Archives de catégorie : Climat

Du plomb dont on fait des neuneus

Publié en juillet 2023

Ainsi va le monde, tandis que nous hésitons sur la marque de notre prochain téléphone portable. La Burkinabée Nafisatou Cissé dirige une ONG internationale qui lutte contre l’intoxication par le plomb (1). Et elle vient de signer un article (2) dans la revue Nature qui fait le point sur ce si grand désastre. C’est très difficile à croire, et pourtant. Extrait : « Dans le monde, 815 millions d’enfants – 1 sur 3 – ont des niveaux dangereux de plomb dans le sang, suffisants pour provoquer des lésions cérébrales irréversibles, des déficiences intellectuelles, une baisse du niveau d’éducation, des troubles du comportement, une diminution des revenus tout au long de la vie, de l’anémie, des maladies rénales et des maladies cardiovasculaires ».

D’ou vient cet enfer toxique ? Des ustensiles de cuisine en aluminium, des céramiques, des épices, des cosmétiques et des piles, du recyclage des déchets électroniques et des batteries au plomb. Et bien sûr des peintures auxquelles on ajoute du plomb pour accélérer le séchage et donner de la couleur. On s’en doute un peu, il est très facile, comme dans les pays du Nord, de s’en passer. Le plomb, combien de morts dans le monde ? Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), près d’un million chaque année. Et, ajoute Nafisatou Cissé, « on estime que les effets du plomb sur le développement cognitif entraînent chaque année une perte de revenus de près de 1 000 milliards de dollars dans les pays à revenu faible et intermédiaire ».

Vous avez bien lu : 1 000 milliards de dollars, à rapprocher des 9,6 milliards de dollars du budget d’un pays comme le Sénégal en 2023. Et la lutte contre le plomb mobilise à grand-peine 10 millions de dollars de fonds internationaux par an. Ce n’est pas seulement fou, c’est sanguinaire. Comme à l’habitude, derrière le crime, il y a l’industrie. Il fallait mettre du plomb partout, car on le produisait massivement. En 2022, des pays comme la Chine – deux millions de tonnes – et l’Inde – 240 000 tonnes – augmentent leur production. Et la baisse chez d’autres – Australie, États-Unis, Canada, Mexique – est minime.

Malgré l’interdiction mondiale du plomb dans l’essence en 2021, la tuerie continue. Au Sud on l’a vu, mais aussi au Nord. Une étude sérieuse de 2018 estimait à 412 000 morts par an aux États-Unis l’intoxication par de faibles expositions au plomb (3). 412 000, le sixième de la mortalité ! Mais pas en France, oh non. On se souvient du nuage de Tchernobyl arrêté en 1986 par la douane aux frontières françaises. Eh bien, de même, le plomb n’est pas passé par chez nous.

Démonstration immédiate par un rapport de la Direction du travail, révélé en juin par Le Parisien. En résumé express, la SNCF se tamponne le coquillard de l’exposition au plomb de ses salariés. Elle avait promis d’agir, mais ne l’a pas fait, et dans les gares d’Austerlitz, de Lyon, de Saint-Lazare et du Nord, elle « ne se conforme pas à des obligations essentielles de prévention des risques d’exposition au plomb, bien qu’en connaissant les termes ». Et ça craint, car « les éléments recueillis par les inspectrices du travail permettent d’établir l’existence de situations dangereuses pour les salariés de l’entreprise et de celles intervenantes ».

Mais que dire alors de l’incendie de Notre-Dame en 2019 ? Nos chers Bernard Arnault et François Pinault ont aussitôt montré grandeur d’âme et philanthropie, offrant ensemble 300 millions d’euros pour la reconstruction de la cathédrale. Oui, mais où sont passées les 400 tonnes de plomb qui ont fondu dans l’incendie avant d’être vaporisées pour le bien-être universel ?

Il faut reconnaître que l’affaire devient passionnante, car par un tour de magie digne d’Houdini, elles ont disparu. Malgré les plaintes de l’association Robin des Bois, on est toujours à leur recherche. Question des plus innocentes : pouvait-t-on trucider le tourisme parisien, l’un des grands moteurs de l’économie ? Pouvait-on se permettre d’en trouver dans les cours de récréation, les jardins publics, les intérieurs bourgeois de ce quartier chic ?

