Ce petit mot est à propos d’un livre d’entretiens croisés entre Pierre Rabhi, Bernard Chevilliat et moi-même, paru aux éditions Le Passeur avant les fêtes. Je n’étais pas en état de vous en parler avant, et maintenant que je peux, je cale. Heureusement, comme vous verrez, il y a Jacques Faule.
En introduction, je souhaite vous dire le sentiment fraternel qui m’unissait à Rabhi. Il m’appelait d’ailleurs « petit frère ». Il sentait, il savait que nous étions liés, dans cette famille branlante qui réunit tous ceux qui rêvent vraiment – oui, on y trouve beaucoup de fausse monnaie -, d’un autre monde.
Quand l’ai-je rencontré ? Je ne sais vraiment plus. Il y a entre vingt-cinq et trente ans. Il n’était pas l’homme connu qu’il deviendrait. Il était très petit, brun de peau, ses yeux brillaient d’une véritable lumière. Je crois pouvoir dire que nous nous sommes reconnus. Je l’ai d’emblée soutenu dans les milieux de gauche qui étaient encore – de moins en moins – les miens, y compris dans le journal Politis, où j’ai travaillé, où l’on n’aimait guère, sans évidemment le comprendre, un tel personnage.
Au fil de ces années, j’ai eu la sottise d’espacer nos rendez-vous. J’aurais pu faire mieux. J’aurais dû, c’est ainsi. Mais je l’ai toujours aimé, et défendu lorsque des dégueulasses s’attaquaient bassement à lui dans l’un des pauvres grands journaux d’une gauche moralement morte. Et puis un jour, Bernard Chevilliat m’a proposé un livre d’entretiens croisés entre Pierre, lui et moi. Je ne savais qu’une chose de Bernard : qu’il dirigeait le « Fonds de dotation » Pierre Rabhi, et qu’il accompagnait ce dernier dans des voyages initiatiques sur fond d’agroécologie. Au Niger, au Maroc, en Mauritanie.
J’ai découvert un homme exquis, érudit, accueillant. Il vivait en Ardèche, avec son épouse Nüriel, très beau personnage de film, qui y soignait des chevaux. Je n’ai pas tardé à dire oui. Et à l’automne 2021, je suis allé chez Pierre en sa compagnie, pour y échanger nos points de vue sur la marche désastreuse du monde. Je précise, mais le faut-il réellement ? que j’ai toujours eu de solides désaccords avec Pierre. Comme il arrive si souvent et que l’on s’aime pourtant. Inutile ici d’en parler davantage.
Je ne peux présenter moi-même ce livre, car j’en suis le co-auteur. Je n’ai pas la distance nécessaire. Et je ne sais pas ce que j’aurais fait sans la providentielle intervention de Jacques Faule. Je ne connais cet homme que par ses lettres adressées à Planète sans visa. Elles sont louangeuses, mais cela n’aurait pas suffi. Cet homme-là sait ce qu’écrire veut dire, j’en ai eu la preuve. Ce serait mensonge d’affirmer que je n’aime pas les compliments, mais les aurais-je cherchés dans ma vie ? Je ne crois pas. En tout cas, voici les mots qu’a utilisés Jacques Paule il y a quelques jours, et après tout, si vous lisez ce livre, vous vous formerez votre propre avis, peut-être fort différent. Vous ai-je souhaité une belle année 2023 ? Je ne le crois pas. Or ce rite a un sens : espérer. Esperar comme on dit en castillan, c’est-à-dire attendre et espérer. Attendre quelque chose, espérer qu’elle se produira. À bientôt.
Le texte de Jacques Faule
Oui cher Fabrice Nicolino, nous sommes nombreux à nous réjouir de votre retour. Mais nous ne vous avions pas perdu de vue grâce à votre passionnant livre à trois voix paru chez « Le Passeur Editeur » en novembre dernier. Mon voeu ce 6 janvier 2023 est que « Vivant », sous-titré « Entretiens à contre-temps », par Pierre Rabhi, Fabrice Nicolino et Bernard Chevilliat, connaisse le plus grand succès : vous y trouverez l’histoire, la grande et la petite, les portraits de héros familiaux, les événements personnels et publics, la géographie, la réflexion, tant d’autres choses tendres et virulentes, une discussion fraternelle menée sur un ton vif à la Jules Vallès.
On y apprend même page 33 la signification du mot « barkane » qu’une opération militaire a rendu célèbre : « …la barkane (autrement dit la dune en forme de croissant) ». A tous paix, force et joie (comme disait Lanza). Do pobachennya (à bientôt en ukrainien).
