C’est l’un des plus beaux textes sur la nature que je connaisse. Je l’ai lu une première fois au moment de sa sortie chez Aubier, en 1995, et je le relis à petites goulées, à toutes petites foulées, car je sais qu’il y a la fin au bout. Ce livre fabuleux entre tous, c’est Almanach d’un comté des sables, écrit par un magicien appelé Aldo Leopold. Il est en poche chez Garnier Flammarion, et il doit bien en rester quelques exemplaires. Foncez ! Foncez ! Il est précédé d’une belle préface de J.M.G. Le Clézio, que je vous offre ci-dessous, la considérant comme un vrai cadeau. Elle est tirée d’un site dont j’ai déjà dit grand bien, La Buvette des Alpages (ici). Je n’ai donc pas eu à recopier.
Voici un livre que chacun devrait avoir avec soi, amoureux de la nature ou simple promeneur du dimanche, aventurier du retour à la terre ou sympathisant du mouvement écologiste, dans son sac ou sa bibliothèque.
Écrit au soir de sa vie, alors que le monde avait sombré dans la destruction et le crime systématisés, l’Almanach d’un comté des sables, d’Aldo Leopold, un petit livre modeste et savant, plein de l’humour et du charme de la société rurale du nord-est des États-Unis, est devenu au long des années pour la jeunesse américaine le bréviaire de la foi nouvelle dans l’équilibre de la vie.
Que nous dit-il ? Très simplement (mais non pas de façon simpliste) la nécessité de faire une révolution. Et c’est la force première de l’Almanach; il y a dans ces pages l’expérience d’un homme, toute sa vie: durant ce demi-siècle, Aldo Leopold a vécu le passage du monde ancien à l’âge nucléaire, il a expérimenté tous les progrès et tous les échecs de l’époque moderne.
Lorsque, en 1912, Aldo Leopold, sorti de la première école forestière de Yale, est nommé député-surveillant de la Forêt nationale Kit Carson, au nord-ouest du Nouveau Mexique, l’Amérique est encore une corne d’abondance, où survivent l’idée de conquête et l’esprit pionnier. On y chasse sans retenue l’antilope, le cerf et aussi le loup, le lion des montagnes et le grizzli. Les Indiens exterminés en même temps que leur double animal, le bison, ont été remplacés par la civilisation, et la Grande Prairie s’est recouverte de fermes, de barbelés et de bromes, ces mauvaises herbes. Quarante ans plus tard, à l’époque où Aldo Leopold écrit l’Almanach d’un comté des sables, il ne reste plus rien de cette liberté qui enivrait les pionniers. La terre écorchée, brûlée par les sabots du bétail et par les incendies, appauvrie par la disparition des lupins générateurs d’azote, n’est plus qu’un espace monotone rongé par la désertification, rayé par les autoroutes, symboles de la permanente fuite en avant de la race humaine.
Avec une rigueur scientifique (il est alors l’un des professeurs les plus écoutés de l’université du Wisconsin, et le porte-parole des idées du jeune mouvement écologiste), Aldo Leopold démonte pour nous le mécanisme de cette catastrophe à l’échelle du monde, au cours de laquelle disparurent en quelques décennies les graminées de la Prairie, les forêts de chênes séculaires qui leur servaient de sentinelles, et les marécages de la région des Grands Lacs, condamnés pour leur improductivité – catastrophe qui s’acheva au début du siècle par la disparition des pigeons voyageurs, cet «ouragan biologique» qui traversait chaque année le continent américain de haut en bas et de long en large, consommant les baies sauvages et donnant en échange l’amour intense pour cette terre et pour ce ciel grand ouvert qu’ils embrassaient de leurs ailes.
Pour Aldo Leopold, né dans le rêve pionnier, passionné de chasse, l’évidence de la détérioration est une constatation physique, non un parti pris intellectuel. Chargé en 1922 d’organiser l’un des premiers sanctuaires de vie sauvage du Sud-Ouest, dans la région d’Ojo Caliente, au Nouveau-Mexique, qui fut longtemps le camp retranché des Apaches de Cochise et de Géronimo, avant d’être livrée aux éleveurs de bétail, il a pu mesurer la conséquence tragique de la disparition des prédateurs – loups, pumas et ours. La prolifération des cerfs a condamné la montagne à une mort lente, que les incendies chaque été rendent aujourd’hui plus inexorable. Mais accepter le voisinage des prédateurs, dit Leopold avec un humour amer, eût été ne plus penser comme un homme, mais «apprendre à penser comme une montagne».
