Toutes les forêts du monde

Sylvain Angerand, des Amis de la Terre, m’envoie le texte d’une tribune parue dans Libération, sous sa signature. Cela tombe bien : l’ayant déjà lue, je m’apprêtais à vous en parler (http://www.liberation.fr). Je n’ai jamais rencontré Sylvain et ne sais que fort peu de choses sur Les Amis de la Terre. Ce qui ne m’a pas empêché de saluer ici ou ailleurs la droiture et la pugnacité d’un de ses membres, Christian Berdot, à propos des biocarburants.

Que nous veut Sylvain Angerand ? Eh bien nous alerter, bien entendu, et sur une question essentielle. Une de plus. Voyez l’entrée en matière, qui résume bien le tout : « Planter des arbres pour sauver le climat est la grande mode du moment. Il n’y a qu’à voir les opérations qui pullulent ces derniers temps : «Un milliard d’arbres pour la planète» du Programme des
Nations unies pour l’environnement,
«Un arbre, un Parisien» de la Ville de Paris, et encore «Plantons pour la planète» d’Yves Rocher. L’idée est qu’en grandissant, un arbre capte du C02, l’un des principaux gaz à effet de serre, permettant donc d’en atténuer l’impact sur le réchauffement climatique ».

Angerand décrit le monde tel qu’il est. Qui ne ressemble pas aux dépliants publicitaires de l’univers marchand. La supercherie, en ce domaine, repose sur une idée si simple qu’elle en est totalement fausse : un arbre vaudrait un arbre. Un eucalyptus, appelé en Amérique latine l’arbre de la soif, tant il assèche les sols où il est planté massivement, vaudrait un arbre tropical de 700 années vivant une infinité de relations complexes avec son voisinage de plantes et d’animaux. Si vous lisez l’espagnol, allez jeter un oeil à l’adresse entre parenthèses (http://www.redtercermundo.org). Un vieil homme venu d’Australie, qui est aussi et surtout un eucalyptus – Don Eucalipto – raconte l’odyssée, ce long sanglot de l’eucalyptus, changé pour notre malheur en petit soldat de l’industrie forestière.

Donc, un serait égal à un. La forêt gagnerait en Chine, alors qu’elle s’évanouit, parce que le parti communiste a décidé de planter des surfaces géantes d’eucalyptus génétiquement modifiés. L’Indonésie, multipliant des palmiers à huile par milliards, compenserait, au moins en partie, la perte de ses forêts pluviales primaires, qu’elle vole à l’humanité et à l’avenir de tous. Et de même, partout, dans ce monde barbare.

Angerand nous met en garde contre un nouveau truc des bureaucrates du climat. À Bali, où Greenpeace s’est en partie déconsidéré, la planète officielle a discuté des moyens de lutter contre le grand dérèglement. Ce qui fut et demeure un désastre – l’absence de toute décision – a été présenté comme un pas en avant par tous ceux qui ont un intérêt, au moins symbolique, à ce que le commentaire soit mensonge.

Là-bas, dans le pays de l’abomination – Bali est en Indonésie -, l’on a évoqué une idée inouïe : payer des gouvernements pour qu’ils limitent un peu la déforestation. Dans le jargon insupportable des conférences internationales, cela s’appelle « déforestation évitée ». Et comme la FAO, agence onusienne, considère que les monocultures d’arbres valent les communautés végétales plurimillénaires des forêts primaires, on peut s’attendre à de stupéfiants résultats.

À terme, l’ONU pourrait aisément payer les mafieux d’Indonésie qui plantent des palmiers à huile pour fabriquer des biocarburants, au motif que ces arbres ralentissent la déforestation massive causée par leur développement fulgurant. Les mafieux gagneraient ainsi deux fois. Au-delà, le monde entier pourrait se reboiser sous la forme de pins Douglas dans le Morvan français – Lulu, coucou ! -, de peupliers en Chine, de palmiers dans le bassin du Congo, etc.

