L’éternel retour des farines animales

Nous avons beau vivre par miracle en paix – nous, pas ceux d’ailleurs et du lointain – depuis presque 63 années, une guerre non déclarée nous est faite jour après jour par le système industriel et marchand. Vous pouvez estimer que j’exagère, bien entendu. Mais attendez tout de même quelques lignes, s’il vous plaît.

À l’automne 2007, le lobby du porc demande à rencontrer notre ministre de l’Agriculture, Michel Barnier. Ces gens-là n’en peuvent plus. Disent-ils. Tout coûte de plus en plus cher, à commencer par cette nourriture à base de céréales qu’ils sont contraints d’offrir à leurs prisonniers depuis la funeste affaire de la vache folle. Ils demandent au ministre de revoir l’interdiction des farines carnées pour les animaux d’élevage, décidée par l’Europe en 2000. Barnier botte précautionneusement en touche, et parle d’études en cours. Courageux, mais pas téméraire.

Depuis, le prix des céréales n’a fait qu’augmenter, et les éleveurs industriels n’ont cessé, au cours d’innombrables réunions, de réclamer le droit de donner de la viande aux cochons. Et aux poulets, tant qu’on y est. Avec un allié qui compte et qui s’appelle le Sifco ou Syndicat des industries françaises des coproduits animaux. Le nom, déjà, fait envie. Coproduits. Lisez par vous même, mais surtout pas avant de manger : www.sifco.fr. Le Sifco fabrique des farines animales, mais a eu la grande sagesse de les rebaptiser Protéines animales transformées, ou PAT. C’est mieux, éPATant, même.

Pour l’heure – quel inconcevable gâchis ! – les déchets ont deux destinations principales. Les restes d’animaux malades partent brûler dans les cimenteries. Et les autres sont changés en PAT qui nourrissent nos chats et nos chiens. Avec une variante intéressante : on en fait aussi de l’engrais. Le sang, pour sa part, « enrichit » la diète des poissons d’élevage, poissons dont on tire à l’occasion des farines destinées à l’alimentation des porcs et des volailles. Voilà un système astucieusement pensé.

L’Europe va-t-elle céder ? Elle est visiblement soumise à un pilonnage en règle des lobbies, et n’est plus si éloignée de dire oui. Pour l’heure, elle se contente de financer, à hauteur de 1,7 million d’euros, l’élaboration d’un test. Qui permettrait de savoir de quel animal provient telle farine. Pas bête. Car l’Europe, d’une cruauté sans nom à l’encontre des éleveurs, ne veut pas entendre parler de cannibalisme. En clair, un porc ne saurait nourrir un porc. Un poulet, un poulet, etc. Pour une raison en fait très pragmatique : il convient d’empêcher la transmission de maladies au sein d’une même espèce.

Je pense que vous apprécierez comme moi le propos d’un des grands manitous du porc industriel en France, Paul Auffray, qui est secrétaire général de la section porcine de la Fédération nationale des exploitants agricoles (Fnsea) : « Il ne faudrait pas que ça effraie le consommateur, et puis auprès des distributeurs qui communiquent sur le tout végétal dans l’alimentation animale, c’est pas évident ». Mais si : web-agri.fr. Et voyez cette étonnante réplique de McDo : « À supposer que les conditions de sécurité sanitaire soient réunies, comment l’expliquer au consommateur ? » (ouest-france.fr).

Je dois dire que j’adore cette ultime phrase du marchand de frites et de gras. Car je ne vois pas comment dépasser une telle perfection. Le problème, le seul problème, c’est de fourguer. Peu importe quoi, peu importe croyez-moi. Fourguer. Un emblème. Un blason.

9 réflexions sur « L’éternel retour des farines animales »

  1. …..et puis auprès des distributeurs qui communiquent sur le tout végétal dans l’alimentation animale, c’est pas évident ».

    Voici selon un tract trouvé dans une coop bio en côte d’armor ce que veut dire « le tout végétal » (les chiffres ne sont peut être pas fiable) :

    Produits bretons contaminès !
    Les OGM sont dans l’assiette …….

    4 Millions de tonnes/an de soja OGM importés par la Bretagne pour les coopératives, industries agro-alimentaires et éleveurs …. Aucune traçabilité sur les produits animaux contaminés : lait, fromage, œufs, viandes, poissons …

    Le consommateur est en droit d’exiger que les produits issus d’animaux ayant consommé des OGM soient identifiables par leur étiquetage.

    Les consommateurs doivent garder la possibilité de consommer sans OGM et en France ce n’est pas possible !

    Contact : ogmbzh@gmail.com

    ATTENTION BEAUCOUP DE PRODUITS ALIMENTAIRES BRETONS SONT CONTAMINÉS PAR LES OGM !

