Archives de catégorie : Santé

Chimie, pesticides, air, pollutions en tous genres

Ces bébés qu’on empoisonne (une enquête)

Bon, il n’y a pas de raison pour que vous soyez les derniers informés. Demain paraît dans Le Nouvel Observateur une enquête que j’ai cosignée, et dont voici une présentation. À bientôt. Dites, vous avez vu cet accord Verts-PS ?

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EXCLUSIF. Ces bébés qu’on empoisonne

Publié le 15-11-11 à 15:51

Dans les maternités, tétines et biberons jetables sont stérilisés en toute illégalité depuis des années avec un gaz hautement toxique : l’oxyde d’éthylène. Enquête.

Pouponnière dans une maternité. (AFP) Pouponnière dans une maternité. (AFP)

Pendant des décennies, des millions de tétines mises à disposition des mamans et de leurs nouveaux-nés dans les hôpitaux français ont été stérilisées en infraction avec la réglementation en vigueur. Plus précisément : ces biberons jetables ont continué d’être désinfectés avec de l’oxyde d’éthylène, un gaz classé en 1994 comme cancérogène avéré par le Centre international de Recherche sur le Cancer. « Le Nouvel Observateur » a mené l’enquête. Ses conclusions sont sans équivoque.

Depuis le début des années 1990, les réglementations françaises puis européennes excluent l’oxyde d’éthylène des procédés de stérilisation dès lors qu’il s’agit de « matériaux au contact des denrées alimentaires » (MCDA). Ce qui correspond très exactement à la définition des tétines. L’arrêté du 9 novembre 1994, qui précise lui-même un décret de 1992, stipule que « ces objets ne doivent pas altérer les qualités organoleptiques des denrées, produits et boissons alimentaires placés à leur contact » et que le « traitement désinfectant » doit donc être dûment « autorisé ». Or l’oxyde d’éthylène ne fait pas partie de la liste des produits qualifiés […]

Les premières alertes remontent aux années 1970

Pour en avoir le cœur net, « le Nouvel Observateur » s’est procuré l’appel d’offres 2010 de la centrale d’achats de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) qui fournit des dizaines d’hôpitaux en France, dont les maternités de Robert-Debré, Necker-Enfants malades et la Pitié-Salpêtrière. L’AP-HP y estime ses besoins à 2.163.800 tétines et biberons stériles à usage unique, 45.500 téterelles (embouts en plastique facilitant l’allaitement) et 11.600 tétines et sucettes pour prématurés. Résultat ? Deux sociétés ont emporté le marché : Beldico, un groupe belge, qui a vendu les tétines pour prématurés, et le groupe français Cair. Leur méthode « exclusive » de stérilisation ? L’oxyde d’éthylène, comme il est indiqué sans faux-semblant dans leurs documents […]

Pourtant, les premières alertes remontent… aux années 1970. Plus précisément, le 7 décembre 1979, le ministre de la Santé Jacques Barrot signe une circulaire qu’il adresse aux préfets et aux administrations centrales suite au travail de son prédécesseur Simone Veil. Dans ce texte publié au « Journal officiel » le 10 janvier 1980, le ministre préconise de réserver l’usage de l’oxyde d’éthylène à des cas extrêmes, « si aucun autre moyen de stérilisation approprié n’existe ». […]

Des troubles « pouvant évoluer vers la mort »

Si le ton est à la fois pressant, détaillé et comminatoire, c’est que le ministère avait été alerté sur les cancers dont étaient victimes les travailleurs exposés à l’oxyde d’éthylène sur des sites de production en Allemagne, en Suède, en Grande-Bretagne ou en Italie.[…] Dans la circulaire, Jacques Barrot énumère les « dangers inhérents à l’emploi de ce gaz » pour ce qui concerne « notamment des sondes, tubes et tous ustensiles en caoutchouc et matières plastiques » qui peuvent provoquer chez les patients des troubles « pouvant évoluer vers la mort ».