(1)en anglais https://leadelimination.org/

(2)en anglais https://www.nature.com/articles/d41586-023-02368-0

(3)en anglais https://www.thelancet.com/pdfs/journals/lanpub/PIIS2468-2667(18)30025-2.pdf

Deuxième papier

La chimie arrêtée aux frontières (bis repetita)

Ce n’est pas en France qu’on verrait cela. Certes, les États-Unis sont le royaume des pires pollueurs, mais ils abritent aussi des procureurs indépendants et teigneux dont on ne voit pas l’équivalent chez nous. Témoin cette plainte du bureau du procureur général de Washington contre 25 entreprises de la chimie, accusées d’avoir fabriqué et vendu des produits toxiques qui empoisonnent la capitale fédérale américaine depuis les années 1950.

L’Attorney general vise en particulier deux entreprises, 3M et DuPont, qui ont beaucoup utilisé ce qu’on appelle des forever chemicals, les PFAS. Autrement dit, des polluants chimiques éternels, dont la structure résiste à toute dégradation pour des siècles. Et ils l’on fait en cachant à la société et aux organismes de contrôle les risques pour la santé et l’environnement, qu’ils connaissaient pourtant. 3M pèse 34 milliards de dollars de chiffre d’affaires – 92 000 employés – et DuPont « seulement » 13 milliards après différentes modifications de capital. Des géants de l’industrie transnationale.

Ça chauffe d’autant plus que cette plainte arrive après un accord passé par 3M le mois dernier avec plusieurs villes américaines. L’industriel a accepté de verser au total 10,3 milliards de dollars sur 13 ans pour financer la dépollution des services publics de distribution de l’eau. Mais de leur côté, les cauteleux avocats de DuPont jurent qu’ils n’ont rien à voir dans cette histoire. Selon eux, DuPont n’a jamais fabriqué de PFAS, et d’un point de vue torve, c’est vrai. Car entre 2017 et 2019, l’antique DuPont de Nemours s’est scindé en trois entités. Et celle qui a gardé le nom, en effet, n’a pas fabriqué de PFAS.

C’est si gros qu’on se pince. Au fait, à quand des plaintes en France ? L’usine de 3M à Tilloy-lez-Cambrai (Nord) ne mériterait-elle pas une enquête approfondie de Santé Publique France ou de l’Agence régionale de santé ? En 2021, des tests sanguins ont montré que 59% des riverains de l’usine 3M de Zwijndrecht (Belgique) étaient farcis de PFOS, sous-famille des PFAS. Mais en France, jamais !

Troisième papier

La canicule tue aussi (surtout) les bêtes

Ils souffrent beaucoup plus que nous. Ils meurent par millions et nous regardons gentiment s’il y a encore du rosé au frais. Eux, les animaux sauvages. Eux, les plantes et les arbres. La canicule est un enfer, et l’on commence à entrevoir ses conséquences. Une étude (1) menée en 2021 et 2022 à Matera, dans la Basilicate (sud de l’Italie) montre les effets d’un stress thermique sur la population locale de faucons crécerellettes – un millier de couples ! -, qui nichent sous les tuiles ou sur les façades de Madera, l’une des villes les plus anciennement habitées au monde.

Encore l’étude ne porte-t-elle que sur des températures ne dépassant pas 37 degrés. Loin de la chaleur de 2023. L’équipe scientifique a pu montrer qu’en créant artificiellement de l’ombre sur les nombreux nichoirs de la ville, on pouvait ainsi abaisser la température de quatre degrés. Et le résultat à l’arrivée est saisissant : dans les nichoirs non ombragés, un tiers des œufs sont devenus des poussins prêts à l’envol. Mais dans les autres, autour de 70%.