Voilà le sens révolutionnaire de l’Almanach, la raison pour laquelle, au milieu de tant de traités et d’un tel bruissement d’idées, il a pris cette importance. Car ce qu’il nous dit est simple et clair: que, dans notre monde d’abondance de biens et d’appauvrissement de la vie, nous ne pouvons plus ignorer la valeur de l’échange et la nécessité de l’appartenance – ce fragile équilibre qu’il résume dans le motif de «l’éthique de la terre» et qui sera le souci du siècle à venir.
Le pouvoir de ce livre n’est pas seulement dans les idées. Il est avant tout dans la beauté de la langue, dans les images qu’il fait apparaître, dans la fraîcheur des sensations. On pense à Henry David Thoreau dans sa retraite de Concord, à sa conviction presque mystique que «le salut du monde passe par l’état sauvage».
L’Almanach d’un comté des sables révèle la permanence du monde, dans tous ses gestes et dans tous ses règnes. Il parle du voyage que les oies commencèrent au pléistocène, proclamant chaque année au printemps «l’unité des nations depuis la mer de Chine jusqu’aux steppes sibériennes, de l’Euphrate à la Volga, du Nil à Mourmansk, du Lincolnshire au Spitzbergen», Il parle de la danse magique des bécasses dans l’amphithéâtre des marécages, de l’ivresse du vent, du langage des arbres et de leur mémoire, inscrite dans les cercles de leurs troncs, aussi précieuse et précise que les traités d’histoire des bibliothèques, du tableau sublime que sait peindre la rivière Wisconsin certains matins d’été et des domaines illimités de l’aube, qu’aucun fonctionnaire du cadastre ne pourra jamais arpenter.
Le pouvoir de l’Almanach est dans la musique des mots qui fait surgir les odeurs, les couleurs, les frissons, dans tous ces noms qui écrivent le poème de la terre: la sauge, le sumac, la fleur de pasque, le silphium survivant au désastre, ou Draba, la plus petite fleur du monde, ignorée des botanistes, qui pousse dans le sable des marais. Noms d’oiseaux, colverts, mésanges, pluviers, grouses, avocettes, grèbes des marais, oies sauvages et grues du Grand Nord, chacun avec son langage, ses rituels, sa danse, son jeu dans le théâtre universel.
Malgré le temps écoulé, et nos désillusions quotidiennes, l’Almanach d’un comté des sables a gardé aujourd’hui toute sa profondeur, toute son émotion. Le regard prophétique qu’Aldo Leopold a porté sur notre monde contemporain n’a rien perdu de son acuité, et la semence de ses mots promet encore la magie des moissons futures. Voilà un livre qui nous fait le plus grand bien.
J.M.G. Le Clézio
Albuquerque, Nouveau-Mexique, septembre 1994
Effectivement on a envie de lire le livre en entier après cette préface, j’espère qu’il en reste !
C’est un livre que j’ai aimé aussi , il me reste une impression de grande douceur et l’envie d’aller voir cette Amérique là !
Je viens de passer commande.
Merci
Pour Thoreau, « le salut passe par l’Etat sauvage », la gouvernence sauvage
très beau livre, à ne rater sous aucuns pretextes
gouvernance forcément!
Ces jours-ci j’etais mal fichue, bougonne et fatiguee alors comme la mer et les lumieres du grand sud me manquent terriblement en ce moment, je me suis relue la trilogie d’Izzo. Il dit cette oscillation permanente entre le plus sombre du sombre et le bonheur de se laisser porter un moment face a tous les bleus de la mer. Le dernier volume sur la corruption mafieuse date de 1998, hier a peine.
Il y a je crois en chacun cette terre promise de beaute, d’amour, de respect de la vie. Une terre interieure ou l’on accoste a chaque fois que l’on ralentit, que la puissance de la vie nous touche en plein coeur, un torrent, la silhouette d’un rennes, un dattier, un visage. Quand il est atteint en soi ce rivage, enfin, apres tous les deconditionnements necessaires, aucune cage n’est plus possible. Ni celle de la nostalgie, ni celle des illusions politiques, et encore moins celle de la revolution. Nous sommes face a cela : l’absence d’illusions et par consequent la possibilite d’une recherche differente.
