Archives de catégorie : Santé

Chimie, pesticides, air, pollutions en tous genres

Le ridicule Plan cancer du bon M.Hollande

J’ai honte de nos gouvernants. Ce n’est pas la première fois. Et d’un certain point de vue, cela m’étonne un peu, car je n’attends rigoureusement rien d’eux. Ma rupture avec la gauche ne saurait être plus complète, mais je m’empresse de dire une fois encore que la gauche est une histoire, une invention de deux siècles, et qui n’a pris au reste son sens actuel qu’au moment de l’affaire Dreyfus, il y a un peu plus de cent ans.

Entre Nord et Bouches-du-Rhône

Les formes politiques sont une chose et les valeurs humaines leur préexistent et leur survivent. Moi, je défends ces dernières et conteste radicalement les premières en leur nom. J’espère que c’est suffisamment clair. Je suis du côté de la liberté et de l’égalité, mais de l’égalité pour tous. Je suis pour la fraternité, mais dans une acception qui englobe tous les êtres vivants de cette planète, dont nous sommes certes. Mais les gauches réelles n’ont-elles pas toujours méprisé, au fond, les peuples lointains et les bêtes, et les plantes ?

Fin du préambule. Hollande. Un homme pleinement dépourvu du moindre intérêt pour la nature. Totalement immergé dans une sous-culture politicienne où ne compte, au fond, que le rapport de forces entre courants et territoires. Je rappelle qu’il a été onze ans – 11 ! – secrétaire national d’un mouvement d’une rare médiocrité, le parti socialiste. De 1997 à 2008, le quotidien de cet homme a consisté à arbitrer entre pathétiques factions défendant chacune son bout de gras dans l’appareil. Oui, lecteurs de Planète sans visa, regardez la vie en face, telle qu’elle fut : quand brûlait la planète, lorsque ses équilibres essentiels s’effondraient, M. Hollande ménageait un M.Guérini, dans les Bouches-du-Rhône, ou un M.Percheron, dans le Nord. Et préparait le fameux congrès de Reims – 2008 – au cours duquel les valeureux de son mouvement ont truandé, qui du côté de Martine Aubry, qui du côté de Ségolène Royal, la première gagnant d’une poignée de voix grâce au bourrage des urnes.

Dicky Tricky dans ses œuvres

Fin du deuxième préambule, en vous priant de m’excuser, mais ces phrases m’ont permis de contenir la fureur que je ressens depuis hier, quand Hollande a rendu public son Plan cancer. Vous avez sans doute vu, dans les grandes lignes (ici), ce qu’il contient. 1,5 milliard d’euros pour officiellement réduire les inégalités sociales reliées à cette si terrible maladie. Ce serait burlesque, mais c’est seulement pitoyable. Hollande ressort des chiffres vieux de décennies, qui montrent que des millions de personnes sont exposées à des produits cancérogènes dans le cadre du travail. Mais ces êtres, monsieur le grand Socialiste, sont pour l’essentiel des prolos, dont vous n’avez que foutre. Ce qui n’a pas été fait hier pour eux – s’attaquer au patronat, s’attaquer à la chimie industrielle – ne le sera pas demain. Et l’on rapportera dans dix ans la même chose qu’il y a vingt ans : a moins 10 % des travailleurs morflent du produit cancérigène dès le matin, au boulot.

Le pire n’est pas encore là, oh non ! Commençons par un point d’histoire : en 1971, un certain Tricky Dicky faisait déjà un grand show télévisé, prétendant vaincre le crabe. Tricky Dicky, c’est Richard le Tricheur, c’est-à-dire Nixon, ci-devant président des États-Unis. Il y a quarante-trois ans, donc, Dicky annonce une « guerre totale contre le cancer », qu’il compare explicitement à la mobilisation qui a conduit à la « conquête » de la Lune, à l’été 1969. Des milliards de dollars sont mobilisés, car il s’agit, en toute simplicité, d’éradiquer le cancer avant le bicentenaire de la Déclaration d’indépendance américaine, en 1976. Il faut donc se dépêcher, n’est-ce pas, car Nixon, qui croit encore être au pouvoir pour profiter du triomphe, ne s’est donné que cinq ans. Cinq ans. Bouffon. Qui aura profité des crédits publics ? Les labos, l’industrie, les médecins bien en Cour.