    Tous les sondages le confirment : la grande majorité des consommateurs ne veulent pas d’OGM dans leurs assiettes (86% des consommateurs français). Ils ne souhaitent donc pas se faire imposer, à leur insu des OGM dans leur alimentation.
    La réglementation européenne impose d’indiquer sur l’étiquette, dans la liste des ingrédients, ceux qui contiennent plus de 0,9% d’OGM. De fait, pour tenir compte des réticences des consommateurs, la plupart des industriels ont exclu de leurs préparations alimentaires les ingrédients (maïs, soja, colza…) contenant des OGM. Mais cette obligation d’étiquetage ne concerne pas les viandes, les produits laitiers, les œufs, les poissons même si ils sont issus d’animaux ayant consommé des plantes génétiquement modifiées.

    L’alimentation animale est le débouché principal des OGM cultivés dans le monde. Grande région d’élevage, la Bretagne est particulièrement concernée puisqu’elle importe la plus grande partie de ses protéines, essentiellement des tourteaux de soja du Brésil et d’Argentine, pour nourrir porcs, volailles, poissons, bovins pour le lait et la viande.
    Des (?) Millions de Tonnes de soja sont importés chaque année en France essentiellement du Brésil et d’Argentine au détriment des cultures vivrières locales et des petits paysans. La biodiversité est atteinte par le défrichement à tout va de milliers d’hectares de forêts latino-américaines pour être remplacées par des plantes génétiquement modifiées…elles servent à l’alimentation animale exigée par les pratiques de l’agriculture intensive française !
    Des (?) Millions de Tonnes /an passent par le port de St Nazaire (44), 2 millions de Tonnes/an passent par les ports de Lorient (56) et Brest (29), le reste par les autres ports atlantiques…

    35% de ces importations sont des OGM et ça finit dans les assiettes sans que le consommateur en soit informé !

    Beaucoup des producteurs, des coopératives, des industriels en Bretagne dépendent totalement des filières de production OGM. Pourtant des alternatives existent et à moyen terme il est possible de développer majoritairement les alternatives au soja et d’adopter des systèmes de production plus autonomes (retour à la prairie pour les bovins, culture des plantes riches en protéines comme les pois, les féveroles, utilisation de tourteaux de colza et de tournesol …)

    Quelques exemples de produits contaminés …

    Type de produits Coopérative/Fabricant Produits-marques

    Lait et produits
    laitiers
    Coopagri, Socopa
    Paysan Breton- Régilait

    Viande de porc
    Coopagri-Glon, Sanders,
    Unicopa, Houdebine
    Valtéro, Cochon de Bretagne, Gustou
    Houdebine, Jean Hénaff, Porc fermier d’Argoat, Porc d’Armorique, Cochon des Druides

    Viande bovine
    Coopagri
    Valtéro

    Volailles
    Coopagri, Glon-Sanders,
    Ribochon, Houdebine, Unicopa
    Ronsard, Fermavol, Socavi

    Œufs
    Coopagri, Glon-Sanders,
    Ovoteam
    Matines-Mas d’Auge

    Plats préparés
    conserves
    CECAB, Doux, Jean Hénnaf,
    Houdebine
    Houdebine, Jean Hénnaff, Père Dodu, Broceliande, D’Aucy

  2. manger moins est la solution. On peut vivre avec moins de 1200 calories par jour. C’est ce que je vais, j’ai la ligne et je suis en pleine forme.

  3. oui, manger moins et mieux!
    Etre vigileant, éviter les grandes surfaces pour les aliments, surtout frais, privilégier autant que faire se peut les AMAP…Je travaille au contact de familles défavorisées à faibles revenus, ce sont souvent celles qui consomment le plus mal: produits surgelés et cuisinés(hors de prix et non diététiques), sucreries et sodas pour les enfants qui [ne peuvent pas vivre sans]!
    Education, sensibilisation et résistance permanente!

  4. n’acheter jamais de produits transformés (même bio : beaucoup contiennent de l’huile de palme) – manger moins, c’est sûr, manger plus simple. Ce n’est vraiment pas difficile, c’est au final moins cher, c’est la seule solution. Tout est remplaçable : les merdes en barres ne passeront pas par chez nous. Il faut que ça se généralise.