Commentaire du professeur Diego Rubolini (2), de l’université d’État de Milan : « Ces résultats montrent que les phénomènes de températures extrêmes (…) dans certains cas jamais enregistrés auparavant, peuvent avoir des effets profonds et très rapides sur les populations d’animaux sauvages ». D’autant que «  les scénarios de changement climatique prévoient une nouvelle augmentation de la fréquence et de l’intensité des vagues de chaleur(…) en particulier dans la région méditerranéenne ».

(1)en anglais https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/gcb.16888

(2)en italien https://www.lescienze.it/news/2023/07/27/news/stress_termico_effetto_animali_selvatici_ecosistema_l-13011009/

Mais d’où viennent ces foutues punaises de lit ?

Vous le savez aussi bien que moi : les r’voilà. Elles, les punaises de lit. J’en ai connu chez moi quand j’étais môme, dans ma banlieue. Ainsi que des poux. Ainsi que des puces qui allaient se planquer au matin dans les plinthes après nous avoir dévorés pendant la nuit. Je n’ose repenser aux produits hautement toxiques que nous utilisons gaillardement. Le DDT n’était pas le pire.

Bon. Les punaises. Elles sont sur Terre depuis environ 100 millions d’années. Bien plus que nous. Et elles ont donc pu côtoyer fort longtemps les dinosaures, qu’elles ont dû emmerder, malgré leur taille ridicule, comprise entre 5 et 8 mm. Ce sont des voleurs de sang, ainsi qu’on sait. La nuit, en bande, elles sortent de leur planque, et viennent nous boulotter. Une ponction à travers la peau – compter au moins 10 minutes de succion – suivie d’une longue digestion. Qui peut être démesurément étendue, puisqu’une punaise peut survivre à un jeûne de…20 mois. 20 !

Elles ont été sinon éradiquées, du moins contenues, pendant des décennies après la guerre, « grâce » à la meurtrière chimie de synthèse. Dans les pays riches, les seuls qui comptent à nos yeux égotistes. Et puis elles sont revenues. À partir des années 90. Dans un pays comme l’Australie, sur la période 1999-2006, l’augmentation constatée de leur présence est évaluée à 4500 %.

C’est chiant. Très. On estime que 11 % des foyers, en France, ont été infectés au cours des cinq années passées. Tous ne s’en sont pas débarrassés, et ceux qui y sont parvenus ont dû débourser beaucoup d’argent. Ne demandez par à un Bangladais ou à un paysan malien de faire pareil.

En France, nous avons d’impeccables vigies, comme la députée mélenchoniste Mathilde Panot. Il y a peu de temps, elle a défié à l’Assemblée la Première ministre Élisabeth Borne, dénonçant un monumental scandale de santé publique. Sur un ton aussi triomphal qu’indigné, ici, elle réclamait un plan d’État. Est-elle crédible pour autant ? Faut-il suivre son appel à la croisade ? Polope, comme on disait chez moi dans mon jeune temps.

Les mélenchonistes sont dans la criaillerie et la posture politicienne. Je sais que les électeurs de Mélenchon qui me lisent trouveront cela injuste. J’en suis désolé, mais cela ne retiendra pas ma plume. Car cette nouvelle invasion des punaises serait l’occasion d’une excellente pédagogie sur l’état du monde. Mais il est vrai que la funeste comédie que l’on nous sert chaque matin est strictement franco-française. Franchouillarde. Mathilde Panot elle aussi ? Elle aussi.

Que révèle le retour en force des punaises ? Au moins trois choses presque évidentes. Un, le commerce mondial est une grande folie planétaire. Depuis 1945, il a augmenté deux fois plus vite que le PIB. En moyenne. Selon l’Insee, de 1980 à 2021, le volume du commerce mondial a été multiplié par 7,4, tandis que le volume du PIB mondial a été multiplié par 3,9. Imaginez seulement le bal tragique des bateaux de containers et les milliers d’avions qui atterrissent chaque semaine quelque part. Les punaises se baladent, elles aussi.

Le deuxième phénomène est lié. Il s’agit du tourisme de masse. Selon l’Organisation mondiale du tourisme, 700 millions de touristes ont voyagé à l’étranger entre janvier et juillet 2023. Imagine-t-on ? Non, nul ne peut imaginer de tels déversements de pathogènes et parasites de toute sorte à chaque seconde qui passe et dans le moindre recoin du monde.

