Archives mensuelles : mars 2013

Mais de quelle nature on parle ?

L’idée de cet article m’est venue après avoir suivi la discussion entamée dans les commentaires accompagnant mon dernier papier sur France Nature Environnement (FNE). Ce que j’en retire : que faut-il sauver de ce qui reste ? Et faut-il d’ailleurs sauver ce qui reste, ces confetti de nature entourés, envahis, demain peut-être engloutis ? Je ne suis pas d’accord avec Xavier Brosse pour opposer les purs que seraient les François Terrasson (ici) et les Jean-Claude Génot (ici) à tous les autres défenseurs d’une nature fléchée, banalisée, surveillée, humanisée. Je précise que j’ai la plus grande sympathie pour ces deux-là et que j’ai assez bien connu Terrasson avant sa mort.

Leur personne n’est pas en cause, mais comme les copains, ils font avec. Terrasson a travaillé la plus grande partie de sa vie pour le Muséum national d’histoire naturelle, dont on pourrait parler longtemps, en bien comme en mal. Et Génot est toujours salarié, si je ne me trompe, du Parc naturel régional des Vosges du Nord, sur lequel il reste heureusement permis de s’interroger. Fin de la parenthèse et début d’autre chose, mais en lien. La Loire. Le magnifique, somptueux bassin de la Loire. Il couvre, tenez-vous bien, 117 000 kilomètres carrés, soit plus du cinquième de la France métropolitaine.

J’ai eu la chance insolente, en 1988, d’aller à la rencontre d’une poignée de siphonnés qui, au Puy-en-Velay, dans ce bastion du catholicisme de droite, avaient juré de sauver la Loire. Un incroyable crétin médiéval, Jean Royer – alors maire de Tours – avait décidé de mater notre grand fleuve en engageant l’État, via un établissement public appelé Epala, dans un programme de grands barrages sur la Loire et ses affluents, qui auraient ruiné à jamais la dynamique du fleuve. Qui l’auraient buté, je crois que le mot est encore plus juste. À l’amont du Puy – mais la ville n’est pas au bord du fleuve -, Royer et ses sbires voulaient ennoyer 14 kilomètres de gorges sauvages, et bâtir le barrage de Serre-de-la-Fare. Je préfère ne pas commencer à parler de ce lieu et de la beauté fracassante des gorges, et des si nombreux bonheurs que j’y ai connus, car nous y serions encore dans un mois.

Abrégeons. Le combat a cette fois payé, et Royer, qui ressemble assez fort à Ayrault et à son projet d’aéroport, a été défait. La Loire a bel et bien été sauvée, grâce à une splendide mobilisation, des sources jusqu’à l’embouchure. J’y ai gagné au passage des amis chers, que je ne peux tous citer, car j’aurais bien trop peur d’en oublier. Trois me viennent à l’esprit dès que je ferme les yeux : Martin Arnould, Roberto Epple, Régine Linossier. Ils m’ont tant apporté que je serai toujours en dette à leur endroit. Seulement, l’eau a coulé sous les ponts de Brives-Charensac, Tours et Nantes. Hélas.

Je lis ces jours-ci divers papiers (ici, ici et ) sur une vaste étude menée au long de la Loire par  Charles Lemarchand et Philippe Berny, (VetAgroSup) et René Rosoux, du muséum d’Orléans. Le fond en est clair : ces trois scientifiques ont examiné le corps de grands cormorans, balbuzards pêcheurs, loutres, écrevisses, coquillages bivalves, anguilles, truites, poissons-chats, chevaines, etc. Comme il s’agissait d’une étude écotoxicologique, 54 contaminants ont été recherchés, et le plus souvent, trouvés. Je note, pour moi-même et pour vous, que 1 000 ou 2 000 auraient pu être ciblés, mais cela n’arrive jamais, car le coût d’une étude portant sur tant de molécules se révèlerait prohibitif.

Donc, 54. Les chercheurs démontrent en fait une contamination généralisée. Les animaux « sauvages » de la Loire sont des décharges vivantes, dont les tissus contiennent des PCB – interdits depuis 1987 -, du mercure, des pesticides organochlorés et organophosphorés, des radionucléides. C’est un empoisonnement, et il est universel. So what ? Je repense aux braves de Serre-de-la-Fare, et je suis bien obligé de tirer les conclusions qui s’imposent : oui, ils ont sauvé les extraordinaires gorges de la Loire, si belles, si chères à mon cœur amoureux, mais oui également, ils ont perdu la Loire. Et nous avons tous perdu la Loire.

