Cette mort qui rôde autour de nous

Publié par Charlie-Hebdo je ne sais plus quand, mais il n’y a guère

Selon un lourd document de l’OMS, un quart des morts ont des causes environnementales. On serait tenté d’applaudir – enfin !-, mais c’est finalement un poil plus compliqué. L’agence de l’ONU a de biens curieux moments d’oubli. Alzheimer ?

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) est une grosse mémère, et elle n’a cessé de prendre du poids. Quantité d’États, de structures et encore davantage de bureaucrates l’ont rejointe depuis sa création par l’ONU en 1948. Combien de bataillons aujourd’hui ? 200 pays en font partie, 7000 personnes y bossent, dans 150 bureaux partout dans le monde.

Dernier rapport en date ? Un bastringue intitulé en novlangue onusienne « Prévenir la maladie grâce à un environnement sain: une estimation de la charge de morbidité imputable à l’environnement ». Ça ne fait pas envie, on est bien d’accord. Dans ce gros ragoût de 150 pages en anglais (1), on apprend que 12, 6 millions d’humains sont morts dans le monde en 2012, « d’avoir vécu ou travaillé dans un environnement insalubre ». C’est-à-dire près du quart – 23 % – de toutes les morts de cette même année. Impressionnant.

Cela n’empêche pas de se poser quelques menues questions. L’OMS balance en effet dans son fourre-tout quantité de drôles de chiffres. Par exemple une partie des morts de la route, pour la raison qu’elles sont souvent liées à un mauvais état des routes. Ou des suicides. Ou du paludisme, ce qui est déjà un peu plus raisonnable, même si les auteurs semblent aimer beaucoup l’art de tirer par les cheveux. Et l’on s’en rend mieux compte lorsque l’on entre dans le vif du sujet.

L’OMS retient en effet 1,7 million de morts par cancer chaque année, soit environ 22 % des 8 millions de morts au total. Le choix – c’en est un -, est politique, et revient à minorer le résultat, car un débat mondial fait rage entre au moins deux catégories de scientifiques. D’une part, ceux qui tiennent le facteur environnemental pour second, voire négligeable. En France, leur représentant distingué est le cancérologue David Khayat, de loin le plus militant : selon lui, l’environnement pèse 2% des cancers. D’autre part, ceux pour lesquels les différentes pollutions jouent un rôle décisif. En France, le cancérologue Dominique Belpomme préside l’association Artac, qui diffuse des informations et des chiffres très éloignés des statistiques officielles (2). En 2004, l’Appel de Paris qu’il avait initié déclarait dès son article 1 : « Le développement de nombreuses maladies actuelles est consécutif à la dégradation de l’environnement ». Au sens large – la définition fort vague retenue par l’OMS – 60 à 70 % des cancers auraient une origine environnementale. Y a donc de la marge.

Le rapport contient beaucoup de chiffres importants, qui pourraient servir de base à de vraies politiques de santé, mais présentés ainsi, ils ont toute chance de passer inaperçus. D’ailleurs, qui en parle ? C’est peut-être un hasard complet, mais de même que toutes les institutions onusiennes, l’OMS est soumise à des politiques d’influence systématiques menées par des lobbys industriels de mieux en mieux organisés.

On citera pour mémoire trois cas bien documentés. Un, l’accord signé en entre l’OMS et l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) le 29 mai 1959, implique des règles de confidentialité stricte qui ont permis de proprement ligoter la première et de probablement dissimuler des faits gênants pour la nucléocratie. Deux, l’incroyable cadeau fait par l’OMS aux laboratoires pharmaceutiques, sur fond de virus H1N1 – la grippe aviaire -, dénoncé ouvertement par le Conseil de l’Europe (« De graves lacunes ont été identifiées en ce qui concerne la transparence des processus de décision liés à la pandémie »).

Et enfin les liens viscéralement pourraves noués entre l’OMS et le plus grand des lobbys de l’alimentation industrielle, The International Life Sciences Institute (Ilsi). Ensemble, ces si braves personnes avaient décidé de définir des normes internationales de protection des pauvres pékins que nous sommes (3). L’alimentation industrielle ? Tiens, l’OMS n’en parle pas dans son plantureux document.

(1) http://apps.who.int/iris/bitstream/10665/204585/1/9789241565196_eng.pdf?ua=1

(2) www.artac.info/fr/prevention/prevention-environnementale/l-origine-environnementale-des-cancers_000126.html

(3) Voir notamment Un empoisonnement universel, Les Liens qui Libèrent (2014)

2 réflexions sur « Cette mort qui rôde autour de nous »

  1. « En France, leur représentant distingué est le cancérologue David Khayat, de loin le plus militant : selon lui, l’environnement pèse 2% des cancers »
    C’est tellement gros que ça ne passe plus, même pour un poisson d’avril je n’oserai sortir une telle ineptie, comment se personnage explique le doublement des cancers chez les moins de 50 ans lors des 35 dernières années (le tabagisme et l’alcoolisme ont peu évolué), ou les écarts d’espérance de vie d’environ 10 ans entre les Pyrénées et les sites contaminés comme celui par métaleurope.

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