Plus 111 % chez la femme

Chez nous, pareil. Notre roi fainéant Chirac, en 2003, avait lui aussi lancé son petit plan anti-cancer maison. 500 millions d’euros sur cinq ans. À l’arrivée, en 2008, les Verts de l’époque réclament la création d’une commission d’enquête parlementaire, qui ne verra jamais le jour. Il eût été passionnant, pourtant, de comprendre pourquoi ce fric n’avait servi à rien d’autre qu’à nourrir une fois de plus labos et industrie. Car le fiasco est total : selon les chiffres officiels de l’Institut national de veille sanitaire (InVs), le nombre de cancers a augmenté de 107,6 % chez l’homme et de 111,4 % chez la femme entre 1980 et 2012.

La question que tout esprit modérément ouvert devrait poser est bien sûr : pourquoi ? Pourquoi une telle explosion ? Je ne conteste nullement le rôle de l’augmentation de la durée de la vie. Ni d’ailleurs celui du dépistage précoce. Je ne le conteste pas, mais les charlatans qui prennent les décisions, eux, nient effrontément l’une des causes à coup sûr essentielles : la contamination générale de tous les milieux de la vie. Je ne vous ferai pas un cours complet sur le sujet – patience, cela viendra -, mais enfin, il existe des centaines d’études concordantes, qui pointent dans la même direction. L’omniprésence de molécules toxiques dans l’eau, l’air extérieur comme intérieur, les aliments, les sols, les peintures, les vêtements, les cosmétiques, les jouets, dans des milliers de produits de la vie quotidienne est devenue l’une des plus graves questions de notre époque.

Soyons précis : il y a beaucoup d’incertitudes. Et elles dureront. Mais il y en avait pour la clope en 1920. Mais il y en avait pour l’amiante en 1930. Et dans le même temps quantité de signaux sans ambiguïté disaient déjà l’extrême danger. Seules de sordides manœuvres de retardement, lancées par des cabinets spécialisés à la botte de l’industrie, ont fait perdre des dizaines d’années à la société. Et tué du même coup des millions de pauvres couillons comme nous sommes tous.

Il faudrait

La même chose recommence sous notre nez. Lutter réellement contre ce qu’il faut nommer une épidémie de cancers imposerait de mettre en question la liberté d’empoisonner qui est laissée à l’industrie chimique. Ce qui conduirait par entraînement à une refondation morale de la société tout entière. On comprend donc pourquoi Hollande est à ce point couché devant les lobbies de toujours. Mais cela ne console pas. Mais cela n’empêche pas d’insulter dans son for intérieur ce ridicule président de notre pauvre République. En son for intérieur, car l’injure publique – et c’est d’ailleurs normal – mène droit au tribunal. À vous lire.

Les cadeaux en uranium du fort de Vaujours

Publié par Charlie Hebdo le 22 janvier 2014

Entre Seine-Saint-Denis et Seine-et-Marne, une zone pourrie où l’armée a craché de l’uranium pendant près d’un demi-siècle. Notre bon Placoplâtre veut y ouvrir une carrière de gypse, en éparpillant tout.

Pourra-t-on bientôt acheter librement du plâtre radioactif ? Partisan résolu du droit des consommateurs, Charlie est résolument pour. Mais ce n’est pas encore gagné, et comme à l’habitude, à cause d’un groupuscule de peine-à-jouir qui veut empêcher Placoplâtre d’ouvrir une carrière. Placoplâtre, « leader sur le marché du plâtre et de l’isolation », comme l’annonce sa publicité, est une filiale de Saint-Gobain, ce qui tombe mal. Car cette transnationale française de près de 200 000 salariés traîne un gros lot de casseroles judiciaires dans les dossiers de l’amiante,  dont près de 50 000 litiges pour les seuls Etats-Unis.