Ce constat rejoint bien sûr la discussion ouverte sur Planète sans visa. Que sauve-t-on ? Que peut-on sauver ? Et à quoi bon sauver des bouts de nature ? J’entends déjà les protestations. Comment ? La bataille contre les barrages de la Loire serait donc dérisoire ? Eh non, elle ne l’est pas ! Eh si, elle l’est aussi. Ceux de Loire Vivante – outre SOS Loire Vivante, au Puy, des gens valeureux comme Bernard Rousseau, à Orléans, Monique Coulet, Christine Jean, à Nantes – avaient pourtant en tête, rompant de fait avec les anciennes formes d’engagement écologique, l’écosystème complet du fleuve. Ils entendaient placer leur réflexion aux dimensions du bassin versant. Et comme je les ai admirés pour cela !

Mais cela n’a pas suffi. Il y a quarante ans – cher Jean-Pierre Jacob, serez-vous d’accord avec moi ? -, beaucoup pensaient que le combat pouvait avoir un sens au plan strictement local. On voulait souvent sauver un bout de marais, une tourbière, un coteau à orchidées. Il y a vingt ans, ceux de la Loire, qui avaient modifié le cadre ancien, se battaient pour un fleuve. Et nous devons apprendre à nous battre pour l’ensemble du vivant, ce qui est incomparablement plus complexe. Ce que confirme l’étude Lemarchand-Berny-Rosoux, après tant d’autres, c’est que nous devons faire face à une entreprise de mort globale. Défendre une partie seulement, c’est fatalement perdre la totalité au bout du chemin.

Et voilà le point central du combat écologique tel que je le conçois : il faut accepter d’affronter le système lui-même, la matrice, le fondement de la destruction du monde. Le cadre que je propose est vaste, qui inclut l’organisation même de l’économie, le partage des pouvoirs, l’idée de pouvoir elle-même, le capital et ses délires, toutes les classes politiques, toutes les anciennes manières de penser l’Homme et tous les êtres qui paient le prix de sa folie actuelle. Je m’arrête, car on m’aura compris : il faut une révolution intellectuelle et morale au regard de laquelle 1789 serait une ride à la surface d’une goutte d’eau. C’est à cela qu’il faut se préparer, même si cela ne devait jamais arriver. Tout le reste ne nous enfoncera jamais qu’un peu plus dans le désastre.

Je n’ai (presque) rien contre France Nature Environnement

Avis : le vrai sujet du jour, Jean-Claude Bévillard, est caché plus bas.

Tout le monde ne connaît pas France Nature Environnement (FNE). C’est la principale structure de protection de la nature en France, et de loin. FNE prétend fédérer 3 000 associations locales, au travers de grandes associations régionales comme Alsace Nature, Nord Nature, Bretagne vivante ou encore la Frapna (ici). Le chiffre est peut-être exagéré, mais l’ordre de grandeur est là. Je précise d’emblée que je suis membre de Bretagne vivante depuis 25 ans, et que j’écris un billet dans chaque livraison de la revue de cette belle association. En somme, je suis membre de FNE, ce qui en fait enrager plus d’un, et voici pourquoi.

FNE est née en 1968 sous le nom de Fédération française des sociétés de protection de la nature et de l’environnement (FFSPNE), et a changé de nom en 1990. En résumé brutal, cette structure est le fruit d’une rencontre entre des sortes de sociétés savantes emplies de bon naturalistes – souvent des professeurs – et une partie de la jeunesse révoltée de l’après-68. Les sociétés savantes naturalistes ont une histoire, qui plonge ses racines dans notre 19ème siècle. Je ne crois pas calomnier en disant qu’elles ont le plus souvent été du côté des pouvoirs en place. Sans 68, ce train-train aurait continué sans aucun doute, et il faut reconnaître que dans ces années-là, nos naturalistes estampillés ont fait le notable effort de s’ouvrir à la société.

70 % de financements publics

Comme j’ai écrit un livre sur le sujet (Qui a tué l’écologie ? LLL, 2011, Points-Seuil pour l’édition de poche en 2012) je ne m’attarde pas. Ce livre m’a conduit à des ruptures avec des responsables de FNE que je connaissais depuis des lustres. Et qui n’ont pas supporté, et c’est bien leur droit, la très vive mise en cause de FNE que j’y ai exposée. En deux mots, il me semble que cette fédération s’est bureaucratisée, qu’elle ne mène plus aucun grand combat, qu’elle mange dans la main des pouvoirs politiques en place, ligotée qu’elle est par un financement public qui, toutes sources confondues, doit approcher, voire dépasser 70 % de ses revenus. Chemin faisant, FNE s’est compromis dans de très mauvaises actions avec des fabricants de pesticides (ici) ou des tronçonneurs des Antipodes (ici), et de plus en plus souvent, côtoie des gens que je considère comme des ennemis, et qui sont traités comme des copains.