Tragédie ? Je confirme : tragédie. Mais je dois ajouter que j’en ai marre de ces cohortes de collaborateurs de la destruction, qui font la queue au guichet de la mort. La rébellion est un devoir moral élémentaire. En attendant mieux. Tiens, je viens de lire un article qui referme, pour aujourd’hui en tout cas, le dossier. Laurence Caramel (http://www.lemonde.fr) écrit ceci : « Plus de 1,6 milliard d’arbres ont été plantés en 2007 grâce à la campagne « Plantons pour la planète » lancée par le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) avec la Kényane Wangari Maathai, Prix Nobel de la paix 2004, dont le Mouvement de la ceinture verte soutient depuis longtemps des actions de reforestation en Afrique. L’objectif du milliard d’arbres que s’étaient fixé les initiateurs du projet est ainsi dépassé. Fort de ce succès, le PNUE a annoncé que la campagne serait reconduite en 2008 et en 2009.
Au palmarès des pays ayant répondu à l’appel, l’Ethiopie arrive en tête avec plus de 700 millions de plants, suivie par le Mexique (217 millions) et la Turquie (150 millions)
».

N’est-ce pas formidable ? Non. En Éthiopie, la surface de forêts est passée de 40 % du territoire national en 1950 à 3 % aujourd’hui. 700 millions d’arbres qu’on pourrait dire sans racines, en tout cas sans l’extraordinaire réseau de diversité qui en fait des monuments de la vie, ce n’est rien. Peut-être moins que rien, car l’illusion n’est pas notre alliée, mais un mortel soporifique.

14 réflexions sur « Toutes les forêts du monde »

  1. Bonjour,

    Je pense aussi que la préservation des milieux naturels, dont dépend la diversité biologique, est un problème encore plus sérieux que celui des gaz à effets de serre (ce grand méchant CO2 qui permet de faire passer les moteurs diesel Peugeot HDI FAP pour des moteurs propres). Et qu’on risque de s’endormir contents en lisant que le programme pour 1 milliard d’arbres en 2007 a atteint son objectif, sans voir que l’Ethiopie a planté 700 millions d’arbres et le Mexique 200 millions (arbrisseaux dont il ne semble pas exister la moindre photo, d’ailleurs, et dont la survie n’est pas du tout assurée). Nous inversons l’importance des problèmes, comme c’est souvent le cas malheureusement.

    Mais, et là c’est mon côté optimiste, au moins, nous abordons le problème écologique global… Dire que tout va très mal et que les solutions sont pire que les problèmes, ça risque, je le crains, de détourner du problème une majorité de gens… Ne crions pas au scandale trop fort, c’est déjà pas si mal qu’il y ait ce début de prise de conscience, même mou, même imparfait. On n’a pas construit Rome en un jour et la volonté d’affronter les problèmes, c’est déjà faire le tiers du chamin vers leur résolution réelle.

    Cordialement,
    Grégoire

  2. tu as raison grégoire, mais dans ce cas là (comme dans celui des « bio »carburants,ect) ne se sert-on pas de l’écologie pour déforester en masse et à tout jamais dans le but de ne replanter que du rapidement consomable ?adieu tigres, orang-outangs, oiseaux,loups, élans,insectes en tous genres, ect

