J’ai écrit le texte qui suit il y a quelques mois, dans une revue aujourd’hui arrêtée, Les Cahiers de Saint-Lambert. Wangari Maathai vient de mourir, et je suis triste. Voilà comment je la voyais.
Ihithe. Un village. Proche de Nyeri, une ville du Kenya située à 150 kilomètres au nord de Nairobi. Un paysage de collines verdoyantes et giboyeuses. Une vue éblouissante sur le mont Kenya, qui culmine à 5199 mètres et constitue la source de deux des plus beaux fleuves du pays, le Tana et l’Ewaso Ng’iro. Le 1er avril 1940, quand naît la petite Wangari Muta, le Kenya est encore une colonie britannique. La révolte gronde, qui conduira au violent mouvement d’émancipation Mau Mau, né au cœur de l’ethnie kikuyu, à laquelle appartient la famille de Wangari Muta. Mais pour l’heure, tout semble calme, tout paraît encore éternel.
La future Prix Nobel se souvient encore de l’émerveillement des premières années. « J’ai longtemps cru, dit-elle, que le monde était une vallée de terre riche, dominée par les contreforts des monts Aberdore et au nord par le mont Kenya. Je pensais que les acacias au feuillage mince et dur, les torrents vivaces et purs où nous allions chercher l’eau étaient éternels. Et j’imaginais que les champs où ma mère me déposait, enfant, pour mieux ramasser le managu, ce légume vert sauvage qui accompagnait nos gâteaux de maïs, seraient toujours fertiles. À mes yeux, cette vallée du Rift où mon père travaillait dans la ferme d’un colon britannique était l’univers tout entier. Et cet univers avait la couleur des forêts. Il avait l’odeur des épices et du pyrèthre. Il avait aussi ses lois ».
Mais tout va basculer en l’espace de quelques années seulement. Certes, les Britanniques ont amorcé le mouvement dès les années 20 du siècle passé en détruisant de splendides forêts tropicales au profit de plantations de pins ou d’eucalyptus, très rentables. Sur les pentes des collines autour de Nyeri, sur celles du mont Kenya, l’érosion a commencé son œuvre de mort. Mais tout s’accélère vers la fin des années Cinquante et après l’indépendance – 1963 -, car les paysans de la région se mettent à cultiver massivement des cultures d’exportation comme le thé ou le café, qui prennent eux aussi la place des forêts anciennes.
Wangari a été le témoin direct des terribles agressions infligées au mont Kenya : « Trois cents sources en jaillissaient, alimentant la plus large rivière du Kenya, la Gura. Il faut que vous imaginiez la puissance tumultueuse de ces flots, alors ! Le fracas des pierres qui roulaient ! La largeur impressionnante de la rivière ! Nous prenions l’eau aux sources. La nourriture était abondante, à portée de main, dans la nature si généreuse qui nous environnait. Je n’avais qu’une ou deux robes, nous n’avions pas l’électricité dans notre case, mais jamais nous ne nous sommes sentis pauvres.
» Si je vous décris ces paysages, c’est parce qu’ils ont aujourd’hui disparu et que cette perte est une menace mortelle pour le Kenya, l’Afrique et peut-être le monde ».
Mais revenons à la famille de Wangari. En 1943, le père, Muta Njugi, devient le fermier d’un propriétaire terrien anglais, M. Neylan. Il part donc dans la vallée du Rift, près de la petite ville de Nakuru, en compagnie de son épouse, de ses deux premiers fils et de Wangari, qui a juste deux ans. « Les peuples indigènes, systématiquement évincés, raconte Wangari, avaient cependant droit à un petit lopin pour faire vivre leur famille lorsqu’ils acceptaient de travailler pour les Blancs. C’était le cas de mon père, venu des montagnes, et issu d’un peuple robuste, travailleur et, du fait du climat en altitude, insensible à la malaria. Toute sa vie, il a travaillé à Nakuru pour le même propriétaire blanc, M. Neylan, au point de le considérer avec déférence comme un ami. Je ne suis hélas pas certaine que M. Neylan pensait à mon père dans les mêmes termes… ».
Comme il n’y a aucune école autour de la ferme, la mère de Wangari, Wanjiru Kibicho, ramène ses enfants à Ihithe en 1947. Les deux parents de la petite souhaitent donner à leurs enfants une bonne éducation, condition de leur réussite future. À huit ans, Wangari entre à l’école primaire, et à onze, elle rejoint l’internat de la Mission catholique de Nyeri, créée par des prêtres italiens au début du XXe siècle. La petite fille se révèle très douée pour les études et apprend avec rapidité la langue anglaise, qui deviendra pour elle essentielle. Elle se convertit au passage au catholicisme, et prend – provisoirement – le prénom chrétien de Marie Joséphine. Son catholicisme est si fervent qu’elle rejoint la Légion de Marie, dédiée au service de Dieu par l’attention apportée aux hommes, en particulier ceux qui sont dans la détresse.