Une anecdote inédite permettra de situer la détestation qu’éprouvent pour moi bien des chefs et chefaillons de France Nature Environnement. Je la crois très drôle, et j’espère que vous rirez avec moi. Nos sommes en mai 2011 et Sarkozy, alors maître de l’Élysée, reçoit pour la énième fois les associations écologistes officielles qui lui ont permis de produire le Barnum du Grenelle de l’Environnement, à l’automne 2007. Tout le monde est là : la fondation Hulot, Greenpeace, le WWF, FNE, Écologie sans frontières, etc. Quel est l’ordre du jour du raout ? Je gage que tout le monde l’a oublié. À un moment, contre toute attente, un geignard de FNE dont je tairai charitablement le nom, s’adresse directement au président Sarkozy. Pour lui parler enfin de la gravité de la crise écologique ? Hé non ! Pour se plaindre de moi. En substance, le pleurnichard raconte à Sarkozy qu’un vilain méchant du nom de Nicolino vient de publier un livre qui s’attaque d’une manière odieuse à FNE, et à tous les gogos du Grenelle.

Sarkozy et Nicolino à l’Élysée

Attendait-il que Sarkozy envoie le GIGN ? Plus probablement qu’il envisage des sanctions. En tout cas,  Sarkozy écarquille les yeux, se tourne vers Serge Orru, du WWF, pour lui dire : « Mais c’est qui, ce Nicolino ?». Orru aurait calmé le jeu en affirmant qu’il n’était pas convenable de déballer son linge de cette manière. Je ne garantis pas tout, mais l’esprit général de la scène, oui. Deux personnes, indépendamment l’une de l’autre, m’ont raconté l’épisode. Je crois pourvoir donc dire que les bureaucrates-en-chef de FNE me détestent. J’espère qu’ils savent à quel point je m’en fous.

Reprenons. Si j’écris aujourd’hui, c’est pour parler d’un de ces bureaucrates, Jean-Claude Bévillard. Il est vice-président de FNE, en charge des questions agricoles. Le sujet est chaud, car le Parlement européen, travaillé par les habituels lobbies industriels – dont fait partie, au premier rang, l’étrange syndicat paysan FNSEA (1) – a voté le 13 mars une réforme de la Politique agricole commune (PAC) qui ne change rien, hélas, à la puissance colossale de l’agro-industrie (ici). Un Bévillard devrait en ce moment être sur les barricades, fussent-elles symboliques. N’est-il pas, censément, un écologiste ?

Oh pas si vite ! Cela fait des années qu’à l’occasion, toujours par hasard, je tombe sur des propos de Bévillard. On ne saurait trouver plus conciliant avec les grandes structures de l’agriculture intensive, dont la FNSEA, le Forum de l’agriculture raisonnée respectueuse de l’environnement (Farre), entourloupe maintes fois dénoncée, les coopératives agricoles, et même l’industrie des pesticides. Pour vous donner une idée, et si vous en avez le temps bien sûr, jetez un regard à l’entretien que Bévillard a accordé à l’automne 2012 (ici) à Farre. Cela dure 4mn18, et je vous conseille la fin, quand Bévillard exprime sa vision de l’agriculture de demain. Précisons que Farre (ici) regroupe à la bonne franquette Monsanto, In Vivo, la FNSEA, Syngenta, DuPont, l’UIPP (l’industrie des pesticides), etc.

Une tribune parue dans L’Écologiste

Donc, Bévillard. Je n’aurais rien écrit sur lui si je n’avais lu la tribune qu’il a signée dans le dernier numéro de L’Écologiste (janvier-mars 2013). Cette fois, j’en ai eu franchement marre, mais grave. Sous le titre « Les nitrates sont-ils vraiment un danger », il nous sert des bluettes tout à fait dignes de ses amis de Farre. Mais le pire, selon moi, est cette phrase, qui résume jusqu’où va la compromission : « L’agriculture biologique montre le chemin par la qualité de ces [sic] pratiques et de ces [resic] produits mais de nombreux agriculteurs, dits conventionnels, démontrent aussi que l’on peut être compétitif en respectant mieux la qualité de l’eau, du sol, de la biodiversité ».

Je n’ai pas un goût particulier pour l’exégèse, mais je crois nécessaire de commenter ce morceau de bravoure bien involontaire. Notez d’abord la manière de parler de la bio. Ce n’est plus une manière nouvelle, cohérente d’habiter la Terre. Ce n’est pas un système écologique et social susceptible d’enfin rebattre les cartes. Non, Bévillard vante la qualité des produits. La suite n’est jamais que pleine et entière réhabilitation de l’agriculture industrielle, présentée gentiment sous l’euphémisme « agriculteurs dits conventionnels ». Et ces braves qui font le bien ne sont nullement une minorité, car voyez, ils sont « nombreux ». Enfin, je vous invite à réfléchir à la présence tonitruante de l’adverbe « aussi », qui introduit sans détour l’idée d’égalité entre les deux parties de la phrase bévillardienne. La bio et ces excellents paysans « conventionnels » sont mis sur le même plan.

