Attali, pitre et paltoquet

Je ne veux pas jouer à l’homme cultivé, mais j’aime Chateaubriand, du moins celui des si fameuses Mémoires d’outre-tombe. Ce matin, entendant parler de Jacques Attali à la radio, et de ses propositions révolutionnaires pour relancer la croissance en France, c’est à l’homme de Saint-Malo que j’ai de suite pensé. Et à cette phrase que vous avez peut-être lu cent fois, qui figure – j’en suis presque sûr – dans son œuvre. Mais où chercher ? Cette phrase, la voici, et si je me trompe, qu’on me pardonne : « Il y a des temps où l’on ne doit dépenser le mépris qu’avec économie, à cause du grand nombre de nécessiteux ».

Eh bien, j’assume : j’ai pour Attali du mépris, un sentiment qui fait davantage de mal que de bien. Je rouvre pour me calmer – c’est-à-dire rire – un livre qui ne rajeunira personne. Dans son Précis de récupération (éditions Champ Libre), Jaime Semprun consacrait en 1976 un article à Attali, déjà. Voici les premières lignes : « Dans ses ouvrages successifs, comme dans les innombrables interviews, colloques, entretiens et tables rondes où il a couru étaler son idiotie multidimensionnelle, Attali s’est imposé sans contestation possible comme un des types les plus représentatifs de la pseudo-science tapageuse qui, dans la France d’aujourd’hui, se pousse partout au premier plan (… ) ».

Voyez, l’affaire ne date pas d’hier. Je pourrais aisément dire encore du mal. Parler de sa relation passablement obscène au pouvoir et aux supposés grands hommes. De ses élucubrations et plagiats. Des murs de marbre de Carrare qui l’obligèrent à quitter la tête de la Berd, une banque. De ses bons conseils au marchand d’armes Pierre Falcone, destinés in fine au marché de la guerre angolais. Et même de sa très hypothétique rédemption auprès de Muhammad Yunus, le promoteur du microcrédit.
Je pourrais donc déblatérer des heures, mais à quoi bon ? Un mot tout de même du Bangladesh, patrie justement de Yunus. En 1989, en quelques minutes, Attali imagina pour son maître de l’époque, Mitterrand, un plan d’endiguement des trois grands fleuves du Bangladesh. C’était déjà de la grande œuvre humanitaire. J’ai étudié de très près ce sujet il y a plus de quinze ans, et je vous ferai lire bientôt ce que j’avais alors découvert. Entre autres, que les études hydrologiques avaient été biaisées pour aider des entreprises françaises dans la recherche de marchés prometteurs. Ce projet d’endiguement n’a jamais vu le jour. Par chance. Tout indique qu’il aurait été une très grande catastrophe humaine et écologique. Mais qu’importait à Attali, puisque cela faisait plaisir à son maître ?

Je suis long, je sais. Et j’en arrive à cette invraisemblable commission Attali. Elle va donc remettre à Son Altesse Sérénissime Sarkozy 1er un rapport sur les moyens de relancer la croissance en France (1). Attali et ses petits amis proposent de donner toute liberté aux grandes surfaces, et d’une façon générale, de ne plus tolérer aucun frein à la concurrence. Voyons, ne sommes-nous pas tous égaux ? Le céréalier de la Beauce et le paysan chinois trimant sur son lopin ne sont-ils pas des frères ?

Ce que propose Attali, c’est la guerre de tous contre tous. Et que le meilleur gagne ! Au passage – mais où est le passage ? – Attali réclame la fin du principe de précaution, qui entraverait la marche en avant de l’économie, euphémisme qui désigne la destruction du monde en cours. Ce paltoquet rêve d’une croissance de 5 % par an. Nous sommes à moins de 2 %. Une telle augmentation jetterait sur le marché réel, en France, des dizaines de milliers de bagnoles de plus, des autoroutes en bubble gum, des téloches à coins biscornus, des téléphones immédiatement jetables, des saucisses Herta, des vacances à la Grande Motte, d’autres Érika, sans compter un immense dégueulis pour recouvrir le tout. Je ne serais pas le dernier à vomir dans l’encolure de ce grand penseur que la terre entière nous envie.

(1) http://www.lesechos.fr

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