La troisième raison de la réapparition, c’est bien sûr la résistance bien connue aux pesticides, en l’occurrence les insecticides. La chimie de synthèse, qui ravage le monde depuis un peu moins d’un siècle, sélectionne. C’est évident. Dans un premier temps, un insecticide va tuer les insectes et d’autres cibles non prévues au programme. Mais les survivants de la tuerie seront les plus résistants. Et, faisant souche, donneront naissance à une progéniture qui se moquera bien des fumigations.

Et voilà pourquoi les punaises de lit se rient de nos folies, et prospèrent, et prospèreront. De vrais écologistes « profiteraient » de l’occasion pour faire une nouvelle fois la démonstration que ce monde nous conduit au gouffre. Mais les politiciens de toute tendance préfèrent les parades médiatiques. Así es la vida.

Vive le pape ! À bas tous les autres

Je suis un mécréant définitif. Pas baptisé. Profondément ignorant de l’histoire du christianisme. Je ne sais à peu près rien de la Bible, des Évangiles, des Apôtres. Et pourtant. Et pourtant.

J’ai travaillé pendant une vingtaine d’années pour le groupe de presse catholique Bayard, et dans ce cadre, j’ai signé des chroniques pendant dix ans dans le quotidien La Croix. Il me semblait, mais j’ai eu tort, que l’Église catholique pourrait devenir ce que j’appelais en mon for intérieur, un « accélérateur de conscience ». Je pensais, et je pense toujours qu’il faut unir toutes les forces disponibles pour faire face à la terrifiante crise écologique en cours.

J’ai rencontré, grâce au magazine Terre Sauvage, pour lequel je travaillais aussi, le prêtre catholique Dominique Lang. Et je l’ai aimé, par-delà nos si grandes différences. J’ai ensuite imaginé, créé et dirigé une très belle revue dont je reste fier : Les cahiers de Saint-Lambert. Pourquoi Saint-Lambert ? Parce que les Assomptionnistes, ordre auquel appartenait Dominique, venaient de s’installer au monastère de Saint-Lambert-des-Bois, dans la Vallée de Chevreuse. Moi, j’imaginais autour de ce lieu deux vastes initiatives. D’abord une restauration écologique exemplaire des 30 hectares entourant les bâtiments. Ensuite, la création d’un territoire de discussion planétaire, à la manière de la communauté italienne de Sant’Egidio, qui accueille l’espace d’une trêve des ennemis apparemment définitifs, comme par exemple les Palestiniens et les Israéliens. À Saint-Lambert, nous aurions parlé, bien sûr, des innombrables conflits écologiques du monde.

Si vous avez jeté un œil sur le PDF des Cahiers, plus haut, vous avez vu que Dominique était le directeur, et moi le rédacteur-en-chef. Olivier Duron apportait son grand talent graphique. Nous étions trois, sans local, sans budget, payés avec des cacahuètes. Mais la revue était éditée par Bayard. Du moins, je pensais qu’elle l’était. Elle était soutenue pour de vrai par Didier Robiliard, l’un des directeurs de Bayard, qui garde mon estime intacte. Mais elle était sabotée par le grand patron, le journaliste très connu dans les milieux de la presse, Bruno Frappat.

Obsédé comme j’étais déjà par la crise écologique, et comme j’étais officiellement conseiller éditorial de Bayard, j’ai tenté de convaincre Frappat. Ô combien ! Il est vrai que nous avions eu des démêlés sérieux et drôlatiques que je ne peux raconter ici – cela nous éloignerait -, mais je pensais qu’il comprendrait. Nous déjeunions de temps en temps ensemble, et j’y allais de mes inlassables coups de scie. Un jour, au cours d’un repas, il me lâcha une phrase mémorable pour moi : « Je vois bien qu’il s’agit de sauver la Créature [l’homme] et la Création [la nature] ».

