Vous reprendrez bien un peu d’air intérieur ?

Belote, rebelote et dix de der. On prend les mêmes infos, on recommence, Sisyphe pas mort. Le rocher dévale la pente, toujours, encore, mais il faut bien remonter la pierre, encore, toujours. Qu’est-ce qu’on pourrait faire d’autre ? Il y six années, j’ai longuement parlé avec Georges Méar, auteur du livre Nos maisons nous empoisonnent (Terre Vivante). Ce fut un choc, car à l’époque, je le confesse, j’ignorais tout du syndrome de sensibilité chimique multiple (Multiple Chemical Sensitivity).

Ce syndrome est controversé par quantité d’institutions, mais des personnes dignes de foi estiment en souffrir, et je les crois. Oui, je les crois, puisque nous en sommes là. Georges Méar avait vécu une aventure extrême en faisant construire à Brest, en 1989, une maison neuve. Dès l’entrée dans les meubles, Méar avait connu un calvaire, victime d’une infinité de symptômes, dont des saignements de nez, des maux de têtes, des oppressions thoraciques, des difficultés à simplement respirer.

D’autres auraient souffert en silence. Méar a voulu comprendre, et il a compris. Cette maison neuve était mal ventilée et comportait de belles quantités de bois traité et de bois aggloméré, les deux contenant des substances redoutables pour tous les êtres vivants. Le reste est déprimant, fait de déménagements successifs pour tenter d’échapper à cette sensibilité extrême à de très faibles doses toxiques. Car l’explication est probablement là : Georges était devenu hypersensible aux molécules de la chimie moderne. Comme certains ne peuvent supporter des ondes électromagnétiques que les autres semblent ne pas percevoir.

Il y a six ans, j’ai écrit, je crois bien, plusieurs articles sur le livre de Méar, qui m’avait beaucoup frappé. Où sont-ils ? Je n’en sais rien, car je ne suis pas très ordonné. Mais je les ai écrits, c’est sûr. J’avais appelé l’Observatoire de l’air intérieur, qui était alors une petite baudruche bureaucratique. Rien n’existait en France pour aider les gens à vivre dans un « air intérieur » sain. Rien. Et voilà que je découvre ce matin du 26 août une étude de l’UFC-Que Choisir consacrée aux moquettes d’appartement (ici). Sur huit moquettes encollées, cinq recrachent des quantités ahurissantes de charmantes molécules. Comme du formaldéhyde, du toluène, des éthers de glycol.

Le président de l’UFC, Alain Bazot, a réclamé au cours d’une conférence de presse, tenez-vous bien, «l’interdiction de toutes les substances reconnues comme dangereuses présentes dans les produits de consommation, de décoration et de construction». Bon courage ! Autrement dit, polope ! L’air intérieur est bien plus pollué que l’air extérieur, voilà l’horrible vérité. Or nous passons entre 70 % et 90 % de notre temps à l’intérieur d’un logement ou d’un lieu de travail. Et nous devons désormais vivre avec environ 100 000 substances chimiques qui n’existaient pas en France avant 1945. Ce n’est qu’une estimation, mais elle est officielle : 100 000.

Dans ces conditions, que vous dire ? Dans l’euphorie niaise du Grenelle de l’Environnement, il y a deux ans, un groupe de travail consacré aux pollutions de l’air intérieur avait été créé. Mais, accrochez-vous, aucune, AUCUNE de ses propositions n’a été retenue. Et du coup, leur belle loi dite Grenelle 1 ne parle évidemment pas une seconde de cet air qui remplit nos poumons après s’être chargé de toutes les merdes industrielles créées depuis soixante ans.

J’ai déjà dit à de nombreuses reprises, je le redis sans me lasser : ou l’on accepte ce monde en pensant l’améliorer sur ses marges. Ou l’on décide de le combattre, pour l’abattre. Oui, je sais, cela fait coupeur de têtes. Je ne le suis pas. Je parle des structures, des entreprises et institutions, des pouvoirs. Oui, il faut oser se dire que l’accommodement avec cet univers morbide est impossible. Moi, je récuse le droit de ces salopards à me farcir de toutes leurs chimies. Je sais que cela résonne comme une impuissance. Je le sais. Mais pour arriver quelque part, il faut commencer par chercher une direction. Et la direction, ma direction, c’est le refus radical et définitif de l’empoisonnement universel.