Précisons que Placoplâtre n’a rien à voir avec l’amiante, mais tout avec le plâtre, qui ne se trouve pas sous le sabot d’un cheval. Il faut creuser, ouvrir des carrières dans le gypse et faire cuire à feu doux. Or le Fort militaire de Vaujours, à 20 kilomètres à l’est de Paris, est parfait. À cheval sur Vaujours (Seine-Saint-Denis) et Courtry (Seine-et-Marne), il abrite dans ses profondeurs, sur 45 hectares, un trésor de gypse qu’il suffit de sortir des entrailles.

Reste à se débarrasser de l’immense merdier laissé en surface par nos vaillants militaires. Car de 1951 à 1997, le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) a mené ici, en trompant son monde quantité d’essais et d’expériences en relation avec la bombe nucléaire. Un ancien ingénieur, Lucien Beaudouin, racontant sa sauce au Parisien (le 12 juin 2000), en rigolait encore : « À l’époque, en 1955-56, date des débuts de l’activité du CEA, les gens avaient traduit CEV qui veut dire Centre d’études de Vaujours par Centre d’études en vol. Ils pensaient qu’on travaillait sur les avions. On ne les a jamais contredits. En fait, on commençait à étudier la charge explosive qui fait partie de la bombe atomique. »

Nul ne sait, car c’est un secret d’État, tout ce qui a été fait. Mais le même Lucien Beaudouin ajoute gaiement : « Les morceaux d’uranium partaient comme une fusée dans l’air. La désintégration de l’uranium peut produire d’autres métaux très dangereux… des gaz aussi peuvent s’échapper, beaucoup plus radioactifs que l’uranium ! »

Le reste est  loufoque, mais ne peut être qu’évoqué. En 2002, la Crii-Rad mène une rapide analyse sur place, qui démontre une pollution nucléaire importante, avec des points chauds où se concentre la contamination. Il faudrait mener des travaux approfondis, conclut le labo, mais ils n’auront pas lieu. En 2010, le site est acheté par Placoplâtre et, sur 11 hectares, par une Communauté de communes qui veut y installer une zone industrielle. En 2011, des bénévoles d’une association locale, l’Effort de Vaujours, passent sur le terrain avec des compteurs Geiger et y trouvent des rayonnements 33 fois plus élevés que le bruit de fond ordinaire.

Depuis, ça gueule, de plus en plus fort, et une pétition limpide a recueilli autour de 60 000 signatures (http://www.change.org/FortdeVaujours), ce qui est énorme. Il faut dire que les choses se précisent, car Placoplâtre attend désormais des arrêtés préfectoraux pour lui permettre de commencer les travaux, sans bien entendu mesurer la radioactivité, et non plus la pollution pourtant certaine aux métaux lourds – arsenic, mercure, plomb – et aux saloperies chimiques comme les PCB et les dioxines.

Deux faits pour apprécier jusqu’au bout la noble entreprise de Placoplâtre. Un, Jean-Claude Antiga, un peintre de 55 ans qui a bossé vingt ans pour le CEA à Vaujours. Il est entré sans protection dans des conteneurs où ne pénétraient que des hommes en scaphandre. Il a un cancer de la thyroïde. Il est en procès contre le CEA. Deux, une étude de l’Agence régionale de santé (ARS), réalisée en juin 2012. Elle porte sur l’état de santé des habitants de Courtry, riverains bien heureux du Fort de Vaujours. Dans cette petite ville, 52 % des hommes et 49 % des femmes meurent des suites d’une tumeur. En Seine-et-Marne, département où se trouve Courtry, les taux sont de 36 % pour les hommes et 26 % pour les femmes. Ce n’est pas une preuve. Juste un sacré flip.

Une victoire pour les opposants à la « ferme des 1000 vaches »

Je suis obligé d’intercaler ici une nouvelle qui me parvient. L’association Novissen et la Confédération paysanne viennent de remporter une première victoire contre l’infect projet de « ferme des 1000 vaches ». Selon un article du Journal d’Abbeville (ici), l’État obligerait le promoteur Ramery à détruire une partie de ses installations. Bien sûr, il manque les détails, et dans tous les cas, ce ne peut être qu’une première bataille. Mais quand un succès pareil se produit, il n’y a plus qu’une chose à faire, en tout cas chez moi : champagne ! Tous mes bravos aux braves ! Tous mes bravos à Michel Kfoury, Grégoire Frison, Claude Dubois, Gilberte Wable, Pierre-Alain Prévost, Laurent Pinatel, et les centaines d’autres engagés dans ce beau combat contre la laideur du monde.