La formule « danger inhérent » n’est pas une clause de style. En 1994, le Centre international contre le cancer de Lyon (OMS) a classé la molécule d’oxyde d’éthylène dans le groupe 1 des agents cancérogènes chez l’homme […] Et en janvier 2010, une lettre de la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF), conclut que « l’utilisation de l’oxyde d’éthylène n’est pas autorisée pour désinfecter des objets destinés au contact des denrées, tels que les biberons. » Copie du courrier est adressée à la Direction générale de la Santé (DGS) et à l’Agence française de Sécurité sanitaire des Produits de Santé (Afssaps).

Combien de bébés concernés ?

Et pourtant, combien de bébés sont aujourd’hui encore concernés? Ecartons d’abord ceux qui tètent des biberons vendus en pharmacie ou en grande surface, encore qu’un doute subsiste sur les modèles jetables. Reste que sur les 800.000 enfants qui naissent quasiment tous (98%) dans les maternités, 400.000 ne sont pas nourris au sein. Mais exclusivement aux biberons fournis par l’hôpital. Combien de maternités concernées au total ? Pas de réponse possible sans un inventaire national. Encore que Philippe Jacquin, directeur du développement du groupe français Cair, qui stérilise exclusivement à l’oxyde d’éthylène, donne un ordre de grandeur édifiant : « Pour l’année 2010, nous avons vendu en France 4 millions de tétines et 300.000 téterelles. »

Les industriels du secteur refusent de s’expliquer

Ce n’est pas tout. Depuis des décennies, les grands industriels du secteur, qui vendent aussi du lait, des couches ou des petits pots, sont à la lutte pour fournir presque gracieusement puis à prix cassés les hôpitaux en millions de « nourettes ». Les nourettes? Des mini-biberons à usage unique. […] Quatre majors se partagent ce vaste créneau : Guigoz (Nestlé), Blédina (Danone), Milumel (Lactel) et Sodilac, propriété de l’espagnol Ordesa. Comment font-ils stériliser nourettes et tétines commercialisées à prix d’ami dans les hôpitaux sous leur nom?

Force est de reconnaître que, en dépit de nos demandes répétées, les réponses sont embarrassées, souvent dilatoires et jamais étayées. A aucun moment ne nous a été fourni le relevé des méthodes de stérilisation utilisées ces dernières années. […] Certes, le secret industriel existe. Mais peut-on se borner à le brandir s’agissant d’interrogations portant sur la sécurité même des bébés ? Des nouveau-nés qui n’ont que quelques heures de vie, et dont les parents sont tout de même bien en droit de savoir si le caoutchouc qu’ils leur glissent entre les lèvres cinq à huit fois par jour est oui ou non conforme à la réglementation.

Fabrice Nicolino et Guillaume Malaurie – Le Nouvel Observateur

(Extraits de l’enquête « Ces bébés qu’on empoisonne », à lire en intégralité dans « Le Nouvel Observateur « du 17 novembre 2011)

Le coton rouge sang d’Ouzbékistan

Putain, quel monde ! Au détour de mes furetages, ici, là-bas et même ailleurs, je tombe sur un rapport en anglais concernant le coton (lire ici). Le coton dans ce pays appelé Ouzbékistan ou encore, en ouzbek, O?zbekiston. Me permettrez-vous un mot sur ce lieu presque inconnu chez nous ? Il est un peu plus petit que la France – 447 000 km2 – et compte tout de même 28 millions d’habitants. Malgré le souvenir évanescent de Samarcande, on est loin des chromos sur les déserts d’Asie centrale. La région est densément peuplée. Y compris, pour son malheur, par un certain Islom Abdug‘aniyevich Karimov.

