Les djihadistes de la pêche bretonne

Qui oserait écrire sur Facebook et sous son nom : « Ça fait que commencer ! Daech va venir vous voir, bande de bâtards ! ». Qui ? Un certain Emmanuel N., pêcheur breton de son état, qui glisse amoureusement ce complément : « Fdp [fils de pute], suceur de cailloux, enculeur d’arbres, allé acheter des dents pour manger du flippeur le requin et de la baleine, c trop bon à manger. A bonne entendeur bande de chien de fils de chien, ta mère la pute crevard, vaut mieux pas que je vs voit. Fdp, fdp et enfants de putin ».

Mignon. Un peu répétitif, un peu déjà vu, mais vraiment mignon comme tout, cher Emmanuel. Le monsieur semble mécontent, mais pourquoi, dites ? L’affaire commence début août. Une équipe de Sea Shepherd lance un zodiac semi rigide, le Clémentine, à l’assaut des vagues bretonnes. Rappelons que Sea Shepherd (seashepherd.fr) est une association de combat créée et présidée par le Canadien Paul Watson. Ses équipes, ses bateaux vont au contact des écumeurs des mers, prenant de grands risques pour la sauvegarde des requins et baleines, mais aussi des phoques, des thons, et bien sûr des dauphins.

Début août, donc, la Bretagne. Le 30 – et ce n’est qu’un exemple -, ceux du Clémentine filment à distance un navire qui remonte dans ses filets dormants cinq dauphins, tous morts bien sûr puisque ces mammifères ont besoin de respirer en surface. Selon les estimations de Sea Shepherd, 10 000 dauphins et cétacés seraient ainsi tués sur les côtes françaises. « Nous sommes les seuls témoins de cette tuerie à grande échelle perpétuée au large, à l’abri des regards », expliquent les activistes.

D’où ce léger courroux des pêcheurs de dauphins. Lesquels ont créé un groupe Facebook sobrement appelé « Contre Sea Shepherd ». Il n’y a pas que l’ami Emmanuel. Citons parmi les poètes Alex P., qui prévient ses amis : « Le zod [le zodiac Clémentine] est à port la forêt à côté de la gendarmerie maritime. Bon défoulement ». À quoi Jean-Christophe C. répond : « Fo les couler ». Damien F. renchérit : « Je vais aller le mettre au fond celui là » et le plus aimable de tous, Jacques T. prévient : « Le premier que je trouve à bord est décapité ». Que des beaux projets, que des saintes idées.

Est-ce tout ? Point. Les pêcheurs si sympathiques publient aussi une photo de Lamya Essemlali, présidente de Sea Shepherd en France. Et d’origine marocaine. Commentaire de Miroslav Z., bon Français comme son nom l’indique : « A-t-elle son visa en règle quand même. Quand tu vois sa gueule… ».

Le Comité national des pêches, qui ressemble tant à une FNSEA des mers, a pondu un communiqué très éclairant sur lui-même : « Depuis trois ans, l’ONG Sea Shepherd harcèle les pêcheurs français dans le golfe de Gascogne, pour filmer des captures accidentelles de mammifères marins. Ce harcèlement continu, souvent de nuit, au moyen d’un zodiac se rapprochant très rapidement des navires de pêche est dangereux ».

Lamya : « Ces gens, qui nous ont traité d’abordeurs, terme lourd en mer, mentent comme des arracheurs de dents. Nous avons constamment respecté les règles maritimes, à commencer par les distances de sécurité. Et la gendarmerie maritime l’a d’ailleurs reconnu. La vérité, c’est qu’ils se sentent les propriétaires des mers. S’ils entendent privatiser l’océan, qu’ils le disent clairement. Ce que révèle hélas cette histoire, c’est que même les petits bateaux de pêche, qui sont des centaines dans le golfe de Gascogne, font partie du problème. Car ils ont le droit de placer des kilomètres de filets dans les zones d’habitats du dauphin, ce qui conduit nécessairement au massacre. Mais en Australie, non ».

Non ? Non. Sur les côtes de l’île-continent, le dauphin est réellement protégé, et les pêcheurs, sous risque de perdre leur licence, n’ont pas le droit de poser des filets dans les zones habitées par ces animaux. Sea Shepherd a déposé plainte pour diffamation contre le comité des pêches. Et pour apologie du terrorisme contre les braves pêcheurs du groupe Facebook. Sûr qu’on va leur tirer les oreilles.

