bien lu : 1 000 milliards de dollars, à rapprocher des 9,6 milliards de dollars du budget d’un pays comme le Sénégal en 2023. Et la lutte contre le plomb mobilise à grand-peine 10 millions de dollars de fonds internationaux par an. Ce n’est pas seulement fou, c’est sanguinaire. Comme à l’habitude, derrière le crime, il y a l’industrie. Il fallait mettre du plomb partout, car on le produisait massivement. En 2022, des pays comme la Chine – deux millions de tonnes – et l’Inde – 240 000 tonnes – augmentent leur production. Et la baisse chez d’autres – Australie, États-Unis, Canada, Mexique – est minime.
Malgré l’interdiction mondiale du plomb dans l’essence en 2021, la tuerie continue. Au Sud on l’a vu, mais aussi au Nord. Une étude sérieuse de 2018 estimait à 412 000 morts par an aux États-Unis l’intoxication par de faibles expositions au plomb (3). 412 000, le sixième de la mortalité ! Mais pas en France, oh non. On se souvient du nuage de Tchernobyl arrêté en 1986 par la douane aux frontières françaises. Eh bien, de même, le plomb n’est pas passé par chez nous.
Démonstration immédiate par un rapport de la Direction du travail, révélé en juin par Le Parisien. En résumé express, la SNCF se tamponne le coquillard de l’exposition au plomb de ses salariés. Elle avait promis d’agir, mais ne l’a pas fait, et dans les gares d’Austerlitz, de Lyon, de Saint-Lazare et du Nord, elle « ne se conforme pas à des obligations essentielles de prévention des risques d’exposition au plomb, bien qu’en connaissant les termes ». Et ça craint, car « les éléments recueillis par les inspectrices du travail permettent d’établir l’existence de situations dangereuses pour les salariés de l’entreprise et de celles intervenantes ».
Mais que dire alors de l’incendie de Notre-Dame en 2019 ? Nos chers Bernard Arnault et François Pinault ont aussitôt montré grandeur d’âme et philanthropie, offrant ensemble 300 millions d’euros pour la reconstruction de la cathédrale. Oui, mais où sont passées les 400 tonnes de plomb qui ont fondu dans l’incendie avant d’être vaporisées pour le bien-être universel ?
Il faut reconnaître que l’affaire devient passionnante, car par un tour de magie digne d’Houdini, elles ont disparu. Malgré les plaintes de l’association Robin des Bois, on est toujours à leur recherche. Question des plus innocentes : pouvait-t-on trucider le tourisme parisien, l’un des grands moteurs de l’économie ? Pouvait-on se permettre d’en trouver dans les cours de récréation, les jardins publics, les intérieurs bourgeois de ce quartier chic ?
(1)en anglais https://leadelimination.org/
(2)en anglais https://www.nature.com/articles/d41586-023-02368-0
(3)en anglais https://www.thelancet.com/pdfs/journals/lanpub/PIIS2468-2667(18)30025-2.pdf
Deuxième papier
La chimie arrêtée aux frontières (bis repetita)
Ce n’est pas en France qu’on verrait cela. Certes, les États-Unis sont le royaume des pires pollueurs, mais ils abritent aussi des procureurs indépendants et teigneux dont on ne voit pas l’équivalent chez nous. Témoin cette plainte du bureau du procureur général de Washington contre 25 entreprises de la chimie, accusées d’avoir fabriqué et vendu des produits toxiques qui empoisonnent la capitale fédérale américaine depuis les années 1950.
L’Attorney general vise en particulier deux entreprises, 3M et DuPont, qui ont beaucoup utilisé ce qu’on appelle des forever chemicals, les PFAS. Autrement dit, des polluants chimiques éternels, dont la structure résiste à toute dégradation pour des siècles. Et ils l’on fait en cachant à la société et aux organismes de contrôle les risques pour la santé et l’environnement, qu’ils connaissaient pourtant. 3M pèse 34 milliards de dollars de chiffre d’affaires – 92 000 employés – et DuPont « seulement » 13 milliards après différentes modifications de capital. Des géants de l’industrie transnationale.
Ça chauffe d’autant plus que cette plainte arrive après un accord passé par 3M le mois dernier avec plusieurs villes américaines. L’industriel a accepté de verser au total 10,3 milliards de dollars sur 13 ans pour financer la dépollution des services publics de distribution de l’eau. Mais de leur côté, les cauteleux avocats de DuPont jurent qu’ils n’ont rien à voir dans cette histoire. Selon eux, DuPont n’a jamais fabriqué de PFAS, et d’un point de vue torve, c’est vrai. Car entre 2017 et 2019, l’antique DuPont de Nemours s’est scindé en trois entités. Et celle qui a gardé le nom, en effet, n’a pas fabriqué de PFAS.
C’est si gros qu’on se pince. Au fait, à quand des plaintes en France ? L’usine de 3M à Tilloy-lez-Cambrai (Nord) ne mériterait-elle pas une enquête approfondie de Santé Publique France ou de l’Agence régionale de santé ? En 2021, des tests sanguins ont montré que 59% des riverains de l’usine 3M de Zwijndrecht (Belgique) étaient farcis de PFOS, sous-famille des PFAS. Mais en France, jamais !
Troisième papier
La canicule tue aussi (surtout) les bêtes
Ils souffrent beaucoup plus que nous. Ils meurent par millions et nous regardons gentiment s’il y a encore du rosé au frais. Eux, les animaux sauvages. Eux, les plantes et les arbres. La canicule est un enfer, et l’on commence à entrevoir ses conséquences. Une étude (1) menée en 2021 et 2022 à Matera, dans la Basilicate (sud de l’Italie) montre les effets d’un stress thermique sur la population locale de faucons crécerellettes – un millier de couples ! -, qui nichent sous les tuiles ou sur les façades de Madera, l’une des villes les plus anciennement habitées au monde.
Encore l’étude ne porte-t-elle que sur des températures ne dépassant pas 37 degrés. Loin de la chaleur de 2023. L’équipe scientifique a pu montrer qu’en créant artificiellement de l’ombre sur les nombreux nichoirs de la ville, on pouvait ainsi abaisser la température de quatre degrés. Et le résultat à l’arrivée est saisissant : dans les nichoirs non ombragés, un tiers des œufs sont devenus des poussins prêts à l’envol. Mais dans les autres, autour de 70%.
Commentaire du professeur Diego Rubolini (2), de l’université d’État de Milan : « Ces résultats montrent que les phénomènes de températures extrêmes (…) dans certains cas jamais enregistrés auparavant, peuvent avoir des effets profonds et très rapides sur les populations d’animaux sauvages ». D’autant que « les scénarios de changement climatique prévoient une nouvelle augmentation de la fréquence et de l’intensité des vagues de chaleur(…) en particulier dans la région méditerranéenne ».
(1)en anglais https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/gcb.16888
(2)en italien https://www.lescienze.it/news/2023/07/27/news/stress_termico_effetto_animali_selvatici_ecosistema_l-13011009/