On va essayer de pas insulter un chef d’État en exercice, ce qui ne sera pas facile. Ce type est un apparatchik de la défunte Union soviétique stalinienne. Au passage, vous connaissez sûrement ce mot : URSS (Union des républiques socialistes soviétiques), quatre mots, quatre mensonges. Karimov, né en 1938, l’année des derniers grands procès de Moscou, a gravi bureaucratiquement tous les étages. Un communiste comme lui ferait pâlir de jalousie un fasciste enragé. Premier secrétaire du Parti communiste de l’Ouzbékistan jusqu’à l’effondrement de l’Union soviétique – 1991 -, il se transforme sans trop d’efforts en dictateur à temps plein et à titre privé. Cette même année 1991, il gagne l’élection présidentielle, armé de tout le savoir accumulé au pays du mensonge déconcertant (expression forgée par Ante Ciliga). Il obtient 86 % des voix. En 1995, il fera beaucoup mieux, remportant un référendum avec environ 100 % des voix. Le environ n’est pas une fantaisie personnelle : les services officiels, pris par l’enthousiasme, ont souvent dépassé les 100 %, ce qui posait de menus problèmes de comptabilité.

En 2005, après avoir fait allégeance à l’Amérique impériale, et décidé d’éradiquer l’islamisme dans ce pays profondément musulman, il fait tirer à la mitrailleuse lourde sur de supposés insurgés. Ce qui donne à l’arrivée entre 169 – selon lui – et plus d’un millier de morts selon des ONG présentes sur place. N’est pas Kadhafi qui veut. En 2007 enfin, il est réélu pour sept ans avec plus de 88 % des voix. Il y a trois autres candidats, qui se rallient – ce sont des gars malins – à Karimov. Cela devrait suffire à situer notre hôte involontaire, n’est-il pas ?

Venons-en au coton. Ce qui était jadis une merveilleuse plante cultivée est devenue, pour cause de surexploitation industrielle et de mondialisation, une folle tueuse d’hommes et d’espaces. Dans le document que j’ai lu (de nouveau ici), on apprend quantité de choses. Pour commencer, vraiment désolé, on voit la photo de corps suppliciés par les flics du dictateur. L’un d’eux a été atrocement torturé. La suite s’appelle le coton, de loin la plus grande richesse du pays, qui est probablement aujourd’hui encore le second exportateur mondial. Les ventes représentent en tout cas des milliards de dollars chaque année, qui passent entre les mains du clan installé dans la capitale, Tachkent, mais aussi dans celles des barons régionaux sans lesquels on ne pourrait pas cultiver là-bas autant de coton. Rappelons en deux mots qu’il faut gâcher tant d’eau d’irrigation pour faire pousser cette manne que la mer d’Aral,  jadis un immense lac salé de 66 458 km2, a été réduit des trois quarts. Essentiellement par détournement des fleuves Amou-Daria et Syr-Daria. Essentiellement pour le coton d’Ouzbékistan et du Kazakhstan. Les 24 espèces endémiques de poissons présents dans cette merveille ont disparu à jamais. Aucun humain, aussi longue que durera notre aventure, ne les reverra plus.

Mais il ne suffit pas de détruire la nature à sa racine. Encore faut-il, du moins pour le moment, une main d’œuvre bon marché, nombreuse, efficace. Ce n’est pas facile, surtout que le tyran n’entend pas payer. Il lui suffit d’être payé, lui et sa clique. Aussi bien a-t-il recours à ce que la propagande stalinienne appelait lorsqu’elle s’imposait les samedis et les dimanches « communistes ». On se faisait chier à l’usine toute la semaine, et le week-end, en hommage au Chef, on remettait le couvert. Gratuitement, cela va de soi.