C’est lamentable ? Pour moi, aucun doute, c’est lamentable. Déshonorant serait plus juste, mais ce mot n’aurait de sens que si Bévillard était un écologiste. Mais il ne l’est pas. Il est évidemment la caution verte d’un capitalisme agricole qui continue de détruire les équilibres naturels, et promeut l’usage criminel des biocarburants dans un monde qui compte près de 900 millions d’affamés chroniques. Est-ce que je passerai mes vacances avec lui ? Plutôt rester chez moi.

Le salon de l’Agriculture de 2007

Pour la route, une seconde anecdote. Nous sommes en mars 2007, au salon de l’Agriculture de la porte de Versailles, à Paris. François Veillerette, mon vieil ami, et moi-même, venons juste de publier Pesticides, révélations sur un scandale français (Fayard). Le journaliste Bernard de La Villardière s’occupe d’une télé qui émet à l’intérieur du salon, et nous a invités, François et moi, pour un débat qui s’annonce vif. Je me marre intérieurement, car je me réjouis d’affronter ceux que nous venons de secouer comme des pruniers dans notre livre. Nous arrivons. Pas de bouses lancées sur nos têtes, mais une certaine tension, oui. La Villardière a visiblement dealé avec les organisateurs (voir le nota bene), car nous sommes confrontés, sur le plateau à quelque chose comme six représentants du système agro-industriel. Ou peut-être sept ? Il y a là la FNSEA, l’industrie, une chambre d’agriculture, je ne sais plus trop qui. En face de nous deux.

Le débat a lieu, qui ne m’a pas laissé de francs souvenirs. L’idée de nos adversaires était de nous asphyxier, mais je crois pouvoir écrire sans forfanterie qu’on ne nous étouffe pas aisément. Bref, cela se termine. À ce moment-là, et j’espère que l’on me croira, je découvre, stupéfait, que, sur le papier du moins, nous n’étions pas seuls, François et moi. Car, et vous l’avez sans doute deviné, Jean-Claude Bévillard avait lui aussi été invité. Mais, par Dieu ! il avait choisi son camp, au point de siéger de l’autre côté de la table, avec ses bons amis. Je jure, je vous jure solennellement que je pensais qu’il faisait partie de la clique. Tous ses propos, en tout cas, pouvaient me le laisser croire. Si quelqu’un, par extraordinaire, dispose d’un enregistrement de ce grand moment de vérité, je suis preneur. Oh oui !

(1) Existe-t-il beaucoup de structures dont l’activité principale consiste à faire disparaître au plus vite leurs membres ? La FNSEA a cogéré depuis près de 70 ans, avec tous les gouvernements, la mort des paysans. Qui formaient le tiers de la population active française en 1945 et peut-être le trentième aujourd’hui. Ou moins encore.

Nota Bene du 16 mars au soir : Bernard de La Villardière écrit qu’il n’est pas content de cet article. Il affirme qu’il a été mis devant le fait accompli et qu’il ne savait pas qu’il y aurait au Salon de l’Agriculture, face à François Veillerette et moi, une escouade de l’agriculture intensive. Je me souviens en effet qu’il n’était pas content, et je retire donc volontiers le mot « dealé ». Il s’agissait bel et bien d’un procès d’intention, et je n’ai pas de raison de douter de sa parole. Dont acte.

Un dégueulis nucléaire made in America

Publié dans Charlie Hebdo du 6 mars 2013

À Hanford, on a fabriqué le plutonium qui a rasé Nagasaki. Le site, qui a la taille d’un département comme l’Essonne, dégueule du plutonium plein pot dans la nappe phréatique et le fleuve Columbia. Les autorités s’en cognent à fond.

Situons l’endroit : Seattle, la grande ville du nord-ouest américain, est à 260 kilomètres au sud-est du pays de l’atome. Le complexe nucléaire Hanford est aujourd’hui le lieu le plus pollué des Etats-Unis, qui compte pourtant un paquet de sites maudits. Avant le progrès, la région abritait des peuples indiens qui pêchaient le saumon dans le fleuve Columbia. On le sait d’autant mieux qu’en 1805, au cours de leur mythique traversée du continent américain, les capitaines Lewis et Clark ont descendu la Columbia jusqu’au Pacifique (1), rapportant l’émerveillement de l’expédition.

200 ans plus tard, le département Énergie de l’État d’Oregon écrit en 2006 : « Pendant plus de quarante ans, le gouvernement américain a produit du plutonium pour les armes nucléaires sur le site d’Hanford. Le processus a généré d’énormes quantités de déchets nucléaires et chimiques (…) [Les fuites] ont déjà atteint la nappe phréatique et finiront par rejoindre le fleuve (2) ».

Qu’y a-t-il de nouveau sous le feu nucléaire ? Rien. Une bricole. Le gouverneur local, Jay Inslee, a brutalement révélé le 22 février que six réservoirs enterrés, bourrés des déchets les plus radioactifs, sont percés, balançant dans le sous-sol un jus de radionucléides. Tout le monde sait que des dizaines de cuves fuient, mais cette fois, le sénateur Ron Wyden, président du puissant Comité fédéral de l’énergie, a fait les gros yeux et annoncé une inspection générale du site.

