Cela commence à bien faire. Ceci est le deuxième article consécutif écrit le rire aux lèvres. Il est vrai que le précédent était un rire de bonheur, et que celui-là sera plus proche du ricanement. Mais enfin, les faits sont là : je ris. Et je ris à propos de deux des plus grands philanthropes que notre terre malmenée porte : Monsanto à main droite, DuPont à main gauche (et inversement).
Monsanto, transnationale d’origine américaine, née en 1901, a d’abord fabriqué des produits chimiques, dont des PCB (pyralène) qui continuent de gravement polluer les eaux de partout et d’ailleurs. Voir l’état de notre pauvre Rhône. Mais bien entendu, cela, c’est la société qui en paie les conséquences. Monsanto a ensuite fabriqué pour l’armée américaine le fameux Agent orange, ce délicieux herbicide qui devait détruire la forêt tropicale vietnamienne et ses habitants, humains compris. Depuis quinze ans, car rien n’arrête le progrès, Monsanto fait dans les OGM et fourgue dans le monde entier son fameux Roundup, herbicide présenté dans la publicité mensongère de Monsanto comme biodégradable et respectant l’environnement. L’entreprise a été condamnée par le tribunal de Lyon en 2007 dans cette (petite) affaire.
DuPont ? Cette transnationale, elle aussi d’origine américaine, a été fondée en 1802 par un petit gars de chez nous, Éleutère Irénée du Pont, qui avait fui la révolution de 1789. DuPont a commencé par faire de la poudre à canon – ah ! – avant de devenir peu à peu l’un des plus grands groupes mondiaux de la chimie. Précisons que cette noble entreprise a eu, elle aussi, des soucis judiciaires. Elle a ainsi été condamnée aux États-Unis à 16,5 millions de dollars d’amende pour avoir caché des informations sur la toxicité de certains composants du téflon. Et à plus de 300 millions de dollars d’amende à la suite d’une incroyable affaire de pollution touchant 60 000 personnes vivant près de ses usines.
DuPont et Monsanto, excellentes gens comme on vient de voir, sont malheureusement irascibles. Je viens de lire un papier du journaliste Carey Gillam, de Reuters (ici), désolant en tout point. Les deux géants sont en train se mettre une peignée majeure sous le nez des caméras, ou presque. Je résume, et vous irez voir l’original en anglais si cela vous tente. DuPont accuse Monsanto de pratiques anticoncurrentielles illégales. On n’a pas le droit de rire, il faut attendre la suite. Là-dessus, le patron de Monsanto, Hugh Grant – non, pas celui du ciné et des whores de Los Angeles – adresse un courrier à celui de DuPont, Charles Hollyday. Et que lui dit-il sans hésiter ? Que DuPont s’est livrée à, je cite, « une sérieuse attaque contre l’éthique du business ». Et ce n’est pas tout, même si c’est incroyable. Monsanto affirme que DuPont aurait utilisé des faux documents et payé des mercenaires pour critiquer son concurrent. Déclaration de Scott Partridge, fameux avocat de Monsanto : « Ce n’est que la partie émergée d’un iceberg de coups tordus. Je n’ai jamais vu une entreprise se comporter de cette façon ». Venant du monsieur, on peut tenir le propos comme un compliment absolu.
Un ajout, pour la route, et cette fois, je donne le droit de se marrer, éventuellement autour d’un verre entre amis. DuPont, très crédible chevalier blanc, estime que « ce n’est pas simplement un problème DuPont. C’est un problème de concurrence. Ils [Monsanto] ont gagné grâce au pouvoir d’un monopole illégal », précisant même que Monsanto a lourdement porté préjudice aux paysans. L’enjeu de cette bataille de chiffonniers transfrontières, vous l’aurez peut-être compris, c’est l’industrie des semences, la clé de voûte d’un pouvoir sans précédent dans l’histoire humaine.
Or, il y a dix ans, DuPont contrôlait 40 % du très juteux marché américain des semences de maïs. Le chiffre est tombé à 30 %, au profit de Monsanto. Un Monsanto qui prépare la saison agricole 2010 avec gourmandise. En 2009, le Roundup destiné au soja valait 52 dollars pour un acre, soit 0,4 hectare. En 2010, la nouvelle version dite Roundup Ready 2 coûtera 74 dollars. Heureusement, l’université d’été socialiste de La Rochelle approche. Vivement le discours !
PS : Une bise pour Madeleine
Certains sont prêt à tous pour le toujours plus, même s’ils devraient vivre 3 millions d’années pour pouvoir dépenser leur pactole.Polluer, licencier même si les bénéfices sont de 16%, délocaliser dans des dictatures fascistes, militaires, communistes ou religieuses; et même, ce qui paraît plus sympathique, se bouffer entre eux.