Le système n’a que peu changé – rires préenregistrés -, et les flics de Karimov sillonnent les routes pour arrêter qui ils peuvent, et les envoyer au charbon. Pardon, au coton. Et quand je dis sillonnent, c’est à prendre au sens premier. Les flics de la route, comme le note le site moscovite Fergana.ru, se planquent avant d’arrêter les voitures imprudentes. Le système est incroyablement huilé, au point que des usines pourtant américano-ouzbèkes, comme General Motors, envoient « volontairement » et « gratuitement » travailler une partie de leurs employés dans les champs de coton. J’allais oublier – je blague – que deux millions d’enfants ouzbeks sont eux aussi envoyés au coton en septembre et octobre. Y compris des mioches de six ou sept ans. Faut remplir le bas de laine de Karimov.

Si vous avez envie de lire deux bricoles sur le sujet en français, je vous conseille l’adresse suivante (ici). L’agence Fergana assure le service d’infos fiables venues d’Asie centrale, parfois dans notre langue. Allez-y voir ! Et comme je suis un sadique accompli, je ne terminerai pas sans noter cette évidence : nous sommes des acteurs de ce désastre, qui touche, à des degrés certes divers, tant d’autres pays du Sud, en Asie et en Afrique surtout. Car partout, pour que l’on puisse acheter ici des cotonnades à deux balles, l’on fait travailler des gosses, l’on pressure les rivières, l’on épand des pesticides mortels sur des milliers et millions d’hectares. La solution ? Je l’ai déjà écrit tant de fois : la destruction de ce système fou, criminel, et parfaitement suicidaire. La prochaine fois que vous achèterez un tee-shirt, regardez, si toutefois l’origine est indiquée, d’où il vient. Que ce soit de Chine, du Cameroun, du Bangladesh ou d’Ouzbékistan, le coton est de nos jours rouge sang.

Que pour les trous du cul (encore sur le portable)

J’ai la flemme et je n’ai pas le temps. Disons que même si j’avais le temps, je n’aurais pas le courage de me mettre à écrire un article de fond sur le téléphone portable. Vous verrez plus bas un article de Paul Benkimoun, qui résume correctement les dernières nouvelles sur la dangerosité de cette saloperie (dans Le Monde). Mais voici que je me souviens d’avoir déjà radoté sur le sujet. D’abord le 1 février 2008 (ici). Ceux qui auront le courage de cliquer auront l’explication du titre d’aujourd’hui. Et les autres se poseront des questions sur mon malheureux état.

J’ai remis le couvert le 17 mars 2010, et voici un extrait que j’aurais bien du mal à renier :

« Désolé, je me suis perdu. Je voulais parler d’une défaite, aussi évidente qu’écrasante : le téléphone portable. Épargnez-moi, je vous prie, le laïus sur les bienfaits de l’engin. S’il vous plaît. Je m’en moque éperdument. Il y a aussi certain intérêt à la bombe thermonucléaire, aussi je vous prie de garder au chaud tout ce qui vous a décidé à acquérir ce nouvel avatar de nos fantasmes d’omniprésence et d’omnipotence. Il est le symbole même de notre crise et de sa profondeur. Car tout le monde – jusqu’au fin fond du Sud miséreux – s’est jeté sur ce que j’appelle sans détour une merde, qui légitime la totalité du système et relance à merveille sa lourde machinerie. De la même façon que l’automobile a bouleversé la planète et notre façon de l’habiter, sans jamais aucun débat sur le sens de cette aventure géante, le portable modifie jusqu’à la sociabilité des êtres humains. Sans discussion. Sans interrogation. Sans nul moyen de s’y opposer ».

Je n’insiste pas. À quoi bon ? Tant que le mouvement que j’appelle de mes vœux, et qui demeure hélas dans les limbes, ne saura pas combattre en priorité la prolifération démentielle des objets matériels, il n’avancera pas. En attendant, que personne n’ose accuser encore, sempiternellement, ce maudit système qui-que-quoi. Notre aliénation, nos faiblesses, notre soif de paraître et de posséder sont largement responsables de la folie globale du portable.

