Publié par Charlie
On me demande de tous côtés – hélas, rien de moins vrai -, ce que je pense de cette fameuse « poussée verte » qui a conduit à l’élection de maires « écologistes » à la tête de quelques grandes villes. Eh bien, commençons par dire du bien de quelques-uns et unes d’entre eux. Les mairesses de Strasbourg et de Marseille – que je ne connais nullement – me paraissent être d’excellentes personnes, et ma foi, tant mieux pour les locaux. Je dois, par ailleurs, avouer ma (bonne) surprise à propos du nouveau maire de Bordeaux, Pierre Hurmic, que je n’ai jamais vu. Le voilà qui parle de décréter « l’état d’urgence climatique » et de s’attaquer pour de vrai à la bagnole, cette monstruosité sociale, économique, psychologique, écologique enfin. On verra.
Pour le reste, quoi ? Rien. Je rouvre devant toi, ma lectrice de choc, mon lecteur d’acier, un numéro de mars 1989 de l’hebdo Politis. On y lit sur la couverture, en deuxième titre : « Municipales, la percée verte ». Où veux-je en venir ? Pas loin. Tout passe, tout lasse, tout revient et disparaît. Waechter fait 3,78% à la présidentielle de 1988, Voynet 3,32 % en 1995, 1,57% en 2007, Eva Joly 2,31% en 2012. Aux régionales de 1992, les Verts et Génération Écologie obtiennent 14% des voix. Aux Européennes, Waechter arrache en 1989 la bagatelle de 10,59% quand Cohn-Bendit n’atteint que 9,72% en 1999, déclenchant pourtant des cris d’extase, surtout parmi ses nombreux amoureux transis des médias. En 2009, le même gagne 16,28%, et quand Jadot fait 13,49% en 2019, à nouveau, la presse s’enflamme et le proclame roi de France, ou peu s’en faut.
Ce n’est pas agréable à lire, mais tout cela est une bouffonnerie. D’un côté, les écolos – un mot honni sous ma plume – vont répétant que la planète est en danger, qu’il ne reste que dix ans, trois, six mois, trois jours ou quatre heures pour éviter la fin du monde, et de l’autre, ils misent tout sur l’élection suivante, qui ne change ni ne changera jamais rien.
La raison en est (presque) simple : le vote s’inscrit dans une réalité qui n’existe plus. Celle des nations, celle d’une histoire finalement immobile ou invariante, celle d’avant la crise écologique planétaire. Par chance, on peut encore se moquer. Ainsi, dans les mois qui viennent, va-t-on assister à une bagarre au couteau entre les deux prétendants pour la présidentielle de 2022 : Yannick Jadot contre Eric Piolle.
Le premier est exécré par le micro-appareil vert et son secrétaire national, Julien Bayou. Incapable d’avoir beaucoup d’amis et de soutiens, il part avec un handicap sévère. Le maire de Grenoble Piolle, en revanche, soutenu par Bayou, se voit déjà investi. Les deux n’ont aucun différend politique, mais veulent la même place. Un choc d’ambitions, un conflit entre Lilliputiens.
Une mention pour Cécile Duflot, qui a abandonné le navire en perdition en 2017. Bananée à la primaire écologiste d’octobre 2016, qui consacre son ennemi « mortel » Jadot, elle se tire chez Oxfam-France, dont elle devient directrice générale. Sans un mot d’explication sur le désastre du mouvement qu’elle a dirigé, dont le fleuron est un certain Jean-Vincent Placé, fier amoureux – authentique – de l’armée française et de Napoléon. À Oxfam, elle s’emmerde d’autant plus qu’elle a le sentiment d’avoir loupé une occase, et continue à tirer les ficelles en faveur de Piolle. Tout plutôt que Jadot.
C’est donc à pleurer, car cette pantomime condamne à l’impuissance totale ceux qui continuent à croire à ces jeux de maternelle. Et selon moi, il n’y a rien à faire. Rien à faire d’autre que de clamer cette évidence : la crise de la vie sur terre, sans aucun précédent dans l’histoire des hommes, exige une rupture mentale complète. Il faut inventer des formes neuves, envoyer au compost les anciennes, assembler toutes les énergies encore disponibles dans un vaste programme contre la destruction du monde. Peu importe que nous soyons dix, ou cinquante, ou cent au point de départ. Il n’y a pas d’autre solution que de penser. Et d’agir. Pour de vrai. Pour de bon. Y a-t-il des volontaires ?