Le Journal d'Abbeville

 

1000 vaches : l’Etat intime l’ordre à Ramery de démonter son bâtiment !

 Victoire pour Novissen et La Confédération Paysanne, l’Etat a donné raison aux associations en demandant à Michel Ramery de démonter son bâtiment

Lors d'un face-à-face entre les promotteurs de la ferme et les membres de Novissen
Lors d’un face-à-face entre les promoteurs de la ferme et les membres de Novissen

Les membres de Novissen et de la Confédération Paysanne sont “sur un petit nuage” ! Ils ont semble-t-il gagné la lutte qu’ils menent depuis plus de deux ans contre le projet de la “ferme-usine des 1000 vaches”.Le secrétaire de Novissen Marc Dupont vient de confirmer le dernier rebondissement en date : “Laurent Pinatel de la Confédération Paysanne, Michel Fkoury, président de Novissen et notre avocat Grégoire Frison ont été reçus par le chef de cabinet de Cécile Duflot qui est également passée. Et bilan : l’Etat intime l’ordre à Michel Ramery de démonter tous les bâtiments non conformes au permis initital !”Le promoteur va donc devoir démonter l’immense bâtiment qui était censé accueillir le millier de vaches, sous réserve d’un appel. Et Marc Dupont de préciser : “M. Ramery devra ensuite attendre 3 mois après la démolition pour présenter un nouveau permis de construire”.Ce jeudi 23 janvier à 15h, Novissen rencontrera Nicolas Dupont-Aignan (président de Debout La République) en mairie de Drucat.

Sommes-nous réellement en 1788 ? (un mot sur monsieur Mélenchon)

Je viens de lire que monsieur Mélenchon a déclaré au Parisien hier : « La France est en 1788 ». Il faisait allusion à « l’injustice fiscale », à la veille d’une manifestation « pour la révolution fiscale ». Fort bien. La manifestation a été un fiasco, malgré les rodomontades habituelles, mais en vérité, je passe mon tour pour évoquer le sujet de l’impôt, me contentant de dire que la question est un poil plus compliquée que ce que scandent les amis de monsieur Mélenchon, pour lesquels il suffirait bien de taxer le capital.

Une nouvelle nuit du 4 août ?

Oui, je passe mon tour, car ma question de ce dimanche est  : sommes-nous en 1788 ? Un premier commentaire, d’évidence ou presque : lorsque l’on lance pareilles analogies, et Dieu sait que ces dernières sont nombreuses et réitérantes, c’est peut-être bien qu’on ne sait pas inventer autre chose. Monsieur Mélenchon se veut et se croit historien des colères populaires, mais je pense, moi, qu’il se complaît surtout dans de vaines mythologies. À le suivre, il faudrait donc recommencer la prise de la Bastille – ce dimanche, Bercy, siège de l’infâme administration fiscale, aurait fait l’affaire – puis la nuit du 4 août, qui mena comme on ne le sait plus guère, à l’abolition des privilèges et des droits féodaux.

Bon, je vous avoue que je trouve cela un poil ridicule. Non qu’il n’y ait de privilèges. Non qu’il n’y ait des classes sociales. Non qu’il ne faille pourfendre l’injustice, et probablement jusqu’à la fin des temps. Mais simplement parce que les mots employés sont désespérément vides d’un sens qui ferait réellement lever ce qu’on appelait dans mes jeunes années les masses. Celles-ci n’étaient pas ce dimanche avec monsieur Mélenchon, qui n’a reçu – il est important de s’en souvenir – que 8 % des voix des inscrits au premier tour de l’élection présidentielle de 2012. Ce n’est pas rien. C’est même beaucoup, d’un certain point de vue. Mais l’essentiel reste que sur 100 personnes inscrites sur les listes électorales, 92 ne se sont pas reconnus dans monsieur Mélenchon. Or donc, quand ce tribun parle du peuple, de qui parle-t-il au juste ? Cela n’a rien d’anecdotique, croyez-moi. Ou non. Toute l’histoire des avants-gardes autoproclamées regorge d’exemples où le peuple réel ne se montre pas à la hauteur du peuple imaginaire. Et les conséquences peuvent alors être dramatiques.