On peut commencer à pleurer, car l’Histoire de Hanford est rigolote de bout en bout. En 1943, les savants atomistes du Manhattan Project s’installent, sur une surface qui finira pas atteindre 1518 km2, à peine moins que la taille d’un département comme l’Essonne. 50 000 ouvriers construisent des centaines de bâtiments, on lourde les 1500 habitants de Hanford et les Indiens Wanapum, et vogue la galère.

Galère est le mot juste. La noble transnationale DuPont construit le premier vrai réacteur capable de produire du plutonium, qui permettra en 1945 d’envoyer un pruneau atomique sur la ville japonaise de Nagasaki. 75 000 morts d’un seul coup. Dès 1946, c’est une autre boîte privée, General Electric, qui assure la gestion du site, déchets compris. La priorité étant à la guerre – chaude avec les Japs, froide avec les Russkofs -, tout le monde se tape de savoir ce que deviendront les déchets. L’heure est au fast track, l’idéologie du plus court chemin pour arriver au but.

Tom Carpenter, directeur de l’association Hanford Challenge (3) : « La méthode Fast Track signifie que le dépôt a été conçu et construit en l’absence de technologies de stockage des déchets nucléaires sûres et sécurisées, dans l’espoir de les introduire plus tard, quand elles auraient fait leur apparition ». Vraiment pas de chance, car elles n’ont pas fait leur apparition, et en 1987, après 40 années de belle activité nucléaire, Hanford ferme. Officiellement, car le seul entretien des cuves, piscines, fûts, réacteurs en charpie, bâtiments en ruine coûte 2,5 milliards de dollars par an.

Mais pour la mise en sécurité, que dalle. Tant que les réacteurs – 9 au total ont fonctionné – crachaient de l’énergie, ils étaient refroidis par les flots généreux de la Columbia, qui a morflé beaucoup plus que ce qu’ont prétendu les militaires. 19 000 documents déclassifiés en 1986 (4) permettent de saisir l’énormité des rejets dans l’eau et des mensonges officiels.

Le bilan est simple : tout est pourri, pour une durée qui dans le cas du plutonium se chiffre en centaines de milliers d’années. Hanford, qui contient les deux tiers de tous les déchets nucléaires américains, est la propriété du département de l’Énergie (DoE) qui décide de la réglementation et des contrôles. Et il ne veut pas payer, car ce serait trop cher, et peut-être impossible. Tel est le nucléaire : on crée des poisons pour l’éternité et au bout de quelques décennies, on pleure sa mère. Tas de connards.

(1)    La piste de l’Ouest et le Grand retour (Phébus)
(2)    The Columbia River at Risk, juillet 2006
(3)    http://www.hanfordchallenge.org
(4)    http://www.geocities.ws/irradiated45rems/2page1.html

Je n’ai (presque) rien contre l’UFC-Que Choisir

Sans le hasard d’une conversation téléphonique – Hervé B. se reconnaîtra peut-être -, je n’aurais rien su d’Olivier Andrault. Et je précise de suite que je n’ai rien de personnel contre cet homme que je ne connais aucunement. Il est peut-être, il est sans doute une excellente personne, et même si les mots qui suivent risquent de le blesser, je tenais à cette précaution. Mais commençons, ce sera plus clair.

J’ai écrit en 2009, on finira par le savoir, le livre Bidoche, l’industrie de la viande menace le monde (LLL, puis en poche chez Babel). Chemin faisant, je me suis posé quantité de questions, dont certaines concernant l’association de consommateurs UFC-Que Choisir. Je me demandais régulièrement ce qui était arrivé à cette structure qui menait tant de beaux combats dans les années 70 du siècle passé. En 1980, l’UFC avait lancé un retentissant boycott du veau aux hormones, qui avait fait plier l’industrie de la viande. Et puis de moins en moins d’actions authentiques. Et puis à peu près rien. Je reconnais que cette involution a été parallèle à celle de la société tout entière, passée sans transition des bagarres de l’après-68 au calme plat des années mitterrandiennes.

En tout cas, je m’interrogeais. Et quand a éclaté le soi-disant « scandale de la viande de cheval », j’ai de nouveau été étonné de l’impressionnant silence de l’UFC. Certes, elle a dû publier des communiqués, je n’en doute pas. Mais à part ce service on ne peut plus minimum ? J’en étais là jusqu’au coup de fil de cet après-midi. Mon interlocuteur, très critique sur l’état de l’UFC, m’a signalé l’existence d’Olivier Andrault. Qui est-il ? Vous irez voir si vous le souhaitez l’un de ses articles publiés sur le site du très libéral Atlantico (ici). Ma foi, d’un côté, il a certes bien le droit. Mais d’un autre, sa courte biographie, proposée sous sa photo, m’a aussitôt fait sursauter.