  5. la semaine dernière, alors que je demandais à un éleveur s’il savait quel réseau de distribution suivait la viande qu’il livrait aux abattoirs, la conversation a dévié sur l’utilisation des sous-produits des abattoirs et leur « valorisation ». A l’en croire la valorisation est repartie comme en 40, comme dirait l’autre! Un plein cargo rempli de farines animales venait de partir du port du Havre la semaine précédente à destination du Brésil. Je crois d’autant plus cet éleveur, que ce dernier est à fond dans la logique industrielle (ne pratique que de l’engraissement de vaches de réforme) et qu’il ne s’en cache pas. En revanche, je ne sais pas à quel marché est destinée cette cargaison. Quoi qu’il en soit, il semble bien que le but de tous les industriels de la filière soit, comme vous le dites Fabrice, de refourguer, refourguer et refourguer un maximum. Le but: minimum de pertes, maximum de profits. Si un obstacle se présente, on le contourne au plus vite et on repart au galop!!
    La fameuse fuite en avant, déraisonnée et écervelée. Un peu à la manière de ces pauvres bêtes qui arrivent sur la chaîne de l’abattage, que l’on éviscère et étête bien méticuleusement. Sauf qu’elles, elles n’ont pas le choix.
    Pitoyable!

  6. Il faudrait faire manger leur merde aux gars de la FNSEA pour voir s’ils y survivent. Il deviendraient des gouteurs. En meme temps on est dans un systeme « libéral » ou chacun fait ce qu’il veut. Alors il faudra choisir…

  7. Je vous livre quelques passages de Porc Magazine de février n418.

    Editorial.

    Les resposables porcins francais ont mille fois raison de dénoncer les multiples distortions dont souffre l’élevage porcin français.
    Il paie déjà cher le luxe de se priver des graisses et farines animales comme des tergiversations sur le dossier OGM.
    Sans parler d’une candide soumission environnementale….

    Page 38
    Tablons sur la PAC

    Le lobby encense M. Barnier.

    Le ministre multiplie les initiatives.

    Article sur Nucleus p 92

    En inaugurant son site de Saint Sulpice des Landes une unité protégée à haut statut sanitaire, Nucléus donne des ailes à sa stratégie de sécurisation de la filière de sélection multiplication.
    Cela peut paraitre du charabia mais en clair on y fait naître les futures truies reproductrices par césarienne pour éviter tout agent patogène, dont principalement le PCV2 ou MAP.
    C’est une maladie du type sida.

    Dans le texte.
    La bio sécurité à la station de St sulpice des Landes.

    Au moment de l’hystérectomie(césarienne)de la truie »donneuse »les porcelets sont recueillis dans ce caisson étanche(photo)placé sous la table d’opération.
    Ils sont ensuite immédiatement diligentés dans le sas « double porte de transfert étanche-DPTE ».
    de l’intérieur les porcelets sont récupérés.

    Et adoptés par des nourrices.)

    Ce sas (photo) est l’unique voie d’échange de matériel avec l’extérieur.
    Tout le bâtiment d’élevage est sous air filtré(filtre héta 13).
    et donc en surpression.
    Lorsque l’on a besoin d’évacuer un cadavre, celui-ci est placé dans ce sas en surpression, puis tiré à l’extérieur par du personnel qui n’entre pas dans le bâtiment.
    Ensuite le sas est désinfecté par fumigation pendant 24h.
    Les silo d’aliments sont reliés par les combles au système de filtration.

    Les cochette sont acheminées par camion à air filtré.

    Il est évident que les petits vont être laminés, sur le plan économique mais aussi comme risques potentiels.

    Page 38 on parle de la fable de la paille et du cochon.
    La filière »assainie » n’est pas conciliable avec la paille.
    On ne va pas à l’hôpital se faire soigner avec de la paille dans les sabots.

    On croirait à un mauvais roman de science fiction.
    C’est un désastre annoncé.

    Ce projet s’inspire d’une maneuvre, décrite par Roland Cariolet de L’Afssa.
    Pour protèger le consommateur sans doute.

  8. ouais, manger moins et bio (surtout moins de viande ), manger des produits non transformés, et des produits de proximité au maximum (je n’ai pas encore fait fi du chocolat, mais bon..j’en mange moins..)

  9. @ Valérie : l’huile de palme bio est tout ce qu’il y a de plus recommandable, en aucun cas elle pose les problème de la palme filière « conventionnelle ».

    Les problèmes que pose l’huile de palme conventionnelle sont non seulement la déforestation en Asie et tout ce qui va avec mais aussi le fait qu’en alimentaire, l’huile n’est pas utilisée telle quelle mais « raffinée », en clair débarrassée de toutes ses qualités à grands coups de solvants aussi chimiques que toxiques.

    L’huile de palme bio au contraire, pousse nativement en Afrique et elle est également produite en Amérique du Sud. Or, à l’inverse de don équivalent industriel elle n’est pas le résultat d’une déforestation, ceux qui cultivent le palmiste ne sont pas surexploités, en outre elle est utilisée telle quelle sans « raffinage » ni transformation, c’est donc une très bonne huile en soi.

    Donc il ne faut pas tout mélanger.

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