Giscard à la chasse (morituri te salutant)

Vous le savez, Giscard vient de mourir à l’âge de 94 ans. Un lecteur me remet en mémoire ce texte, publié ici en 2013. Ma foi, cela se lit toujours. Le voici.

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Amis lecteurs, c’est une première : je partage avec vous un article du journal Le Figaro, charmant quotidien aux mains d’un marchand d’armes. Et comme cela tombe bien ! Ce qui suit est en effet consacré à la chasse, telle que vue par l’un de nos grands chasseurs, Valéry Giscard d’Estaing. Je dois préciser pour les plus jeunes d’entre vous que Giscard a bel et bien existé. La preuve, c’est qu’il continue à tuer.

Cet homme renversant de sottise pseudo-aristocratique, confit dans un absurde sentiment de supériorité, a été président de notre pauvre République entre 1974 et 1981. Que reste-t-il ? Rien. Peut-être la photo jaunie, dans des collections anciennes, de Giscard invitant les éboueurs du quartier à partager son petit-déjeuner de l’Élysée. Tout le reste n’aura servi à rien, tout le reste n’est déjà plus qu’un infime tas de poussière sur les étagères du passé.

Si je vous offre sans rechigner le morceau de bravoure qui suit, c’est parce qu’il éclaire un pan de notre ténébreuse psyché. Pourquoi le mal ? Pourquoi la tuerie ? Pourquoi ces plaisirs si malsains ? Je n’en sais rien. Mais sous couvert de la grotesque personne de Giscard, cette interrogation lancinante m’arrache un sourire. J’espère qu’il en sera de même pour vous.

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Entretien paru dans Le Figaro du 3 novembre 20013

INTERVIEW – Poil ou plume, chasses présidentielles ou safaris privés, l’ancien président de la République a toujours revendiqué sa passion pour la chasse.

LE FIGARO. – Que signifiela chasse pour vous?

Valéry GISCARD D’ESTAING. – La chasse a été la première activité de l’homme. En France, c’était à l’origine un privilège féodal, qui a été aboli à la Révolution. Depuis, le nombre de chasseurs se compte par millions, c’est un sport national bien plus étendu que le foot. Une activité profondément ancrée dans l’humanité, un vaste monde.

Quelles sont vos chasses à vous?

Elles ont été diverses. J’ai d’abord eu le privilège de participer aux chasses présidentielles, à Rambouillet, à Chambord et à Marly. Le général de Gaulle ne chassait pas, mais, par tradition, il participait à la dernière battue, et j’en ai suivi quelques-unes avec lui.

J’ai aussi toujours chassé avec des amis, en France, pour le plaisir. Je continue d’ailleurs : je ne sais pas pourquoi on a écrit que je n’ai pas renouvelé mon permis de chasse, c’est inexact. Je traque des petits animaux, des perdreaux, des faisans. Je regrette d’ailleurs que les perdreaux gris, qui étaient par excellence le gibier français, aient disparu, à cause des pesticides. Je chasse parfois le cerf, animal emblématique dans tous les pays d’Europe. On doit pour cela attendre la saison du brame, sinon ils se terrent et on ne les voit pas. Si l’on veut rencontrer de grands cerfs, il faut se rendre dans les pays de l’Est, comme la Pologne, ce que j’ai fait régulièrement. Pour les grands animaux comme le buffle, l’éléphant ou les grandes antilopes, je suis beaucoup allé en Afrique, au Cameroun, au Gabon, au Kenya, en Tanzanie, dans les anciennes colonies françaises et anglaises. Mais j’ai cessé un jour, car ma fille, lorsqu’elle était petite, me le reprochait.

Quel plaisir de poursuivre ainsi un animal?

Chasser est un sport, on peut marcher des dizaines de kilomètres en pistant un animal. Mais le vrai plaisir est celui procuré par la nature. La chasse est souvent une solitude, et on se retrouve parfois seul face à la forêt. En Afrique, j’ai vu la planète telle qu’elle devait être depuis les origines. C’est vrai que le chasseur est dans une relation étrange avec les animaux : on ne tue plus pour la nourriture, l’industrie s’en charge désormais. Alors quand un grand animal tombe, on éprouve une sensation de nostalgie, une émotion triste. Tous les chasseurs connaissent ce sentiment curieux.

