La vacance de Monsieur Hulot

Commençons par le début : j’aime et défends Nicolas Hulot. Et je le fais depuis des années, y compris dans des journaux hostiles à lui, pour lesquels j’ai travaillé.

Pourquoi ? Parce qu’il vient de loin et qu’il est sincère. De très loin, c’est-à-dire de l’univers frelaté de la pub et de TF1, séance génuflexions en sus. Mais justement. Cet homme a entrepris une longue marche, très singulière, qui l’a conduit à prendre conscience de l’essentiel, et d’en parler à des millions de téléspectateurs à chacune de ses émissions. Puis, j’ajoute qu’il croit ce qu’il dit, je le sais.

Ceux qui pensent que le bouleversement nécessaire des consciences consiste à rassembler quelques amis d’accord sur tout, ceux-là ne m’intéressent pas. Autrement dit, les éructactions et vociférations qu’on entend si souvent contre Hulot m’indignent. Je me doute qu’il n’a pas besoin de moi pour se défendre, mais je le ferai à l’avenir autant que de besoin.

Ce préambule achevé, je peux me permettre toutes les critiques, et je ne vais pas m’en priver. Nicolas Hulot est à mes yeux un naïf. Un homme qui privilégie le contact personnel, la psychologie, le face-à-face. Il a cru Chirac pendant des années quand celui-ci lui affirmait, les yeux dans les yeux, qu’il n’y avait pas de cause supérieure à celle de la planète, dévastée par la crise écologique. Il avait tort : en douze ans de pouvoir, son ami sincère n’aura rien fait.

Et voilà Sarkozy. Et rebelote. Sarkozy ne sait rien de la situation écologique du globe. Je peux envisager qu’il a compris à quel point la situation était mauvaise. Mais son tropisme, mais sa vie de chaque jour, mais ses conseillers, mais ses rarissimes lectures, tout le conduit à oublier le peu qui a pu s’installer.

C’est à cet homme que Hulot a donné sa confiance. Ainsi d’ailleurs qu’à Borloo, qui ne vaut ni mieux ni pire dans le domaine qui m’importe. Or Hulot, coaché depuis des années par le polytechnicien Jean-Marc Jancovici, estime à juste titre que le dérèglement climatique est la question de loin la plus importante. D’où son insistance à réclamer une taxe sur le carbone, bon moyen sans doute de limiter peu à peu, mais de plus en plus, les émissions de gaz carbonique.

Oui, mais voilà : Hulot s’est piégé lui-même, assurant à de nombreuses reprises que cette taxation du carbone serait « le point de mesure du succès ou de l’échec du Grenelle ». Jusqu’à la dernière seconde, il a cru que Sarkozy, convaincu, accepterait cette proposition phare. Mais non. Elle a été au contraire soigneusement évitée.

Et à ce moment de l’histoire, franchement, Hulot aurait dû dire la vérité. Pas de taxe, pas d’annonce triomphale. Mais ce n’était plus possible, les choses étaient allées trop loin. Hulot, Besset, Veillerette, FNE, Greenpeace, le WWF étaient plongés dans une euphorie dopée au champagne médiatique. Ils ne pouvaient qu’applaudir les beaux discours, oubliant tout. Que le volontarisme n’est pas une politique. Qu’une politique suppose une base sociale sans laquelle elle s’effondre. Que la communication est une chose, quand la réalité en est une autre.

Nous avons entendu, je l’ai écrit jeudi, des militants chevronnés annoncer une chimérique victoire sur les pesticides, avant que de battre en retraite piteusement. Nous avons entendu Greenpeace soutenir, et c’est une honte totale, que des avancées auraient été obtenues pour ce qui concerne les agrocarburants. Et tant d’autres détestables gentillesses offertes sur un plateau doré aux communicants de l’Élysée.

Attention, je ne dis pas que le Grenelle n’est rien. Bien des surprises peuvent surgir d’un tel événement, à la fois virtuel et réel. Il faut que les annonces décantent. Et même si je suis dubitatif pour le moins, espérons que certaines décisions prendront forme. Reste que les associations écologistes ont rendu un mauvais service à notre cause commune. Car il ne fait pas de doute qu’elles auront contribué à répandre massivement des illusions. Sur la politique. Sur le sens de mesures strictement nationales. Sur l’intérêt des solutions techniques et technologiques, qui nous éloignent dramatiquement du sujet essentiel.