—————————————
De la taule pour les forbans du lac de Caussade
Lac de Caussade, 77ème épisode. Le Lot-et-Garonne, où se passe l’intrigue, est un champion parmi d’autres de l’agriculture irriguée. La Coordination rurale, syndicat qui ferait passer la FNSEA pour une antenne du NPA, tient la chambre d’agriculture. Et ses charmants chefaillons décident en octobre 2018 de commencer la construction d’un lac de retenue de 20 hectares, qui sera rempli par le ruisseau de Caussade. 920 000 m3 seront ainsi mis à la disposition d’une poignée d’irrigants, 20 ou 30.
Les travaux sont entrepris sous le contrôle de la chambre d’Agriculture, illégalement. Pas très grave, car tous les officiels se sont couchés les uns après les autres. La préfète, les ministères – De Rugy, encore bravo -, les gendarmes.
Le 7 juillet encore, les charmants bambins de la Coordination rurale faisaient bénir à l’encensoir la retenue par un diacre en aube blanche, René Stuyk (1). Sans l’endurance d’Anne Roques, de France Nature Environnement (FNE), on aurait concocté dans les coulisses un arrangement, mais voilà : il existe encore des braves. Et le 10 juillet, le tribunal correctionnel d’Agen a condamné les deux matamores – président et vice-président de la chambre d’agriculture – à la taule.
Serge Bousquet-Cassagne a pris neuf mois fermes, avec révocation d’un sursis de quatre mois, et Patrick Franken huit, avec levée d’un sursis de quatorze mois. Iront-ils rejoindre les 70 000 prisonniers français ? Malgré ce qu’on pense d’eux, on ne leur souhaite pas. Et de toute façon, il y a appel. On ne sait pas encore si le barrage sera vidangé, comme le réclame FNE, mais plusieurs rapports montrent qu’il n’a pas été construit dans les règles de l’art. Et qu’il menace de se rompre.
Reste la grande leçon de cette misérable affaire : même en France, le partage de l’eau devient une question politique et morale. À qui appartient-elle ? Au plus gueulard de la bande ? Aux écosystèmes, qui rendront au centuple ce qu’on leur aura laissé ? Le lac de Caussade a des allures de guerre. Pour l’heure, picrocholine.
(1) ladepeche.fr/2020/07/07/les-batisseurs-ont-fait-benir-le-lac-de-caussade-8968314.php
——————————————–
Un Darmanin sympa au Cambodge
Dans l’histoire récente, à part le Rwanda, on ne voit pas d’équivalent. Le Kampuchéa – Cambodge – était jadis une simple contrée paysanne – nullement idyllique, seulement paisible -, avant d’être entraîné en 1970 dans la guerre au Vietnam sur décision américaine. La Chine s’en mêle, en partie responsable de l’apparition des Khmers rouges, puis le Vietnam, qui y place ses marionnettes après son invasion de 1979.
Quoi de neuf ? Eh bien Sar Kheng. Ce ministre de l’Intérieur d’un gouvernement pourtant corrompu à l’os, fait des siennes (1). Le ministre vient en effet de lancer une campagne détonante contre l’accaparement des terres. Notamment au cours d’un discours prononcé devant des cadres du régime (2).
Depuis quinze ans, le phénomène s’est accentué : le Premier ministre Hun Sen – son clan aurait planqué entre 500 millions et un milliard de dollars – vend par dizaines de milliers d’hectares à chaque fois des terres à des boîtes chinoises ou coréennes. Surtout pour les transformer en plantations industrielles.
Les conflits pour la terre, dont on parle peu dans la presse officielle, se multiplient et l’intervention de Sar Kheng vient donner raison aux milliers de petits paysans spoliés. Le ministre s’en prend sans le nommer à l’un des vice-premiers ministres, et attribue l’aggravation de la situation à des cadres de très haut rang, qui se battent entre eux pour s’emparer des terres, comme dans la province de Mondol Kiri. La solution de Sar Kheng : donner enfin des titres de propriété aux paysans. Pas mal.
(1) phnompenhpost.com/national/sar-kheng-addresses-land-rows-kingdom
(2) rfa.org/english/news/cambodia/land-07072020145521.html