Première de sa classe, elle termine ses études à Nyeri en 1956, alors qu’elle vient d’avoir quinze ans. Dans la société coloniale de l’époque, un tel niveau d’excellence chez une jeune Noire est déjà une étonnante exception. Mais ce n’est pourtant qu’un début. L’adolescente, compte tenu de ses résultats, est envoyée dans la seule école supérieure ouverte aux filles du Kenya, la Loreto High School, une autre institution catholique installée dans la petite ville de Limuru, à une quarantaine de kilomètres de Nairobi.
Elle en sort diplômée en 1959 et envisage alors de rejoindre l’université de l’Afrique de l’Est, à Kampala (Ouganda). Mais le sort va en décider autrement. Les Etats-Unis, qui combattent sans relâche l’influence soviétique sur le continent africain, anticipent les indépendances, et craignent une poussée communiste chez les nationalistes. Alors que John Kennedy dirige le pays, l’Amérique décide d’accorder des bourses universitaires à des étudiants africains, dans l’espoir qu’ils formeront l’ossature administrative des nouveaux États. Au Kenya, 300 jeunes sont sélectionnés, parmi lesquels Wangari, qui part étudier aux Etats-Unis en septembre 1960.
Étudiante dans une université de l’Arkansas, à Atchison, elle y accumule des diplômes. D’abord en biologie, puis en chimie et en allemand. Après avoir obtenu un Bachelor of Science, elle réussit à Pittsburgh un master’s degree en biologie, puis un Master of Science et noue ses premiers liens avec des écologistes avant l’heure, qui bataillent contre la pollution de l’air. Ses titres lui permettent d’être recrutée par l’université kenyane de Nairobi comme maître assistante en zoologie.
Ce qui pourrait être un triomphe devient un cauchemar. À peine a-t-elle mis le pied au Kenya qu’elle découvre que son poste a été promis à un autre. Un homme d’une autre ethnie. Elle ne cessera jamais de penser qu’elle a été victime d’une des plaies de tant de sociétés humaines. En tant que femme. En tant que femme kikuyu. Déçue, elle accepte un job de fortune avant d’être secourue par le professeur allemand Reinhold Hofmann, qui lui offre un poste dans un laboratoire tout récemment créé à l’école de médecine vétérinaire de l’université de Nairobi. Il s’agit évidemment d’une première consécration.
Nous sommes alors en 1966, année de la rencontre entre Wangari et un jeune Kenyan qui a lui aussi étudié aux Etats-Unis, Mwangi Mathai. Ils se marieront quelques années plus tard, en 1969. L’époque est heureuse pour la jeune femme, pleine d’espoir et d’enthousiasme. Le professeur Hofmann lui permet d’aller compléter sa formation universitaire en Allemagne, d’abord à Giessen, puis à Munich. En 1971, elle devient la première femme d’Afrique de l’Est à obtenir un doctorat scientifique.
Parallèlement, jeune mariée, elle met au monde le premier de ses trois enfants en 1970. Serait-elle en train de réussir une vie certes brillante, mais finalement ordinaire ? La réponse est non. Car elle n’a rien oublié de son enfance au pied du mont Kenya. Et rien non plus de la fragilité des sources et des forêts. Poursuivant sa carrière universitaire – toujours plus haut -, elle s’engage dans différents mouvements sociaux et écologiques. En faveur des femmes et de la nature. À la fois au National Council of Women of Kenya (NCWK) – Maendeleo ya wanawake en swahili, ou Conseil national des femmes du Kenya – et à Environment Liaison Centre. C’est au cours des années 70 qu’elle va comprendre, pour ne plus l’oublier, les liens entre la pauvreté et la dégradation écologique. « À Nairobi, où j’enseignais à l’université, explique-t-elle, je fréquentais les mouvements féministes qui essaimaient en Afrique dans les années 1970. On y trouvait des femmes très éduquées comme moi, mais aussi des analphabètes venues de la campagne. Lorsque ces dernières m’ont dit qu’elles n’avaient plus assez d’eau potable, ni de petit bois pour le feu, ni de nourriture pour leurs enfants, lorsqu’elles ont parlé de l’abattage des arbres et des champs de thé, j’ai compris que quelque chose de grave s’était produit. Ces paysannes, qui venaient parfois des régions mêmes de mon enfance, se plaignaient toutes de la pauvreté. De la dureté du quotidien. De l’assèchement des terres. La rivière Gura, si pure et si tumultueuse autrefois ? L’eau y était désormais noire, les pierres figées, le débit faible ».
