(Bretagne Vivante 12)
Je vous en préviens, cette chronique est un peu mélancolique. Daniel Prunier est un type bien, passionné par les insectes, qui habite la région parisienne. Il y a quelques années, j’ai eu le privilège de faire avec lui une grande balade dans la forêt de Fontainebleau. Il y faisait des bonds de cabri, me montrant des vols de Dicerca berolinensis, le grand bupreste du hêtre, ou des accouplements de Cerambyx scopoli, le petit capricorne. Je n’ai jamais oublié.
Et voilà qu’il m’adresse copie d’une lettre envoyée par lui à notre glorieux Office national des forêts (ONF) ainsi qu’au ministère de l’Écologie. C’est un cri, un de plus. Daniel a remarqué des va-et-vient dans le bois de Verrières, à huit kilomètres de Paris. L’ONF prépare une grande coupe dans ce qui reste d’une forêt royale jadis géante. Daniel a joué le jeu de la discussion, prenant le soin de placer des marques bleues sur les arbres les plus essentiels, pour qu’eux au moins soient sauvés de la hache.
Peine perdue. Extrait de son ultime courrier, resté sans réponse : » Des centaines d’ arbres sont marqués pour un abattage imminent. On s ‘est même permis de marteler expressément des arbres que j’ avais demandé de préserver pour leur intérêt écologique. Je vous demande encore une fois de d’ arrêter le massacre « .
À l’heure où je vous écris, j’ignore l’issue de cette misérable affaire. Mais je pense au lieu, bordé par la Bièvre – une rivière – que je sais habité depuis le paléolithique inférieur. Les Gaulois l’ont parcouru, Louis XIII y chassa sous les chênes et les merisiers, Malraux, Louise de Vilmorin, Saint-Ex y ont habité. Et des barbares ordinaires ont décidé en notre nom de le changer en boîtes d’allumettes, sciure et cageots.
Je devine que certains trouveront le mot barbare excessif. Et je sais, croyez-moi, qu’il y a d’excellentes personnes à l’ONF. Mais quoi ? Faudra-t-il toujours reculer ? Pourquoi devrions-nous sempiternellement tolérer la destruction du monde ? Je vous avais prévenu.