Il y a etre je crois, a etre pleinement, secretement et ouvertement a la fois, et plus nous serons ce que cette terre interieure nous inspire a etre, plus nous nous accorderons sans heurt comme c’est le cas dans bien des communautes de ce monde, plus nous serons courageux et plus la vie sera preservee.
Je suis au point ultime du boycott : je boycotte la France, pays que j’aime pourtant, pour un autre ou le bien commun reste encore un mot vrai… pour combien de temps ?… nous verrons mais l’idee n’etant pas completement morte sous ces latitudes que la corruption mafieuse n’a pas encore totalement gangrenee, esperons qu’elle reprenne entierement vie et en inspire d’autres.
C’est un clavier sans accent, c’est penible, je sais.
Salve.
En tout les cas, tu sais magnifiquement en parler.
Il est commandé !!!
un livre très important, évidemment, qui se décline en trois parties:
l’almanach, quelques croquis et en fin de compte.
la 1ère partie avec quelques belles chroniques naturalistes est à rapprocher de « chasse au crayon » de Robert Hainard,on y retrouve chez les deux le sens de l’observation, la douceur et la pertinence des réflexions.
la 3ème partie expose les idées de protection de la naturede Léopold et ce texte a influencé pas mal de monde,mais bon, la grande majorité a ignoré ces intentions louables…
verdict: à lire rapidement
Sur le site de « La Buvette des Alpages » un article au sujet d´un papier paru dans La Dépêche du Midi.
Gare à la nausée si vous lisez le texte du journal:
http://www.loup-ours-berger.org/
Je m’en vais commander cet ouvrage également. Je crois profondément (pardon d’enfoncer une fois de plus des portes ouvertes) qu’il n’y a pas d’humanité possible sans poésie, et pas de poésie possible sans corps à corps avec la nature.
« Désormais la mer
emporte avec elle
un ciel résolument gris
et sa réalité
Qui désarçonne
le fond du paysage
De ses anciens joyaux
sortent des griffes. »
(Claudine Bertrand, Nouvelles épiphanies. Editions Autres Temps, 2003 : 13)
Désolé de changer de sujet: vu à la télé, les voyous du marketing, proposer au salon de l’optique, des lunettes « tendance », où l’on voit un type soulever un tas de feuilles mortes et sortir du dessous, une monture de lunette à moitié dégradée, avec en prime le sourire vainqueur du marketeur-voyou, qui dit » Vous voyez, ce sont les premières montures de lunettes biodégradables »
Chacun sait que les porteurs de lunettes ont l’habitude de déposer leur monture directement sous des feuilles ou de les perdre dans les sous-bois en automne…Blague à part, ces faux écolos surfent sur les « tendances », le vrai venin de nos sociétés de consommation !
Hello,
Moi z’auzzi,je vais commander.Grand Merci.Quel plaisir d’avoir les étagères pleines de livres.De plus,mais cela reste entre nous,l’hiver sera rude,très rude,ce sont des amis,un peu « indiens »,qui l’ont « prophétisé ».2012,également,de la neige jusqu’au cou!Ohhhh….DSK sera horriblement déçu!
🙂
http://o-pied-humide.over-blog.com/article-de-plus-en-plus-d-utilisateurs-de-monnaies-paralleles-57501474.html
Bien a vous,Léa.
Dans les zones urbaines ou péri ou touristiques, La poésie? vous la voyez où? elle a été chassée par la dictature omniprésente des marchands (pour la dictature verte..on attendra un peu) et le désir des clients de ces marchands..
et je crains que cela ne soit pour longtemps.
car: »
à quoi sert une chanson, si elle est désarmée? »
« A quoi sert une chanson
Si elle est désarmée ? »,
Me disaient des chiliens,
Bras ouverts, poings serrés.
A la lecture du commentaire d’Eva j’ai eu envie de passer par la découverte de son site. A lire absolument! Voilà du vivant, du vrai! Stimulant et communicatif! De multiples renvois vers d’autres communicants. je n’en dirai pas plus. Lisez 😉
Merci Eva
PARIS (AFP) – L’actrice Brigitte Bardot, présidente de la Fondation pour la protection des animaux qui porte son nom, a adressé une lettre ouverte à Jean-Pierre Coffe, animateur de l’émission de France Inter « Ca se bouffe pas, ça se mange »,… pour avoir évoqué la dégustation d’espèces protégées.