Tel est le début d’une idée extraordinaire, connue sous le nom de mouvement de la Ceinture verte (Green Belt Movement). Sous couvert de l’association Envirocare Ltd, elle crée une première pépinière de plants d’arbres, tenue en main par des femmes, dès 1974. Pour être sincère, le succès n’est pas au rendez-vous, faute notamment de soutiens et de financement. Mais le mouvement est bel et bien lancé, et ne s’arrêtera plus. Le 5 juin 1977, jour de la Terre, une marche du NCWK part du cœur de Nairobi jusqu’au parc Kamukunji, dans la lointaine banlieue. Sept arbres sont plantés dans l’allégresse, en l’honneur de sept responsables historiques des communautés kenyanes. Le reste du Green Belt Movement appartient à l’épopée.
Des milliers, plus tard des dizaines de milliers de femmes paysannes sont mobilisées au service des arbres et d’elles-mêmes. Car là est le secret de cette formidable réussite. Les femmes engagées dans le mouvement ne se contentent pas de créer des pépinières, par centaines, dans les villages, et de replanter des arbres. Elles apprennent ou réapprennent la manière d’utiliser de manière soutenable le bois de chauffage, d’obtenir de la nourriture à partir des produits forestiers, de renouer avec l’art ancestral de l’apiculture. En somme, ces femmes deviennent des pratiquantes d’une culture ancestrale, mais oubliée : la sylviculture.
La morale est simple : planter des arbres rapporte. L’association, en mobilisant quantité de forces économiques dispersées, rétribue le travail accompli, qui en retour permet de spectaculaires réapparitions de la vie, animale comme végétale. Ce cercle vertueux a permis de planter en une quarantaine d’années environ quarante millions d’arbres. Ah ! s’il existait une Wangari dans chaque pays. Mais tout n’est pas aussi merveilleux.
Mariée on l’a dit, en 1969, Wangari commence à connaître des problèmes avec son mari, qui mène une carrière politique nationale. En 1977, année de la création du Green Belt Movement, celui-ci, Mwangi Mathai, décide de la quitter. Après deux ans de séparation, il réclame le divorce à l’aide d’arguments jugés par lui imparables : « Elle est, affirme-t-il, trop éduquée, trop forte, trop têtue, et elle veut trop prendre les choses en main ». Le juge lui donne raison, ce qui indigne Wangari au point qu’elle donne une interview très dure à un magazine kenyan. Elle y déclare que le juge est soit incompétent, soit corrompu. Elle écope de six mois de prison. Grâce notamment à son avocat, elle ne passe cette fois que trois jours en prison.
Sous la présidence de Daniel Arap Moi, élu en 1978 à la tête du Kenya, elle sera emprisonnée à plusieurs reprises, et devra même s’exiler en Tanzanie. Il faut dire que Wangari ne cède jamais. Elle parvient à obtenir l’abandon de la construction d’une tour de soixante étages dans Uhuru Park, le grand jardin public de Nairobi. Pis : elle conteste au président Arap Moi, très critiqué pour sa politique tribale et la corruption de ses proches, le droit de construire une somptueuse résidence qui condamne un bout de forêt. Est-elle folle ? Tout au contraire, elle se présente aux élections présidentielles de 1997 – un lourd échec -, avant de devenir députée en 2002, puis ministre de l’Environnement en 2003.
Le fabuleux hommage du Prix Nobel de la Paix, accordé en 2004, aurait tourné la tête de bien d’autres personnalités. Mais Wangari ne peut décidément oublier les paysans et le mont Kenya de son enfance. En septembre 2007, elle se rend au Cameroun en qualité « d’ambassadrice de bonne volonté pour l’écosystème du bassin du Congo ». Une réunion de notables doit avoir lieu pour tenter une fois encore de sauver ce qui peut l’être d’une forêt tropicale somptueuse qui s’étend sur près de deux millions de kilomètres carrés. Wangari sort un matin de son bel hôtel de luxe. Perché sur une colline, « il surplombait la ville et offrait une vue imprenable sur le mont Cameroun, point culminant de l’Afrique de l’Ouest ». Mais sur la colline d’en face, Wangari observe des paysans, dont des femmes, qui préparent un champ. Une vision banale dans toutes les villes africaines, où la terre voisine avec la pierre.
