Connaissez-vous James Hansen ? C’est un éminent scientifique américain, directeur de l’Institut Goddard pour les études spatiales. Considéré comme l’un des meilleurs spécialistes mondiaux du climat, il a eu maille à partir, à la fin de 2006, avec la Nasa, son principal client.
La Nasa, selon Hansen du moins, voulait alors l’empêcher de s’exprimer publiquement sur la crise climatique en cours. Il est vrai que la question, sous le règne misérable de W. Bush, est devenu un enjeu politique décisif. Bref, Hansen était menacé du baîllon, sous la forme d’une sanction financière pénible à ce niveau de recherches.
On comprend mieux pourquoi aujourd’hui. Cet été, Hansen a signé avec cinq co-auteurs une retentissante étude appelée Climate change and trace gases (1). Je me vois contraint de la résumer, à mes risques et périls. Hansen met en cause le consensus officiel, péniblement obtenu par les scientifiques du Groupe Intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), qui fait autorité en la matière.
Selon Hansen et ses co-auteurs, la situation réelle est bien plus grave. Notamment à cause des risques d’inversion de l’albedo. Pour simplifier, disons qu’aux pôles, une grande partie des rayons du soleil sont renvoyés dans l’atmosphère par la masse blanche des glaces gelées. Or le réchauffement fait disparaître de plus en plus vite la banquise de l’Arctique et commence à disloquer des morceaux de calottes au Groënland et en Antarctique. Ce qui est redoutable, car l’eau libre absorbe, elle, la chaleur solaire, ce qui accroît le réchauffement global, lequel augmente la fonte des glaces, etc. Ce qu’on appelle une boucle de rétroaction positive. Positive, façon de parler.
L’étude de Hansen rapporte bien d’autres faits angoissants. Le GIEC aurait tort, et le niveau des mers pourrait monter, d’ici 2100, de cinq mètres au moins, et peut-être bien plus. Or le GIEC, empêtré dans de multiples considérations étatiques, diplomatiques, tenu par l’application d’un consensus mondial de ses chercheurs pour chacun de ses rapports publics, en reste pour l’heure à une estimation de 59 centimètres d’élévation à la fin de ce siècle.
Si Hansen a raison, et je n’en sais rien, la situation est en train d’échapper à tout contrôle humain, et nous connaîtrons de tels désastres que je préfère me boucher les oreilles, et les yeux. Il n’est en tout cas pas seul à évoquer le pire. Le grand journaliste anglais Fred Pearce publie ces jours-ci à Londres un nouveau livre, With Speed and Violence. Coïncidence ou vrai signal ? Il y émet l’hypothèse, hélas sérieuse, que le GIEC sous-estime quantité de phénomènes qui ne peuvent qu’aggraver le dérèglement climatique. Et parmi eux, cette fonte incroyable des sols gelés du nord du Canada et de la Sibérie, qui libèrent un gaz à effet de serre bien plus puissant que le CO2 : le méthane. Il constate en outre que le niveau des mers, il y a 14500 ans seulement, est soudainement monté à une folle allure, ne laissant pas le temps de s’adapter aux nouvelles conditions. Faut-il rappeler qu’à cette époque, la planète était à peu près vide d’humains ?
La question que je me pose ce matin, alors que brille le soleil derrière ma fenêtre, est un brin obsédante. Comment convaincre nos peuples, qui ne pensent qu’à consommer davantage, qu’il faut briser là ? Trouver d’autres voies. Imaginer à bride abattue une autre manière de conduire nos vies ? Ne parlons pas de nos (ir)responsables politiques, car à quoi bon ? Tous se battent pour que nous vendions davantage de bagnoles aux Chinois. Après Sarkozy et tous autres, le Déluge ! Remarquez que le Grenelle de l’environnement commence dans deux mois environ. Sûr qu’une solution va en surgir. Sûr, sûr, sûr. Rions, en attendant mieux.
(1) www.planetwork.net/climate/Hansen2007.pdf