Pour l’OMS, le téléphone portable peut être cancérogène

LEMONDE | 01.06.11 | 11h50

Le groupe d’experts réunis par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), qui fait partie de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), a classé comme « cancérogènes possibles » les champs électromagnétiques de radiofréquence, y compris ceux de la téléphonie mobile.

Les trente-et-un chercheurs, provenant de quatorze pays, sont parvenus à cette conclusion, mardi 31 mai, à l’issue d’une réunion commencée le 24 mai à Lyon. Cette classification marque une évolution notable, alors que le téléphone mobile compte 5 milliards d’abonnés dans le monde. A l’heure où les experts rendaient leur avis, le site de l’OMS indiquait encore qu’il « est clair que si les champs électromagnétiques ont un effet sur le cancer, une augmentation du risque ne sera qu’extrêmement petite ».Président du groupe de travail du CIRC, le docteur Jonathan Samet a précisé, lors d’une conférence de presse téléphonique, que la conclusion s’est appuyée « sur des études épidémiologiques montrant un risque accru de gliome, un type de cancer du cerveau associé à l’usage du téléphone mobile ». « Les deux études les plus larges ont montré un risque accru de gliome chez les utilisateurs les plus intensifs », a-t-il ajouté. Les preuves les plus solides proviennent de certaines études nationales menées dans le cadre de l’étude internationale Interphone, ainsi que d’une étude suédoise, a-t-il indiqué.

Les travaux menés chez l’animal ont abouti à « des preuves limitées d’un risque », a déclaré le docteur Samet. En revanche, a-t-il souligné, « il existe des lacunes et des incertitudes », ce qui impose la nécessité de poursuivre les recherches. Des scientifiques et des organisations non gouvernementales, dont l’association française Priartém, s’étaient émus de la tenue de cette réunion d’experts alors que certaines des études nationales d’Interphone et certains travaux sur les tumeurs de la tête n’ont pas encore été publiés.

RISQUE COMPARABLE À CELUI EXISTANT POUR LES PESTICIDES

Responsable au CIRC du programme des monographies consacrées au risque cancérogène d’un agent donné, le docteur Kurt Straif a précisé que « les experts avaient eu accès à toutes les études du programme de recherche Interphone, car les études encore inédites avaient été acceptées pour publication par des revues scientifiques, parfois seulement une semaine avant la réunion ». Selon le docteur Samet, « ce qui compte, c’est la publication des résultats globaux, car il continuera d’y avoir des publications à partir de ces données pendant plusieurs années ».

Les responsables du CIRC et du groupe d’experts ont précisé le cadre de leur travail. Tout d’abord, la réunion des experts n’avait pas pour objectif de quantifier le risque encouru, mais d’évaluer les arguments scientifiques en faveur de son existence ou non. « Le niveau de preuve d’une association entre l’usage de la téléphonie mobile et le risque de cancer est comparable à celui existant pour les pesticides ou les expositions professionnelles dans le cadre du nettoyage à sec », a avancé le docteur Straif.

Autre limite : les données scientifiques, en particulier dans le cas d’Interphone, datent au mieux de 2004. Elles correspondent donc à des technologies qui ont évolué depuis – avec la réduction du débit d’absorption spécifique (DAS) des téléphones mobiles, qui quantifie le niveau de radiofréquences émises vers l’usager – et à des usages qui se sont modifiés : temps passé avec le téléphone à l’oreille, augmentation spectaculaire du nombre d’usagers et utilisation par des adolescents et des enfants… Sans oublier le déploiement du WiFi.

Le docteur Samet a reconnu la nécessité pour les chercheurs de « mieux documenter les utilisations actuelles », tout en soulignant que « les technologies changeaient constamment ».

« PLUS PERSONNE NE POURRA DIRE QU’IL N’Y A AUCUN RISQUE »

En charge de la monographie sur les champs électromagnétiques de radiofréquence, le docteur Robert Baan a affirmé, pour sa part, que « les expositions dues aux antennes relais sont d’un ordre de grandeur cinq fois inférieur à celles des téléphones mobiles ».