Un détail – qui n’en est pas un – attire son attention : une paysanne creuse des sillons dans le sens de la pente. Elle en est aussi stupéfaite que meurtrie. Car cette façon de faire condamne l’avenir. Au lieu de creuser perpendiculairement pour limiter l’érosion, la méthode conduira inévitablement à la disparition du sol, entraîné avec les premières pluies jusqu’au bas de la colline.
« J’avais une certitude, explique-t-elle : si nous ne pouvions pas travailler avec les millions d’agriculteurs camerounais, avec les dizaines de millions d’agriculteurs des dix pays de la région du bassin du Congo, et de fait de toute l’Afrique – alors notre action serait vouée à l’échec. Nous ne sauverions jamais les forêts du Congo, et nous ne parviendrions jamais à enrayer la désertification qui, dans tout le continent, gagne inexorablement du terrain ».
Telle est restée la fille de paysans du mont Kenya, pour notre plus grand bonheur. « Si j’ai pu remarquer cette femme, conclut Wangari, c’est que j’ai parce que j’ai moi-même travaillé avec des gens comme elle lors de la campagne de reboisement du mouvement de la Ceinture verte ». Exactement ce que l’on s’apprêtait à écrire.
Les citations de Wangari Maathai sont extraites de deux de ses livres, Celle qui plante des arbres, et Un défi pour l’Afrique (éditions Héloïse d’Ormesson). D’un portrait paru dans le quotidien Le Monde, sous la plume d’Annick Cojean et Raphaëlle Bacqué. De différents textes parus en langue anglaise.
C’était une Grande Dame merci de le rappeler.
Que dire après ces deux citations de ton texte?
« trop éduquée, trop forte, trop têtue, et elle veut trop prendre les choses en main »
« Ah ! s’il existait une Wangari dans chaque pays »
Si, il y a un truc à dire:
Il faut impérativement distinguer économistique et économie.
La première se fout de la morale.
La seconde devra réussir à l’intégrer puisqu’il n’y a d »économie qu’humaine et qu’un marché c’est tjs qq’un.
Le travail consiste donc de façon imparable à construire la ligne de partage entre les deux. Chacun pourra ensuite décider avec qui il veut vivre et échanger
dans le journal du cnrs de juin
dans la région saharo-sahélienne dévastée par la sécheresse, un projet titanesque suscite de nombreux espoirs. Partez avec notre envoyé spécial au Sénégal, à la découverte de la Grande Muraille verte.
http://www.cnrs.fr/fr/pdf/jdc/258/index.html#/6/
Un truc à faire. Un neutrinos en excès de vitesse désirant laisser un passage lumineux doit se mettre à l’eau immédiatement : Procédé très sûr et pas cher !
@jg.
Terra eco : Que pensez-vous de ce projet pharaonique ?
Marc Bied-Charreton* : « L’idée de créer une muraille contre le désert est totalement incongrue et la grande majorité des scientifiques s’y oppose. En vérité, il est faux de dire que le désert avance et qu’il faut l’arrêter. Ce qui progresse, c’est la dévégétalisation des sols. Il faut donc protéger l’ensemble des sols et non pas construire des barrières de ce type qui sont vouées à l’échec. »
*Président du Comité scientifique français de la désertification.
Précision : Marc Bied-Charreton, alors (2010) président du CFSD.
@ Hacène
ce qui m’a plus le plus interpelé, c’est le fait que Wangari Maathai ne soit pas cité dans l’article.
http://www.relais-sciences.org/odj/index.php?page=portrait_05
» – Marc Bied-Charreton, que faites-vous aujourd’hui ?
– Ce qui me passionne aujourd’hui est de transformer en termes économiques et financiers le coût de la dégradation des ressources naturelles et de la désertification. «
@jg.
Votre citation, tronquée, pourrait conduire à penser que ce qui le passionne, c’est de faire de l’argent grâce à la dégradation des milieux. In extenso, cela donne : « Ce qui me passionne aujourd’hui est de transformer en termes économiques et financiers le coût de la dégradation des ressources naturelles et de la désertification. Nous sommes quelques uns décidés à montrer que ce coût peut atteindre plusieurs pourcents du PIB d’un pays par an alors que le développement de mesures simples de prévention et de correction se révèlerait moins coûteux, voire même rentable ! » Autrement dit, chiffrer le coût de la dégradation pour montrer les bénéfices d’un milieu sain. C’est apparemment comme ça qu’il faut parler aux politiques.
