Un sondage. Non, ne pas dire ce qu’on en pense. Si, le dire. En règle très générale, c’est de la merde. Celui-là porte sur la Grande-Bretagne, l’Allemagne, le Danemark, la Suède, l’Espagne, l’Italie et notre chère vieille fripouille, la France. À chaque fois, la société YouGov, britannique, a interrogé un millier de citoyens de chaque pays (1). Autour d’un enjeu certes décisif : que sont-ils prêts à faire pour réduire les émissions de gaz à effet de serre ?
La base de la pyramide est comme il se doit solide : 79% des Français interrogés sont préoccupés par la crise climatique, et 16% ne le sont pas. L’inquiétude est là, et c’est bien le moins. C’est ensuite que les biais s’accumulent, rendant la lecture du sondage de plus en plus confuse. Question : « Accepteriez-vous de passer à la voiture électrique ? ». Le sondeur, dans sa petite tête conforme, doit penser que choisir une voiture électrique est un geste fort.
Et en effet, c’est impressionnant : le cycle de vie de cette « révolution » émettra sans doute autant de gaz à effet de serre que la bagnole thermique – ou plus -, et nécessitera des milliers, des dizaines de milliers d’esclaves tout là-bas. À la recherche de « terres rares » – anthane, cérium, praséodyme, néodyme, prométhium, samarium, europium, gadolinium – nécessaires à la bagnole électrique. Et là, 23% seulement des Français sont d’accord pour le grand changement. Je ne dis évidemment pas qu’ils récusent la bagnole électrique pour les mêmes raisons que moi, je constate que la question est con. Conne.
Continuons. « Seriez-vous d’accord pour payer un supplément de prix pour les vols en avion, de manière à compenser l’impact sur l’environnement ? ». Le pourcentage tombe à 19%. Le commentateur avisé triomphe : n’est-ce pas la preuve d’une grande ambivalence, pour ne pas dire égoïsme ? Mais on oublie alors l’essentiel : 11% seulement des Français prennent régulièrement l’avion. Le sondé lambda a peut-être ses raisons de ne pas se sentir concerné, ou de se demander s’il est avisé de lui poser la question à lui.
Nouvelle salve : « Seriez-vous prêt à seulement marcher, faire du vélo ou utiliser les transports en commun plutôt que de conduire une voiture ? ». Le résultat est étonnant, car 35% sont d’accord. Ils ne doivent pas faire partie des millions de ruraux ou de périurbains qui, compte tenu de choix faits par d’autres, il y a des décennies, n’ont d’autre choix que la bagnole. La question la plus stupide peut-être est celle-ci : « Seriez-vous d’accord pour totalement supprimer la viande et les produits laitiers de votre alimentation ? ». Qui demande cela ? Personne ou presque. Sauf le sondeur. Comme de juste, seuls 15% sont d’accord. À bien y réfléchir, celle-ci est aussi très imbécile : « Seriez-vous d’accord pour interdire la production et la vente de voitures à essence et diesel ? ». Quand ? On ne sait pas. Demain ? Quand la bagnole électrique – on finit par se demander si le sondeur n’a pas des actions dans une compagnie – aura pris le dessus ? E malgré tout, 11% des Français soutiennent fermement, et 15% supplémentaires pourraient.
Enfin, « Seriez-vous d’accord pour qu’on investisse dans la production en France pour limiter le coût environnemental des importations ? ». Et n’est-ce pas une définition convenable de l’idée de produire et consommer localement ? 77% des Français sont pour. Loin de moi l’idée de croire au petit Jésus en culotte de velours. Beaucoup des nôtres n’ont aucune envie de réduire ou transformer en profondeur leur façon de vivre et de ne plus consommer comme des gorets affamés. C’est vrai. Mais regardons les chiffres d’un autre œil. 79% des Français sont inquiets. Et des millions sont d’accord pour de vrais changements. Jusqu’à 77% pour une production tournée vers la protection de la vie. C’est énorme ! Ce qui manque au programme, chacun le sait, c’est une volonté politique, capable de galvaniser. On pourrait alors discuter vraiment, échanger des arguments, convaincre son voisin. Mais notre gouvernement de lobbyistes patentés de l’industrie ne le fera jamais.
(1)https://docs.cdn.yougov.com/m9qycnaech/Eurotrack_ClimateChange_Apr23_W.pdf
Cher Fabrice,
Un petit mot pour te dire que tu es cité (*) dans l’excellent livre de Benjamin Pichot-Garcia « L’atelier des miracles » (262 pages) sous-titré « Les activités cachées d’un atelier d’auto-réparation de vélos et de couture » (Edition Les trois canards). Passons sur sa typographie dite inclusive -décourageante et qui eut fait Cavanna sortir de ses gonds-. Le livre relate la genèse de l’économie parallèle et la vie de milliers de bénévoles qui récupèrent et réparent des biens usagés.
