Ce n’est qu’un petit hommage à une bête sauvage : l’ours. Dieu du ciel, on en a compté 52 dans le massif des Pyrénées, ce qui n’était pas arrivé depuis des dizaines d’années. Ainsi qu’on verra peut-être, ce n’est qu’un tout petit début, le combat continue (air connu). Il faudrait en effet 50 adultes reproducteurs, et une plus grande variabilité génétique, pour pouvoir enfin être sûr que la nouvelle population des Pyrénées est viable.
Il n’empêche ! 10 oursons sont nés en 2019 (chiffres 2020), ce qui mérite champagne au frais. Vous le savez – ou non -, mais sans les efforts colossaux de quelques allumés, on ne parlerait plus d’ours dans cette partie de notre monde. Je veux citer, car je l’ai connu – il en est d’autres, désolé – Roland Guichard. Avec l’aide d’une entreprise de vente par correspondance – la Maison de Valére -, il a inlassablement défendu la cause de l’ours dans les années 80, quand les derniers autochtones disparaissaient de France. D’autres ont pris le relais. Les célèbres duettistes Alain Reynes et François Arcangeli, auprès de qui nous avons tous une dette écologique et morale, et bien entendu les amis de Ferus, Jean-François Darmstaedter, Sabine Matraire, Sandrine Andrieux, Patrick Leyrissoux, mon cher Patrick Pappola.
Grâce à eux, grâce à d’autres – j’insiste -, la décision a été prise de réintroduire des ours venus de Slovénie à partir de 1996. Si l’on n’avait pas fait ainsi, il n’y aurait plus aucun ours dans les Pyrénées. Aucun ! L’histoire de l’ours se compte en millions d’années, et du temps où n’étions que des groupes épars, toujours inquiets, toujours aux aguets, jamais certains de la simple survie, l’ours régnait. Et il régnait partout, jusque dans les plaines. L’historien Michel Pastoureau en a tiré un livre merveilleux, Histoire d’un roi déchu (Seuil), que j’ai lu avec un grand bonheur. Aux temps historiques encore, l’ours était le roi des animaux et de la forêt chez nous.
Il était l’un des vrais dieux païens, avant que le christianisme ne s’impose. Et de quelle manière ! Il fallait en effet éradiquer des centaines de cultes rendus à l’animal, dont la toponymie garde encore quantité de traces. Et pour cela, le diaboliser. Je crois me souvenir – si je me trompe, mea culpa – qu’un concile a même été organisé pour transformer l’ours en belzébuth. Si ce travail, étendu sur des siècles, n’avait pas été entrepris, ce n’est évidemment pas ce roi de remplacement qu’est le lion qui serait notre monarque du sauvage, mais l’ours, bien entendu. Il le mérite.
Moi, je me dis : comment est-ce possible ? Comment des humains aussi minuscules que nos ancêtres ont pu chasser pareille merveille au point de la faire disparaître ? Ce serait bien le moment de clamer le droit immémorial des ours à vivre, respectés, dans un territoire qu’ils habit(ai)ent depuis bien plus longtemps que nous.