Je vous la livre in extenso : « Olivier Andrault est ingénieur en agro-alimentaire. Il est chargé de mission « agriculture et alimentaire » pour l’association de consommateurs UFC-Que choisir. Il effectue aussi des missions pour Programme national nutrition santé, pour le Ministère de l’Agriculture et de la pêche, où il travaille pour l’amélioration nutritionnelle des aliments. Il fait aussi parti du groupe d’orientation de l’observatoire de la qualité de l’alimentation ». Ce qui me cloue vraiment sur place, c’est la bonhomie avec laquelle Olivier Andrault présente ses activités. Il bosse à la fois pour le ministère de l’Agriculture industrielle, coresponsable majeur du désastre général, pour le Programme national nutrition santé, dirigé par le très contestable Serge Hercberg, que j’ai étrillé dans mon livre Bidoche, et pour l’UFC Que Choisir. Et pas, dans ce dernier cas, sur des questions annexes. L’agriculture et l’alimentation sont en effet au centre de notre monde.

Question légitime : quand éclate le soi-disant « scandale de la viande de cheval », où va la loyauté d’Olivier Andrault ? Au ministère, à Serge Hercberg ? Aux consommateurs ? Voyez-vous, le pire n’est pas encore là. Le pire est que ce mélange ahurissant des genres n’émeut personne, ne choque personne, ne provoque aucune mise en demeure de choisir clairement entre des intérêts parfaitement contradictoires. Y a-t-il quelque chose de pourri au royaume de Que Choisir ? C’est possible. Y a-t-il quelque chose de pourri dans notre manière de voir le monde et ses acteurs ? J’en suis sûr.

AJOUT CONSIDÉRABLEMENT IMPORTANT EN DATE DU 22 MAI 2013

Amis lecteurs, j’ai reçu le 16 avril un mail d’un responsable juridique de l’UFC Que Choisir, Nicolas Godfroy. En voici le texte :

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Monsieur Nicolino,

Je vous contacte en qualité de responsable juridique au sein de l’UFC Que Choisir.

Nous avons été particulièrement surpris par votre article intitulé « Je n’ai (presque) rien contre l’UFC-Que Choisir » mettant en cause notre action mais également l’engagement d’un de nos salariés.

Il nous semble que cette présentation que nous jugeons erronée résulte d’une certaine méconnaissance de nos actions et de l’implication de nos salariés.

Nous souhaiterions donc pouvoir en discuter avec vous.

Vous pouvez me joindre à l’adresse ngodfroy@quechoisir.org ou au 01.44.93.19.50

Bien cordialement,

Nicolas Godfroy
Responsable Juridique
UFC Que Choisir

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J’ai répondu le même jour ceci :

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Cher monsieur,

Je n’arrive pas à vous joindre, et comme je l’ai expliqué à une personne de l’UFC au téléphone – au numéro que vous indiquez -, je pars demain matin pour une douzaine de jours à l’étranger, sans portable.

Je m’interroge bien sûr sur le sens de votre courrier. Le fait que vous vous présentiez comme responsable juridique a-t-il un sens particulier ? J’ai dit à mon interlocutrice que je lirai avec plaisir – et publierai sûrement – une réponse de l’UFC sur Planète sans visa. Mais pour le reste, j’estime que nous sommes dans la confrontation de points de vue, aussi éloignés qu’ils paraissent.

Bien à vous,

Fabrice Nicolino

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Et là-dessus, j’ai eu un ou deux échanges téléphoniques avec ce monsieur Godfroy, trouvant bien étrange de n’avoir aucun contact avec Olivier Andrault, que je mettais en cause à ma manière, et donc avec vivacité. Mais comme je n’ai souvent qu’une parole, je pensais bien mettre en ligne ici une réponse de l’UFC. Réponse qui n’est jamais venue. À la place, un nouveau courrier de M.Godfroy, qui à mes yeux ne saurait représenter l’association de consommateurs. Voici ce texte, daté du 23 avril  :

——

Cher Monsieur,

Je fais suite à notre conversation téléphonique et comme convenu je reviens vers vous suite aux éléments mis en avant dans le cadre de votre article. En effet, comme je vous l’ai indiqué, l’objectif est en premier lieu d’éclaircir un malentendu qui porte atteinte à l’honneur de l’un de nos collaborateurs les plus anciens dans la défense des consommateurs

Tout d’abord, contrairement à ce qui est présenté dans le cadre de cet article, il ne s’agit pas d’articles de Monsieur Andrault mais d’articles rédigés par des journalistes du site Atlantico, comme d’ailleurs la fiche de présentation de Monsieur Andrault.

Il est dès lors inexact de présenter les articles d’Atlantico comme ses articles mais également d’indiquer  » c’est la bonhomie avec laquelle Olivier Andrault présente ses activités » qui sont de la seule responsabilité de la rédaction d’Atlantico. Et vous savez bien en qualité de journaliste d’expérience que l’interviewé n’intervient pas sur le contenu de la publication.