Cela me convenait, et à la suite, je ne cessai de lui rappeler ces mots. Je le croyais acquis. Il ne l’était pas. Je crois qu’il se méfiait. Je crois qu’il me voyait comme un trublion ou pis. Je ne sais pas grand-chose. Mais je m’engueulai – une fois de plus – avec lui le jour où je vis qu’il avait bataillé et obtenu – il était le chef – que le logo de Bayard ne figure pas sur la couverture des Cahiers. La revue ne méritait pas l’imprimatur. C’était pleinement ridicule, car Didier Robiliard la finançait, certes avec trois bouts de ficelle. La revue était publiée par Bayard, mais chut ! il ne fallait pas le montrer.

Je crois pouvoir écrire qu’elle fut un succès. Avec des moyens dérisoires, elle obtint vite autour de 2000 abonnés, et avec un investissement raisonnable – ridicule pour Bayard -, je gage qu’elle aurait atteint rapidement son point d’équilibre. Mais Frappat préféra sa mort. Inutile de dire que j’ai repensé à clairvoyance lorsqu’en 2015, le pape François eut publié Laudato Si. Une merveilleuse Encyclique, quatre ans après le sabotage des Cahiers de Saint-Lambert.

Le bilan que je tire de ces événements est clair : l’Église catholique ne bouge pas, ce qui interroge en profondeur sur ce qu’elle est. Elle ne défend aucunement la Création, pourtant censée avoir été créée par Dieu. Quand j’ai lancé le mouvement des Coquelicots, en 2018, je suis allé voir l’évêque de Troyes, Marc Stenger, pour lui demander de signer L’appel à l’interdiction des pesticides, que j’avais rédigé. Et il accepta ! Stenger était connu comme le plus ouvert des prélats à ces questions. Mais il refusa de s’engager plus avant au motif, spécieux selon moi, qu’il lui fallait ménager ses ouailles.

Tel n’est pas le cas du pape François. Je vous invite à lire un texte tout récent qu’il a consacré à la crise climatique, Laudate Deum. Lisez ! C’est le point de vue d’un homme lucide. Lisez : « Je considère qu’il est impératif d’insister sur le fait que chercher seulement un remède technique à chaque problème environnemental qui surgit, c’est isoler des choses qui sont entrelacées dans la réalité, et c’est se cacher les vraies et plus profondes questions du système mondial…Nous courons le risque de rester enfermés dans la logique du colmatage, du bricolage, du raboutage au fil de fer, alors qu’un processus de détérioration que nous continuons à alimenter se déroule par-dessous. Supposer que tout problème futur pourra être résolu par de nouvelles interventions techniques est un pragmatisme homicide ».

Lisez : « Finissons-en une bonne fois avec les moqueries irresponsables qui présentent ce sujet comme étant uniquement environnemental, “vert”, romantique, souvent ridiculisé par des intérêts économiques. Acceptons enfin qu’il s’agit d’un problème humain et social aux multiples aspects. C’est pourquoi le soutien de tous est nécessaire ».

Mais lisez aussi : « Je suis obligé d’apporter ces précisions, qui peuvent sembler évidentes, à cause de certaines opinions méprisantes et déraisonnables que je rencontre même au sein de l’Église catholique ». Ce pape-là est seul, face à une institution immobile, et même hostile. J’ai bien fait d’être un mécréant.

Un livre très spécial

Amis et lecteurs de Planète sans visa, je ne donne pas si souvent de mes nouvelles. Au temps jadis, je crois bien que j’écrivais ici un article chaque jour, et ce rendez-vous attirait des milliers de visiteurs. Vous qui venez ici, vous êtes les durs à cuire de ce rendez-vous devenu irrégulier.

Je prends la plume électronique, ce lundi 28 août 2023, pour une raison qui me paraît impérieuse. Vers le 20 septembre, je publie en effet un livre aux éditions LLL, dont vous trouverez la couverture plus bas. Le grand sabotage climatique n’a rien d’un livre ordinaire. Je n’entends pas faire ici la vulgaire promotion de sa forme – en ce domaine, chacun est juge -, mais de son contenu explosif.