10 réflexions sur « Vous reprendrez bien un peu d’air intérieur ? »

  1. Tout à fait d’accord, mais le combat est très inégal, c’est le moins que l’on puisse en dire. Difficile aussi d’échapper à ce type de pollution et de s’en défendre. Au Canada, on se limite à gérer les risques engendrés par ces molécules d’après ce que j’ai pu en juger à la la fin du film « Homo toxicus ». A voir par ceux que le sujet intéresse et qui peuvent aussi lire « La grande invasion » de Stéphane Horel.

  2. @ Hacène « Pour le moment, je voudrais seulement comprendre comment il se peut que tant d’hommes, tant de bourgs, tant de villes, tant de nations supportent quelquefois un tyran seul qui n’a de puissance que celle qu’ils lui donnent » .
    Tu avais raison, ce texte est d’une grande actualité .
    Je suis retournée , entre les échoppes de jouets chinois et les faux indiens entonnant « let it be » à la flûte de pan, devant la maison d’Etienne de La Boetie , mort officiellement de la peste . « Parce que c’était lui, parce que c’était moi » une fois encore, pas le temps de passer à Bergerac .
    Mais je le sais, je vivrai en Dordogne . C’est un pays pétillant et de chaque bulle éclatant au fil de l’eau semble naitre un sourire .

  3. Elles me font bien rire (jaune) toutes ces enseignes, telles, Castorama et autres, qui se donnent des allures de magasins sensibles à l’environnement.Il faut voir leurs catalogues ! Quelle manipulation !
    Elles mettent en avant deux ou trois produits écologiquement acceptables, alors que tout le reste de leurs magasins est un coktail explosif de substances chimiques en tout genre !!je les mets dans le même panier que les dealers de drogue. Des délinquants , des empoisonneurs!
    Mais qui se font des fortunes en toute légalité…
    Jusqu’à quand allons nous accepter cela ??

  4. Marieline, pour qui ne connait pas il faut lire cet article complet sur l’empire de nos concitoyens et citoyens Mulliez, patrons Auchan.qui marquent notre territoire absolument partout de leurs belles enseignes.

    http://labrique.lille.free.fr/spip.php?article987

    « Neuvième fortune mondiale avec 25 milliards d’euros en poche : les Mulliez ont la vie belle grâce à des centaines de milliers de salarié-es à leur service dans des milliers de magasins. Le clan a mis au point un modèle d’enrichissement rapide, en combinant une structure financière complexe, une forme de capitalisme pur sang et un système d’exploitation du travail à outrance. »

    Ici un collectif d’emmerdeurs leur a mis de sacrés batons dans les roues : un jugement (La Provence » du 9 aout 2009) du Tribunal administratif de Nimes a rejeté le projet de création d’une surface « Immochan » d’une dimension abracdrabarante sur terrains agricoles, alors que la région est déjà bien amplement « lôtie ». Ce projet de merde avait,bien sur, l’aval de la municipalité (UMP) »les emplois crées ninininiblablablabla « .

  5. pour ceux qui n’iront pas lire l’article, un rappel des possessions commerciales Mulliez: Phildar, Auchan, Décathlon, Boulanger, Kiabi, Norauto, Midas, Leroy Merlin, Tapis Saint-Maclou, Picwic, Brice, Pimkie ou encore Camaieu devenu Jules, vous parleront sûrement plus. Ajoutons à cette liste : Maco pharma, Kiloutou, Top office, Electro dépôt, Atac, Bricoman, Bricocenter, Déco services, Cosily, 1000 tissus papiers peints, Cultura, Pic pain… N’oublions pas le groupe Agapes (numéro deux de la restauration spécialisée en France, regroupant Flunch, Pizza Paï, Amarine, Les Trois Brasseurs, et So good), la banque Accor, les maisons de retraites « Les Orchidées », la presse catholique qui survit grâce à eux (La Croix du Nord, du Midi, et du Jura, La Voix du Cantal, La Vie Quercynoise, Le Rouergat, etc.). Et ajoutons leurs 43% de participation dans le capital des 3 Suisses, et les quelques Quick et Mac Do franchisés, et tant d’autres…Ouf!

  6. Bénédicte, ça c’est du suivi ! C’est l’été dernier que nous avions parlé du Discours de la servitude volontaire, plus depuis me semble-t-il.

  7. @ Hacène, comme le temps passe ! mais n’est-il pas souvent question, sur ce blog, de la servitude volontaire et de ses fâcheuses conséquences ?

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