Par ailleurs, que Wangari Maathai ne soit pas citée n’est en rien extraordinaire. Ce n’est pas parce qu’elle a joué un rôle important dans son pays, voire dans ceux de toute la région, qu’elle est la première à planter des arbres. De plus, l’idée d’un « barrage vert » contre le Sahara est contemporaine des débuts de son action et a été mise en oeuvre en Algérie dans les années 1970-1980, avec la compétence et les résultats que l’on sait.
Encore une fois, un délire politique infondé scientifiquement, irréaliste dans sa démesure, va trouver des scientifiques pour rentrer dans le jeu, parce que désormais c’est uniquement comme ça que ça marche. Les labos ne construisent pas des projets qui rencontrent l’oreille attentive des politiques, ils répondent à des appel d’offre que l’on doit à ces derniers.
Votre message semblait vouloir, à tort dans votre exemple, montrer en quoi le type cité était un naze. Eh bien à mon tour de montrer les très bonnes idées que l’on peut avoir dans un tel comité. Dans l’interview que je citais, Marc Bied-Charreton expliquait : « La solution est de mettre en place une agriculture durable pour protéger les sols, c’est à dire cesser de laisser les terres à nu pendant six mois de l’année, limiter les labours, mettre en place des rotations de culture, diminuer les recours à l’engrais… » Très bien. De son côté, le CSFD recommande aux décideurs (on a le droit de pouffer ?) : 4. Encourager l’intensification de l’agriculture et de l’élevage, afin de réduire leur pression sur les ressources forestières. Ce qui paraît bien contradictoire, mais est en fait un vieille antienne de la part de ceux qui pratiquent l’agriculture industrielle : en faisant comme ils font, on préserve les surfaces qu’on exploiterait si on faisait différemment ! Mais bon, on nous fait bien croire aussi que chez nous les chefs d’exploitations agricoles sont les gardiens du paysage…
juste pour préciser, je ne me permettrais pas de juger Marc Bied-Charreton que je ne connais ni d’Eve, ni d’Adam …, ni le comité d’ailleurs.
c’est vrai que j’aurais pu citer un peu plus … c’est pour ça que j’ai mis le lien, pour les gens intéressés puissent lire la suite.
je n’ai pas d’avis non plus sur ce projet de barrière verte qui parait séduisant au moins sur le papier. J’essaie juste de me faire un avis.
Pour Hacène qui écrit : « Mais bon, on nous fait bien croire aussi que chez nous les chefs d’exploitations agricoles sont les gardiens du paysage… »
Hacène ne croit pas si bien dire.
Voici un article sur la campagne de communication du lobby « Passion céréales », intitulée « Les agriculteurs vous offrent ce paysage » : http://www.mne-pau.org/spip.php?article75
C.
Cette photographie est très intéressante, car elle en dit long. Non pas que ceux qui l’ont installée se fichent de nous. Je crois au contraire qu’ils sont réellement fiers du travail accompli, de la même manière que le jardinier amateur qui déverse quantité d’herbicides dans ses légumes et regarde avec satisfaction la terre nue entre les choux, les tomates et les aubergines. La maîtrise fantasmée, la ligne droite, les angles droits, rien qui ne doit dépasser, rien de présent sans qu’on ne l’ait voulu. Le plus étrange, c’est que dans un pays de chasseurs comme le nôtre, cette disparition des habitats de la faune sauvage soit passée comme une lettre à la poste. Mais bon, là on rejoint le livre de Pierre Athanaze et les millions d’animaux d’élevage qui prennent le relai de ce qu’on ne trouve plus dans les campagnes.
Bref. Au-delà de ce qui pourrait être une analyse globale du milieu et de notre manière de l’utiliser, il y a la perception esthétique, qui dit beaucoup de manière synthétique. L’ennui, c’est que ce qui vous, me, nous paraît d’une laideur sans nom, apparaît à d’autres tout au contraire comme quelque chose de beau, réellement. Dans un autre domaine, pour beaucoup de forestiers, laisser des arbres morts au milieu de peuplements sains est une atteinte au bon goût (au-delà du fantasme de voir les insectes dépendants du bois mort s’attaquer aux arbres en bonne santé), comme pour de nombreux promeneurs aussi. On est pas sortis de l’auberge…
Et moi qui avait cru que l’humanité ne se remettrait pas du décès de steve jobs, évènement capital avec la naissance d’un ou d’une sarkozy.