Cela vous aura échappé, je le crains. Jeudi 12 et vendredi 13 mars, France Nature Environnement (FNE) a organisé à Lille son 33ème congrès national, à l’occasion de ses quarante ans. J’ai beaucoup ferraillé contre ce grand machin qui fédérerait 3 000 associations de protection de la nature en France. Pour ceux qui voudraient des détails, se reporter aux articles enregistrés ici entre le 26 février et le 9 mars. Et, compte tenu de ce que je vais écrire, surtout les articles des 2, 3 et 9 mars 2009.
Alors, et ce grand raout de Lille ? Eh bien, franchement, la honte. Comme un grand, j’ai honte pour tout FNE. Cette structure « écologiste » a permis que le ministre de l’Agriculture, Michel Barnier, adresse une adresse au congrès en ouverture, sous la forme d’un message vidéo. Chantal Jouanno, sous-ministre à l’Écologie, a de son côté ouvert les travaux du deuxième jour, et Jean-Louis Borloo, ministre en titre, les a conclus. Pas mal, non, pour des écologistes ? Il est vrai que les sous viennent pour l’essentiel des poches de l’État. Faut pas se montrer ingrat.
Côté invités, la liste est simplement extraordinaire. Aucun combattant n’en fait partie. Nul paysan bio. Nul Dédé Pochon, résistant à l’agriculture intensive dans les Côtes d’Armor, qu’on aurait pourtant dû porter en triomphe. Pas le moindre lanceur d’alerte. Pas d’hommage à mon si cher Henri Pézerat, mort il y a peu, à qui l’on doit en bonne part l’interdiction de l’amiante en France. Aucune place pour la contestation du monde. Aucun espace pour sa critique, fût-elle policée, à la différence de la mienne.
En revanche, étaient présents, car invités, la FNSEA, des chambres d’agriculture, l’Inra, l’ONF, les propriétaires privés de forêts, la Caisse des dépôts et de consignations, et cetera. En bref, étaient là ceux qui ont conduit la France là où elle est. Et absents ceux qui défendirent sous les huées une autre voie pour notre pays. C’est équitable. C’est logique. C’est même imparable. Je crois pouvoir écrire sans esprit polémique que les apparatchiki de France Nature Environnement (FNE) ont choisi leur camp. Qui n’est pas le mien.
Je vous mets ci-dessous le texte de deux documents fabuleux, qui montrent à nouveau que FNE sert une politique contraire aux intérêts de l’écologie. Ainsi qu’un lien vers un article, public donc, à la différence des précédents. Ils concernent tous la chasse. J’ai écrit récemment comment les responsables de FNE qui tiennent ce dossier se font balader par les politiciens professionnels comme Borloo. Et comme ils intoxiquent ainsi toute l’opinion écologiste française. Je vous préviens, ces textes ne sont pas drôles à lire, mais ils sont passionnants. Un mot du contexte : les tenants de la chasse, soutenus par un groupe d’études parlementaires – autour de 130 ou 140 députés de droite ou de gauche -, viennent d’obtenir des avantages après lesquels ils couraient depuis des années. Je gage qu’une des raisons de leur triomphe tient justement aux divisions introduites par le réseau Nature de FNE, tenu par la Ligue ROC, longtemps présidée par le grand Théodore Monod.
Ne croyez pas une seconde que je pavoise. Je suis triste. Infiniment triste de constater un tel désastre. Une telle dégringolade. Bon, le premier doc est une lettre du sénateur UMP Ladislas Poniatowski, grand artisan de la nouvelle loi Chasse. Elle est adressée à Charles-Henri de Ponchalon, président de la Fédération nationale des chasseurs (FNC). Bien entendu, elle n’est pas publique. On y lit toute la vérité. Celle qui s’écrit dans notre dos. Les chasseurs de France sont en train de gagner la partie, avec le soutien empressé, je dirais presque militant, de Jean-Louis Borloo, le grand ami de FNE. Au reste, sachez que Borloo ira à l’Assemblée générale des chasseurs la semaine prochaine, comme il est venu à celle de FNE. On parie ? Il y sera ovationné. Il le mérite.
Le deuxième document est abscons, mais renversant. Il n’est pas davantage public. Les gros durs de la chasse, soit l’Association nationale des chasseurs de gibier d’eau (ANCGE), y écrivent pour leur base tous les acquis obtenus par ce gouvernement compatissant. Si vous lisez, malgré le jargon, vous comprendrez sans peine qu’ils sont sur un petit nuage. Le 9 mars, tandis que FNE préparait les petits fours destinés à Borloo et Jouanno, ce même Borloo recevait ces braves de l’ANCGE. Et des promesses ont été faites, car « certains points importants (…) aborde?s (…) n’ont pu e?tre repris dans le communique? officiel ». Pardi ! Le maître mot de la stratégie des chasseurs est devenu « silence ». Silence et prudence, leurs amis sont pouvoir. Et FNE avalise. Evviva !