Et la santé, bordel ?

Et puis ? Je suis infiniment désolé, mais tout ce qui précède n’était que préambule. Voici : où ont-ils donc la tête, ceux qui prétendent changer le monde avec de si vieux clichés ? Comment se fait-il qu’ils soient à ce point aveugles ? Pourquoi diable ne lancent-ils pas des mobilisations sur tant d’autres questions parfaitement ignorées ? Je ne prendrai qu’une de ces dernières : la santé. Il est hélas indiscutable que nous assistons à une dégradation stupéfiante de la santé des humains. Je parle là, et je vous prie de m’en excuser, des pays du Nord, riches, où existent des chiffres, des colonnes de statistiques, des administrations plus ou moins capables d’utiles compilations.

Eh bien que voit-on ? Un cycle historique s’achève. La croyance si agréable dans une augmentation continue de l’espérance de vie n’était donc qu’une chimère, une chimère de plus. Je ne vais pas m’attarder, car un ouvrage, car des ouvrages seraient nécessaire. Cet excellent Claude Aubert a entrouvert la porte il y a quelques années (Espérance de vie, la fin des illusions, Terre Vivante), mais nul doute que nous ne sommes qu’au début d’un complet renversement. Radotons un peu : nul expert d’aucune sorte ne peut savoir combien de temps les jeunes d’aujourd’hui – disons ceux qui ne dépassent pas quarante-cinq ans – vivront. Voyez, ce ne sont pas des devins. Quand ils tracent de jolies courbes, ils ne font jamais qu’extrapoler à partir d’humains qui meurent aujourd’hui, à des âges en effet de plus en plus avancés.

La danse des molécules

C’est bien joli, mais pleinement absurde, car ces humains nés en 1915 ou 1930 ont formé leur cerveau et le réseau si dense des connexions neuronales, ainsi que leur système nerveux central,  dans un temps qui a disparu. Certes, des pollutions existaient déjà, souvent organiques, mais sans cette invasion planétaire, extravagante, délirante même de la chimie de synthèse. Le grand lâcher de molécules n’avait pas commencé. Ces molécules assemblées par l’homme, inconnues de la Création, se comptent aujourd’hui par millions. Je répète : par millions. Les organismes vivants n’ayant jamais eu à connaître, au cours de l’évolution, de matières aussi singulières et paradoxales que les plastiques ou le DDT, le gaz sarin ou le triclosan, subissent une agression à laquelle rien n’a pu les préparer.

Bien que des preuves directes, massives, indiscutables manquent dans de nombreux domaines, une certitude émerge des décombres. Il y a coïncidence entre l’émergence ou la multiplication de pathologies et l’apparition dans tous les milieux de la vie, jusqu’en Arctique, jusque dans le désert de Gobi, jusque dans les fosses du Pacifique, jusque dans la troposphère et même au-dessus d’elle, de produits délétères, dont beaucoup durent et subsistent au-delà des vies humaines. Un sac plastique bien conservé peut tenir des centaines d’années. Encore faut-il ajouter, mais tout est lié, la junk food et ses innombrables additifs chimiques, la junk food et ses graisses, et son sel, et son sucre, et sa merde.