Outre le fait de retourner l’estomac des auditeurs en expliquant comment s’y prendre pour « savourer » de la cervelle de singe vivant, « votre chef cuisinier et vous-même n’avez pas hésité à les informer des facilités qu’il y avait à se procurer de l’alligator, de l’ours, de la peau de serpent ou encore de la trompe d’éléphant via internet, allant même jusqu’à préciser que certaines de ces espèces sont protégées », écrit Brigitte Bardot.
Brigitte Bardot, qui se réfère à une émission du 31 décembre 2005, accuse l’animateur de faire « fi de l’atroce souffrance de ces singes dont on ouvre à vif la boîte crânienne » et d’occulter « les troupeaux d’éléphants massacrés pour quelques kilos de trompe que l’on cuisinera bientôt à la sauce chasseur ».
« En toute connaissance de cause, vous incitez vos auditeurs à contourner, via internet, les lois internationales de protection des espèces », ajoute Brigitte Bardot, qui conclut sa lettre avec cette formule: « Je vous prie de croire, Monsieur, à l’expression de mes sentiments écoeurés ».
moi aussi ça m’écoeure, alors qu’on creve de notre abondance de produits, faut il vraiment aller chercher ailleurs pour satisfaire nos papilles d’occidentaux dégénérés ? qu’en pensez vous ? (j’attends vos commentaires non pas sur la miss bardot, mais sur cette » gastronomie « ) Jean Pierre Coffe le type populaire qui parle à la télé et qui se moque des végétariens !
J.P.Coffe, comme tous les animateurs télé, vend sa « salade », tout comme Drucker d’ailleurs, qui fait la promo des copains acteurs et producteurs.
Si J.P.Coffe transgresse la loi, il y a des tribunaux pour cela.
La question pour moi est la suivante: est ce qu’une cervelle de singe vaut plus, ou moins, qu’une cervelle d’agneau, bien de chez nous ?
Je n’ai pas de réponse, sauf un profond dégoût pour ces pratiques barbares.
En tout cas en lisant les commentaires de ceux qui parlent du livre, plusieurs le commandent, c’est bien, cela montre aussi malheureusement la faiblesse de diffusion des idées des défenseurs de la nature.
Léopold comme d’autres sont encore relativement méconnus mais cela peut changer.
Marie,bonsoir,
Gastronomie?Oh,que non!C’est du pur snobisme,oui!
Le choix de manger de la viande ou non,est personnel.Hifi parle de pratiques barbares,mais il ne faut pas oublier que les animaux vivant en batteries ne sont pas mieux lotis.Entassement,gavage,mutilations,etc…
Si certaines personnes sont « friandes » de mets particuliers,c’est purement pour se faire mousser.Ce qui est rare,est cher,ce qui est cher,rassure sur la réussite de la personne qui consomme ce genre de nourriture.
Comment faire comprendre que nous avons tout a portée d’estomac sans pour autant devoir consommer de la viande?Grâce a la lecture du livre de Fabrice,Bidoche,quelques connaissances ont ouvert leurs yeux,c’est déja un progrès!
Les hommes ont un choix innombrable de fruits,légumes,féculents,et autres pour compenser le manque de viande…alors il n’y a qu’un pas a faire,et il faudrait qu’ils comprennent une bonne fois pour toute que cela sera salutaire pour leur bien être,et pour la planète.
Pour enfoncer le clou,et pour faire comprendre que la viande n’est pas une obligation pour l’organisme et que l’on peut très bien vivre sans.
Je suis « âgée »,l’on me donne dix années de moins,jamais malade,et une pêche d’enfer!Alors?
En hiver je nourris des renards.Un renard cela mange de préférence,de la viande.
Ben non!Les « miens » non!
Ils mangent des spaguettis et de la tarte aux fruits!
Et ils sont ravis!Vous verriez leurs fourrures,vous seriez jaloux,un roux flamboyant,ce qui est la preuve irréfutable d’aucune carence.
Si les renards peuvent se passer de viande,les hommes intelligents aussi!:)
Bises et bon samedi-dimanche,Léa.
Au risque de choquer je n’ai pas accroché avec ce debut livre peut etre car j’ai 2 cursus universitaires en supplement, quelqu’un peut ‘il m aider je dois en livrer un resumé, HELP! merci Zoé