Vous avez tous les «anti»contre vous désormais.

L’espèce humaine s’urbanise de plus en plus, elle ne comprend plus la chasse. Nous sommes dans un monde où les «anti» font beaucoup de bruit, même s’ils ne représentent pas grand-chose. J’ai tout de même l’impression que les jeunes de la campagne continuent d’aimer et de pratiquer la chasse.

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Ci-dessous le lien de l’article :

http://www.lefigaro.fr/culture/2013/11/03/03004-20131103ARTFIG00028-valery-giscard-d-estaing-la-chasse-est-souvent-une-solitude.php?m_i=SfVSkXuiONQhJw10LxLszEl4WacUfSfkFAgfRIo0bZOuxfISl

6 réflexions sur « Giscard à la chasse (morituri te salutant) »

  1. Moi cela ne me fait pas sourire. Plutôt envie de vomir !

    https://reporterre.net/Un-jeune-homme-tue-accidentellement-chez-lui-par-des-chasseurs

    Voilà ce qu´écrit Gérard Charollois, le président de la « Convention Vie et Nature » à l´occasion de la mort de ce jeune homme. Je me permets de reproduire son message :

    « Un jeune homme d´une vingtaine d´années a été tué par un chasseur en battue, dans un village rural du Lot, Carjac.
    Le maire de cette commune redouterait, selon une rumeur, l´arrivée de « bobos anti-chasse » dans ce rural décidément très très profond.
    Les parents de la jeune victime sont décédés recemment de cancers et le jeune homme laisse un petit frère qui sera désormais bien seul.
    Que redoute le maire ?
    « L´arrivée de bobos anti-chasse » dans son trou à chasseurs.
    Il advient ainsi, chaque année, que le loisir de mort qui tue trente millions d´animaux fauche également la vie de quelques dizaines de bipèdes.
    Sociologiquement, les chasseurs homicideurs craignent d´abord le retrait de leur permis et il est fréquent de les retrouver, quelques années après l´accident meurtrier, en action de chasse avec leur instrument de mort.
    L´habitude est une seconde nature.
    Ôter la vie immunise contre les douleurs de la conscience.
    Ecole de violence, la chasse entraîne l´homme à considérer comme banal le fait de retirer la vie.
    Bien sûr, la chasse n´est pas le meurtre.
    Il y a entre eux une différence de degré mais bien des similitudes de nature car la sensibilité s´émousse au spectacle de la mort donnée gratuitement.
    Lamartine avait raison : »L´homme n´a pas deux cœurs. Un pour l´animal et un pour l´homme. Il en a un ou n´en a pas ».
    Partout dans les campagnes, le sang coule et des animaux, êtres sensibles, sont blessés, traqués, mordus par les chiens, criblés de plomb, broyés par les balles.
    Les humains hominisés qui, parfois, assistent par inadvertance à ces scènes répugnantes en éprouvent une bouleversante émotion.
    Personnellement, je n´ai jamais fondé mon opposition radicale à la chasse sur des considérations techniques tenant, par exemple, à la disparition des espèces, aux agressions contre la biodiversité par une activité récréationnelle aux multiples dégâts collatéraux pour toute la faune, y compris celle devenue trop rare et en théorie protégée par la loi inappliquée.
    Non, ce sont des raisons morales fondamentales qui me commandent cette condamnation d´un loisir dont l´enjeu est la souffrance et la mort d´un être sensible.
    Le mépris de la vie animale, la banalisation de la cruauté, l´édification en jeu de l´acte de tuer prépare les chasseurs à ne voir dans la mort d´un autre homme qu´un accident comportant « l´immense risque » qu´une commune soit arpentée par des « bobos anti-chasse ».
    La chasse nous donne la nausée.
    Et dire que le président de la république actuel couvre cette pratique, ce qui insulte le peuple français.
    La mort loisir ne demeure une passion que pour une minorité rétrograde et aux abois.
    Abolissons la chasse à l´instar de l´abolition des sacrifices humains du passé, des ordalies, des bûchers, des galères, de l´esclavage, de la peine de mort et pour les mêmes raisons : celle du cœur. »
    Gérard Charollois

  2. J’ai voulu commander « Comment se promener dans les bois sans se faire tirer dessus? » de Marc Giraud (ASPAS). Édition épuisée ! Au secours! si on ne peut même plus trouver des livres-oasis ?