Le document du CIRC ne se prononce pas sur les mesures que les autorités ou les individus devraient prendre. « Les monographies du CIRC visent à évaluer les preuves scientifiques, et non à formuler des recommandations fermes sur la régulation. Les pays ont parfois des philosophies différentes », a indiqué le docteur Straif avant de citer le cas de la France, qui « a émis des recommandations pour réduire l’utilisation des téléphones mobiles avant la réunion du groupe d’experts ».

Interrogé sur le problème du conflit d’intérêts – qui a provoqué le retrait d’un des experts initialement pressentis –, le docteur Straif a assuré que la question « était prise très au sérieux par le CIRC et que la décision n’avait subi aucune influence de la part des opérateurs ».

Dans un communiqué publié mardi, la Fédération française des télécoms « prend acte » de la classification « 2B » adoptée par le CIRC et relève que « cette catégorie concerne 266 autres agents, dont le café, les cornichons et autres légumes au vinaigre ».

De son côté, la présidente de Priartém, Janine Le Calvez, estime que la prise de position du CIRC était « inespérée, non pas au vu de l’état des connaissances, mais par rapport aux pressions exercées par les opérateurs », et la juge « très courageuse ». Il s’agit, à ses yeux, d’une « étape extrêmement importante, qui met chacun devant ses responsabilités : plus personne ne pourra dire qu’il n’y a aucun risque ».

Bien que le CIRC n’ait pas pour usage de rendre public le détail des votes, le président du groupe d’experts a indiqué qu’une « encourageante majorité s’était accordée sur l’évaluation finale ».

Paul Benkimoun

André Picot balance tout (sur les gaz de schistes)

La dernière fois que j’ai eu le bonheur de serrer la main d’André Picot, ce fut à l’enterrement d’un homme que je continue d’aimer, Henri Pézerat. Henri, qui me manque, et grâce à qui l’amiante est enfin devenu un scandale complet. Les deux hommes se connaissaient bien, et s’appréciaient hautement. Ils avaient tous deux mené une belle carrière scientifique au CNRS, et assumé, chacun à sa façon, une pratique différente de leur fonction. Henri, qui était au fond de l’âme un militant, relia sans cesse son extrême rigueur et la défense des exploités. André, plus réservé, mal à l’aise dans le conflit, demeura dans une ombre relative, non sans avoir constamment apporté sa pierre à l’édifice de délicates vérités.

Créateur et ancien directeur de recherche de l’Unité de prévention du risque chimique au CNRS (en retraite), il a fondé une association aussi remarquable que méconnue, ATC (ici),  à la frontière entre toxicologie et chimie. Un vaste triangle des Bermudes où disparaissent chaque année des milliers de prolétaires français, dans l’indifférence la plus totale de ceux qui paradent à la télé. André Picot – avec la collaboration de Jérôme Tsakiris, de Joëlle et Pierre David, d’ATC également – vient de publier un rapport de haute tenue, qui n’est certes pas une publication scientifique, mais qui n’a rien à voir avec Pif le chien. Vous pouvez la télécharger directement à l’adresse suivante : http://atctoxicologie.free.fr/, puis en cherchant le dossier Gaz de schiste, daté de mai 2011. C’est très facile.

Or donc, il s’agit encore de gaz de schistes. Les lecteurs de Planète sans visa commencent à connaître. Je ne vais pas commenter en détail ce document exceptionnel de 46 pages, qu’il me faudra d’ailleurs plusieurs jours pour digérer. D’ores et déjà, je peux vous garantir qu’il contient des informations remarquables. Et inquiétantes. Je n’en prendrai qu’une : l’affaire des morts subites d’oiseaux aux États-Unis. On a parlé au début de l’année de pluies d’oiseaux (ici), un peu comme ces pluies de poissons du merveilleux écrivain Haruki Murakami dans son célèbre roman Kafka sur le rivage. Plusieurs personnes, ici même – je songe à Ourse – ont tenté d’alerter sur ce phénomène. À ma grande honte, je n’y ai pas attaché d’importance.