Le troisième document éclaire de manière sinistre le deuxième. Il s’agit d’un article de La Voix du Nord (ici), qui vaut la peine d’être lu, copié et recopié. Car il rapporte la joie des mêmes chasseurs d’eau, ceux de l’ANCGE. L’ami Borloo vient de débloquer 190 000 euros pour leur payer de nouvelles huttes de chasse. Il y a donc de l’argent en France, et même au ministère de l’Écologie. Champagne ! Champagne pour Borloo et FNE, désormais tous les deux dans le même bateau. Champagne !
DOC 1 : La lettre de Poniatowski à De Ponchalon, patron des chasseurs (J’ai été obligé de glisser de nombreux sic dans le texte, qui est truffé de fautes d’orthographe).
PALAIS DU LUXEMBOURG – 75291 PARIS CEDEX 06
MAIRIE – 27680 QUILLEBEUF-SUR-SEINE – TEL : 02 32 57 51 25 – FAX : 02 32 56 55 90
E-MAIL : l.poniatowski@senat.fr
Paris, le 5 mars 2009
Monsieur le Pre?sident
A la veille de l’Assemble?e ge?ne?rale de la Fe?de?ration Nationale des Chasseurs ou j’aurais [sic] le plaisir de vous rencontrer a? nouveau, je souhaitai [sic] vous informer personnellement des changements survenus au sein du groupe chasse du Se?nat que je pre?side depuis 10 anne?es.
Apre?s ma re?e?lection au Se?nat en septembre 2008, j’ai fais [sic] le choix de m’investir a? la pre?sidence du groupe d’e?tudes sur l’e?nergie, en raison de mon engagement permanent sur ce dossier complexe et sensible pour notre pays. Lorsque j’e?tais de?pute?, j’ai longtemps pre?side? aux destine?es du groupe d’e?tudes sur l’e?nergie de l’Assemble?e nationale.
Comme la re?gle du Se?nat interdit a? juste titre de cumuler deux pre?sidences de groupe [sic] d’e?tudes, j’ai de?cide? de passer la main pour le groupe chasse. C’est mon colle?gue Pierre Martin, se?nateur de la Somme qui vient d’e?tre e?lu a? la pre?sidence du groupe chasse. Mes colle?gues ont profite? de cette e?lection pour me nommer pre?sident d’honneur du groupe chasse.
Bien sur, je tiens a? vous confirmer que mon engagement pour la chasse reste entier et que je serais [sic] toujours en premie?re ligne au Se?nat comme ailleurs pour de?fendre notre passion.
Je profite de cette correspondance pour faire le point sur les proble?mes de la gestion du dossier chasse qui n’ont pas encore trouve? de solutions ou qui sont apparus ces derniers mois. Je voudrais ainsi, rassurer certains d’entre vous et de?mentir certaines fausses informations.
Vous pouvez compter sur moi et sur mon e?troite collaboration avec la Fe?de?ration Nationale des Chasseurs pour que les prochains textes le?gislatifs de simplification de la chasse soient conformes a? vos attentes et a? l’ide?e que je me fais d’une chasse de?mocratique et populaire.
La proposition de loi que j’ai pre?pare? [sic], de?fendu [sic] et fait vote? [sic] a? l’unanimite? au Se?nat en mai 2008 et qui a e?te? vote? [sic] conforme a? l’Assemble?e nationale le 18 de?cembre 2008 est le parfait exemple de la volonte? politique des e?lus qui de?fendent la chasse et les chasseurs. Et c’est en parfait accord avec Jean Louis Borloo que cette proposition de loi est devenue, a? la surprise ge?ne?rale et en quelques mois, une loi imme?diatement applicable.
Pourtant vous n’e?tes pas sans savoir que l’ordre du jour du Parlement e?tait totalement sature? et qu’une telle initiative n’aurait pas pu voir le jour sans un appui politique fort. Sans l’intervention pertinente de Je?ro?me Bignon, Patrick Ollier et Jean Franc?ois Cope? et le soutien total de Jean Louis Borloo, la « Loi Poniatowski » qui contient de nombreuses avance?es pour les fe?de?rations et les chasseurs, serait toujours en attente d’inscription au Parlement.
Me?me le sujet sensible du de?lit d’entrave a? la chasse, que j’avais retire? des de?bats apre?s un engagement formel du Gouvernement, va connai?tre une issue favorable. Jean Louis Borloo vient de confirmer au pre?sident de la Fe?de?ration nationale des chasseurs qu’un de?cret e?tait en pre?paration a? la Chancellerie et devrait faire l’objet d’une signature rapide apre?s une dernie?re concertation.
Lors de la re?cente rencontre entre le Ministre de tutelle de la chasse franc?aise et la Fe?de?ration Nationale des Chasseurs, des engagements tre?s pre?cis ont e?te? pris sur de nombreux dossiers qui inte?ressent le quotidien des chasseurs. La venue de Jean Louis Borloo a? votre Assemble?e ge?ne?rale sera l’occasion de confirmer ses engagements et d’annoncer le calendrier de leur re?alisation.