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Le Sri Lanka veut plus de nos cadavres

Bien fait pour notre gueule à tous. Qu’est donc le Sri Lanka ? L’ancienne Ceylan aux senteurs de rêve est une larme posée sur l’Océan indien, face au continent asiatique, face à l’Inde. Un très, très beau pays de 23 millions d’habitants, hélas divisé jusqu’au crime le plus abject entre Tamouls – 18 % -, majoritairement hindouistes, et Cinghalais – 75% -, essentiellement bouddhistes. Mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit.

L’an passé, le Sri Lanka demande gentiment à l’Angleterre de reprendre une centaine de containers d’ordures diverses. Des déchets médicaux, des matelas, des plastiques, des rebus dangereux non identifiés. L’ensemble puait atrocement, ce qui finit par attirer l’attention, ballots que sont les envoyeurs.

Une plainte du Centre for Environmental Justice (CEJ) précisait (1) : « Also, population will be exposed to several health risks due to the pathogens in the clinic or other waste found in the imported waste. This could also have negative impacts on the biodiversity ». Sans surprise, risques pour la santé et la biodiversité.

Et tout repartit donc vers Boris Johnson, après des renvois similaires venus du Cambodge, des Philippines, d’Indonésie, de Malaisie à destination du continent américain. Cette fois, le Sri Lanka veut retourner, après décision de justice, 242 containers qui débordent de restes de morgues anglaises, y compris de corps humains, qu’on ne pouvait d’évidence cramer ou enterrer au Royaume-Uni, ce grand pays dépourvu de cimetières. Et nous là-dedans ? On préfère les grands espaces africains.

(1) indianexpress.com/article/explained/explained-why-sri-lanka-is-sending-back-waste-to-the-uk-6912941/

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Les vers de terre sont des Amish

Ça prend la forme d’une étude scientifique de plus, intitulée « Residues of currently used pesticides in soils and earthworms: A silent threat? » (1). Ce qui veut dire : « Résidus de pesticides couramment utilisés, dans les sols et dans les vers de terre, une menace silencieuse ? ».

Que dit-elle ? Trois fois rien, cent fois plus : ses auteurs ont travaillé sur une plaine céréalière proche de Chizé (Deux-Sèvres), qui se situe non loin d’une célèbre station du CNRS. Et recherché les restes de 33 pesticides dans 180 échantillons de sol et 155 vers de terre au total. Premier constat d’ambiance : 100% des sols analysés et 92% des vers de terre contenaient au moins un pesticide.

Beaucoup plus dérangeant : les espaces semi-naturels, les haies, les champs traités, les cultures bio étaient contaminés. Dans 40% des cas, les chercheurs ont retrouvé une mixture de plus de dix pesticides différents, et les quatre substances les plus présentes sont l’herbicide diflufenican, l’insecticide imidaclopride, les fongicides boscalid et époxiconazole.

Détaillons, cela vaut la peine. Il n’y a pas de données chez l’homme pour le premier, le diflufenican. Chez le chien et les rongeurs, il est toxique pour le foie. Et probablement pour leur ADN. L’imidaclopride est la matière active du Gaucho massacreur d’abeilles. C’est un néonicotinoïde. Le boscalid est un SDHI, extrêmement dangereux (2) et l’époxiconazole a été retiré du marché l’an passé à cause de ses effets de perturbation endocrinienne.

Au moment où ces mots sont écrits, l’Assemblée nationale, après un petit tour devant le Sénat, s’apprête à voter une seconde fois pour le retour des néonicotinoïdes interdits depuis une loi de 2016, à l’usage de la betterave industrielle. Si ces gens étaient autre chose que des idéologues, nul doute qu’ils s’intéresseraient aux études scientifiques (3). N’accusent-ils pas les protecteurs des écosystèmes d’être des obscurantistes ? Des Amish adorateurs de la bougie, pour reprendre le mot de ce pauvre président si peu savant ?

(1) sciencedirect.com/science/article/pii/S0167880920303534

(2) J’ai consacré au sujet « Le crime est presque parfait (LLL).

(3) cnrs.fr/fr/neonicotinoides-malgre-le-moratoire-de-lue-un-risque-persiste-pour-les-abeilles

1 réflexion sur « Les djihadistes de la pêche bretonne »

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