  3. J’apporte mon témoignage à un petit niveau, la Bretagne.
    La Bretagne n’a que très peu de forêt 7% de la SAU
    Mais elle avait une forêt linéaire importante par
    son bocage.(Un kilomètre de haie égale un hectare de forêt.)
    Il ne reste plus que des lambeaux vieillisants, pour cause de destruction par le modèle agricole je ne vous apprends rien.
    L’arasement sur les cinq départements bretons est de 300 000 kilomètres de haies, 150 000 rien que sur les Côtes d’Armor.
    Début décembre, Eau et Rivières de Bretagne organisait un coloque sur le bocage.
    J’avais 15 mn pour intervenir.
    Pas un intervenant n’a évoquer la replantation de bois d’oeuvre.
    On a parlé que de taille mécanique, de la filière bois énergie.
    Sans la taille manuelle on ne peut pas conduire la formation d’arbres de haut jet.
    On est dans la droite ligne des agro-carburant.
    On va replanter les dernières zones humides avec des plantations intensives de saules.
    La filière bois énergie n’est pas rentable.
    Il faut déplacer le lamier la broyeuse la nacelle, trois tracteurs six bons hommes.
    C’est user le soleil.
    Chaque arbre qui ne sera pas replanté chez nous on ira piller les forêts tropicales.
    Je pensais que ce public nombreux était motivé.
    Ils ont gobé des anneries comme quoi les arbres du bocage consommaient énormément d’eau par évapo-transpiration et diminuait le pouvoir dépuration des zones humides (Mérot INRA Rennes)
    Il a oublié que les arbres avaient des feuilles et faisaient de l’ombre qui gardant ainsi la fraicheur.
    En fait le fil est rompu.
    Avec deux ou trois ouvriers agricoles d’il y a 40 ans on en aurait plus appris.
    La culture de la nature est surtout virtuelle.
    Les mains sachant affuter et tenir un outil deviennentt rares.
    En fait le bocage disparait ce n’est pas de la faute de l’état et des agriculteurs, c’est parce que les breton ont perdu leur culture rurale, ils ont laissé faire.
    L’aculturation de la nature touche toute les couches de la société.

    J’avais quinze minutes pour présenter un projet sur l’Arbre indispensable.

    Nous avions organisé une expo sur les fonctions de l’arbre.

    Quatre axes.

    La symbolique, productions de matériaux, alimentaire, et protection écologique et bio diversité.

    Nous avons simplifié par quatre panneaux, une phrase des têtes de châpître.

    1 L’arbre est indispensable parce que faisant partie de notre culture, lien entre les générations.

    2- l’arbre est indispensable pour la production de nos matériaux.(construction, artisanat, énergie, transport, industrie).

    3- L’arbre est indispensable pour notre alimentation, (hommes, animaux, insectes.)

    4 L’arbre est indispensable comme élément fédérateur entre l’eau, l’air, et les sols.
    Sans lui les éléments se détruisent.
    En fait la haies regroupe toutes ces fonctions.

    Normalement Eau et Rivières devrait mettre le projet sur son site.

    Les panneaux permette dans la commune de réfléchir sur les quatre thèmes localement.
    On pourra rechercher les arbres remarquables, planter des bois bois pour usages locaux sans bousculer les équibre., refaire des vergers, planter des fruitiers sur les chemins de randonnées, protèger l’eau, les sols.
    Me contacter Bascanlou@orange.fr.

  4. A l’auteur du commentaire précédent : bravo ! Il est réconfortant de voir que des gens comme vous existent (l’arbre « faisant partie de la culture » – pas celle du monde normalisé à la Disney !).

  5. Ah mais ah mais ah mais, moi ça me plairait d’effectuer avec ce genre de projet un retour à la terre dans ma région natale.
    Je pose une question économique grotesque : peut-on en vivre ? (je n’attends pas de réponse précise !)
    Déserter l’armée de la Sainte Économie…

  6. @ miaou, va sur le site de lucienne, ils essayent de créer une forêt biodiversifiée pérenne . tu peux la contacter en direct, elle est très aimable . (voir page de fabrice sur le sujet)