  3. Bonjour Fabrice,
    Au moment où les ondes ne tarissent pas d’éloges sur les réformes sociétales sous Giscard entre 1974 et 1976, cette interview montre une autre facette de l’homme qu’il a été.
    Sa fille petite dit-il, lui reprochait de tuer les grands animaux, alors pour cela il a cessé de le faire. On reste un peu confondu devant un tel aveu, les capacités intellectuelles de Giscard si souvent mises en avant par ses thuriféraires n’allaient donc pas jusqu’à faire le lien entre les grands animaux et le reste du monde vivant sensible.
    Que ne lui a-t-elle reproché de tuer également les autres animaux !

    Et pour ce qui est de la chasse, avez-vous remarqué comme on entend beaucoup moins aujourd’hui les chasseurs nous dire:
    « Vous êtes anti-chasse mais vous mangez pourtant de la viande … »
    On en rirait si leur propos n’était aussi déplacé.

    Salutations distinguées.
    Marc Liaudon

  4. Pour chacune des décisions que nous prenons ou bien que prennent celles et ceux à qui nous accordons le droit de s’occuper en notre nom des affaires communes, une seule question doit être posée : Est-elle plus importante que la vie et que les êtres vivants ?
    Il n’y a pas d’autre alternative.
    Et rien, RIEN, n’est plus important sur cette planète que ce qui y vit.

  5. Si Giscard avait pu VRAIMENT écouter sa fille… Les enfants sont trop poli parfois. Presque toujours excessivement polis et délicats. Ils ne disent jamais que le roi est nu, sauf dans les contes. Ils suggèrent, « papa, il y a d’autres habits, aussi ». Mais on écoute, ou pas. Merci Martine pour reproduire Gérard Charollois.

  6. Mais c’est tous les ans que les victimes font plus ou moins la une des journaux et disparaissent ! Forcément, c’est noble, la chasse ! 🙁
    Un ami qui habite dans les monts de Lacaune m’a raconté que quand l’armada de chasseurs passait dans son coin, on les dirait équipés pour le sentier de la guerre ! Leur équipement est tellement ultra-moderne que les bêtes n’ont aucune chance. Passons sous silence les chasses à courre. Quant à l’agonie des oiseaux sur des pièges à glu, c’est un signe de barbarie évidente. Et ce qui est terrible et un comble de l’hypocrisie, c’est que ce n’est pas pour manger, donc subvenir à leurs besoins, que les chasseurs sont en route de nos jours.

    Qund j’étais petite, j’habitais pas loin d’une ferme qui portait bien son nom : le Trou-d’Enfer, et qui servait de réserve de chasses présidentielles. Les invités de marque avaient la possibilité de faire joujou avec un fusil pour abattre des faisans nourris au grain, donc pratiquement domestiqués et se reproduisant bien, afin de poser pour une photo derrière un tas de de bêtes mortes amoncelées comme autant de trophées. J’en étais révulsée.

    Nourrir les bêtes de la forêt pour pouvoir ensuite les décimer car « elles représentent un danger pour l’environnement et la croissance des arbres » me paraît tellement grotesque, mais quand démasquerons-nous publiquement ces inepties ? Tant que c’est considéré comme un sport national, tintin.
    Il faudrait déjà interdire la vente d’armes. Tout ce qui porte fusil m’est suspect, sans parler du reste, mais je ne m’y connais pas en équipement.

    À lire : le livre de Corine Pelluchon, Manifeste animaliste.

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