Deux millions d’Ahzeimer

La dégradation de la santé est-elle manifeste ? Voyons. Je ne vous accablerai pas ici de chiffres. Sauf deux. L’incidence des cancers a augmenté de 107,6 % chez l’homme et de 111,4 % chez la femme entre 1980 et 2012. C’est simplement foudroyant, et ne croyez pas ceux qui parlent, l’air apparemment satisfait, de l’augmentation de l’espérance de vie comme principale explication. Elle a sa part dans le phénomène, mais, et je n’y insiste pas, elle n’explique à peu près rien. Et pensez aux maladies neurodégénératives ! Il y a environ un million – 1 000 000 ! – de cas d’Alzheimer en France, et on en attend 2 millions en 2020, dans sept ans. À quoi il faut ajouter une épidémie de diabète – la France compte environ 4 millions de diabétiques -, une épidémie d’obésité – 7 millions – une épidémie d’asthme – 3 millions -, une très étrange multiplication des cas d’autisme. Encore faudrait-il parler de bien d’autres affections, mais je m’arrêterai pour finir sur le « syndrome de dysgénésie testiculaire » qui renvoie à de nombreuses anomalies de la reproduction, dont la diminution du nombre de spermatozoïdes, l’infertilité croissante, l’hypospadias, la cryptorchidie, le cancer des testicules.

D’ores et déjà, l’espérance de vie en bonne santé, ou plutôt l’indicateur appelé Espérance de vie sans incapacité (EVSI), diminue. Et continuera fatalement de le faire. Dans ces conditions, et pour en revenir au point de départ – monsieur Mélenchon et son hasardeuse comparaison avec 1788 -, que faut-il faire ? Mais bien sûr, inventer des formes nouvelles de mobilisation et d’action. Ainsi, à quoi bon défendre la Sécurité sociale – victoire essentielle du peuple – si l’on ne commence pas par comprendre ce qui se passe ? Le déficit de la Sécu, qui finira par tout emporter, est bien davantage une déroute sanitaire qu’une débâcle financière. L’explosion des maladies chroniques et des invalidités creuse la tombe de cette Grande Conquête plus certainement que les dérives des professions médicales, pourtant bien réelles.

Mettre à bas l’édifice social

Alors, plutôt que prétendre cette imbécilité que la France rejouerait 89 et Valmy, pourquoi ne pas parler de la santé de tous et de chacun ? Ici et maintenant ? Une telle attention au neuf conduirait évidemment à détricoter la pelote et à mettre en question la totalité de l’édifice social. On pourrait ainsi, et j’ose dire aisément, s’attaquer à l’organisation même du pouvoir. Aux puissances industrielles, mais aussi administratives, bureaucratiques, politiques. À  la production elle-même. Au sens de la production d’objets. Au sens de la vie elle-même. C’est alors que nous serions enfin « modernes », pour utiliser un mot que je déteste. C’est alors que nous rendrions hommage aux ancêtres, ceux de 89, ceux de 1871, et tous les autres.

Mais la gauche, qu’elle soit celle de monsieur Mélenchon ou d’ailleurs de tout autre,  a d’autres priorités. N’a-t-on pas vu cette fin de semaine l’intronisation de madame Cosse à la tête d’EELV, à raison de sa proximité avec madame Duflot et monsieur Placé ? Je vais vous dire : si je devais faire un absurde rapprochement chronologique, je ne parlerai sûrement pas de 1788. Dans le meilleur des cas, nous cherchons dans la nuit quelques grains et poudres d’espoir, pensant certains matins en avoir empli nos poches. Dans le meilleur des cas, nous sommes en 1750. Il faut (se) parler, évaluer le meilleur de nos récoltes, suggérer les chemins d’apparence impossible. C’est la seule manière de créer ensemble un imaginaire complet, qui détournerait pour de bon des colifichets de toutes sortes qui finiront par nous tuer. À ces conditions, l’été 1789 reviendra peut-être. Peut-être. Mais s’il revient, il ne fait aucun doute que nous ne le reconnaîtrons pas.

Retraite, ou déroute générale ?

Cet article a paru dans Charlie Hebdo le 28 août 2013

Le plan de financement des retraites passe totalement à côté de l’essentiel. L’espérance de vie commence à flageoler, et les épidémies en cours, du cancer à Alzheimer, ont de quoi faire flipper.