Ensuite, concernant plus spécifiquement votre déduction sur le fait que Monsieur Andrault aurait différents employeurs, celui-ci ne travaille que pour l’UFC Que Choisir et intervient, à ce titre et sur demande du conseil d’administration de notre association (plus spécifiquement notre bureau),  dans différentes instances pour faire valoir les droits des consommateurs, notamment face aux demandes des professionnels (ce qui est loin d’être toujours évident).

Il n’est bien sûr jamais rémunéré par des tiers tel que le ministère de l’agriculture pour ses interventions ou participations à des commissions, instances publiques ….

Exerçant auparavant ses fonctions au sein de la CLCV, cela fait donc plus de 10 ans que Monsieur Andrault œuvre en faveur des consommateurs, ce qui peut facilement être vérifié en consultant son profil linkedin (donc préparé par lui-même cette fois) accessible à tous.

N’hésitez pas à me contacter si vous avez des questions complémentaires

Nicolas Godfroy
Responsable Juridique
UFC Que Choisir
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Depuis cette date, je dois reconnaître que j’ai traîné. Pour plusieurs raisons. Un, comme indiqué, je ne considère pas M.Godfroy comme le représentant de l’UFC. Deux, M.Andrault ne s’est jamais manifesté. Trois, le texte précité entend rectifier quelque chose que M.Andrault continue étrangement de valider. Car à la date d’aujourd’hui, 22 mai, il n’est toujours pas intervenu auprès d’Atlantico pour modifier la présentation qui est faite de lui, et qui dit précisément : « Olivier Andrault est ingénieur en agro-alimentaire. Il est chargé de mission « agriculture et alimentaire » pour l’association de consommateurs UFC-Que choisir. Il effectue aussi des missions pour Programme national nutrition santé, pour le Ministère de l’Agriculture et de la pêche, où il travaille pour l’amélioration nutritionnelle des aliments. Il fait aussi parti du groupe d’orientation de l’observatoire de la qualité de l’alimentation ».

Je résume : M.Godfroy veut que je rectifie le tir, mais M.Andrault laisse complaisamment le site Atlantico écrire sur son compte qu’il travaille à la fois pour l’UFC et le ministère de l’agriculture industrielle. Bon, c’est comme ça. Dernier point : M.Godfroy vient, dans un dernier message, de me faire les gros yeux et de m’annoncer qu’il va m’adresser un droit de réponse. Eh bien, en attendant, voici.

Le point de vue d’un électeur du Front de Gauche sur Chávez

Je ne peux résister à vous offrir cette tribune de Marc Saint-Upéry parue dans Le Monde avant la mort du glorieux Chávez (le 4 octobre 2012). Saint-Upéry est un altermondialiste bien connu dans ce milieu. Journaliste, traducteur, éditeur, essayiste, il habite en Équateur depuis longtemps et connaît très bien les gauches latino-américaines. Ce qui ne signifie évidemment pas qu’il a raison. Mais le propos ci-dessous mérite d’être lu, éventuellement une fois de plus.

Un antimodèle à gauche

LE MONDE | 04.10.2012

Par Marc Saint-Upéry, essayiste et traducteur

Présenter aujourd’hui l’expérience chaviste comme une inspiration pour la gauche européenne est tout simplement une escroquerie intellectuelle. Si l’on prétend débattre du Venezuela, mieux vaut ne pas substituer à une analyse sérieuse des demi-vérités propagandistes glanées lors de visites guidées dans les villages Potemkine du cirque bolivarien.

Observateur et militant sur le terrain des processus politiques et sociaux sud-américains depuis quinze ans, je suis aussi électeur du Front de gauche. C’est à ce double titre que je souhaite apporter mon point de vue. Bénéficiaire de la plus abondante manne pétrolière de son histoire, le Venezuela a engagé à partir de fin de l’année 2003 une politique de réduction de la pauvreté méritoire mais très problématique dans ses méthodes comme dans sa substance.

Elle se heurte depuis cinq ans à des limites intrinsèques tandis que persistent ou s’aggravent des problèmes aigus d’insécurité, d’inflation, de logement et de sous-emploi. Quant à la marche vers le « socialisme », signalons simplement que la part du secteur privé dans la formation du PIB vénézuélien a en fait augmenté sous les mandats d’Hugo Chavez.

Parallèlement à la décadence avérée des « missions » bolivariennes – brièvement revitalisées à coups de pétrodollars avant chaque élection -, ce qui fait défaut, c’est une véritable politique sociale articulée à une réforme cohérente de l’appareil d’Etat. Le social, au Venezuela, ce sont des opérations de commando extra-institutionnelles, sans horizon soutenable défini, parfois militarisées, ou bien directement gérées par un Etat étranger en échange de cadeaux pétroliers.