(*) page 38: Nicolino Fabrice, Lettre ouverte à un paysan sur le vaste merdier qu’est devenu l’agriculture. Les échappés, 2015.
Un regret : que le livre reprenne l’antienne du « Monde diplomatique » (août 2018) sur le « mouvement réactionnaire des Colibris et de Pierre Rabhi », note page 109.
Bien amicalement,
Jacques Faule
https://velo-cite.org/2023/04/04/latelier-des-miracles-dans-ce-livre-recupr-vous-raconte-tout-de-son-atelier-velo-et-de-couture/
Comme ils n’ont d’yeux que pour le CO₂, supprimons les efforts intensifs… La sorcière électricité nous fait don de tellement d’objets de jouissances, comme ses chaises à la place des bûchers, que même parler de la bagnole électrique comme un truc décarbonné avec ses électrodes en graphite (cocorico, la réindustrialisation et son lithium franchouillard pour monsieur Imerys) ou bien les futures batteries au graphène, ses breloques électroniques farcies de la même matière, c’est à se demander si nos vessies ne sont pas déjà nucléarisées.
Les sondages et ses biais, une autre façon de vérifier que les mantras sont bien assimilés. Dont celui qui est essentiel : l’État reste central et le seul levier pour sauver l’humanité. Tout va bien; et donc peu importe ce qu’il y a dans la tête des sondés. 🙂
Merci cher Fabrice pour cette belle démonstration que les sondés sont beaucoup, beaucoup moins cons que les sondeurs ! Ca donne de l’espoir !
Les questions sont tellement stupides que je n’aurais même pas pu y répondre !
On note dans le rapport que tu donnes en lien, que l’immense majorité des gens, dans tous les pays, sont en faveur d’une interdiction pure et simple du plastique à usage unique ! Ce qui ne se fera pas, ca continue d’augmenter chaque année et tous les pétroliers et toutes les banques sont dedans ! Sauf en Afrique, où le plastique à usage unique est interdit dans de nombreux pays.
Mes bâtiments ne sont pas « durables », ne sont pas « résilients au changement climatique », ne sont pas « passifs », ne sont pas « à basse empreinte carbone », et ne sont sûrement pas « verts ». Ils essayent seulement d’être hygiéniques. Ils utilisent du bambou, de la terre, de la bouse de vache, de la chaux, des briques, du verre, très peu de bois, un peu d’acier et de béton, et presque pas de plastique (seulement dans les tuyaux d’eaux usées et les fils et interrupteurs électriques).
Ayant lu avec beaucoup d’attention ton livre, « un empoisonnement universel », et étudié l’épidémie d’incendies massifs et mortels dus à la prolifération des plastiques dans le bâtiment qui a réduit le temps moyen d’embrasement généralisé éclair de 30 minutes à 4 minutes en 40 ans, – les pompiers, dans les meilleures conditions, ont besoin de 7 à 10 minutes pour arriver -j’évite les plastiques dans la construction. Ni PVC ni peintures acryliques ou à l’huile ni contreplaqué ni panneaux de particules (30% de colle = 30% de plastique). Mes portes et fenêtres sont en acier galvanisé (galvanisation à chaud après fabrication donc couvrant les soudures, pas de peinture, l’acier est réparable et recyclable et le zinc est antiseptique) et toutes mes peintures sont à la chaux et bouse de vache. Un bébé peut ramper dans mes bâtiments et lécher tout ce qu’il trouve: Les interrupteurs et prises de courant étant à 1,2m du sol il ne rencontrera pas de plastique, que des matériaux qu’il peut mettre à la bouche. Cerise sur le gâteau, ses parents ne seront pas empoisonnés non plus, ni les ouvriers, ni l’architecte quand il visite le chantier. Vu les maladies professionnelles dues au produits chimiques dans le bâtiment, c’est appréciable. Et utiliser des produits non toxiques réduit le coût de la sécurité. Pas de gants, pas de masques, on travaille plus vite et plus confortablement, et on peut jeter les résidus dans le jardin sans empoisonner les oiseaux ni les vers de terre !
Quand j’entends le mot « changement climatique » je sors mon revolver, si on parle d’arrêter la viande et le fromage, je tire !
https://vimeo.com/fsri/download/463653907/7f29fc4045
https://youtu.be/gChmtizY9Y8