Tous ces gens, parmi lesquels d’excellentes personnes, rêvent visiblement d’une révolution en charentaises, sans bruit ni fureur, sans révolutionnaires surtout. Une sorte de mutation sans précédent connu au long des deux millions d’années de l’histoire des hommes, mais qui resterait indolore. On ne peut pas répéter du soir au matin que le temps nous est compté, et agir exactement comme si nous pouvions aller nous recoucher jusqu’à la prochaine envolée de notre bon maître de l’heure, Son Altesse Sérénissime Nicolas 1er. Non, on ne peut pas.

10 réflexions sur « La vacance de Monsieur Hulot »

  1. C’est un beau texte que vous avez écrit là, rendant justice à Hulot, et pointant ses incohérences. Hulot ne peut hélas s’engager dans une voie radicale: dans sa position, il ne peut se permettre de braquer des acteurs que nous vomissons (TF1, certains industriels, la grande distrib, certains acteurs de « l’agriculture industrielle », mais aussi les « simples citoyens » qui eux, n’ont pas encore fait leur voyage à Canossa. Certes, ce parcours se fait de plus en plus vite, mais acquiescer ligne à ligne ou presque vos écrits, Fabrice, cela suppose d’être allés déjà assez loin dans le rejet de ce que nous sommes et de ce à quoi nous aspirons en tant qu’occidentaux normaux). L’urgence de la situation, le niveau intellectuel moyen (ou plutôt la capacité de remise en cause moyenne) du français (ou de l’américain, ou de l’anglais, ou même de l’allemand et du suédois) n’est pas telle qu’on puisse braquer tout le monde.
    Mais on peut être paré des meilleurs atouts, et doté des meilleures intentions, et finalement n’être pas l’homme de la situation. On dit souvent ça, après coup, de chefs d’entreprise, de chefs d’Etat, de généraux… On est toujours plus intelligent après et là où Hulot aurait été vraiment intelligent, c’est d’utiliser son poids et surtout celui de Stern pour conditionner la venue de Al Gore à l’Elysée à l’instauration effective d’une ébauche de taxe carbone, c’est de réclamer à TF1 d’animer un JT entier un dimanche soir sur la première chaîne, avec Gore, Stern, Janco, Jouzel, et lui, pour dire clairement: « nous, qui sommes ou avons été des puissants, nous qui nous battons pour cette question centrale, nous demandons que cette mesure centrale, y compris pour les autres enjeux (car tout est conditionné à cela, si on y réfléchit bien!), soit sérieusement entendue, et si vous ne vous y engagez pas sérieusement, M. Sarkozy, nous partirons pendant votre discours, et nous ne serons plus votre caution ».
    Nous avons un despote, mais il n’est hélas pas très éclairé.

  2. S’agirait-il des « débacles » de l’environement? Heureusement que la France ne soit pas le centre du monde, vu d’Allemagne cela fait sourire, mais d’amertume! La situation franco-francaise est, et reste inchangé!
    Qui sait, si ca se trouve c’est Bruxelle qui nous sauvera!
    Sylvain mazzetti

  3. non « les associations n’ont pas rendu un mauvais service a la cause commune » .pas du tout d’accord.
    il faut etre vigilant pour la suite et ne pas critiquer ce qui a deja ete gagné!

  4. bien sur la critique est necessaire ms attention de ne pas refaire ce qu’on fait les verts se critiquer les uns les autres au lieu d’avancer en bloc!

  5. Il va être nécessaire d’attendre les mesures, suite aux grandes déclarations d’intention. Mais malheureusement, je n’y crois guère : un tour de passe passe sur les autoroutes et le nucléaire, un pressing des lobbies via « les amis  » de M. Sarkozy, et hop, plus rien. Seule une illusion portée par nos associations, véritables entitées agissantes dans le paysage dénaturé.
    « Fais de ta vie ce que tu voudrais que soit le monde » … Appliquons Ghandi …

  6. en attendant lisez PLAN B de lester Brown .un monde fou pour l’ecouter a l’unesco cette semaine ;le pape du Developpemnt durable a ses fans!

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