Picot revient en scientifique sur cette affaire, c’est-à-dire sur le mode hypothétique, et voici ce qu’il écrit, à propos bien sûr de l’extraction des gaz de schistes  : « Concernant cette dernière éventualité, diverses roches en particulier riches en hématite (Fe2es O3), hébergent des colonies de bactéries quasi-anaérobies, sulfato-réductrices comme la Dulfovibrio desulfuricans, qui se nourrissant  de sulfures métalliques (pyrites…) libèrent du sulfure de dihydrogène (H2 S) gaz très toxique rencontré de temps à autre dans les gaz remontés au cours de la fracturation. Il ne faut pas oublier que ce gaz nauséabond (à l’odeur d’œuf pourri), tue plus rapidement que le monoxyde de carbone (CO), et est par ailleurs doué d’un effet anesthésiant puissant sur le nerf olfactif. Ceci pourrait expliquer certains décès dans la population vivant à proximité des exploitations, mais également certains événements comme les “pluies d’oiseaux” constatées aux Etats-Unis ».

Voilà qui apporte de l’eau – non polluée – au moulin des opposants et des refusants, dont je suis comme vous le savez. Pour le même prix, un extrait – page 240 – de mon livre Qui a tué l’écologie ? Cela ressemble à de la publicité, mais c’est de l’information. On va y retrouver, comme de juste, un certain André Picot. Attention, c’est parti.

Thierry Chambolle et les incinérateurs

Autre exemple plutôt extraordinaire : Thierry Chambolle. Cet ingénieur des Ponts a été le directeur de l’Eau, de la Prévention des Pollutions et des Risques au ministère de l’Environnement entre 1978 et 1988. Un poste évidemment stratégique. On le retrouve l’année de son départ du ministère au groupe Lyonnaise des Eaux, dont il a surveillé les activités pour notre compte à tous. Il en deviendra le numéro 3 et en fait  toujours partie aujourd’hui, bien que né en 1939. Est-ce moral ?

Poursuivons. Chambolle, passé au service de la Lyonnaise, n’oublie pas le service public, pensez bien. On le verra, au fil des ans, occuper en même temps des postes aussi prestigieux que ceux de président du conseil scientifique du BRGM – public-, président du Cemagref – public – et responsable de quantités de structures hautement utiles.

En 1993, il est aussi membre du « Comité des applications de l’Académie des Sciences », le Cadas. Quasi-académicien, Chambolle va animer un groupe de travail sur la dioxine, dont sortira le 20 septembre 1994 un stupéfiant rapport appelé : « La dioxine et ses analogues ». S’il est stupéfiant, c’est qu’il exonère la dioxine de pratiquement tous les problèmes qu’elle pose pourtant. Au même moment, l’agence fédérale américaine en charge de l’environnement, la célèbre EPA, publie un document terrible de 2000 pages sur les dangers de la dioxine, même à des doses infinitésimales.

S’il est stupéfiant, c’est qu’il a délibérément écarté les éléments fournis par l’un des membres les plus éminents du groupe de travail, André Picot. Ce dernier, sans doute l’un des meilleurs connaisseurs de la dioxine en France, refuse dans un mouvement de révolte inédit que son nom figure dans le compte-rendu de l’étude.

S’il est stupéfiant, c’est que figure, au milieu de dizaines de pages techniques, un coup de pouce providentiel aux industriels de l’incinération. Citation : « Il est donc très souhaitable que soit évitée une réglementation excessivement contraignante » pour les émissions de dioxine dans les incinérateurs d’ordures ménagères.