Explosif ? On a bien dû vous faire le coup cent fois. Mais à la vérité, c’est le mot qui convient. De quoi s’agit-il ? J’ai tenté de comprendre pourquoi la mobilisation contre le dérèglement climatique avait si lamentablement échoué. Car elle a échoué, vous en êtes d’accord ? On sait depuis des décennies qu’un phénomène inouï est en route, et rien n’aura été fait. Rien ? Rien. Si cela ne vous paraît pas stupéfiant, cessez donc de me lire ici.

Pourquoi, oui pourquoi tant de sommets de la terre, de réunions et tribunes, de COP 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27 ? J’ai cherché, et croyez-le ou non, j’ai trouvé la preuve que rien ne serait tenté, car rien ne pourrait l’être. Il ne s’agit nullement d’un complot – certains existent, la plupart sont imaginaires – mais d’un vaste simulacre. On a fait semblant, on aura fait semblant. Et on continue.

Je ne peux évidemment tout vous raconter, mais sachez, et croyez-moi, que tous les premiers rôles, dans les si mal nommées « négociations » climatiques, ont été tenus par des personnages qui avaient partie liée, intimement, avec l’industrie transnationale, dont on sait le rôle si délétère dans l’aggravation de la situation. Deux exemples ? Deux, mais il en est quantité d’autres. Le Canadien Maurice Strong, organisateur des sommets de la terre de Stockholm (1972) et Rio (1992), fondateur et premier directeur du Programme des nations unies pour l’environnement (PNUE), ordonnateur de la conférence de Kyoto en 1997, sous-secrétaire général de l’ONU, a mené pendant toutes ces années une carrière industrielle.

Et quelle carrière ! Sans vraiment se cacher, il a en même temps créé et dirigé des sociétés pétrolières au Canada ou aux États-Unis. Certes, pas des majors comme BP ou Exxon, mais tout de même de très profitables entreprises. Son adjoint à Rio, en 1992 ? Le Suisse Stephan Schmidheiny. Ce dernier a dirigé dans les années 70 l’entreprise Éternit, dont les usines italiennes ont tué plus de 3000 prolos. Par l’amiante, car c’était là le fonds de commerce d’Éternit. Le tribunal de Turin a finalement condamné Schmidheiny à 18 années de prison, peine criminelle s’il en est. Vous avez bien lu : 18 ans. Il n’a jamais osé mettre un pied en Italie, et ses avocats sont parvenus à convaincre la cour de cassation qu’il y avait prescription. Il n’empêche. 18 ans. Et Rio.

Mon livre démontre par des faits irrécusables que le système formé par l’ONU, les transnationales, les gouvernements, est corrompu de mille manières. Mais je n’oublie pas notre moindre part de responsabilité dans l’essor délirant du commerce mondialisé et l’achat compulsif de tant d’objets inutiles, qui rendent les solutions de moins en moins évidentes.

Ce que j’attends de vous ? De l’aide. Non pour moi – on a le droit de ne pas me croire -, mais pour aider à diffuser des informations que je crois fondamentales. Nous ne pourrons commencer à avancer qu’après avoir compris ce qui s’était passé. Cela demandera des efforts qui me paraissent pour le moment hors de portée, mais vous vous doutez à quel point c’est essentiel.

Lecteurs, amis de Planète sans visa, je vous demande un coup de main personnel. Et je ne m’y autoriserai pas si ce livre n’apportait pas des révélations sur un domaine opaque où nous avons tous le devoir de pénétrer. Faites connaître ces quelques mots, que vous lisiez ou non mon livre lorsqu’il sortira. Oui, diffusez ce qui est un appel à la conscience de chacun d’entre vous. Solennel ? Oui, solennel.

Le charbon, champion du monde de l’énergie et du mensonge

Le charbon habite le si vaste pays du mensonge. Officiellement, on rasera gratis demain, car on aura éliminé le charbon – gros émetteur de gaz à effet de serre -, par des énergies dites renouvelables. Mais c’est pipeau. En 2022, la puissance installée de toutes les centrales à charbon de la planète a augmenté de 19,5 GW. Elle aurait dû baisser, puisque des centrales à charbon ont été arrêtées – pour un total de 26 GW -, mais dans le même temps, de nombreuses installations ont été ouvertes, pour une puissance installée de 45,5 GW. 59% des centrales nouvelles se trouvent en Chine (1).

