(Bretagne Vivante 9)
Je ne devrais pas vous le dire, car je vis de ce métier, mais le journalisme se porte honteusement mal. Honteusement. Ce n’est certes pas la première fois dans son histoire, vous le savez tous, mais les temps présents sont réellement calamiteux.
Pour le dire (trop) vite, nous sommes passés des Ordonnances de 1944 – l’euphorie de la Libération créait une presse enfin délivrée de ses liens avec l’industrie – au culte permanent de la marchandise. Des secteurs essentiels appartiennent déjà aux philanthropes Lagardère et Dassault, fabricants d’armes, ou à Bouygues, roi du béton. À quelques exceptions, l’acte d’achat volontaire du lecteur est devenu second. Ce qui prime, c’est la vente d’espaces qui devraient pourtant être réservés à l’information. Bienvenue dans le monde de la bagnole, du pétrole et de ses dérivés, des lessives, du plastique, des objets inutiles et coûteux, place au gaspillage sans limite.
La pub n’est-elle pas l’industrie du mensonge ? Et le moins qu’on puisse écrire, c’est qu’elle n’est pas l’amie de la nature. Arrêtons-nous sur deux exemples. Le premier, à l’heure où je vous écris, donne lieu à un procès. D’un côté l’industrie des pesticides, ou plutôt son faux-nez, l’Union des Industriels de la Protection des Plantes (UIPP). De l’autre des associations qui lui reprochent d’avoir lancé en février une campagne de publicité géante dans la presse, qui devrait durer six mois. À main droite un système, des millions d’euros, une presse toujours plus dépendante de la publicité. De l’autre, nous. Nous, qui savons bien quel poison infernal est caché dans la chimie de synthèse. Nous, tous réunis : combien de divisions ?
Le second exemple vous a peut-être échappé. Greenpeace a révélé, s’appuyant sur le travail d’un laboratoire néerlandais, que la presque totalité des grands parfums contiennent des produits inquiétants. Notamment des esters de phtalate et des muscs de synthèse. Ces molécules s’attaquent tantôt à l’ADN, tantôt aux spermatozoïdes ou à notre système hormonal.
Et ? Nos journaux, écrits ou télévisés, auraient dû consacrer gros titres et copieux dossiers à cette incroyable dégradation de nos conditions de vie. Au lieu de quoi, (presque) rien. Je ne vous ferai pas l’injure de vous proposer une conclusion, tant elle est évidente. À quand la révolte ?