S’il est stupéfiant, c’est que cet avis autorisé permettra le développement du parc d’incinérateurs le plus important de toute l’Union européenne. Avec émission de dioxine, bien sûr.

S’il est stupéfiant, c’est qu’à la date de publication du rapport de l’Académie des Sciences -1994 -, Chambolle est depuis six ans patron de la Lyonnaise. Laquelle fabrique aussi des incinérateurs. Est-ce moral ? La question a été posée plus haut.

L’extrait est fini. À la prochaine.

Henri Nallet, Bernard Kouchner, Nora Berra et le Mediator

Le grand socialiste Henri Nallet, ancien ministre de la Justice, lobbyiste des laboratoires Servier, propriétaire du poison Mediator ? C’est possible. Il suffit de demander.

C’est de la pure folie, et ça ne fait que commencer. Un médicament criminel, le Mediator, a été accusé d’avoir tué 500 personnes en France. Une étude, dénichée par Le Figaro, et soigneusement dissimulée dans un placard, parle aujourd’hui de 2 000 morts possibles (ici). Or on sait maintenant avec certitude qu’une alerte limpide avait été lancée par de hautes autorités médicales dès 1998, soit onze ans avant le retrait du marché de ce poison (ici). Le scandale est donc patent, foudroyant, inassumable. Les courageux politiciens qui ont eu des responsabilités d’État vont fatalement se refiler cette patate brûlante de manière à pouvoir se défiler.

Comme Bernard Kouchner ? Je ne l’accuse de rien, soyons clair. Mais le fait est que cet ancien médecin, rallié à Sarkozy dans les conditions que l’on sait, a été secrétaire d’État à la Santé entre juin 1997 et juillet 1999. Il était donc en poste lorsque son administration étouffait une vérité gênante pour les laboratoires Servier, propriétaires du médicament miracle Mediator. J’ai le pressentiment qu’il va devoir s’expliquer. Notez que je n’entends pas m’acharner contre lui. L’actuelle secrétaire d’État à la santé de Sarkozy, Nora Berra, a travaillé de 1999 à 2009 pour l’industrie pharmaceutique, notamment Sanofi. La chose est en soi inouïe, caractéristique de cette époque de déréliction morale, mais ce n’est pas tout. Le 16 novembre dernier, alors que le scandale Mediator était pleinement établi, cette malheureuse dame a déclaré sur i>Télé : « Il faudra voir la relation d’imputabilité entre le médicament et ses effets », ajoutant même qu’il faudrait « un gros travail de compilation de données et d’expertise » pour vérifier l’éventualité d’un problème.

Tenez, voulez-vous un scoop ? Ce qui suit en est un. Jacques Servier est un homme de droite, d’une droite dure. Grand bien lui fasse, n’est-ce pas ? Mais le patron du laboratoire qui a commercialisé Mediator sait s’entourer. En 2000, il embauche un certain Henri Nallet, ancien ministre de l’Agriculture, ancien ministre de la Justice. Un bon socialiste, vous pouvez m’en croire. Nallet est recruté pour son carnet d’adresses – on s’en serait douté – et suit en particulier les procédures décisives des Autorisations de mise sur le marché (AMM). Il est toujours appointé par Servier, comme conseiller, au moment où j’écris. À 71 ans. Il est hautement probable que vous verrez sortir ces faits ailleurs, mais je signale que cette info figure dans mon livre Bidoche, publié en septembre 2009 aux éditions Les Liens qui libèrent (LLL). Il faut bien que je me place. Si vous voulez voir la tronche de Nallet parler au nom de Servier, regardez donc ces bien belles images (ici).

Une conclusion ? Oui, une courte conclusion. En face de faits d’une gravité pareille, si nous n’étions pas tous inertes, passifs et même souvent indifférents, il se lèverait enfin un vent de véritable révolte contre l’infamie. Mais j’ai beau me mettre à la fenêtre, je ne vois rien venir. Et vous ?