La Chine, qui prétend tout ce que les niais – et les corrompus – veulent croire, est une spécialiste de la désinformation, qui a très grossièrement truandé ses chiffres publics. On apprenait ainsi, le 4 novembre 2015, que la consommation de charbon était supérieure de 17% depuis des années à ce qui était annoncé. Pour la seule année 2012, 600 millions de tonnes avaient été dissimulées. Seules les dictatures accomplies sont capables de tels exploits.

L’Inde, au-delà de grandes différences, est sur une pente comparable Sa production a augmenté de 6,3% en 2021 – 805 millions de tonnes -, et même de 11% en 2022, correspondant à 893 millions de tonnes. On devrait atteindre dans deux ans le milliard. Mais ça ne suffit pas, tant la demande est grande. En 2022, la consommation a été de 1,027 milliard de tonnes, obligeant le pays à importer massivement cette arme de destruction massive du climat. Dans ces conditions, qu’attendre ? En 2022, selon l’Agence internationale de l’énergie, la consommation mondiale a encore augmenté de 1,2%, dépassant les huit milliards de tonnes.

Malgré les falbalas des tentures officielles et des Sommets de la Terre, le charbon reste, et de loin, le plus grand producteur d’électricité dans le monde. Ne pas oublier que l’électricité n’est pas un minerai ou un puits dans lequel plonger son tuyau. Pour en obtenir, il faut d’abord cramer une énergie dite primaire. Dont le gaz, le pétrole, l’hydro-électricité, l’uranium, etc. Mais le charbon, en 2022, est le champion incontesté, avec 35,9 % du total.

C’est un peu fâcheux, car selon Global Energy Monitor, un Observatoire américain, « le rythme mondial des arrêts de centrales devrait être quatre fois et demi plus rapide, afin de mettre le monde sur la bonne voie pour éliminer le recours au charbon dans le secteur électrique d’ici 2040, comme requis pour atteindre les objectifs de l’accord de Paris sur le climat ».

Il est assez douteux que cela s’arrange, car la situation fait penser aux fameuses boucles de rétroaction climatiques. On explique par un exemple : le dérèglement climatique a tendance à faire fondre le permafrost, ce sol gelé des immensités arctiques et sibériennes. Le permafrost relâche ainsi des gaz à effet de serre, dont le terrible méthane. Ce qui augmente le dérèglement global, qui accélère la fonte du permafrost, qui etc. Cette rétroaction dite « positive » – eh oui – est un emballement.

Or on le sait, la crise climatique provoque des phénomènes extrêmes, dont des sécheresses sans précédent. Comme en Chine l’été passé, où l’hydro-électricité – le tiers de la production mondiale -, s’est effondrée, obligeant à massivement augmenter la consommation de charbon. À une échelle moindre, l’Europe a fait pareil à cause de la guerre en Ukraine et des craintes sur l’approvisionnement en gaz.

Si on veut passer, malgré tout, un bon moment, on peut écouter (2) l’historien Jean-Baptiste Fressoz nous raconter à quel point la « transition énergétique » est un mythe. C’est lumineux. Il montre que dans l’histoire de l’énergie, on ne fait jamais qu’empiler les offres les unes sur les autres. Ainsi du bois-énergie, qui n’a pas été remplacé par le charbon. Ainsi du charbon, qui n’a pas été remplacé par le pétrole. Ainsi du pétrole ou du gaz, dont la consommation mondiale n’a jamais été aussi forte, malgré le solaire et le vent. Ainsi de ce nucléaire dont nous sommes si fiers, et qui ne change rien à l’augmentation sans fin de supposés besoins énergétiques.

(1)https://www.connaissancedesenergies.org/centrales-charbon-un-parc-mondial-qui-se-moque-de-lagenda-climatique-230406

(2)https://www.youtube.com/watch?v=YbebLbnGyoU