  7. Parlant de la biodiversité notre groupe (dérangé du bocage) s’intéresse à un arbre en voie de disparition, le cormier (sorbus domestica)
    C’est un fruitier qui peut vivre plus de 500 ans.
    Le bois est précieux, dense.
    Il servait à faire des engrenage de moulin, caractères d’imprimerie, rabots, varlopes, même les pâtins de freins du métro parisien.
    Le fruit resemblent à une petite poire, ou pomme.
    On tirait la meilleure gnole.
    Ses fruits séchés étaient en cas de disette mélangés à la farine.
    On a fait plusieurs opérations cormiers avec distribution de graines, plants.
    Certains ont fait plus de 300 km pour venir en chercher.
    On vient encore d’en découvrir un beau spécimen de plus de 25 m de haut, 8 mètres de bille, 2,60 de circonférence.
    Le propriétaire veut l’abattre pour le vendre.(tranchage)
    Heureusement il est un peu creux.
    Nous avons prélevé quelques fruits.
    Une opération de conservation de l’espèce va sans doute être menée.

    DU PRATIQUE

    Pour obtenir des petits cormiers.

    Extraire les pépins du fruit, les laver.
    J’oubliais, les fruits se mangent blet.
    La faune se régale de ce fruit même les renards.(moi ausi)

    Il faut conserver ces graines au frigo tout l’hivers dans du sable, frais mais pas mouillé.
    J’utilise des boites portion avec couvercle.(200graines)
    Au printemps quand la végétation redémarre, les sortir du frigo pour le cellier, lorsque que le germe se forme les planter à 0,5 cm de profondeur.
    J’utilise des fonds de barique que je recouvre d’un grillage pour les oiseaux et les souris ne ne dévorent pas les semis.
    Il faut imiter le mulot.
    Il peut transporter jusqu’a 40 glands ou châtaignes à plus de 20 mètres de l’arbre ou il les a prélevées.
    Il a pris la précaution de prendre des beaux fruits(sélection naturelle gourmande).
    Il va enterrer sa récolte pour qu’elle se conserve jusqu’au printemps(frais mais pas mouillé).
    Si il les perd ou se fait manger, les graines germeront.
    Les plants sont presque tous promis(gratuitement), mais il me reste des graines.
    Le terrain est le même que le pommier et poirier.
    Il résiste bien à la sécheresse.
    bascanlou@orange.fr

  8. J’ai encore laissé des fautes.
    Pour m’excuser un petit mot sur le cousin du cormier l’ALISIER (sorbus torminalis)qui lui aussi est un arbre magnifique.
    Il est moins rare et pousse un peu plus vite.
    Son bois est aussi précieux que le cormier.
    Les fruits sont plus petits et délicieux quand ils sont murs.
    Même opération pour sa reproduction.
    Ces deux arbres on les trouve dans les milieux forestier sur les talus ils sont devenus très rares.

  9. oui c’est un bel arbre (j’ai été voir) , de prime abord je l’aurai confondu avec le sorbier . dans le type de projet que j’essaye de constituer àà la vitesse de l’éclair , comme tu le sais, à cause de l’OIN qui frappe ma région, s’il te reste des graines, je suis preneuse !

  10. Jy morel,je t’ai rencontré à Quevert en Novembre dernier et souhaiterai plus d’informations sur ton travail à propos de l’arbre, voir même te rencontrer en I et V.merci d’avance. j.lintanff.

  11. Je retombe sur ce courrier.
    J’ai quelques graines à te fournir quant au projet cela prend forme.
    C’est peut-être greenpeace qui reprendrait le concept.
    Pour le cormier un programme de conservation est lancé par les pépignières forestières de guéménée Penfao.
    Nous avons une visite sur le terrain.
    Passe me voir au Bas-Canlou Iffendic 35750

  12. Rien ne prouve qu’il y a 100 ou 50 ans, les plateaux éthiopiens étaient boisés. Ces hautes terres sont défrichées depuis bien plus longtemps (2000 ou 3000 ans ?). Les photos anciennes (1868 Napier) révèlent des plateaux nus, sans arbre. Tous les travaux (Mesfin W/Mariam, D. Crummey) et mes observations et articles depuis 1969 montrent un reboisement net des plateaux du Nord.

    A. Gascon, professeur Université Paris 8, Institut français de géopolitique et INALCO

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