Nul besoin de prêter l’oreille à la propagande de la droite locale pour comprendre comment cette politique velléitaire s’inscrit dans la logique perverse du pétro-Etat vénézuélien. Dans un document datant de 2011, le Parti communiste vénézuélien, allié discrètement réticent d’Hugo Chavez, signale que non seulement « le modèle de capitalisme dépendant rentier et improductif dominant dans notre pays se perpétue, mais qu’il se renforce ».

On ne constate « aucun progrès en matière de diversification de l’économie » mais au contraire un grave approfondissement de sa dépendance – technologique et alimentaire en particulier – et le triomphe d’une bourgeoisie importatrice parasitaire. Les communistes vénézuéliens soulignent en outre que les initiatives économiques de type coopérative ou « entreprise de production sociale » promues marginalement par le régime ont « très peu de succès » – un euphémisme poli vu les désastres observables sur le terrain.

Dénonçant les dégâts de l’hyperprésidentialisme et l’absence totale « d’instances de direction collective « , ils décrivent l’Etat bolivarien comme « hautement inefficace », constatent une « intensification de la corruption » et déplorent, à côté d’avancées sociales partielles et fragiles, une véritable « régression en matière de planification, de coordination et de prestation d’une série de services publics fondamentaux ». Conclusion : « On ne peut plus occulter le fossé entre le discours « socialiste » de certains acteurs gouvernementaux et la pratique concrète du gouvernement, et la tension qui en résulte atteint un point critique. »

C’est le même diagnostic qu’émettent les nombreuses organisations politiques et sociales de gauche et les dizaines de milliers de militants progressistes honnêtes qui, ces dernières années, ont pris leurs distances à l’égard du processus bolivarien. Aussitôt traités de « traîtres » et d' »agents de l’Empire » par les sbires du régime, ils ont pourtant cent fois raison de dénoncer ses contradictions criantes et la culture politique ultra-autoritaire constamment réaffirmée par la voix de son maître : « J’exige la loyauté absolue envers mon leadership. Je ne suis pas un individu, je suis un peuple… Unité, discussion libre et ouverte, mais loyauté… Tout le reste est trahison. » (Hugo Chavez, janvier 2010.)

Résumons. Sur le plan social, aux efforts redistributifs des années 2004-2006 – passablement erratiques mais ayant eu le mérite de mettre la question sociale au centre du débat politique – a succédé une phase de stagnation liée aux gravissimes dysfonctions d’un Etat rentier colonisé par la boliburguesía (la « bourgeoisie bolivarienne »).

Sur le plan économique, on constate l’approfondissement vertigineux d’un modèle parasitaire, dépendant et corrompu que Chavez n’a pas inventé, mais dont il a porté à l’extrême tous les traits les plus néfastes. Sur le plan international, il y a longtemps que tout le monde sait en Amérique latine que, du fait de ses incohérences et de son histrionisme stérile, Chavez a perdu la bataille du leadership régional.

Le discours « anti-impérialiste » du régime, dont les relations pétrocommerciales avec les Etats-Unis sont excellentes, se résume à un soutien indéfectible et tonitruant à Mouammar Kadhafi, Bachar Al-Assad, Mahmoud Ahmadinejad ou Alexandre Loukachenko. Qui plus est, Chavez est pathétiquement dépendant des multinationales brésiliennes et mange dans la main de son « meilleur ami », le président colombien Juan Manuel Santos, allié crucial de Washington.

Au niveau des pratiques institutionnelles, le gouvernement de Chavez n’est certes pas une dictature, mais, pour prendre une comparaison européenne, sur un gradient d’autoritarisme manipulateur qui irait de Silvio Berlusconi à Vladimir Poutine, il est très proche dans ses méthodes et son esprit d’un régime comme celui de Viktor Orban en Hongrie.

Justice aux ordres, criminalisation des mouvements sociaux et du syndicalisme de lutte (les « affaires Tarnac » de Chavez se comptent par dizaines), incarcérations arbitraires, interdictions professionnelles, confusion systématique du parti et de l’Etat, mépris des mécanismes et des garanties définis par la Constitution bolivarienne, tolérance complice de la corruption dans les rangs du pouvoir et protection éhontée des nouveaux riches au service du régime, la liste des abus et des violations est copieuse.

Enfin, en termes d’éthique militante, Chavez et son parti croupion incarnent un modèle hyper-caudilliste caractérisé par ses tendances mafieuses et son charlatanisme idéologique. Malgré une érosion électorale constante depuis 2007, Chavez conserve suffisamment de capital charismatique pour gagner les élections, et les Vénézuéliens ont le droit de choisir leurs dirigeants sans ingérences extérieures ni campagnes de diabolisation. Mais sur le fond, le « modèle » bolivarien est exactement le contraire de ce à quoi devrait aspirer une gauche digne de ce nom.

© Marc Saint-Upéry

Marc Saint-Upéry est l’auteur du « Rêve de Bolivar : le défi des gauches sud-américaines » (La Découverte, 2007)