D’ailleurs votre ministre de tutelle qui n’a pas la langue de bois a? clairement reconnu qu’il avait commis des erreurs dans la gestion du dossier chasse ces derniers mois. Il n’a pas he?site? a? remettre en cause certaines de ses propres de?cisions comme sur « la martre et la belette » ou le grand te?tras, qui e?taient des initiatives malheureuses qui de?notent une me?connaissance flagrante de la gestion de la faune sauvage.
Plusieurs des dossiers qui viennent d’e?tre de?bloque?s sont l’application stricte des engagements du Pre?sident de la Re?publique et notamment ceux pris devant vous lors du Forum de la chasse du 20 fe?vrier 2007. C’est en particulier le cas concernant la gouvernance scientifique. La cre?ation dans les prochains jours du Groupe d’Experts pour les Oiseaux et leur Chasse (GEOC) re?pond a? l’urgence de la mise en place d’une gouvernance scientifique partage?e. Cela e?vitera les de?cisions politiques prises au gre? des pressions respectives des uns et des autres.
Reste le dossier tre?s sensible des dates d’ouverture et de fermeture de la chasse aux oiseaux migrateurs qui de?pend tre?s largement de Bruxelles et pour lequel nous ne pouvons pas choisir librement. Le travail au sein de la table ronde pre?side?e par mon colle?gue et ami, Je?ro?me Bignon, a donne? un bilan peut-e?tre imparfait aux yeux des chasseurs de gibier d’eau, mais positif puisque 20 jours de chasse supple?mentaires ont e?te? obtenu [sic] pour de nombreuses espe?ces. C’est un bon de?but de reconque?te.
Pour ma part, j’ai l’intime conviction que l’engagement personnel de Jean Louis Borloo et l’arrive?e de Chantal Jouanno sont des signes positifs qui vont aboutir a? de ve?ritables changements y compris dans l’organisation et dans le financement de la chasse franc?aise. C’est pourquoi je souhaiterais que le monde de la chasse e?vite d’e?tre de?faitiste au moment ou la reconque?te se confirme et conforte notre place au cœur de la ruralite? et de la biodiversite?.
Je vous prie de croire, Monsieur le Pre?sident, a? l’expression de mes sentiments les meilleurs.
Ladislas PONIATOWSKI
Doc 2 : l’Association Nationale des Chasseurs de Gibier d’Eau adresse une lettre à ses membres.
Paris, le 10 mars 2009
JL. BORLOO et J.BIGNON s’engagent pour la chasse du gibier d’eau
Dans le cadre de la rencontre qui s’est tenue le 09/03 au MEEDAT entre JL. BORLOO, J.BIGNON, l’ANCGE, la FACE et l’UFC, certains points importants ont e?te? aborde?s qui n’ont pu e?tre repris dans le communique? officiel.
• PMA huttes : le chantier va e?tre ouvert sans de?lai. Le de?cret Cochet qui bloque cette e?volution sera modifie? comme le demande l’ANCGE depuis plusieurs anne?es et le PMA e?thique huttes introduit dans la re?glementation.
• Mesures le?gislatives : J.BIGNON a re?affirme? la volonte? de l’Assemble?e Nationale d’introduire, via des DDOC (diverses dispositions d’ordre cyne?ge?tique) adosse?es a? la proposition de loi Poniatowski, plusieurs amendements re?pondant a? des reque?tes de l’ANCGE : chasse de nuit en Vende?e, droit de marchepied sur le DPF,…
• AEWA : Le ministre a souhaite? e?tre saisi par l’ANCGE d’une demande officielle de prise en compte de cet accord international dans le droit interne franc?ais. Une note technique a de?ja? e?te? re?alise?e sur le sujet, la reque?te officielle est en cours. Cette de?marche est essentielle pour pouvoir chasser les oies jusqu’au 20 fe?vrier.
• De?placement des huttes et gabions : Conforme?ment aux engagements pris, l’ANCGE a de?ja? transmis au ministre ses propositions de modifications re?glementaires tant pour les huttes des zones humides inte?rieures que pour les gabions du DPM (un proble?me re?current pour les ACM des grandes baies et estuaires).
Voilà, c’est fini pour aujourd’hui. Essayez de garder dans un coin de la tête l’acte 1, scène IV, de la pièce de Shakespeare, l’inoubliable Hamlet. Horatio est capitaine des gardes et Marcellus un simple garde. Dans cette scène, le spectre, qui est le roi Hamlet, père du personnage principal, vient de sortir. Voici la suite :
Horatio : …To what issue will this come ?
Marcellus : Something is rotten in the state of Denmark.
Horatio : ?Heaven will direct it.
Ce qui veut dire à peu près :
Horatio : …Quelle sera l’issue de tout cela ?
Marcellus : Il y a quelque chose de pourri au royaume du Danemark.
Horatio : Le ciel avisera.