————————————————

Sur ce point-là, ils sont tous d’accord. La droite, les socialos, le Medef, et les innombrables commentateurs qui squattent l’espace public depuis l’éternité. Il faut trouver du fric pour les retraites, car il y a de plus en plus de vieux, qui vivent de plus en plus vieux. On saura donc avant la fin août ce que Hollande, Ayrault et Sapin ont concocté. Probablement de ceci, et sûrement de cela, de façon à pouvoir refiler le vieux bébé à ceux qui tiendront le manche en 2020.

L’argument le plus ressassé, ad nauseam, est celui de l’espérance de vie. Pour les neuneus de tous bords, la courbe est grosso modo linéaire depuis deux siècles : on gagne trois mois de vie en plus chaque année. Pour les hommes, on serait autour de 78 ans, et pour les femmes, de 85. L’espérance de vie serait comme la croissance. Éternelle.

Première évidence : l’espérance de vie en bonne santé régresse. En avril 2012, l’Institut national des études démographiques (Ined) constatait une baisse, depuis 2006, de « l’espérance de vie sans incapacité », ou EVSI. En résumé express, tu vis plus vieux, mais avec de plus en plus de gros emmerdes. Tu pars en retraite à 62 ans, ou 63, ou 65, mais avec un déambulateur sous le bras.

Deuxième évidence beaucoup plus chiante encore : l’espérance de vie brute stagne ou diminue au moment même où les gazettes prétendent le contraire. L’alerte est venue des États-Unis en décembre 2010, à la suite d’un rapport des Centers for Disease Control (CDC) montrant une baisse de l’espérance de vie des Américains en 2008. Idem en France, où l’Insee a constaté une diminution de l’espérance de vie en 2011. Même si, dans les deux cas, le recul est très faible, cela n’interdit pas de se poser des questions.

Les démographes sont en général des gens sérieux, mais il ne faut pas leur demander l’impossible, car l’art de la courbe a ses limites. Or il faut rappeler que les vieillards cacochymes d’aujourd’hui sont nés dans un monde totalement différent. Leurs système nerveux et endocrinien, leur cerveau n’ont pas eu à affronter, au moment de leur assemblage, les millions de molécules de synthèse recrachés par l’industrie chimique jusque dans le trou du cul des abeilles. En vérité, rien n’indique que ceux qui ont bu de l’eau – et du vin – frelatés, bouffé conservateurs et colorants, respiré l’air des villes ou celui de maisons – plus pollué encore – pourront vivre aussi vieux.

La raison même, celle dont se réclament pourtant Ayrault et consorts, suggère le contraire. Les humains ne sont-ils pas confrontés à une dégradation générale de leurs conditions de vie ? De véritables épidémies de santé publique déferlent, sans que nos Excellences ne daignent faire de lien. Et par exemple :

*L’épidémie de diabète est fulgurante. Près de 300 millions de personnes sont atteintes dans le monde. Elles pourraient être 438 millions en 2030 selon l’OMS.

*L’obésité touchait 500 millions de personnes en 2010, et les chiffres explosent. En France, 15 % de la population adulte est obèse.

*Le cancer. Selon les derniers chiffres de l’Institut de veille sanitaire (InVS), les cas de cancer ont augmenté en France de 107,6 % chez les hommes et de 111,4 % chez les femmes entre 1980 et 2012.

*Alzheimer touche environ 900 000 personnes en France, mais le nombre de malades grimpe de 225 000 par an. On en attend 66 millions dans le monde en 2030.

*Parkinson frappe 150 000 personnes en France, et l’incidence augmente de 10 % par an.

Etc, etc, etc. On n’évoque même pas les maladies cardiovasculaires et respiratoires, la fibromyalgie, et quantité d’autres affections peu ou mal connues, qui explosent elles aussi. D’évidence, plusieurs facteurs sont en cause, mais d’évidence aussi, il se passe quelque chose de fulgurant à l’échelle du temps humain. Tous les signaux dont se gargarisent tant les experts sont au rouge, ce qui n’empêche personne de pérorer sur le progrès généralisé. Les discussions récurrentes de la retraite ne sont qu’une vaste foutaise.

À quand les vraies batailles contre la bouffe industrielle et la chimie de synthèse ?